Le pays qui a donné le coup d'envoi du printemps arabe a gardé son avance en 2011. Malgré quelques hoquets, la constituante est sur les rails.
Le 23 décembre, l'Assemblée constituante a accordé la confiance au gouvernement en approuvant par une majorité sa composition établie par son chef, Hamadi Jebali du parti islamique conservateur Ennahda. Hamadi Jebali avait présenté le 20 décembre la liste de son équipe dont les ministères clés vont à son parti. Ennahda était sorti largement vainqueur des premières élections démocratiques de la Tunisie post-Ben Ali. Le 17 décembre, des milliers de Tunisiens, dont le président Moncef Marzouki, se sont rassemblés à Sidi Bouzid pour commémorer le premier anniversaire du soulèvement populaire déclenché à la suite de l'immolation par le feu d'un vendeur ambulant de la cité, Mohamed Bouazizi.
L'Egypte toujours sous le joug militaire
Les espoirs suscités par le départ d'Hosni Moubarak n'auront été que de courte durée. La violente répression par l'armée des manifestations de décembre illustrent le paradoxe d'un pays sorti d'une dictature mais pas encore arrivé à la démocratie.
Où en est-on aujourd'hui ?
Le mois de décembre a été marqué par un double mouvement. D'un côté, la tenue des élections, de l'autre, la résurgeance du mouvement de protestation sur la fameuse place Tahrir, marquée par une forte répression et un soutien moindre de la population en général. Les premiers résultats des élections, fin novembre, notamment au Caire et à Alexandrie, donnent la victoire des islamistes au premier tour (65% des voix). Le parti salafiste Al-Nour (24,3%) talonne les Frères musulmans (36,6%). La deuxième phase, les 14 et 15 décembre, conforte la domination des islamistes. Parallèlement, on dénombre plus d'une cinquantaine de morts dans les violences. Ce 29 décembre, les locaux de plusieurs ONG militant pour les droits de l'homme ont été perquisitionnés. La justice s'intéresse à leur financement. En creux, l'armée au pouvoir leur reproche de recevoir des financements étrangers...
La Syrie termine l'année dans le sang
ONG et Onu s'accordent pour dire que le régime de Bachar el-Assad s'adonne à une répression sanguinaire des manifestants. Sans compter les doutes sur l'intégrité des observateurs envoyés par la Ligue arabe.
Où en est-on aujourd'hui ?
Sur le papier, la fin d'année en Syrie semble marquer un léger mieux. Mais sur le papier seulement. Damas a finalement accepté, le 19 décembre, de recevoir des observateurs de la Ligue arabe sur son sol, quelques semaines après avoir été exclu de l'institution et accepté le principe de l'arrêt de la répression. Las, la veille de l'arrivée des observateurs, le 27 décembre, la ville de Homs, siège des manifestants, a été le théâtre d'une violente répression, selon les observateurs sur place. En outre, le fait que la mission pan-arabe soit dirigée par un ancien militaire soudanais, lui-même soupçonné de crimes de guerre au Darfour, n'est pas là pour rassurer.
La Libye a chassé son dictateur, pas ses démons
Trois mois après la mort de Mouammar Kadhafi, le pays n'a toujours pas de vision claire de son avenir. Le Conseil national de transition travaille sans transparence, la population reste méfiante.
Où en est-on aujourd'hui ?
Si du point de vue sécuritaire, la Libye va mieux, il n'en est pas de même politiquement. Des dissensions se font jour entre les diverses communautés qui composent le Conseil national de transition. Le 26 décembre, les anciens rebelles libyens qui ont combattu les forces de Mouammar Kadhafi ont réclaméune plus grande représentation au CNT, l'organe qui dirige le pays. Quelques jours auparavant, le ministre de l'économie Tahar Charkass, qui occupait un poste officiel sous Mouammar Kadhafi, a dû présenter sa démission sur fond de manifestations réclamant l'exclusion des personnes associées à l'ancien régime. A Syrte d'autres manifestations ont eu lieu ces dernières semaines pour réclamer un meilleur traitement de la part du CNT. Enfin, le gouvernement a dû annoncer le déplacement de certains ministères à Benghazi, point de départ de la révolution, pour calmer la population locale.
Israël n'a pu se prémunir du printemps arabe
Dans le pays qui était jusqu'à présent l'une des seules démocraties de la région, des mouvements sociaux ont marqué l'année. En cause: un Etat qui privilégie la sécurité au détriment du pouvoir d'achat, notamment.
Où en est-on aujourd'hui ?
Les dernières tentes du boulevard Rothschild à Tel Aviv ont été évacuées début octobre, au moment même où le gouvernement débattait vivement des mesures sociales à mettre en place, telles que préconisées par le rapport de l'économiste Manuel Trajtenberg. Une manifestation s'est tout de même tenue fin octobre afin de maintenir la pression. Avec un effet positif semble-t-il puisque le gouvernement a fini par accepter de prendre des mesures à destination des classes populaires et moyennes. Las, la montée des partis musulmans conservateurs chez les voisins d'Israël a abouti à un recul de Benjamin Netanyahu. Celui-ci a finalement annoncé le 20 décembre que les 800 millions de dollars de dépenses militaires qui devaient être redéployés sur des mesures sociales vont finalement rester dans le budget militaire (plus de 14 milliards de dollars au total)
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En Russie, le peuple se réveille
Les dernières élections ont certes confirmé la mainmise de Poutine sur le pays, mais son score est plus que mitigé quand on songe aux fraudes observées. Dans un pays tenu d'une main de fer, les récentes manifestations n'en sont que plus symboliques d'un régime qui tremble sur sa base.
Où en est-on aujourd'hui ?
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées le 29 décembre dans le centre de Moscou pour réclamer la libération du dirigeant d'un mouvement d'opposition russe emprisonné, Sergueï Oudaltsov, malgré l'interdiction de ce rassemblement. La veille, Vladimir Poutine avait rejeté les revendications des opposants et estimé qu'un dialogue avec eux était impossible, jugeant ce mouvement trop désorganisé, sans leader et sans programme. L'opposition a promis d'organiser un nouveau rassemblement après la longue période de jours fériés (du 1er au 10 janvier), sans pour autant fixer de date.
En Grèce, le consensus politique ne se retrouve pas dans la rue
Un pays au bord du chaos financier, un Premier ministre chassé par ses partenaires européens, un gouvernement d'union qui accueille l'extrême droite et des plans d'austérité qui s'enchaînent. Et dans la rue, la population continue de crier son désespoir.
Où en est-on aujourd'hui ?
La population grecque semble totalement assomée par les mesures d'autérité. Le commerce de détail a été frappé par une réduction de 30% des ventes pendant les fêtes de Noël par rapport à la même période en 2010 en raison de la poursuite de la crise. Le gouvernement de coalition, qui va du PASOK à l'extrême droite, est sous surveillance des autres pays membres de la zone euro, et en particulier l'Allemagne et la France. Des élections législatives anticipées se tiendront fin avril. En attendant, le gouvernement devra achever les négociations cruciales sur la restructuration de la dette avant les élections législatives anticipées. Ce 30 décembre, on apprenait que le gouvernement de Lucas Papademos est sur le point de faire de nouvelles propositions. Pour convaincre les financiers d'accepter d'échanger leurs titres contre des obligations de plus longue durée ou avec une décote, celui-ci proposerait que les nouveaux titres émis seraient gagés sur des biens publics. Electricité, autoroutes, chemin de fer, ports, immobilier, foncier , tout pourrait servir de garantie. Appelées obligations de privatisation, ces nouveaux titres d'une durée de cinq ans devraient avoir des taux d'intérêt peu élevés, selon les informations publiés par le quotidien grec Imerisia. Mais ils pourraient par la suite être transformés en actions, lorsque les sociétés sur lesquelles ils sont adossés, seraient privatisées. Ainsi les créanciers privés, qu'il convient toujours de rassurer, disposeraient de la double garantie d'avoir des actifs tangibles en contrepartie de leur prêt et de pouvoir mettre la main sur des actifs publics intéressants à bon compte, le moment venu. Car naturellement, les créanciers obligataires se verraient offrir une prime au moment de la privatisation, pour avoir accepté de renégocier la dette.
L'Espagne a donné le coup d'envoi du mouvement des Indignés
Le 15 mai, sur la Puerta del Sol à Madrid, un premier campement voit le jour. Sept mois plus tard, l'Espagne s'enfonce dans la rigueur et le gouvernement est passé à droite.
Où en est-on aujourd'hui ?
Le 15 octobre, à l'occasion d'une journée mondiale de mobilisation, près de 500.000 personnes défilent à Madrid non loin de la Puerta del Sol. Une partie des indignés a depuis rejoint le mouvement qui lutte contre les expulsions. Fin novembre, la droite a largement remporté les élections: le Parti populaire a obtenu la majorité la plus large de son histoire, avec 186 sièges de députés sur 350, contre 110 au PSOE qui a lui encaissé sa pire défaite. L'Espagne commence 2012 sur fond de récession et déjà mise à genou par plusieurs plans d'austérité.
Etats-Unis : «Nous sommes les 99%»
Le mouvement Occupy Wall Street, démarré à la mi-septembre à New York, s'est rapidement répandu dans plusieurs villes américaines. Les tentes ont disparu, mais les manifestants ont bien l'intention d'utiliser la présidentielle de 2012 comme caisse de résonnance.
Où en est-on aujourd'hui ?
Il n'y a plus de campements aux Etats-Unis. Le 15 novembre, le campement de Wall Street a été évacué manu militari Etats-Unis : «Nous sommes les 99%»par la police new yorkaise. Le 6 décembre, le mouvement Occupy our homes (Occupons nos maisons) lance une journée d'actions pour dénoncer les expulsions effectuées à la demande des grandes banques. Le 14 décembre, un autre mouvement, «Occupy DoE» (Occupons le département de l'éducation) rejoint professeurs et parents d'élèves pour dénoncer les conditions dans lesquelles la mairie de New York veut confier l'ouverture de deux nouvelles écoles à une organisation dirigée par un proche du maire.
Du mouvement «Uncut» à «Occupy London»
Confrontés à un plan drastique d'austérité, les Britanniques ont été parmi les premiers à manifester. Ils occupent encore aujourd'hui deux endroits à Londres.
Où en est-on aujourd'hui ?
Le 15 décembre dernier, les «indignés» de Londres fêtaient à grand renfort de sifflets et tamtam deux mois de campement au coeur de la City, où ils comptaient bien rester jusqu'au Nouvel an. Pari tenu. A Londres, le mouvement «Occupy LSX» (Occupons le London Stock Exchange) semble solidement implanté avec deux camps, à Saint-Paul et Finsbury Park, et l'occupation d'un immeuble laissé vide par la banque suisse UBS. L'immeuble, rebaptisé «banque d'idées», est utilisé pour des débats et témoignages.
Où sont passés les «indignés» français ?
Le mouvement des «indignés» français a fait long feu. Sans que l'on sache très bien si la cause en est la répression policière, violente et rapide à la Défense, la difficile mobilisation à quelques mois des élections, ou la faiblesse des syndicats.
Où en est-on aujourd'hui ?
Le dernier texte sur le site Occupons la Défense est daté du 12 décembre. Il appelle chacun des campeurs à la responsabilité : «Le campement que nous avons créé au milieu de la jungle financière n’est en aucun cas un camp de vacances, c’est un avant-poste révolutionnaire d’un monde plus humain. Ce campement a pour but de fonctionner en marge du système et d’atteindre l’autogestion. Cela implique que chaque personne ici présente se mobilise pour assurer le bon fonctionnement du campement et son avenir. Car nous préparons une révolution. Une lutte contre l’impérialisme financier qui est parfaitement organisé pour exercer son contrôle. A nous de nous organiser pour les combattre, dans la paix et les sourires, mais en gardant en tête que nous sommes ici pour nous battre pour un monde meilleur. Nous pouvons boire, fumer, chanter, nous devons avant tout agir. Il y a toujours quelque chose à faire, que ce soit pour la pérennité du camp ou pour faire passer notre message d’espoir. N’hésitons plus à confronter nos idées, à partager nos connaissances, à demander de l’aide, et, surtout, n’oublions pas que nous sommes dans un mouvement qui se bat activement pour un monde meilleur et que nous avons chacun nos responsabilités de par notre comportement, notre façon de s’exprimer et d’agir.» Le live-stream vidéo répète quant à lui en boucle des images de précédentes manifestations.
L'Islande invente et réinvente la démocratie
Frappée de plein fouet par la crise de 2008, en faillite, l'île a tenté en 2011 de se reconstruire sur de nouvelles bases : constituantes, forums ouverts au plus grand nombre... c'est une nouvelle démocratie qui sort de terre.
Où en est-on aujourd'hui ?
L'ex-Premier ministre Geir Haarde sera bien jugé pour sa responsabilité dans l'effondrement du système financier du pays en 2008, quand il en dirigeait le gouvernement, a décidé en octobre à Reykjavik un tribunal spécial. La Landsdomur, unique Cour habilitée à juger ministres ou ex-ministres et qui n'avait jamais été convoquée auparavant, a décidé d'écarter deux des six charges retenues contre l'ancien chef de gouvernement, qui sera en revanche jugé pour les quatre autres, dont celles en relation avec la faillite de la banque Icesave. Mi-novembre, un programme pour dynamiser l'économie et les exportations très durement frappées par la crise de 2008 a été lancé. Le pays a par ailleurs avancé dans ses négociations d'adhésion à l'Union européenne.
Au Chili, les étudiants veulent en finir avec l'ère Pinochet
Parti de la hausse des frais d'inscription à l'université, le mouvement au Chili a vite dépassé le monde étudiant. En cause, un pays qui vit toujours dans un système mis en place par Pinochet.
Où en est-on aujourd'hui ?
Le ministre de l'Éducation a démissionné et a été remplacé le 29 décembre, devenant le deuxième titulaire du poste à renoncer en cinq mois. Le ministre de l'Agriculture, Jose Antonio Galilea, a également présenté sa démission. Le ministre de l'Éducation a semble-t-il été déçu de la faible marge de manœuvre consentie par le gouvernement pour négocier avec les étudiants, toujours mobilisés fin décembre.