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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 14:45
Marianne - La plume d'Aliocha - Blogueuse associée | Lundi 16 Janvier 2012 à 15:01

 

Trop de déficit public, trop de chômage, pas assez de croissance : la France a joué... et a perdu son triple A. La décision de Standard & Poor's rendue publique le 13 janvier soulève de nombreuses interrogations sur la légitimé d'une agence de notation à imposer ses décisions aux gouvernements. Eléments de réponse avec la blogueuse Aliocha.



(Dessin de Louison)
(Dessin de Louison)
Enron, les subprimes, les banques islandaises, et j’en oublie. On ne compte plus les « erreurs » des agences de notation. La vérité, c’est qu’il ne s’agissait pas d’erreurs. A chaque fois, elles ont encouragé ce qu’elles croyaient juste en application de leur vision libérale (ultra-libérale ?) de l’économie.

En cela, elles ont largement contribué à la crise de 2008, laquelle nous a mené où nous savons. Et il reste encore des gens pour leur accorder le crédit de l’objectivité ? Mais est-ce qu’on ne marcherait pas sur la tête ? « Qu’importe, il est exact que notre déficit public est excessif » avancent, un peu embarrassés aux entournures, ceux qui ne savent plus très bien quoi penser de la situation.

Voici le texte du communiqué de Standard @ Poor’s. Il faut lire le texte, attentivement, mot à mot jusqu’à la fin, pour se rendre compte de son caractère profondément idéologique. Ce n’est pas un défaut en soi, ce qui est ennuyeux, c’est de le prendre pour argent comptant. Comme s’il s’agissait d’un avis parfaitement scientifique et incontestable. Et ce qui est encore plus fâcheux, c’est que l’agence se permette de donner des consignes politiques pour améliorer la situation.

Mais là où cela devient franchement ahurissant, c’est quand les politiques et les médias se jettent dans le panneau, paniquent la population, et promettent d’obéir aveuglément à l’avis de Standard & Poor’s. En clair, nous sommes en train de confier les rênes de notre pays à une agence de notation. Serions-nous devenus fous ?
Je n’ai guère de tendresse pour ces agences, mais je crois qu’elles-mêmes n’ont jamais revendiqué pareil pouvoir. Seulement voilà, leur avis compte sur les marchés financiers (moins qu’on ne l’imagine), sert les intérêts des politiques en pleine campagne présidentielle (plus qu’on ne le pense) et alimente les médias (au même titre que le tsunami au Japon ou l’affaire DSK). Une fois qu’on a créé la panique, il s’agit d’informer minute après minute des derniers développements de la catastrophe, des réactions des uns et des autres, des conséquences sur la vie des français etc.

Le communiqué de Standard & Poor's

PARIS, le 13 janvier 2013
Résumé

Standard & Poor’s abaisse la note à long terme, non sollicitée, de la République Française à « AA+ ». Dans le même temps, nous confirmons la note à court terme, non sollicitée, de la République Française à « A-1+ ». Cet abaissement traduit notre opinion sur l’impact des difficultés croissantes de la zone euro — à laquelle la France est étroitement intégrée — dans les domaines politique, financier et monétaire.
La perspective attachée à la note à long terme est « négative ».

Décision de notation

Le 13 janvier 2012, Standard & Poor’s Ratings Services abaisse la note non sollicitée à long terme de la République Française de « AAA » à « AA+ ». Dans le même temps, la note non sollicitée à court terme « A-1+ » est confirmée. Ces notes sont retirées de la liste de surveillance où elles avaient été placées avec implication négative le 5 décembre 2011. La perspective attachée à la note à long terme est « négative ».
Notre évaluation des risques de transfert et de convertibilité (T&C) pour la France, comme pour tous les membres de l’Union Economique et Monétaire Européenne (la zone euro) demeure « AAA », car nous estimons extrêmement faible la probabilité que la Banque Centrale Européenne (BCE) limite l’accès des entités non-étatiques aux devises étrangères pour le service de leurs dettes.
Cette opinionse fonde sur l’accès plein et entier aux devises étrangères dont bénéficient actuellement les détenteurs d’euros, situation qui nous semble devoir perdurer dans un avenir prévisible.

Argumentaire

L’abaissement traduit notre opinion sur l’impact des difficultés croissantes de la zone euro dans les domaines politique, financier et monétaire. L’issue du sommet de l’Union Européenne du 9 décembre 2011 et les déclarations ultérieures des différents responsables politiques nous ont conduit à considérer que l’accord obtenu ne constituait pas une avancée suffisamment importante, ni dans son étendue, ni dans son montant, pour permettre de résoudre structurellement les difficultés financières de la zone euro.

Nous estimons que cet accord politique n’offre ni les ressources additionnelles, ni la flexibilité opérationnelle suffisantes pour soutenir les plans de sauvetage européens et ne constituerait pas non plus une mesure de soutien suffisante pour les Etats de la zone euro faisant l’objet d’une pression accrue des marchés.

Nous pensons également que cet accord se base sur un diagnostic incomplet des causes de la crise, à savoir que les turbulences financières actuelles proviendraient essentiellement du laxisme budgétaire à la périphérie de la zone euro. Nous pensons pour notre part que les problèmes financiers auxquels la zone doit faire face sont au moins autant la conséquence de l’accroissement de déséquilibres extérieurs et de divergences en matière de compétitivité entre les pays du noyau dur de la zone et les pays dits « périphériques ».

Il nous semble donc qu’un processus de réformes basé sur le seul pilier de l’austérité budgétaire risque d’aller à l’encontre du but recherché, à mesure que la demande intérieure diminue en écho aux inquiétudes croissantes des consommateurs en matière de sécurité de l’emploi et de pouvoir d’achat, entraînant l’érosion des recettes fiscales.
Par conséquent, nous avons ajusté à la baisse le score « politique et institutionnel » de la France, conformément à nos critères de notation des Etats Souverains.

Cette décision traduit notre opinion selon laquelle l’efficacité, la stabilité et la prévisibilité des politiques et des institutions européennes n’ont pas été suffisamment renforcées au regard de l’intensité de ce que nous estimons être une crise financière qui s’accroît et s’aggrave au sein de la zone euro. Les notes de la France continuent de refléter notre opinion sur le fait que le pays bénéficie d’une économie riche, diversifiée et résiliente, ainsi que d’une main d’œuvre hautement qualifiée et productive.

Ces points forts sont partiellement contrebalancés, selon nous, par un endettement public relativement élevé ainsi que par les rigidités du marché du travail. Nous notons toutefois que le gouvernement a engagé une stratégie de consolidation budgétaire ainsi que des réformes structurelles à cet égard.

Perspective : négative

La perspective « négative » attachée à la note à long terme de la France indique qu’il existe selon nous au moins une chance sur trois pour que la note soit à nouveau abaissée en 2012 ou en 2013 :
– si les finances publiques déviaient de la trajectoire prévue par les projets de consolidation budgétaire.
– si la croissance économique de la France pour 2012 et 2013 se révélait inférieure aux prévisions actuelles du gouvernement (respectivement de 1% et 2%), les mesures budgétaires annoncées à ce jour pourraient s’avérer insuffisantes pour atteindre les objectifs de réduction des déficits pour ces mêmes années.
– si les déficits publics de la France restaient proches des niveaux actuels, conduisant à l’augmentation progressive de la dette publique nette au-delà de 100% du PIB (contre un peu plus de 80% actuellement), ou si la croissance économique devait demeurer faible sur une période longue, cela pourrait conduire à une dégradation d’un cran de la note.
– si un accroissement des risques économiques et financiers dans la zone euro conduisait à une augmentation substantielle des engagements conditionnels ou à une détérioration significative des conditions de financement extérieur.

A l’inverse, la note pourrait se stabiliser au niveau actuel si les pouvoirs publics parviennent à mettre en œuvre de nouvelles réductions des déficits afin de stabiliser le ratio d’endettement public dans les deux à trois prochaines années, ainsi qu’à mettre en place des réformes favorisant la croissance économique.

« Les agences n’ont pas d’autre pouvoir que celui qu’on leur accorde. »

Vous aurez compris que les agences nous attendent au tournant. Elles vont désormais juger la pertinence des réformes qu’on ne manquera pas de mettre en oeuvre pour leur plaire. A  l’aune de leur propre vision de l’économie.

Tirons donc le fil de tout ceci. La note est importante car elle contribue à déterminer le taux auquel nous empruntons. Je dis bien « contribue ». Point. Lui accorder un quelconque autre effet relève de la plus pure aberration. Les agences n’ont pas d’autre pouvoir que celui qu’on leur accorde.
Seulement voilà, nous sommes en train de découvrir, effarés, à quel point nous nous sommes livrés pieds et poings liés aux marchés financiers. Et dans ce contexte en effet, il devient difficile de mépriser la note attribuée par Standard & Poor’s à la France. De là à en surestimer le poids…
 
Retrouvez Aliocha sur son blog.

 

Qui a fait reines les agences de notations ?
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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 14:37

 

Techniques d'approche 16/01/2012 à 14h44


 

A l'approche de la présidentielle, les marchands d'influence multiplient les rendez-vous pour se lier avec les politiques. Le PS est particulièrement sollicité.

 


La scène des spaghettis dans « La Belle et le clochard » (Walt Disney)

 

Pendant les quelques mois qui précèdent le vote, les cabinets de lobbying sont sur les dents. A chaque jour son lot d'événements pour tenter de faire passer des messages aux décideurs politiques de demain.

La journée du 17 janvier est particulièrement chargée. Le matin, le cabinet de conseil en communication Image 7 organise pour le syndicat des industries numériques une conférence de presse dans les salons de la Maison des centraliens, située dans le VIIIe arrondissement de Paris. L'objectif : la présentation de onze propositions aux candidats à la présidentielle.

Le même jour, le gratin d'Areva, d'EDF, de Total et de Dalkia diffusera sa bonne parole au colloque organisé, à la Maison de la chimie, par le club parlementaire Energie et développement présidé par le député François-Michel Gonnot. Les tops managers de la filière nucléaire auront l'honneur de croiser NKM et Eric Besson mais aussi Michel Sapin, l'ordonnateur du programme de François Hollande, avec qui ils ont eu maille à partir, avec la signature de l'accord PS-EELV.

Le soir même, l'agence de lobbying Com'Publics réunit à dîner, au nom de la fédération nationale porcine, les députés UMP du club parlementaire des Amis du cochon pour parler de l'enjeu de la méthanisation. Ceux de l'opposition ont déjà été conviés en décembre.

Filière porcine : un clivage UMP-PS trop important

Fabrice Layer, consultant chez Com'Publics, confie :

« Dans ce genre de période, il faut éviter la foire d'empoigne. Le clivage idéologique entre l'UMP et le PS sur la filière porcine est trop important. Mais la période est une chance pour nous, on peut mieux défendre nos positions. »

Après plus de vingt ans de droite au pouvoir, la possibilité d'une victoire de François Hollande et d'un changement de majorité parlementaire change assurément la donne pour les entreprises. Leurs directeurs des affaires institutionnelles ou les cabinets de lobbying mandatés s'activent comme jamais pour aborder au mieux les changements de cap. La session parlementaire prenant fin en mars, cela leur laisse du temps.

Lobbying zélé

Colloques, petits-déjeuners, déjeuners : tout est bon pour se faire remarquer des candidats et en particulier des états-majors présidentiels. Olivier Le Picard, président de Communication et institutions, explique :

 » Comme on ne connaît pas le résultat, nous devons être en relation avec les équipes de tous les candidats pour faire passer les arguments de nos clients. »

« Nous transposons notre action auprès des parlementaires aux responsables thématiques des équipes de campagne », ajoute Fabrice Layer. Parmi les thèmes qui préoccupent le plus les entreprises, reviennent en boucle l'énergie, le coût de l'emploi, le « made in France » et la TVA sociale.

Un partenariat avec Public Sénat

Sur le marché de l'influence, Séance publique, qui recense parmi ses clients prestigieux Air France, EDF ou Suez, a anticipé l'échéance depuis un an. Le cabinet dirigé par Capucine Fandre a mis en place toute une palette d'actions détaillées sur leur site internet.

Séance publique est ainsi partenaire de l'émission « A l'heure du choix », diffusée sur Public Sénat. Pendant une heure, deux politiques de camp opposé s'affrontent sur une thématique.

Le 23 janvier, ce sont François Rebsamen et Claude Guéant qui débattront sur la sécurité. A la sortie, les deux ténors politiques ne manqueront pas de croiser une poignée de clients de Séance publique, invités pour l'occasion. Ils auront en leur main une petite note préparée aux oignons par l'agence de lobbying.

Un cycle de conférences pour « rénover le dialogue entre l'Etat et les partenaires privés » a aussi été mis en place. Ces « Ateliers 2012 », prévus jusqu'en mars et qui coûtent la bagatelle de 5 000 euros, ont déjà accueilli Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental et le vice-président centriste du Sénat Jean-Léonce Dupont, en présence de responsables d'Eiffage concessions et de Suez environnement.

Sont aussi proposées :

  • des activités de veille tarifées à 8 000 euros l'année ;
  • une cartographie des entourages des candidats ;
  • des prises de rendez-vous avec des responsables thématiques des équipes de campagne ;
  • mais aussi avec des parlementaires et des membres de cabinets ministériels et des responsables de think tanks.

La vogue de ces boîtes à idées n'a pas échappé à Séance publique. Encore moins leur mode de financement qui dépend parfois de fonds privés. Le cabinet de lobbying a récemment organisé un rendez-vous avec Olivier Ferrand de Terra Nova pour un de ses clients. L'intention était claire, confie Anne Gourault de Séance publique :

« Terra Nova est proche du PS, tout en étant financé par des entreprises. Notre client voulait comprendre leur fonctionnement et voir comment faire passer ses opinions par leur biais. »

Le lobbying à la française

Dans leur activité au quotidien sous tension, les lobbies ne se contentent pas de gagner la bataille des idées. A la pause café, ils essaient d'établir des liens durables avec les responsables de demain. C'est une nécessité.

Par rapport aux méthodes d'influence pratiquées à Bruxelles, le lobbying à la française repose encore sur des rapports très (et trop ? ) personnels. L'équipe de François Hollande est bien évidemment particulièrement sollicitée. « Les lobbys prennent contact avec les futurs ministrables pour leur proposer leurs services », observe un proche du candidat socialiste.

Perçu comme un premier ministrable, le président de la commission des finances Jérôme Cahuzac est une proie de premier ordre qu'il s'agit d'appâter par tous les moyens. Même les moins recommandables.

Un parlementaire raille :

« Certains lobbyistes ont dû se rendre dans la clinique de sa femme spécialisée dans les problèmes de calvitie. »

Mélange des genres

Pour faire valoir les intérêts de leurs clients, certains cabinets n'hésitent à mélanger les genres. Euro RSCG, qui conjugue activités de communication et de lobbying, conseillait Dominique Strauss-Kahn. « Cela leur avait rapporté au début des clients, aujourd'hui sans doute un peu moins », persifle un cabinet concurrent.

Pascal Tallon, l'un des associés de Paul Boury associés, a été l'un des piliers de l'association Désirs d'avenir de Ségolène Royal, en 2007. Aujourd'hui, ce diplômé d'HEC dit faire la part des choses entre ses activités professionnelles et son amitié pour François Hollande. « Quand on est lobbyiste, c'est difficile de conseiller en même temps les hommes de pouvoir », explique-t-il, dans ses bureaux prestigieux situés à deux pas de l'Assemblée nationale.

Il passe pourtant pour être l'un des relais dans le monde de l'entreprise du député de Corrèze, par ailleurs ami de Paul Boury.

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 18:01
Marianne - Pierre Chantelot et Francis Daspe - Tribune | Dimanche 15 Janvier 2012 à 12:01 | Lu 2476 fois

 

La libéralisation de l'enseignement renforcée pendant le mandat de Sarkozy porterait atteinte à la qualité de l'enseignement et de l'éducation. C'est ce qu'expliquent Pierre Chantelot et Francis Daspe, qui craignent l'émergence d'une « école à plusieurs vitesses ».



(Urgence école en solde - Wikimédia - TwoWings - cc)
(Urgence école en solde - Wikimédia - TwoWings - cc)
Depuis plus de quinze ans, un changement sans précédent du métier d’enseignant est à l’œuvre. Il résulte des préconisations libérales qui n’ont de cesse de démanteler le système public d’éducation pour le livrer sans vergogne aux appétits privés. Les vœux du président-candidat Sarkozy à la communauté éducative le 5 janvier 2012 à Poitiers témoignent d’une accélération fulgurante. Le triptyque autorité, autonomie et flexibilité est convié à cet effet.
Comme pour l’université avec la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités), l’autonomie serait donc la solution idéale permettant de résoudre les problèmes pour tous et partout. Si le système éducatif fonctionne mal, c’est qu’il n’est pas assez autonome. L’autonomie ne doit pas être réduite à sa seule dimension budgétaire. C’est un processus permettant la mise sous coupe non seulement financière mais aussi intellectuelle de la sphère éducative et l’accroissement des inégalités avec une école à plusieurs vitesses. Après l’université, au tour des autres cycles de l’éducation nationale d’être pris comme cible.

La restauration de l’autorité des maîtres dans l’école publique passe pour Nicolas Sarkozy par la copie du modèle de l’école privée où ce sont les équipes dirigeantes qui choisissent leurs enseignants. Cette autonomie n’est ni plus ni moins qu’un chantage pervers envers la communauté éducative : elle doit obéir, sinon c’est la porte. C’est là clairement l’utilisation pernicieuse d’un mode managérial ouvrant la voie au règne des petits chefs.

+ d'autonomie = + d'inégalités

Plusieurs universités sont passées sous la tutelle du rectorat après avoir vu leurs budgets en déficit. C’est la réalité de la LRU et de l’autonomie. Pour les collèges et les lycées, l’autonomie se traduira par des changements destructeurs sans précédent.

Les plus riches établissements des centres-villes seront les gagnants de la mise en concurrence. Ils se développeront en attirant des enseignants qui accepteront toutes les conditions de travail : mise sous tutelle des pratiques et des contenus pédagogiques, modulations du service,  changement de la matière enseignée, etc. Dans le même temps, lycées et collèges des secteurs populaires verront partir leurs enseignants et leur budget, prélude pour certains d’entre eux à leur fermeture.

L’autonomie budgétaire va de pair avec le désengagement de l'État ; elle constitue une entreprise de destruction des libertés pédagogiques et de démantèlement des cadres réglementaires, en terme de recrutement ou de diplômes. Le but est clair : casser tous les cadres nationaux qui garantissent le maintien de l’ambition d’égalité et démanteler par la même occasion les statuts des personnels.

Les enseignants exercent un métier d’intellectuel se situant au cœur de la construction des processus d’apprentissage. L’exigence d’un master 2 pour enseigner aurait pu signifier une volonté d’élévation du niveau disciplinaire et de qualification. Or ce fut un marché de dupe. La casse de la formation d’enseignants jetés, sans expérience, sur le terrain a mis un coup d’arrêt brutal aux rêves de nombreuses vocations.

La dévalorisation du métier d'enseignant

Le développement de l’émancipation intellectuelle doit être le garant de la conception de cours en toute liberté pédagogique. C’est pourquoi les contenus des masters d’enseignement doivent être en prise directe avec la recherche universitaire, posséder un contenu disciplinaire fort et une formation contextualisée indispensable à la mise en pratique de savoirs théoriques.

Mais c’est le contraire qui est visé : l’enseignant est progressivement amené, contre sa volonté, au rang de prestataire de service devant utiliser des mallettes pédagogiques toutes faites et vendues à prix d’or par des entreprises privées. L’avalanche des réformes au lycée conduit au final à déstabiliser les équipes pédagogiques et à casser le moral des enseignants. C’est un véritable travail de sape pour dévaloriser le métier d’enseignant.

A travers ce bouleversement radical du métier d’enseignant et des missions dévolues à l’école de la République, c’est une nouvelle vision de la société que la droite veut promouvoir. Une société fondée sur le renoncement, la concurrence et la marchandisation, aux antipodes de notre volonté de mettre au plan de nos préoccupations l’égalité, l’émancipation et « l’humain d’abord ».
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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 17:54
Marianne - Sylvie Archambault | Dimanche 15 Janvier 2012 à 18:01
Un récent sondage publié par le Figaro n'a pas suscité l'intérêt qu'il aurait mérité : plus de quatre Français sur cinq (83%) pensent que les responsables politiques ne se préoccupent pas d'eux, et une majorité réclame une réforme «en profondeur» du capitalisme.



(capture d'écran Youtube - seeprogress - CC
(capture d'écran Youtube - seeprogress - CC

Il eut été fort instructif d'analyser cette défiance envers le pouvoir politique (et son  augmentation : 60% des sondés  pensent que le fonctionnement de la démocratie n'est pas satisfaisant contre 48 % en 2009)  et cette remise en question de la légitimité de l'ordre capitaliste.
Or les partis proposant un programme collant véritablement à ces aspirations, qui  proposent une réforme de nos institutions pour plus de démocratie et un remaniement profond de la réglementation de l'environnement économique  ne décollent pas dans les intentions de vote des français. Pourquoi ? La question mériterait d'être posée. Pourquoi une analyse si clairvoyante des dérives du système politique et économique côtoie une telle résistance au changement ?

Une réponse en terme de système pourrait nous apporter un certain éclairage.
Le système dans lequel nous évoluons est devenu total, une totalité géographique, les analyses ne manquent pas sur la toute puissance du capitalisme depuis la chute du communisme, mais une totalité fonctionnelle aussi : jamais aucun système n'a atteint cette perfection dans l'unification des besoins et des désirs.  Il régente notre vie professionnelle, notre vie politique, notre vie sociale  mais  aussi privée à travers sa boîte à images. 

C'est la première fois dans l'histoire que la personne humaine a si peu d'autonomie, est ainsi soumise à jets continu aux pressions et impératifs émanant d'une seule et même source, car sous des apparences de séparation ce sont bien les mêmes groupes d'intérêt qui coordonnent tout cela : autrefois la société était structurée  des conflits entre groupes sociaux à intérêts divergents : par exemple sous l'ancien régime entre la noblesse qui avait le pouvoir politique et la bourgeoisie qui avait le pouvoir économique, au XIX° siècle entre capitalistes et prolétariat. De plus, quantité de personnes gravitaient autrefois autour du système sans en faire véritablement partie : le milieu paysan par exemple qui évoluait  en quasi autarcie et assurait sa vie sur le mode familial beaucoup plus que sociétal.


Plus personne n'échappe aujourd'hui au système. 
Il est devenu monstrueux, tentaculaire et a acquis son autonomie par rapport à l'être humain : il n'a quasiment plus besoin de lui ( la valeur travail diminue constamment dans le processus de production) et quand il ne peut s'en passer ( le consommateur ou le maintien de l'ordre social) il a à sa disposition les techniques les plus perfectionnées et abouties de formatage cérébral : abrutissement par le désir de possession et la propagande, agitation des peurs pour justifier la répression de la puissance publique.

Notre civilisation est bien plus proche de ce qu'a décrit Orwell dans son "1984" ou encore d' "un bonheur insoutenable" de Levin que de l'aliénation marxienne : c'est  la soumission à un ordre total et totalitaire.

Tout système a pour but et fonctions premières d'assurer sa pérennité : il va donc utiliser tous ces moyens pour convaincre qu'aucune alternative n'est possible ou même plus qu'il n'y a pas d'alternative. Il va isoler socialement chaque individu et le persuader que ses penchants naturels pour la compassion ou la solidarité sont utopiques et naïfs et que les valeurs de compétition et de domination prônées par le système sont les seules portes du bonheur et de l'accomplissement de soi. 

L'homme est écrasé, réduit à néant, devenu dépendant (et accessoire) du système, incapable de penser hors du cadre. Voici pourquoi, même s'il peut être attiré par le discours des plus révolutionnaires, par les analyses les plus clairvoyantes des injustices du système, il ne croit plus en sa propre capacité à changer l'ordre des choses et le cours des événements. 

J'ai vu récemment une intervention de J. Généreux qui retraçait l'historique de la pensée néo-libérale et de la façon dont peu à peu elle avait envahi tous domaines et pays. Il disait que depuis les 30 années où la propagande contre l'état providence sévissait, nous étions en ce moment en train d'en vivre seulement les premiers effets, car la génération qui avait connu un système économique plus solidaire offrait encore des résistances idéologiques. Par contre, disait-il, la jeune génération qui arrivait en ce moment sur le marché du travail elle, avait tété au biberon ces dogmes néo-libéraux, avait parfaitement acquis par exemple que la retraite à 60 ans n'était pas "réaliste" ou qu'il est normal qu'il y ait des chômeurs.. Il n'était pas très optimiste pour les années à venir...


Ceci dit, on peut changer de lorgnette et voir tout ce qui est en train de bouger partout... une contestation du système est en train d'émerger, les signes en sont évidents. Ils correspondent à une prise de conscience, à la conquête idéologique préalable à toute révolution, chère à Gramsci mais aussi, on peut très bien le voir, à un ralliement d'une partie de "l'élite" à sa contestation, qui est une étape déterminante du processus de changement. 

Mais, deuxième caractéristique, ils n'émergent plus selon les mêmes processus qu'autrefois : ils refusent toute structuration politique ou syndicale, toute idée même de structuration verticale car ils ont bien compris que ces structures font partie du système qu'ils dénoncent. (ce qui permet d'ailleurs aux défenseurs du système de dénigrer et donc de nier la réalité de ces manifestations : cela ne sert à rien, ils ne sont pas organisés, ils n'ont pas de programme....) 
Cette étape préparatoire pourra être très rapide ou prendre des années,cela dépend des conditions extérieures (la criiiiise ! ) et donc du ralliement du plus grand nombre à sa cause . 
Cela dépend aussi de la capacité, qu'il ne faut pas minimiser,  du capitalisme à récupérer et à intégrer cette contestation, comme il le fit de la contestation de 68.


Ces expériences marginales sont encore épisodiques, isolées, sans liens organisés les unes avec les autres... mais ce temps viendra car elles marquent de plus en plus l'opinion publique, parce qu'elle sont le fait de jeunes qui savent parfaitement utiliser au profit de leur action les techniques et les sciences de communication actuelles : we are the 99 % est un slogan qui n'a pas fini sa carrière .

 

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 18:29
| Par François Bonnet

La dégradation de la note de la France n’est pas une surprise. Dès novembre, nous l’annoncions comme imminente (lire ici l'article de Martine Orange), tant l’évolution de la crise des dettes publiques en Europe et l’incapacité du couple franco-allemand à l’endiguer la rendaient inéluctable. Elle peut même apparaître comme logique, voire bienvenue si l’on veut bien considérer qu’enfin, le vrai débat va pouvoir commencer. Combien de gesticulations politiques, de compromis médiocres et de confiscations démocratiques (lire ici) ont-ils été effectués ces derniers mois au seul prétexte de ne pas « agacer » les marchés et ces chères agences de notation ?

Au moins le paysage est-il éclairci. L’ampleur de la crise, comme nous n’avons cessé de le répéter dans nos éditoriaux et analyses, ne peut se satisfaire d’une gestion désordonnée faite sur fond de calendrier électoral en France, mais aussi en Allemagne. Cette perte du triple A de la France vient à point nous rappeler comment l’Europe, faute de volonté et d’ambition politique depuis deux ans, a été incapable de forger des accords qui auraient permis d’imposer aux banques, aux marchés et par conséquence aux agences de notation une politique basée sur la régulation, la solidarité et l’ambition sociale.

 

Nicolas Sarkozy, le 9 décembre, conférence de presse. 
Nicolas Sarkozy, le 9 décembre, conférence de presse.© (Elysée.fr)

 

Puisque ce même vendredi les représentants des banques ont en plus suspendu les négociations sur la restructuration de la dette grecque, c’est donc tout le village Potemkine construit à coup de « sommet européen de la dernière chance » qui s’écroule. Nous en étions restés au faramineux conseil européen du 9 décembre, et à son accord censé sauver l'euro et éteindre la crise des dettes souveraines. Comme prévu (lire ici notre article : Sarkozy et l’« accord européen », les dessous d’une supercherie), il n’en reste rien.  

Avant cette nouvelle initiative de Standard and Poor’s, l’Europe elle-même s’employait à détricoter habilement ce que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avaient imposé en décembre : un nouveau traité européen définissant une nouvelle gouvernance européenne. A Bruxelles, notre collègue Ludovic Lamant (lire ici son confidentiel) a justement constaté que le processus de ratification de ce texte par les Etats membres pourrait être bien plus long que prévu : même s’il était formellement adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement avant mars – voire dès la fin janvier –, la ratification s’échelonnerait jusqu’en… 2013.

Bip-Bip vs Coyote

Cette perte du Triple A – « ce trésor national », selon l’oracle Alain Minc  n'est donc pas une surprise. Mais elle est un événement et il concerne en tout premier lieu Nicolas Sarkozy. Depuis le 31 décembre et ses vœux télévisés aux Français, le président est engagé dans une ébouriffante tentative de storytelling, visant à force d’agitations, d’annonces tous azimuts, de « cellule riposte », de cérémonies de vœux (la dernière aura lieu après le 25 janvier), à nous construire une France virtuelle dotée d’un président-candidat autre, lui-même armé d’un tout nouveau programme !  

Vous pensiez assister à une campagne électorale ? Pas du tout. Nous sommes en début de mandat et le président engage de vastes réformes structurelles : la TVA sociale ; la taxe Tobin ; la réforme de la justice (généralisation des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels) ; l’intégration progressive des salariés précaires dans la fonction publique. Sans oublier un vaste sommet pour l’emploi, une reprise des négociations avec les syndicats, un projet de formation des chômeurs, une réforme de l’éducation. Vous avez dit crise de la zone euro ?  

C’est cet activisme hypnoptique que François Fillon a relayé ces derniers jours, en rencontrant les parlementaires de la majorité. Pour leur annoncer une session exceptionnelle du Parlement, sans doute jusqu’à début mars ! Et pour présenter une batterie de projets de lois à examiner en urgence ! Pour tous ceux qui se souvenaient de l’humble interview présidentielle au Figaro Magazine, en mars 2010, ce tournis d’annonce a semblé aberrant : « Au second semestre 2011, le gouvernement marquera une pause pour que le Parlement puisse, s'il le souhaite, délégiférer et compléter toutes les réformes pour les améliorer », disait alors Nicolas Sarkozy.

L’Elysée, toujours fier de délivrer quelques formules guerrières, a défini la stratégie. Après la « cellule riposte », voici la campagne dite « cible mouvante » : vous le croyez ici, il est déjà là-bas. C’est le feu follet version derviche tourneur. Ou plus simplement le remake du vieux comics de la Warner, Bip-Bip/Sarkozy contre Coyote/Hollande :

 

 

 

Bip-Bip Sarko pensait ainsi dicter l’agenda, créer l’actualité, redevenir ce qu’il fut en 2007-2008 : le grand rédacteur en chef de la France et des médias, contraints de soupeser le moindre soupir présidentiel et de demander aux concurrents leurs réactions.  

Standard and Poor’s a au moins le mérite de mettre fin au dessin animé. La réalité est de retour ! Etats en faillite, égoïsmes nationaux, peuples écrasés par l’austérité, chômage de masse, échecs européens. Et pour comprendre ce qui est en train de survenir, anticiper les prochaines crises, cela signifie regarder en arrière, faire le diagnostic des actions conduites depuis deux ans, de cette avalanche d’annonces non suivies d’effet, de plans mirifiques devenus mesurettes.


Un florilège Baroin

Nul doute que gouvernement et UMP vont maintenant se livrer à une pédagogie active du « Ce n’est rien ». François Baroin a commencé dès vendredi soir au journal de France-2, estimant que ce n'était "pas une catastrophe" (lire ici notre article). Tant pis pour le bavard Alain Minc qui déclarait le 28 octobre dernier, sur Europe1 : « Nicolas Sarkozy est accroché au AAA de la France de manière totale, il joue sa peau d'une certaine façon. C'est un choix profond. Il ne peut pas se permettre une dégradation. »

Il est vrai que l’essayiste ne faisait alors que relayer la parole gouvernementale. Le 17 octobre, François Fillon assure que ce triple A « est un acquis extrêmement précieux qu'il ne faut en aucun cas fragiliser et c'est un acquis […] qui n'est pas intangible ». En écho, le ministre des finances, François Baroin, s’emploie à rassurer les Français : « Nous serons là pour conserver ce triple A. C'est une condition nécessaire pour protéger notre modèle social, ose-t-il alors. Nous prendrons toutes les mesures, donc il n'y a pas d'inquiétude. Tout est mis en œuvre depuis trois ans pour ne pas être dégradés. »

Rassurant et assuré, François Baroin ose même presque tout : puisqu’il s’agit de décrédibiliser le candidat Hollande, voilà le ministre qui, deux jours plus tard, s’emballe. Si le programme du PS était mis en œuvre, dit-il, cela « vaudrait à la France de voir sa note dégradée en deux minutes ».

Début décembre, il a fallu faire oublier ce bêtisier, tant il devenait évident que l’évolution de la crise de la zone euro et les échéances d’emprunt de la France provoqueraient la dégradation de sa note. François Fillon et François Baroin se sont donc livrés à l’exercice inverse : non à l’émotion des marchés, aux humeurs des agences, à « l’immédiateté ». Seule compte « la direction », « la trajectoire politiquement structurée et budgétairement rigoureuse que l'Europe, que la France ont décidé d'adopter », croit savoir le premier ministre.

Voilà donc l’agenda de campagne de Nicolas Sarkozy bouleversé. Le président l’acceptera-t-il ? Ce n’est pas certain tant le dernier trimestre 2011 a montré combien son action européenne était d’abord déterminée par les enjeux de politique intérieure. Mais l’accélération probable de la crise, le réveil des institutions européennes (Parlement et commission) jusqu’alors marginalisées et les actions demandées par d’autres pays obligeront sans doute l’Elysée à dévier de son programme. La vraie campagne présidentielle débute enfin. Tant mieux.

 

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 17:01

 

Rue89 - 14/01/2012 à 17h34

Signalé par Blandine Grosjean Validé par Laurent Mauriac

 

à lire sur NYTimes.com  

Les conflits entre riches et pauvres surpassent les frictions raciales entre les immigrants et les Américains natifs et tendent à devenir la principale source de tensions dans la société américaine, selon une étude rendue publique mercredi dernier dont rend compte le New York Times.

Selon cette étude du Pew Research Center, les deux tiers des Américains pensent maintenant qu'il y a des « conflits forts » entre riches et pauvres aux Etats-Unis, signe que le sujet des inégalités de revenus brandi par le mouvement Occupy Wall Street ou par le parti démocrate inquiète de plus en plus l'opinion publique.

Ce thème est aussi en train de devenir un sujet majeur du débat politique. Le président Barack Obama le prend à son compte à l'approche de la campagne pour sa réélection et il agite également les primaires républicainesSi ça continue, il sera bientôt question de « lutte des classes »...

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 16:39

LEMONDE.FR | 13.01.12 | 20h30   •  Mis à jour le 13.01.12 | 20h33

 
 

 

Logo de l'industriel français.

Logo de l'industriel français.AFP/JOHN MACDOUGALL


Un désastre financier et un dossier aux multiples zones d'ombres. Les conditions de rachat de la start-up canadienne Uramin par Areva sont au cœur de la bataille entre l'ancienne présidente du directoire, Anne Lauvergeon – qui a quitté ses fonctions en juin – et le numéro 1 du nucléaire français.

 

  • L'acquisition d'Uramin

En 2006-2007, le cours de l'uranium s'envole sur les marchés mondiaux, dépassant alors les 100 dollars la livre. Face à cette montée, le groupe nucléaire français Areva souhaite sécuriser son approvisionnement. Le 15 juin 2007, il annonce une offre publique d'achat d'une junior entreprise canadienne, Uramin, qui dispose de permis miniers dans plusieurs pays d'Afrique, en Namibie (Trekkopje), en Centrafrique (Bakouma) et en Afrique du Sud (Ryst Kuil).

Pourtant, Uramin n'était pas la cible prioritaire d'Anne Lauvergeon. A l'époque, l'Etat a mis son veto à l'acquisition du géant australien Olympic Dam et par manque de réactivité, Areva n'a pu acquérir la société australienne Summit Resources.

L'offre est finalisée en juillet de la même année pour un montant de 2,5 milliards de dollars américains (soit 1,82 milliard d'euros), ce qui en fait l'une des plus importantes acquisitions de l'histoire du groupe, détenu à 87 % par l'Etat. Un "beau succès", estimait alors l'Agence des participations d'Etat, un service rattaché au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

  • Déroute du projet

Mais les ressources des mines d'uranium de la start-up canadiennes se sont révélées moins riches qu'escompté. Le 12 décembre, Luc Oursel, actuel président du directoire d'Areva, annonce une dépréciation de 1,46 milliard d'euros de sa filiale minière, soit une perte de 80 % de la valeur de rachat d'Uramin. Motifs invoqués : des réserves apparemment surévaluées, une chute des prix de l'uranium – en 2007, Goldman Sachs, notamment, prédisait que la livre d'uranium atteindrait 200 dollars, elle s'échange aujourd'hui à près de 50 dollars – ou encore de capacités de production finalement pas mises en place. Ce fiasco financier alimente aussi les soupçons de tromperie, déjà présents depuis plusieurs mois.

Car d'autres éléments viennent renforcer le climat de suspicion autour de ce dossier. Le cours du titre Uramin a été multiplié par six pendant les six mois précédant l'acquisition de la société minière par Areva, passant de 300 millions d'euros lors de son entrée en Bourse en décembre 2006 à 1,8 milliard en 2007. Un rapport de Goldman Sachs pour EDF, daté du mois d'avril 2007 et révélé fin décembre 2011 par L'Express, soulignait les risques concernant le rachat de la société d'exploration Uramin.

  • Deux enquêtes internes

En interne, l'opération de rachat des gisements soulève aussi de nombreuses questions. Le 25 décembre, Le Journal du dimanche dévoile que deux enquêtes avaient été commanditées début 2010 pour clarifier ses conditions d'acquisition. A l'époque, Anne Lauvergeon est candidate à sa propre succession pour un troisième mandat à la tête d'Areva.

Ainsi, en mars 2010, une première recherche a été confiée par la direction du patrimoine du groupe à la société d'intelligence économique Apic. Dans un entretien au Parisien, daté du vendredi 13 janvier (en accès payant), Marc Eichinger, l'auteur du document confidentiel, affirme que le groupe nucléaire a été victime d'une "escroquerie". "Areva n'avait rien à faire avec Uramin, société qui n'avait aucune production ni aucune ressource prouvée", explique-t-il. L'expert financier avance "un soupçon de délit d'initié avec des opérateurs ayant connaissance très tôt" de la future OPA en 2007. Une hypothèse renforcée par le fait que le groupe s'est basé sur des documents d'une unique société américaine, SRK, "rémunérée par le vendeur". Aucune équipe n'a été dépêchée sur place et aucune expertise indépendante n'a été sollicitée par le groupe, souligne aussi l'expert.

>> Lire : "Soupçons d'escroquerie lors du rachat d'Uramin par Areva"

Les investigations de la société basée à Sciez (Haute-Savoie) se sont également portées sur Daniel Wouters, directeur de la division des mines chez Areva, sur qui planent des soupçons de conflit d'intérêts. Ce banquier franco-belge a été recruté en 2006 pour trouver une mine d'uranium au moment où le groupe cherchait à sécuriser ses sources d'approvisionnement. Lors de sa nomination, il était également responsable de Swala Ressources, une société d'exploitation minière en Afrique. Un double statut qui ne correspond pas "aux bonnes mœurs des affaires", estime M. Eichinger. Daniel Wouters "connaissait le mari d'un cadre dirigeant", ce qui a facilité et accéléré son intégration dans le groupe. "Je n'ai pas pu prouver d'enrichissement indu", précise toutefois l'expert.

Chez Areva, on suspecte aujourd'hui le mari de Mme Lauvergeon, Olivier Fric, d'être à l'origine de ce recrutement, rapporte Le Parisien. Une information démentie par l'avocat d'"Atomic Anne". Le couple a par ailleurs assuré que M. Wouters n'était "pas à l'origine de l'intérêt d'Areva pour Uramin" et que M. Fric ne le connaissait pas avant son embauche par Areva.

Pour le député socialiste Daniel Goua, rapporteur de la mission sur EDF et Areva, l'arrivée de l'ancien banquier s'est faite par un chasseur de tête : "Il fallait quelqu'un qui avait à la fois un profil de banquier et une bonne connaissance du secteur minier". Joint par Le Monde.fr, le rapporteur souligne que les éléments révélés par l'Apic ne permettent pas d'incriminer clairement M. Wouters.

  • Les rôles de Mme Lauvergeon et de son époux

La seconde enquête mandatée par le groupe nucléaire a été révélée le 21 décembre par Le Canard enchaîné. Le journal dévoilait l'existence d'un rapport d'enquête datant du 26 septembre réalisé par une officine privée suisse, Alpes Services, et ciblant notamment le conjoint d'Anne Lauvergeon.

Une partie de l'enquête détaille, selon Me Versini-Campinchi, l'avocat de Mme Lauvergeon et de son époux, l'agenda, les comptes en banque et les données téléphoniques d'Olivier Fric, ainsi que son casier judiciaire et son parcours universitaire. Figurent ainsi "une centaine de numéros joints par le mari d'Anne Lauvergeon de février à juin 2011", indique l'hebdomadaire satirique, qui cite également un extrait du rapport d'enquête selon lequel "les recherches préliminaires menées sur M. Fric n'ont pas permis d'obtenir des informations laissant penser qu'il aurait pu bénéficier de manière illégitime du rachat d'Uramin par Areva".

L'enquête a conduit l'ex-patronne du groupe et son époux à porter plainte contre X, fin décembre, pour "complicité et recel de violation de secret professionnel", "complicité et recel de divulgation de données portant atteinte à la vie privée" et "complicité et recel d'abus de confiance". Le conseil estime que l'affaire Uramin a servi de prétexte pour l'éviction de sa cliente de la tête du groupe nucléaire, en juin. Mme Lauvergeon a par ailleurs assuré fin décembre que l'acquisition d'Uramin s'est faite "dans des conditions de gouvernance irréprochables", et que le montant de l'opération était justifié par le cours très élevé de l'uranium à l'époque.

>> Lire : "Des officines privées ont espionné des proches de l'ex-présidente d'Areva" (édition Abonnés)

Jeudi 12 janvier, Areva a annoncé avoir suspendu le versement des indemnités de départ à Mme Lauvergeon aux conclusions d'une étude sur l'acquisition des gisements d'uranium de l'entreprise canadienne – un comité de trois experts indépendants a été désigné, fin décembre, par le conseil de surveillance d'Areva pour examiner à nouveau ce dossier. La veille, l'avocat de Mme Lauvergeon avait révélé qu'il venait d'assigner en référé Areva pour qu'il verse à sa cliente 1 million d'euros d'indemnités de départ et 500 000 euros au titre d'une clause de non-concurrence, en vertu d'un accord "irrévocable" négocié lors de son éviction.

>> Lire : "Areva suspend les indemnités de Lauvergeon à un audit sur le fiasco Uramin"

  • L'intervention de M. Ricol

En avril 2010, l'Etat, actionnaire majoritaire du groupe nucléaire, a demandé à René Ricol de vérifier les comptes d'Areva. L'ancien expert comptable a ainsi été nommé nouvel administrateur du groupe nucléaire et, surtout, coprésident de son comité d'audit. Sa feuille de route était d'établir la vérité sur des comptes jugés opaques et de regarder de près cette fameuse acquisition. "J'étais venu pour faire la clarté sur les comptes d'Areva, dira-t-il lors de l'assemblée générale du groupe, le 27 avril 2011. La clarté existait avant mon arrivée. J'ai perdu mon temps avec bonheur."

  • Le rapport de la Commission des finances

Pourtant, le 21 juin 2011, l'Etat relance le dossier Areva. Le bureau de la commission des finances a chargé le député socialiste de Maine-et-Loire Marc Goua de conduire un audit financier sur le groupe, notamment sur les modalités de l'acquisition de la start-up canadienne immatriculée dans les îles Vierges (un paradis fiscal situé dans les Caraïbes). Les premiers résultats obtenus ont été présentés en octobre 2011, devant l'Assemblée nationale. Le rapport souligne notamment l'opacité des informations disponibles au moment de l'acquisition et la précipitation dans laquelle s'est effectuée l'OPA.

Les dates des notes consultées dans les services de l'APE remontent aux 7 et 25 mai 2007, soit à une période d'installation ou de transition politique entre le second tour de l'élection présidentielle et le premier tour des élections législatives. Le rapporteur s'étonnait également du caractère "d'urgence" du rachat. Uramin avait semble-t-il fixé au 31 mai 2007 la date limite d'une opération d'achat de ses titres. "Personne ne s'étonne que le calendrier puisse être fixé par le vendeur. Dans ces circonstances, tout devrait inciter à la retenue", indiquait M. Goua.

Joint vendredi par Le Monde.fr, ce dernier appelle à la prudence. "Il y a tellement de rebondissements dans ce dossier... Je me garderais bien de conclure. Aujourd'hui, toutes les hypothèses sont possibles." Et de décliner les possibilités d'une escroquerie du vendeur, d'une escroquerie en interne, d'une décision "prise à la légère" mais pas frauduleuse, voire d'un possible investissement qui se révélerait rentable à long terme... Le rapporteur de la mission sur EDF et Areva devait rendre les conclusions de son audit fin janvier. Une échéance qui sera repoussée à la mi-février, confie-t-il.

 

Aude Lasjaunias

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:39

 

Rue89 - Les initiés 18/12/2011 à 19h27 Alexis Buisson
 

On aimerait croire que les analystes à l'origine de la notation des dettes souveraines sont des monstres sans cœur. Et si cela n'était pas le cas ?

 


Des hommes portant des masques (Photography King/CC)

« Des gens intelligents dans une culture d'entreprise merdique. »

Un employé de hedge fund, qui a souhaité rester anonyme, ne mâche pas ses mots pour décrire les analystes de Moody's. Impossible de vérifier cette affirmation, l'agence de notation ayant refusé nos demandes d'entretiens. Sans surprise.

Qui sont donc ces analystes secrets qui ont le pouvoir, par simple communiqué, de mettre des gouvernements sens dessus dessous ? Eh bien, si l'on en croit une demi-douzaine d'entretiens anonymes avec d'anciens employés de Moody's, des gens ordinaires qui ont des envies… ordinaires, bien loin des fantasmes de la presse.

Un d'eux prétend qu'avant la crise, on choisissait de travailler à Moody's parce que la compagnie offrait un environnement de travail confortable, pas trop mal rémunéré et relativement stable, parfaitement « adapté à ceux qui voulaient aller à l'opéra à 20h ». Pepère quoi.

D'autres décrivent un job peu « glamour ». Rien à voir avec le train de vie de ces traders flambeurs de Wall Street. Un ancien de la division de finance structurée va même jusqu'à comparer la compagnie à – tenez-vous bien – l'« IRS », l'équivalent américain de notre bon vieux trésor public, pour son organisation hiérarchique et son image vieillotte.

« Imaginez la tête de votre maman quand vous lui dites que vous avez trouvé un travail aux impôts ! Moody's, c'est pareil », s'exclame cet ancien, qui conseillait aux analystes « junior » de privilégier les « hedge funds » ou les grandes banques s'ils voulaient gagner leur vie. « Ce n'est pas un endroit où l'on reste toute sa vie. »

Les intellos de la notation

Moody's est un mastodonte de 4900 employés dans le monde, dont 1093 analystes. Le service des investisseurs de l'entreprise est divisé en plusieurs entités qui offrent chacune des services de notation divers à destination des entreprises et des banques.

Son « sovereign risk unit », la cellule qui traite les demandes de notation d'entités publiques, aurait plus de 860 000 dossiers de dettes municipales et nationales en cours de traitement selon l'agence de presse Reuters. Une activité lucrative si l'on en croit le Washington Post qui chiffrait à jusqu'à 220.000 dollars le montant d'un service de notation, dans un article publié en 2004

Nos faiseurs de rois n'ont beau être qu'une petite quarantaine derrière les imposants murs du quartier général de l'agence, à quelques pas d'un Ground Zero en chantier, ils occupent néanmoins une place bien à part dans l'agence.

Tout d'abord parce qu'ils incarnent l'activité historique de Moody's et l'exigence d'intégrité que l'entreprise promet à ses clients depuis sa naissance en 1909. Ensuite, parce que cette unité très spéciale serait composée de vétérans du « risque-pays » qui partagent le point commun d'avoir parcouru le monde à la différence de leurs collègues des autres divisions, pour rencontrer leurs clients et se familiariser avec la culture et les traditions de leur pays.

Historiquement, l'unité s'est distinguée par la « diversité » de son recrutement. A sa création en septembre 1985, à la suite d'une restructuration des services de notation après le fiasco de la crise vénézuélienne de 1983 – Moody's avait accordé un triple A au pays alors qu'il était en défaut de paiement – elle comprenait aussi bien des banquiers que des économistes, multilingues, issus de grandes universités nord-américaines.

Les plus âgés d'entre eux avaient travaillé dans le secteur bancaire ou dans les institutions internationales, type Fonds monétaire international, pendant la crise de la dette latino-américaine des années 70 et 80. Parmi les managers, on comptait un Américain diplômé d'économie internationale à Georgetown et à l'université McGill de Montréal, un ancien de la banque de France et du FMl et un Mexicain diplômé de l'université de San Diego en Californie. L'actuel directeur de l'unité, Bart Oosterveld, est Hollandais et a étudié à l'université de Columbia à New York.

Passion et émotion pour convaincre

L'interaction de ces profils aurait donné lieu, pour ceux qui ont travaillé au sein de l'unité, à un environnement particulièrement stimulant sur le plan intellectuel pour une division d'une grande institution financière. Vincent Truglia, qui a dirigé l'unité de 1992 à 2007, se souvient de confrontations de points de vue et d'échanges d'expérience « passionnés » et « émotionnels » lors des comités de notation au cours desquels l'auteur de l'analyse doit « convaincre » ses pairs de son bien fondé.

Ces débats étaient d'autant plus chauds que « jusqu'en 2003-2004 » la promotion interne n'existait presque pas au sein de la petite unité, poursuit Truglia. Ce qui signifiait que les managers étaient recrutés à l'extérieur de l'entreprise pour favoriser l'expression d'opinions diverses et que les analystes « junior » pouvaient avoir jusqu'à « 10-15 » ans d'expérience au sein de Moody's. Rare dans le monde fluctuant de la finance.

Aujourd'hui associé dans une firme de gestion d'actifs, Truglia insiste sur l'indépendance de son unité : seuls les analystes décidaient de la note finale, assure-t-il, tout simplement parce que la batterie de paramètres, financiers, politiques, institutionnels et économiques qui fondait leur décision, était trop complexe pour des cerveaux extérieurs au groupe.

Il raconte par exemple que quand un dirigeant sud-américain dont le pays venait d'être noté s'est adressé au PDG de l'époque John Rutherfurd pour plus d'informations, celui-ci lui a répondu :

« Je suis l'administration de l'hôpital, adressez-vous aux médecins ».

Pour ces « médecins », la fierté de l'analyste ne venait pas de l'argent engrangé pour la notation, poursuit-il, mais de la finesse de l'analyse :

« Nous voyions notre travail comme une combinaison de commercial, car nous travaillions pour une firme financière, et d'académique. Les employés se voyaient comme des universitaires. Lors de nos débats en comité de notation, les analystes rappelaient souvent à leur collègues des positions qu'ils avaient défendues il y a cinq ans ».

Matheux contre académiciens

Il est difficile de dire si cette sous culture au sein de Moody's perdure dans ce monde post-crise dans lequel la crédibilité des agences de notation est fragilisée.

En tout cas, un changement est intervenu en 2000, quand, pressé par ses clients et la « Securities and exchange comission » (SEC), l'organisme américain de contrôle des marchés financiers, Moody's s'est lancé dans une initiative de mathématisation accrue de ses modèles de notation afin de les rendre plus transparents et objectifs. Dans une interview récente, l'ancien dirigeant de l'unité David Levey a dit avoir « résisté » à cette évolution, préférant l'approche « pluridisciplinaire, hautement qualitative » qui avait été pratiquée jusqu'alors.

Cet effort de mathématisation a entraîné ce que la presse a vu comme des « couacs » de notation. En 2007, un nouveau modèle appelé « Joint Default Analysis », censé intégrer dans le calcul de la note la capacité d'un gouvernement à soutenir financièrement une banque en difficulté, a artificiellement gonflé le niveau de certaines notes. Le modèle a été revu et corrigé depuis.

Pour Kevin Selig, un analyste auteur d'une étude de cas sur la crise et les agences de notation :

« Il ne fait aucun doute que les employés d'agences de notation sont incroyablement intelligents. La complexité des modèles avec lesquels ils travaillent est impressionnante (…) Ces “ smart guys ” ont juste été rattrapés par un business, la notation de crédit, pressé de toute part pour changer ses standards. »

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:35

 

Vendredi 13 : la France perd son triple A

Rue89 - Baudry

Publié le 13/01/2012 à 04h48

 


La France perd son triple A (Baudry)

Chronique du triple A > Les 10 conséquences de la perte du triple A

Rue89 - Créé le 16-12-2011 à 13h19 - Mis à jour le 13-01-2012 à 17h30     

 

Le triple A de la France est menacé ? (Sipa)

Le triple A de la France est menacé ? (Sipa)

 

"Ce serait une difficulté de plus", avait déclaré Nicolas Sarkozy lundi 12 décembre. Mais "pas un cataclysme", a poursuivi le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé mercredi 14 décembre.

Les commentaires des responsables politiques sur la dégradation de la note de la France par Standard and Poor's évoluent au rythme de la crise européenne. Nicolas Sarkozy n'avait-il pas glissé il y a quelques temps : "Si on perd le triple A, je suis mort" ?

Ainsi, après avoir fait de la préservation de la note souveraine l'indicateur sacré de la réussite de sa politique, la majorité tente d'en minimiser l'impact auprès de l'opinion. Mais quelles seront les conséquences réelles de la perte du AAA en France ?

 

1. Une hausse des taux d'intérêts

C'est un avertissement pour les créanciers de la France. Le triple A, décerné par les agences de notation comme Standard and Poor's, indiquait que le risque de non-remboursement de la dette française était quasi nul. Rassurant pour les investisseurs à la recherche de placements sûrs, qui acceptaient de lui prêter à taux bas. Vont-ils désormais réclamer des taux supérieurs pour couvrir ce risque ?

2. Une confirmation de la crise

Se basant sur les analyses du Fonds monétaire international, sur les notes des deux autres grandes agences (Moody's et Fitch) et surtout, sur les analyses des banques, les investisseurs n'ont pas attendu la perte du triple A pour paniquer.

La preuve de cette anticipation ? Avant sa dégradation, les taux d'intérêts des emprunts réalisés par l'Agence France Trésor n'ont cessé de monter ces dernières semaines, notamment par rapport à l'Allemagne. Et d'ailleurs, l'annonce, en décembre, de la mise sous surveillance par S&P de la note française a à peine fait ciller les marchés.

Cela dit, bien qu'anticipée, une dégradation n'arrange rien à la situation, car la France n'est pas le premier marché de la dette. Contrairement aux Etats-Unis qui, de ce fait, paient moins chers leurs emprunts aujourd'hui, bien qu'ils aient perdu leur triple A l'été dernier.   

3. La fuite des investisseurs

En décembre, Standard and Poor's avait mis sous surveillance quinze pays européens, mais elle avait ciblé plus particulièrement la France, en menaçant de lui retirer deux crans. "Si tous les pays de la zone sont dégradés d'un cran, c'est moins grave pour la France : les investisseurs ne la délaisseront pas au profit de ses voisins", expliquait Pascal Canfin, eurodéputé Verts et fondateur de Finance Watch, le Greenpeace de la finance.

Les fonds de pension, qui gèrent les actifs des retraités, ne prendront aucun risque : ils se tourneront mécaniquement vers les pays les mieux notés.

4. Le début d'un cercle vicieux

La dette de la France est de plus de 1.600 milliards d'euros. Le montant des intérêts est supérieur au plus gros budget de l'Etat. Et ce n'est pas fini : la France devra emprunter près de 180 milliards d'euros pour son financement public en 2012.

La poursuite de la hausse des taux d'intérêts signifierait une nouvelle réduction des marges de manœuvre du gouvernement. Notamment pour réformer l'Etat, relancer l'investissement et mettre en place une économie compétitive. Sans quoi il est impossible pour la France de retrouver une croissance suffisante pour réduire sa dette !

5. Une action de la banque centrale

La BCE n'est pas censée acheter des obligations souveraines. Son indépendance, gravée dans le marbre par les traités européens, lui interdit de financer un pays. Cependant, face au risque d'écroulement du système, elle a tout de même racheté des obligations grecques, irlandaises, portugaises, espagnoles et italiennes ces derniers mois.

Son but ? Restaurer la confiance sur les marchés obligataires et enrayer la hausse des taux, afin de sortir ces pays du cercle vicieux. En cas de déclenchement d'un tel phénomène en France, la BCE interviendra-t-elle ?

6. Une menace sur le système bancaire

Quelques jours après la menace de déclassement de la France, Standard and Poor's a placé les banques françaises sous surveillance. Son exécution entrainera-t-elle une nouvelle dégradation du système bancaire ?

Là encore, les marchés ont sûrement anticipé. Les règles prudentielles européennes obligent les banques à détenir une proportion minimum de dette souveraine dans leur bilan, considérée il y a peu de temps comme un actif sûr.

Mais "elles vont avoir besoin de financement au premier trimestre 2012", expliquait récemment Moritz Krämer, analyste chez S&P. Il estime à 200 milliards d'euros le montant des crédits arrivant à maturité pour une cinquantaine de banques européennes au premier trimestre 2012. Les banques françaises vont devoir vendre des actifs qu'elles avaient gardés jusqu'ici. Les prix étant bas sur les marchés, elles vont afficher des pertes dans leurs comptes. D'où les milliers de suppressions de postes annoncées cette année.

Conséquence de cette menace sur les banques : une hausse probable des taux d'intérêts pour les crédits aux entreprises et aux particuliers.

7. Une dégradation des institutions publiques

Certaines entités, disposant de la même signature que l'Etat pour leurs emprunts, devraient être dégradées. L'Unedic, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Réseau ferré de France (RFF), perdraient tous leur AAA. Même chose pour La Poste dont le coût de financement augmenterait.

Quelle conséquence pour la CDC, qui doit justement venir en aide à l'assureur Groupama et à la banque Dexia ? Ou pour la banque de financement des PME Oseo ? "Bénéficiant d'autres sources de financement que les marchés, elle ne sera pas nécessairement contrainte d'augmenter les taux pour ses clients dans un premier temps", explique un de ses cadres. Mais à plus long terme, il est possible qu'elle doive le faire dans certains cas. Reste à savoir lesquels, et quand.

8. Une augmentation des prix pour les particuliers

L'Etat participe au capital d'EDF, la SNCF, GDF-Suez, Air France-KLM, EADS, France Telecom, Renault, etc. A leur tour, ces grosses entreprises pourront voir leurs coûts de financement augmenter. Cela posera notamment problème aux filiales les moins solides, pour lesquelles la garantie de l'Etat est précieuse.

"Difficile de savoir quand se matérialiseront les conséquences de la perte du triple A pour les clients. L'impact sera probablement inégal et réparti sur plusieurs années", affirme Karine Berger, conseillère de François Hollande pour l'économie.

9. Un nouveau risque pour les collectivités locales

Leur système de financement par les banques est "en train d'exploser" affirme une analyste chez S&P. Leur budget dépend pour moitié des subventions de l'Etat, et elles utilisent sa garantie pour se financer ailleurs à des prix raisonnables. Et "parmi elles, il y a des centaines de petite Grèce", affirme Karine Berger.

10. Un tournant dans l'élection présidentielle

A qui profite la pression des agences ? Pour le président socialiste de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac, "en acceptant par avance une dégradation et en refusant de mener une politique de redressement juste et efficace qui permettrait de l'éviter, Nicolas Sarkozy privilégie son intérêt électoral de court terme plutôt que l'intérêt de moyen et de long terme des Français".

François Hollande avait ajouté en décembre : "Je ne sais pas ce qui se passe avec le triple A mais pour l'instant il y a un triple échec de Nicolas Sarkozy: échec par rapport à l'obligation de croissance, nous sommes en récession, échec par rapport à l'objectif de réduire le chômage, échec par rapport à la réduction des déficits".

 

Par Donald Hebert


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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:31

LEMONDE.FR avec Reuters | 13.01.12 | 13h21   •  Mis à jour le 13.01.12 | 13h56

 

Un SDF assisté par des infirmiers du Samu social lors d'une maraude.

Un SDF assisté par des infirmiers du Samu social lors d'une maraude.AFP / JOËL SAGET


Près de la moitié des demandes d'hébergement d'urgence en France n'ont pas abouti en décembre, rapporte le baromètre hivernal publié, vendredi 13 janvier, dans le quotidien La Croix.

La prise en charge en hébergement d'urgence s'est cependant améliorée de 13 points par rapport au mois de novembre, alors même que le nombre des demandes a augmenté de 5 %, précise l'étude. Une amélioration qui témoigne de "l'ouverture de quelques places hivernales d'urgences", écrit dans un communiqué la Fédération nationale d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), qui a réalisé ce baromètre.

 

"INCOHÉRENCE DE LA GESTION HIVERNALE DE L'EXCLUSION"

Mais cette proportion reste "trop importante" d'après la fédération, qui dénonce "l'incohérence de la gestion hivernale de l'exclusion". "[La gestion] 'au thermomètre' (…) adapte l'offre d'hébergement d'urgence aux conditions climatiques avant de s'adapter aux besoins des personnes", écrit-elle, rappelant que les températures de décembre n'ont pas été suffisamment basses pour déclencher l'ouverture de places supplémentaires.

Selon l'étude, menée du 5 décembre au 1er janvier dans 37 départements, 49 % des appels au 115 n'ont pas été suivis d'une réponse favorable, essentiellement du fait d'absence de places disponibles. Un manque de place particulièrement criant dans certains départements comme la Loire et le Rhône, où respectivement 91 % et 88 % des demandes n'ont pas donné lieu à un hébergement. "L'absence de places disponibles demeure le principal motif de réponses négatives, elle concerne 60 % des 37 départements, et s'élève sur certains départements de 70 à 80 % des non-attributions", souligne la Fnars.

Les familles, qui représentent 35 % des demandeurs d'hébergement d'urgence en décembre, restent moins hébergées que les personnes isolées. Même constat pour les personnes étrangères (42 % des demandeurs) par rapport aux demandeurs français. La Fnars rapporte par ailleurs que 65 % des personnes qui ont appelé le 115 en décembre étaient "déjà connues dans le dispositif d'urgence", signe d'après elle de la difficulté pour ces personnes d'accéder à un logement stable.

D'après un autre sondage réalisé du 6 au 9 janvier par Harris interactive pour la Fnars, 85 % des Français estiment que les candidats à l'élection présidentielle de 2012 devraient faire de la lutte contre la précarité une priorité.

 

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