Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 16:54

 

Source : www.mediapart.fr

 

L'Argentine en défaut de paiement, et dans une situation ubuesque

|  Par Dan Israel

 

 

 

Parce qu'il n'a pas payé une tranche d'un peu plus de 500 millions d'euros à ses créanciers, le pays est en faillite. Or cette somme a été versée. La justice américaine la bloque, estimant que le pays doit d'abord régler un conflit avec des fonds « vautours ». Qui détiennent à peine 1 % de sa dette.

C'est encore un constat d’échec. Vendredi s'est tenue à New York une ultime réunion entre les représentants de l’Argentine, des fonds d’investissement qui détiennent une partie de sa dette et de la justice américaine. L’objectif affiché était de trouver une issue à la situation ubuesque dans laquelle se trouve l’Argentine depuis le 31 juillet, après avoir échoué à trouver un accord avec les fonds NME et Aurelius et avec la justice américaine. Mais la situation n'a pas changé, le juge new-yorkais Thomas Griesa exhortant simplement les deux parties à trouver une solution au plus vite. Car le pays est désormais en situation de défaut – partiel – de paiement sur les échéances de sa dette. Et pourtant, sa banque centrale a bien versé le 26 juin les 539 millions de dollars (401,5 millions d’euros) qu’elle devait payer avant le 30 juin !

C’est en fait la justice américaine qui a bloqué le versement de la somme, finalement assez minime. Mediapart détaillait la situation mi-juin ; elle n’a pas évolué depuis. Le juge Griesa estime toujours qu’avant de verser les 539 millions que le pays doit aujourd’hui aux investisseurs qui avaient accepté, en 2005 et 2010, une décote de 70 % des titres de dettes qu’ils détiennent, il doit d’abord trouver un accord avec ceux qui n’avaient pas accepté de réviser leurs prétentions à la baisse. Et pourtant, ces investisseurs déterminés à ne rien lâcher ne détiennent que 7 % de la dette totale du pays. Et les deux fonds qui ont saisi la justice en détiennent… 1 %.   

La présidente argentine Cristina Kirchner assure d’ailleurs que son pays n’est pas en défaut de paiement. « Défaut sélectif ? Cela n’existe pas, a-t-elle indiqué selon l’AFP. Le défaut, c’est de ne pas payer. Nous avons la volonté de dialoguer mais nous devons défendre nos droits et les intérêts du pays. Que ce monde mette un frein aux fonds vautours et aux banques insatiables qui veulent s’enrichir avec une Argentine à genoux. » Son ministre de l’économie Axel Kicillof, arrivé précipitamment à New York pour tenter d’emporter le morceau lors des dernières négociations, a quant à lui dénoncé ce vendredi une « extorsion judiciaire ».

Le chef du gouvernement argentin, Jorge Capitanich, est allé plus loin, en s’en prenant violemment au juge, qui traite ce dossier épineux depuis près de dix ans : « Si le juge est un agent des fonds spéculatifs, si le médiateur (judiciaire) est un agent à eux, de quelle justice parle-t-on ? Il y a dans cette affaire une responsabilité de l’État, des États-Unis, qui doivent garantir les conditions d’un respect sans restriction de la souveraineté des pays. »

Cristina Kirchner et son ministre de l'économie. 
Cristina Kirchner et son ministre de l'économie. © Reuters - Marcos Brindicci

Car, de fait, on est loin de la situation de 2001, lorsque l’Argentine avait fait défaut une première fois. À l’époque, c’est une centaine de milliards de dollars qu’elle avait refusé de payer, déclenchant une lourde récession économique. Cette fois, le litige est d’un tout autre ordre. D’une part, donc, 539 millions sont bloqués par la justice de New York. Mais le réel conflit, qu’elle a jugé impératif de régler avant de continuer à payer les autres détenteurs de la dette, porte sur un maximum de 1,33 milliard de dollars.

NML Capital et Aurelius font partie des fonds « réfractaires » à tout accord avec l’Argentine, qui réclament que le pays leur paie 100 % de la dette qu’ils détiennent. Mais il faut souligner que ces fonds spéculatifs n’ont pas du tout acheté la dette à sa valeur réelle. Ainsi, NML a déboursé l’équivalent de 50 millions d’euros en 2008, et attend que l’Argentine lui paie en échange plus de 800 millions.

Derrière NML Capital se cache un milliardaire américain, très proche des républicains, Paul Singer. Le magazine américain Mother Jones lui avait consacré un portrait acéré l’an dernier. Il se spécialise notamment dans l’achat de dette décotée, qu’il tente ensuite, par tous les moyens, de se faire rembourser à sa valeur initiale. Il ne recule devant rien : en 2012, il avait fait saisir temporairement au Ghana un trois-mâts de la marine argentine. Et comme le rappelle Le Monde, en 2013, la Cour de cassation française a empêché de justesse que soient saisies des sommes que Total, BNP Paribas et Air France devaient à l’Argentine…


Un risque de devoir payer des dizaines de milliards

De son côté, l’Argentine refuse tout net de se plier aux volontés de ses adversaires. Elle se présente comme une bonne élève, qui a remboursé par anticipation en 2003 la totalité des sommes qu’elle devait au FMI. Le 28 juillet, elle a aussi réglé ses dettes au Club de Paris, qui regroupe de nombreux États créanciers des pays en développement.

Surtout, explique Kirchner, si elle cède, elle risque de devoir payer d’autres titres de dette à leur valeur faciale. Au nom de l’égalité entre les créanciers, tous les porteurs d’obligations qui ont refusé de baisser leurs prétentions pourraient demander très vite le même traitement que les deux fonds spéculatifs. C’est alors plus de 10 milliards de dollars que l’Argentine devrait payer. Pis encore, tous les détenteurs de la dette pourraient vouloir faire de même, au titre de la clause Rufo (« Rights upon future offers »), ajoutée aux obligations restructurées en 2005 et 2010, qui précise que le gouvernement n'a pas le droit d'offrir de meilleures conditions financières que celles qu’il avait négociées à l’époque. Dans ce scénario catastrophe, le gouvernement devrait payer environ 100 milliards de dollars, alors qu’il détient moins de 30 milliards de réserves de change.

Le pays a tout intérêt à trouver une porte de sortie rapide à cette situation. Selon l’institut d’études argentin Abeceb, le défaut pourrait aujourd’hui entraîner « une chute du PIB de 3,5 %, une inflation annuelle de 41 % et une contraction de la consommation de l’ordre de 3,8 % ». Une mauvaise nouvelle pour Buenos Aires, retombé dans la crise économique et financière après une petite dizaine d’années d’accalmie, qui s’explique notamment par les fortes exportations agricoles (soja principalement). L'industrie est en berne, et le pays connaît à nouveau une inflation galopante (+ 23 % en 2013). En janvier, le gouvernement a dû affronter une nouvelle crise de change et de fuite de capitaux. La banque centrale argentine a choisi de laisser le peso argentin se déprécier de plus de 18 % en quelques semaines et le pays est officiellement en récession depuis mars. Malgré ces indicateurs au rouge, le pays espérait retourner prochainement sur les marchés de capitaux pour pouvoir à nouveau y emprunter, ce qu'il n'a pas fait depuis 2002. Ce nouveau défaut devrait l'en empêcher.

L’Argentine peut compter sur plusieurs soutiens officiels. Le ministre français des finances, Michel Sapin, s’est dit « extrêmement choqué » par la décision de justice américaine, qui « juge selon ses propres canons » sans se soucier de l’intérêt général. Une prise de position qui trouve sans doute sa source dans la récente et sévère condamnation de la BNP. Mais le FMI, peu suspect de partialité, s’est lui aussi inquiété de l’attitude de la justice américaine, et a appelé le 24 juillet à une réflexion sur un mécanisme international de restructuration de dettes plus protecteur pour les pays en difficulté.

 

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
3 août 2014 7 03 /08 /août /2014 23:36

 

 

Source : tempsreel.nouvelobs.com

 

 

Les conseils très lucratifs des parlementaires

 

 

Le Nouvel Observateur Publié le 03-08-2014 à 13h06

142.500 euros pour François Fillon, 183.500 euros pour Luc Chatel... Certains députés et sénateurs offrent leurs services à des particuliers ou des entreprises pour arrondir leurs fins de mois. Mais ne disent pas qui les rémunère. Au risque d'être soupçonnés de conflits d'intérêts.

 LCHAM SIPA
LCHAM SIPA
 
À lire aussi

L'opération transparence est lancée. La semaine dernière, les parlementaires ont livré à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique leurs déclarations d'intérêts. Quelles activités les sénateurs et les députés mènent-ils parallèlement à leur mandat ? Combien gagnent-t-ils ? Qui sont leurs collaborateurs et que font-ils ? Les réponses sont désormais disponibles en ligne.

L'association "Regards citoyens" a compilé avec l'aide de près de 8.000 bénévoles ces centaines de données dont il propose un compte rendu vendredi 1er aout sur son site internet. Outre les parlementaires avocats, dont la double casquette fait régulièrement polémique, on découvre aussi qu'une vingtaine d'élus ont exercé des activités de conseil au cours de ces cinq dernières années. Ainsi que certains collaborateurs.

"Conseil", un terme vague que le questionnaire rempli par les élus ne permet pas d'éclairer. La plupart des parlementaires se bornent à inscrire le nom de leur entreprise. Rien sur le domaine d'intervention et encore moins en ce qui concerne les clients de ces sociétés. Impossible, sur la base de ces documents, de savoir d'où proviennent les 142.500 euros que François Fillon a gagnés en 2013 via sa société 2F Conseil. Ni à quelles entreprises Luc Chatel a prodigué ses bons conseils en stratégie pour 183.500 euros l'année dernière. Auprès de quels particuliers Pierre Charon a-t-il empoché 227.000 euros l'an passé pour ses recommandations en image et en communication ? Ces informations ne sont tout simplement pas requises dans le questionnaire transmis aux élus.

Un encadrement insuffisant

Le gouvernement avait pourtant promis de s'attaquer aux zones d'ombre. "Est-il acceptable qu’un parlementaire soit à la fois consultant ou avocat d’affaires ? Je dis non, ça sera terminé", affirmait Jean-Marc Ayrault au moment de l'affaire Cahuzac et de la mise en lumière des liens entre le ministre et les laboratoires pharmaceutiques. S'en est suivi l'adoption de la loi sur la transparence de la vie politique, dont les avancées sont réelles mais limitées. Car si elle contraint les parlementaires à déclarer les revenus qu'ils tirent de leurs activités annexes, elle n'a pas permis d'interdire les métiers fortement générateurs de conflits d'intérêts.

Certains législateurs l'ont pourtant envisagé. "Nous avons suggéré aux rapporteurs de la loi que les parlementaires-conseils publient l'identité de leurs clients, déclarent les domaines d'intervention et s'abstiennent sur les textes portant sur ces domaines", se souvient Daniel Lebègue, président de Transparency international France. Mais les opposants de tous bords, agitant un éventuelle censure du Conseil constitutionnel, ont été les plus forts. "Ma seule limite a été la constitutionnalité. Le pire aurait été la censure, ça aurait verrouillé tout le système ad vitam aeternam", justifie Jean-Jacques Urvoas, le président de la commission des Lois.

Ainsi, la seule loi s'intéressant à l'activité de conseil des parlementaires est celle de 1995, stipulant qu'"il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat". Pour le reste, "le bureau de chaque assemblée, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts", et "veille à leur respect et en contrôle la mise en œuvre", dit la loi. L'Assemblée a son déontologue et le Sénat son comité de déontologie. Ainsi le code de déontologie de l'Assemblée stipule : "Les députés ont le devoir de faire connaître tout intérêt personnel qui pourrait interférer dans leur action publique et prendre toute disposition pour résoudre un tel conflit d'intérêts au profit du seul intérêt général." C'est à peu près tout.

Peut-on faire du conseil et rester indépendant ?

Pas de quoi s'inquiéter, si l'on en croit les intéressés, à la défense bien rôdée. 2F Conseil ? François Fillon l'utiliserait simplement pour facturer des conférences organisées par des entreprises. "Ce sont des interventions sur les perspectives économiques de l’Europe. Il n’y a aucun souci de conflit d’intérêts, car c’est sa vision d’ancien Premier ministre que les gens recherchent", avait assuré à Rue89 son entourage lors de la création de la société, un mois avant son élection à l'Assemblée. "François Fillon s'en occupe directement", nous répond aujourd'hui l'équipe de l'ancien Premier ministre sans plus de précision.

Je considère que quand j'ai une expérience d'un secteur je dois en faire profiter les parlementaires, le conseil n'est pas la décision et un parlementaire est une voix parmi 900 autres !" répond de son côté le sénateur UMP Gérard Longuet, administrateur de trois sociétés et à la tête de Sokrates group, - qui conseille trois clients.

Ce qui lui a rapporté en 2013 la coquette somme de 89.000 euros. "Il faut prendre des clients qui n'ont rien à voir avec ce qu'on fait en tant que parlementaire !" lance Pierre Charon,  comme une solution miracle. Grâce à sa société de conseil en image et stratégie, Janus Consultant, l'élu parisien - qui dit notamment avoir eu pour client l'acteur Christian Clavier ! - a perçu près de 227.000 euros en 2013. D'aucuns ne sont pas aussi rassurants.

Ces parlementaires conseillent des particuliers et des entreprises sur la façon de bien appliquer la loi, explique Daniel Lebègue, président de Transparency international France. Mais on sait bien qu'ils savent aussi comment la contourner. Le risque de conflit d'intérêt est considérable et jette une suspicion sur l'indépendance de tous les parlementaires."

François de Rugy, président du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, est un fervent partisan de la "transparence totale": "Si vous êtes invités pour une conférence par une entreprise voire un Etat étranger, on peut s'interroger sur votre indépendance. Certains en retirent des salaires sans commune mesure avec leur salaire de député ! On peut alors penser que l'activité de député devient à ce moment là annexe."

Le long chemin de la transparence

Il y a six mois, lors de l'examen du texte sur l'économie sociale et solidaire, le député UMP Thierry Solère, membre de la commission du Développement durable, s'est déporté car il avait conseillé quelques années auparavant une société directement concernée : une filiale de Michelin en charge du recyclage des pneumatiques usagers. Soucieux d'éviter les suspicions l'élu explique :

Je me suis mis en retrait, je ne suis pas allée aux auditions de la commission, je n'ai pas amendé le texte et je n'ai pas pris part au vote."

Une initiative strictement personnelle. Rien dans la loi, ni personne n'aurait pu m'en empêcher si j'avais voulu intervenir". Tous ont-ils le même réflexe ? "L'Assemblée nationale va examiner la loi sur l'énergie à partir du 1er octobre, illustre François de Rugy, et si tel ou tel député a des contrats par le biais de sa société de conseil avec EDF ou GDF Suez ou encore avec une entreprise de l'éolien ou du solaire, ça pose problème, quand même !"

"Je ne comprends pas qu'on veuille absolument faire des parlementaires des fonctionnaires", rétorque Gérard Longuet.  Le fond du problème, estime-t-il, c'est le salaire des parlementaires. Le sénateur a comparé son revenu brut d'élu avec le classement de "Challenges" des 1.000 catégories de cadres. "Nous sommes au 483e rang, au niveau d'un directeur des ressources humaines d'une PME de 100 salariés. Beaucoup de Français ne gagnent pas ce que nous gagnons, mais au regard de mon expérience et de mon niveau de diplôme, je considère que le mandat de sénateur est une rémunération qui n'épuise ni mes capacités de travail ni la totalité de mes aspirations personnelles." Un député touche une indemnité nette mensuelle de 5.148,77 euros et un sénateur, 5.388,72 euros.

De son côté, François de Rugy, auteur d'un rapport en 2011 sur la prévention des conflits d'intérêt, plaide pour une limitation des rémunérations annexes. "On pourrait imaginer que les rémunérations ne dépassent pas 20% du total, et pareil pour le temps consacré à ces activités. On attend d'un parlementaire qu'il travaille à 100% à sa mission, il est rémunéré pour cela", abonde le président de Transparency international France, Daniel Lebègue.

Une mécanique "vertueuse" ?

La députée UMP Laure de la Raudière a fait le choix d'arrêter son activité de conseil au début de son mandat. Non pas parce qu'elle considérait qu'il était incompatible avec sa fonction de député mais simplement par "manque de temps". Elle estime néanmoins qu'"il faudrait publier les domaines d'action et d'intervention" afin d'éviter au député d'être critiqué à tort", ce dont elle pense avoir été victime lors de ses interventions parlementaires sur les télécommunications.

Augmentation du salaire, publication de la liste des clients, limitation des revenus annexes... les pistes d'amélioration sont nombreuses. Mais pour Jean-Jacques Urvoas, la loi sur la moralisation de la vie politique a d'ores et déjà lancé une mécanique "vertueuse". Ce que la loi ne peut pas, l'opinion publique s'en chargera, juge-t-il : "François Fillon, candidat à l'élection présidentielle, aura du mal à dire "ça ne vous regarde pas" si on l'interroge sur la réalité du cabinet 2F conseil. Quand on à vocation à exercer une fonction de premier plan ou simplement une reconduction du mandat qui est le sien, on a nécessairement une volonté d'exemplarité." Et de parier : "Vous verrez, il y aura beaucoup moins de parlementaires qui exerceront des activités de conseil lors de la prochaine législature." 

 

Estelle Gross et Donald Hebert - Le Nouvel Observateur

 

 

Source : tempsreel.nouvelobs.com

 



Partager cet article
Repost0
3 août 2014 7 03 /08 /août /2014 21:57

 

Source : tempsreel.nouvelobs.com

 

 

 

Chères, très chères autoroutes : le scandale
Donald Hebert

 Voir tous ses articles

Publié le 02-08-2014 à 07h57

Péages qui flambent, privatisation contestée et investissements publics en rade... La gestion du réseau français fait polémique. Enquête sur un partenariat ambigu entre l’État et les grands groupes de BTP.

 

Les tarifs des péages ont progressé de 11% entre 2007 et 2012. (AFP)  
Les tarifs des péages ont progressé de 11% entre 2007 et 2012. (AFP)

 

 

 

Cet été, c'est une certitude, il faudra payer plus cher que l'an dernier : 65 euros de péages pour un trajet Lille-Port-Leucate, 60 euros entre Lyon et Biarritz ou 68 euros pour rejoindre Saint-Raphaël depuis Paris... Ajoutez-y le stress des grands départs, les inévitables bouchons et la queue à la pompe, et vous comprendrez le ras-le-bol qui submerge les automobilistes français enfermés entre les glissières de leurs chères, très chères autoroutes...

Petits, on a tous entendu nos parents dire qu'un jour on n'aurait plus besoin de payer les autoroutes. Combien de temps cette arnaque va-t-elle encore durer ?" s'étrangle Pierre Chasseray, le porte-parole de 40 Millions d'Automobilistes, une association de conducteurs verts de rage.

Péages trop chers ! Les tarifs des sociétés autoroutières ont encore progressé de 1,14% cette année après avoir grimpé de 2,5% en 2013 et de 2,01% en 2012. Une inversion de la courbe ? La hausse du ticket autoroutier demeure supérieure à l'inflation. Entre 2007 et 2012, les péages ont augmenté de 11%, alors que l'indice Insee des prix à la consommation n'a progressé que de 8,5%. Et encore cette moyenne cache-t-elle de grandes disparités.

 
 

Particulièrement ruineux, certains tronçons atteignent aujourd'hui des records. L'A65 entre Bordeaux et Pau : 22 euros pour 150 kilomètres. Les 15 kilomètres de l'A14 : 8,20 euros le dimanche soir. Quant au tunnel "Duplex" de l'A86, en banlieue parisienne, il est facturé 10 euros pour 10 kilomètres.

Le symbole de l'autoroute pompe-à-fric, estime Pierre Chasseray. Les autoroutes, plus sûres que le réseau secondaire, seraient-elles désormais réservées aux riches ? A quand le gel des péages ?"

Ce n'est pas pour tout de suite. Car si l'Etat fixe en théorie les hausses tarifaires, il est en réalité dépendant de quelques grands groupes depuis qu'il leur a cédé, il y a huit ans de cela, les sociétés d'autoroutes : les français Vinci (propriétaire d'ASF, Escota et Cofiroute) et Eiffage (APRR et Area) et l'espagnol Abertis (Sanef et SAPN) détiennent les trois quarts du réseau autoroutier français.

Et ces géants de l'asphalte bénéficient de contrats de concession sur plusieurs décennies qui leur permettent d'augmenter les tarifs pour couvrir la hausse de leurs dépenses courantes : charges d'exploitation, d'entretien et de renouvellement... Mais ce n'est qu'un début. Tous les cinq ans en moyenne, la privatisation très controversée prévoit aussi la signature de "contrats de plan" destinés à financer - toujours par des hausses de tarifs ! - les nouveaux investissements qui n'ont pas été prévus dans les contrats de concession. Une sacrée rallonge : chaque nouveau kilomètre d'autoroute, chaque nouvelle bretelle d'accès et chaque élargissement des voies sont ainsi facturés aux usagers.

Le modèle économique est construit de telle sorte que tout investissement est compensé par une hausse de tarifs. Les bénéfices des sociétés concessionnaires n'ont pas à être réinvestis dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Par construction, ce modèle ne peut qu'aboutir à une hausse constante et continue des tarifs", résume la Cour des Comptes dans un rapport au vitriol paru en juillet 2013.

Les magistrats de la rue Cambon déplorent que les contrats de plan se multiplient bien que le réseau autoroutier soit déjà largement mature. Aujourd'hui, les travaux d'élargissement laissent la place au traitement du bruit ou à la protection des eaux, dont la compensation par des hausses de tarifs, bien que parfaitement légale, ne semble pas toujours légitime. Pourquoi l'Etat n'arrive-t-il pas à enrayer ces dépenses ? Manque d'outils de régulation ? De culture du résultat ? De volonté ? Un peu des trois, si l'on en croit les connaisseurs. Le résultat est que l'administration peine à défendre les usagers. Ou plus exactement leur porte-monnaie.

La "cash machine" des sociétés d'autoroutes

Car, en face, il y a des sociétés d'autoroutes qui savent optimiser les profits. "Leur profitabilité est plus marquée et constante que celle de l'ensemble de l'économie française, hors secteur financier", explique la Cour des Comptes. La moyenne des chiffres d'affaires des sociétés d'autoroutes - Sanef, ASF, Escota, APRR, Area, SAPN et Cofiroute - a augmenté de 4% par an entre 2006 et 2011.

Dans quelles poches ont atterri les 9,24 milliards d'euros générés par les péages français en 2013 ? Selon Vinci Autoroutes, les sociétés contribuent directement aux finances publiques à hauteur de 4 milliards d'euros sous forme de TVA (1,7 milliard), d'impôt sur les sociétés (1,18 milliard), de redevance domaniale (250 millions), de taxe d'aménagement du territoire (584 millions), et de contribution économique territoriale (280 millions).

Chaque année, 1,6 milliard d'euros sont dépensés dans les charges liées à l'exploitation des autoroutes ; 1,8 milliard, dans la modernisation, l'intégration environnementale et le développement des réseaux autoroutiers. Le reste - 1,8 milliard d'euros constitue les juteux bénéfices des groupes exploitants...

Le business est très rentable, mais pas encore assez pour Vinci & Co. Ces pros de la gestion autoroutière font tout pour réduire les coûts. En remplaçant les salariés aux péages par des machines, par exemple. De 2007 à 2011, le nombre de guichetiers a fondu, passant de 7 300 à 5 800 salariés, soit une réduction de 20% des effectifs. Efficace ! Et pourtant les concessionnaires ont réussi à faire financer une partie du développement du "télépéage sans arrêt" - et donc sans guichetiers !

C'est un service qui n'était pas prévu au contrat et qui a été décidé dans le cadre des investissements du Paquet vert. Cet ensemble de travaux, prévu par le Grenelle de l'environnement de Jean-Louis Borloo, a été financé par un allongement de la durée des concessions", justifie Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes et de l'Association des Sociétés françaises d'Autoroutes (Asfa).

Mais voilà, selon la Cour des Comptes, cette automatisation "correspond à l'intérêt du concessionnaire et aurait probablement été développée même en l'absence de compensation". Pourtant Vinci Autoroutes se défend d'avoir fait financer ses gains de productivité par la collectivité.

Nous nous sommes engagés à faire face à l'automatisation du péage sans licenciements ni mutations forcées. La reconversion du personnel de péage se traduit d'ailleurs chez Vinci Autoroutes par 10 millions d'euros par an investis dans la formation", explique Pierre Coppey.

Sur la sellette, les concessionnaires sont aussi accusés de dépenser le moins possible en entretien. "Tantôt ils effectuent les rénovations après cinq ans au lieu de quatre, tantôt ils utilisent des matériaux un peu moins coûteux sans que cela ne se voie trop", explique un haut fonctionnaire. Le soupçon fait bondir le lobby autoroutier.

C'est faux, et d'ailleurs la Cour des Comptes n'en fait pas la démonstration - elle est impossible - car nous satisfaisons tous nos engagements", rétorque Pierre Coppey.

En 2010, pourtant, l'Etat a mis en demeure la société APRR (Eiffage) pour des décollements de revêtement de la chaussée. Fâcheux. Mais il est vrai que ces rappels à l'ordre sont peu fréquents. Les autoroutes françaises passent pour être bien entretenues et figurent régulièrement en tête des classements européens. Même si la Cour des Comptes déplore un manque de contrôle de la part de l'administration. L'Etat, même quand il est en mesure de réclamer des pénalités, ne le fait qu'"exceptionnellement".

Les sociétés d'autoroutes sont en position de force pour optimiser leurs recettes. Les hausses de tarifs, calculées à partir de l'inflation, n'ont pas cessé même quand les prix des biens et services ont diminué. Normal, car une telle baisse n'a pas été envisagée dans les contrats ! A partir de 2005, durant plusieurs années, les sociétés d'autoroutes ont pu pratiquer le "foisonnement", une technique imparable qui consiste à appliquer les plus fortes hausses sur les tronçons autoroutiers les plus fréquentés.

Selon le ministère des Transports, rien qu'en 2007, cette optimisation s'est traduite par une hausse du chiffre d'affaires aux péages comprise entre 0,19% et 1,35% en faveur des sociétés autoroutières. D'abord autorisé, le "foisonnement" a été banni en 2011. Mais la correction est considérée comme tardive et partielle par la plupart des experts. "Quand on enregistre une hausse de tarif une année, elle s'applique sur l'ensemble de la durée de la concession. Après vingt-cinq ans, quelques pourcents représentent des milliards d'euros", explique un banquier.

L'erreur historique de la privatisation

Comment en est-on arrivé là ? A la fin des années 1990, à l'exception notoire de Cofiroute, le réseau autoroutier est encore intégralement public, et le débat sur sa privatisation, alors lancé par Lionel Jospin, déclenche une guerre entre l'administration des Transports et celle des Finances. Faut-il engranger immédiatement un pactole en cédant les biens d'équipement pour se désendetter plutôt que de conserver des revenus récurrents susceptibles de financer le développement futur des infrastructures ? A l'époque, la Cour des Comptes critique la sous-exploitation des sociétés publiques.

Cofiroute, la société privée, était gérée de façon plus serrée, se souvient un connaisseur du dossier. Plus agressive lors des négociations avec l'Etat, elle disposait aussi d'une plus grande liberté tarifaire. Ses résultats lui permettaient de servir à ses actionnaires une rémunération élevée."

Pourtant, Laurent Fabius, ministre de l'Economie, ouvre partiellement le capital d'ASF, introduite en Bourse dès 2002. Un an plus tard, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre plutôt hostile à la privatisation, accepte le principe d'une ouverture partielle du capital de cinq autres sociétés publiques d'autoroutes. Mais il crée l'Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France (Afitf), à laquelle il affecte une partie des recettes des concessionnaires. En juin 2005, la privatisation complète est décidée par son successeur, Dominique de Villepin.

Quand son directeur de cabinet m'a prévenu qu'elle serait annoncée dans son discours d'investiture, relate Dominique Perben, son ministre des Transports de l'époque, j'ai pris ma voiture et j'ai filé à Matignon pour y réclamer qu'une partie du produit de la vente aille au financement des transports. J'ai obtenu 4 milliards pour l'Afitf et j'ai fermé ma gueule."

A l'époque, le sujet divise même à droite. "J'étais contre, mais j'ai été discipliné", dit aujourd'hui le député UMP Gilles Carrez. La privatisation autoroutière déclenche une levée de boucliers à gauche et au centre. François Bayrou dépose même un recours devant le Conseil d'Etat. Le Premier ministre joue la montre en organisant un appel d'offres éclair.

Le prix fait débat. Le commissaire au Plan, Alain Etchegoyen, l'estime à 26 milliards d'euros, tandis que Bercy, plus sensible aux attentes des marchés, en réclame 11 milliards. Différence de perception du risque ?

Pour faire baisser le prix, l'acheteur a tendance à sous-estimer la croissance du trafic et à surestimer les charges", explique un spécialiste.

Les contrats sont aussi très contestés. "Ils avaient été rédigés pour faire travailler ensemble des entités publiques. Il aurait fallu les adapter à la logique du privé", explique un proche du dossier. Mais, en modifiant le cadre contractuel, Bercy craint de faire chuter le prix de vente. Pourtant, la concurrence est rude : pas moins de 18 offres. Bouygues, qui ne s'intéresse qu'aux télécoms, n'est pas preneur. Mais Vinci et Eiffage, les deux autres géants français du BTP, et Abertis, spécialiste des autoroutes espagnoles, décrochent le gros lot. Au terme du processus, L'Etat, lui, empoche 17 milliards d'euros et se déleste de 20 milliards d'euros de dettes. L'Etat a-t-il commis une erreur ?

Oui, mais c'était disposer tout de suite de beaucoup d'argent. Cela a permis de relancer le secteur du BTP et la croissance", considère aujourd'hui Dominique Perben.

Les sociétés d'autoroutes ont-elles été bradées ? "Je ne le pense pas. Nous avons utilisé les méthodes usuelles de valorisation", tempère Jean Serisé, membre de la commission des Participations et des Transferts alors chargée de valider le prix. Catégorique, Pierre Coppey, le numéro un de Vinci Autoroutes, soutient, pour sa part, que l'Etat a fait une bonne affaire:

En plus du prix d'acquisition et de la reprise de la dette, les concessionnaires se sont engagés à réaliser 15 milliards d'euros d'investissements différés."

Il n'empêche. Malgré la crise, qui a fait baisser le trafic pendant plusieurs années, les conditions macroéconomiques semblent plutôt avoir souri aux nouveaux concessionnaires. Les taux d'intérêt auxquels ils refinancent leur dette et leurs investissements sont très faibles.

Les autoroutes étaient bien valorisées à l'époque de la cession. Mais après coup, du fait de la baisse des taux, on peut considérer qu'elles valaient beaucoup plus", résume un banquier qui a participé à la transaction.

Il était aussi difficile d'anticiper alors les synergies existant entre les sociétés d'autoroutes et leurs actionnaires. Les géants du BTP, à la fois donneurs d'ordre et prestataires, n'ont-ils pas profité d'une rente de situation ?

Notre part de marché dans tous les appels d'offres concurrentiels que nous organisons n'excède pas 40%. Elle est conforme à notre position sur les marchés des grands travaux en France", se défend Pierre Coppey, le boss de Vinci Autoroutes.

L'Autorité de la Concurrence a tout de même préféré vérifier par elle-même : elle enquête sur les concessions autoroutières, et notamment sur la passation des contrats d'entretien et de construction. Ses conclusions sont attendues cet été...

Les tergiversations du gouvernement

La question des autoroutes agite le microcosme politique. L'écotaxe, dont le milliard d'euros de recettes devait compenser les crédits publics supprimés, a été abandonnée. Un désastre national. Et son remplacement par le péage de transit poids lourds laisse apparaître un manque de financement de 500 millions d'euros. Faudra-t-il bientôt renoncer à certains projets d'infra structures vitaux pour la croissance ? Et, sinon, comment assurer leur financement ?

Le député socialiste Jean-Paul Chanteguet, rapporteur d'une mission parlementaire sur le sujet, propose une solution radicale : l'Etat, moyennant le versement d'une indemnité de 20 milliards d'euros aux sociétés d'autoroutes, dénoncerait les contrats de concession en invoquant l'intérêt général pour mettre en place un système de régies publiques. L'opération qui consisterait à revenir sur la privatisation de 2005 suppose aussi que la dette des autoroutes - 30 milliards d'euros - soit redistribuée aux sociétés exploitantes afin qu'elle ne vienne pas alourdir celle de l'Etat. Vaste programme ! Alors pourquoi ne pas simplement nationaliser, comme l'avait promis Arnaud Montebourg après s'être fait bouter hors du conseil d'administration d'APRR en 2010 ?

Ce ne serait pas une bonne affaire, explique un spécialiste. L'Etat paierait cher, récupérerait le risque lié au trafic et serait pris au piège si les taux d'intérêt remontaient."

Du côté de l'exécutif, on préfère rechercher des recettes complémentaires. Le gouvernement pourrait discrètement remonter le curseur de certaines taxes, comme la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Une hausse d'un centime sur le carburant génère plus de 400 millions d'euros", fait valoir un proche du dossier.

A moins qu'il ne réussisse à taxer directement les sociétés d'autoroutes. Mais attention, prévient Michel Sapin : "Si on crée une fiscalité particulière sur ces sociétés autoroutières, les contrats prévoient qu'elle doit être compensée." Par quoi ? Des hausses de tarifs aux péages, bien sûr. Ou bien encore un report de la date d'expiration des concessions, qui doivent prendre fin entre 2028 et 2032.

Cette dernière option est défendue par Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie et des Transports. Dès sa nomination, au printemps dernier, elle a prévenu que les sociétés d'autoroutes seraient "amenées à participer dans un cadre contractuel, avec leurs bénéfices, aux grandes infrastructures de notre pays". Compte-t-elle inclure une hausse de la redevance domaniale versée par les concessionnaires dans le plan autoroutier français ?

A peine arrivé à l'Elysée, François Hollande, sollicité par le lobby autoroutier, a déjà validé ce programme de travaux aujourd'hui chiffré à 3,5 milliards d'euros. Le président en attend de grands bénéfices pour la croissance sans débourser un centime d'argent public. Problème : il n'est pas certain que la Commission européenne accepte le principe d'un prolongement des concessions autoroutières, qui reviendrait à attribuer des marchés publics sans appel d'offres, et donc sans concurrence. La privatisation à la française ne choque pas que les automobilistes à la barrière de péage...

 

Donald Hebert - Le Nouvel Observateur

 

 

 

Source : tempsreel.nouvelobs.com

 

 



Partager cet article
Repost0
3 août 2014 7 03 /08 /août /2014 19:16

 

Source : www.marianne.net

 

 

Tromperie sur la dette
Dimanche 3 Août 2014 à 12:00

 

Marion Rousset

 

La dette publique est aujourd'hui hissée au rang de fléau ultime. Un mot d'ordre est répété en boucle : pas de croissance sans désendettement, et pas de désendettement sans austérité. Ou comment rendre les populations responsables d'une dette qu'elles n'ont pas contractée.

Nick Wright/REX/REX/SIPA
Nick Wright/REX/REX/SIPA

Cliquer sur l'image en grand pour agrandir.
>>> Article paru dans le numéro 901 du magazine Marianne. 


La dette publique est aujourd'hui hissée au rang de fléau ultime. Un mot d'ordre est répété en boucle : pas de croissance sans désendettement, et pas de désendettement sans austérité. Pour renouer avec la prospérité, encore faudrait-il que les populations acceptent de se serrer la ceinture. C'est en tout cas, sur l'air de «There is no alternative», le message qui leur est envoyé. Et c'est le point de départ d'un essai qui défend une approche aussi radicale que différente.

Loin d'être un problème à résoudre, la dette est au contraire présentée par Maurizio Lazzarato comme une formidable aubaine pour les néolibéraux. Mieux, une technique de pouvoir au service de l'accomplissement d'un vieux rêve. «L'enjeu n'est pas l'équilibre budgétaire», affirme le philosophe, il est autrement plus ambitieux. En effet, la crise permet de délivrer l'Etat «de l'emprise de la lutte des classes, de la pression des revendications sociales et de l'élargissement des droits sociaux». Et d'imposer des prélèvements multiples : impôt, réduction du salaire nominal, coupe dans les dépenses sociales comme les retraites, augmentation des prix, privatisations...

La culpabilité est le ressort et la force d'une telle politique : «A lire les journaux, à entendre les experts, les hommes politiques, tout le monde est coupable (les travailleurs, les retraités, les chômeurs, les malades, les assurés sociaux, etc.), tout le monde sauf les financiers et les banquiers.» Ou comment rendre les populations responsables d'une dette qu'elles n'ont pas contractée. Cette stratégie, qui façonne les subjectivités, a été expérimentée dans les universités américaines où «l'étudiant [débiteur] contracte ses dettes de son propre chef» et organise sa vie en fonction de ses remboursements. Le vrai fléau tient sans doute à l'intériorisation d'une telle obligation.

Gouverner par la dette , de Maurizio Lazzarato, Les Prairies ordinaires, 240 p., 16 €.
Source : www.marianne.net

Partager cet article
Repost0
3 août 2014 7 03 /08 /août /2014 16:31

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup

 

 

Les grandes fortunes ne connaissent pas la crise

Les 500 fortunes de France se portent bien, très bien même. Le nombre de milliardaires en euros a encore progressé : ils sont 67 en France en 2014. Leur patrimoine a augmenté de 15 % en un an (après avoir déjà progressé de 22 % en 2012). Ces 500 familles ou individus se partagent 390 milliards d’euros

, soit près de 7 fois le déficit budgétaire du pays, ou 1/5ème de la dette publique. Dette publique, en partie provoquée par les cadeaux fiscaux accordés à ces plus fortunés et qu’on agite comme un chiffon rouge pour faire accepter au bon peuple des restrictions qui feront encore mieux tourner la roue de la fortune… pour quelques uns.

 

Ces 390 milliards d’euros sont, également, l’équivalent des 2/3 des dépenses dites sociales (retraites, soins, allocations) qui révulsent tant les « experts », au service des grandes fortunes, qui pérorent sur nos écrans. Or ces dépenses sociales, fruit le plus souvent de cotisations, donc salaire différé, bénéficient à la quasi-totalité dela population. Enfin, pour clore sur les comparaisons, notons que ce pactole est supérieur au budget de l’Etat. Et que les dix premiers du classement, avec 157 Mds €, pourraient, avec leur fortune, prendre en charge tout à la fois les budgets de la Défense, de l’Education nationale, de la Justice et les intérêts de la dette.

 DSCF4468.JPG

La revue Challenges publie son traditionnel numéro spécial sur les Fortunes de France (couverture noire et lettres d’or obligent). Evidemment, la plupart des très riches qui ont fui le pays, comme Eric Cormier déjà évoqué dans ce blog (ici), ne sont pas comptés. Bernard Arnault, PDG de LVMH, demeure la plus grosse fortune avec, en un an, un gain de 2,7 Mds € (soit 200 000 salaires annuels au Smic empochés sur une année). Les ventes, les acquisitions, les taux d’emprunts attractifs expliquent ces résultats démesurés. Ces détenteurs de patrimoines exorbitants peuvent sans cesse pleurnicher devant ce qu’ils appellent une « fiscalité confiscatoire », ce qui ne les empêche pas d’engranger des royalties dont ils ne savent que faire.

 

Effectivement que faire de tout cet argent, sinon, comme n’importe quel clampin, vouloir améliorer son logis. Alors Challenges ne nous épargne pas les villas de rêve à Saint-Tropez (y compris celle du saltimbanque Arthur, réfugié, certes, en Belgique, mais 224ème fortune de France avec 250 millions d’euros). Et aussi les immeubles de l’avenue Foch, les trésors de la Villa Saïd à Paris (regroupement protégé de maisons de luxe appartenant, entre autres, à quelques miséreux, tels MC Solaar, Pascal Obispo et Eddy Mitchell, ce dernier ne se gênant pas, lors d’émissions à sa gloire, pour gémir, tel un vulgaire Florent Pagny, sur le méchant fisc). Les yachts, qui dorment dans des rades de luxe. Les « danseuses » : ces milliardaires qui financent des think tanks, tels Henry Hermand, un proche de Claude Perdriel, fondateur du Nouvel Obs et patron de… Challenges, qui subventionne Terra Nova tout en le trouvant « trop proche du PS et du gouvernement » ou Bernard Zimmern, qui a versé régulièrement 500 000 € par an à l’Ifrap d’Agnès Verdier-Molinié (pour qu’elle mène campagne contre toute idée de service public).

 

 DSCN7093.JPG

 [Photo YF]


Perfide, le journaliste de Challenges note que l’« égérie » de l’Ifrap est passée 340 fois sur les ondes radio ou télévisées en 2013 (et déjà 270 fois depuis début 2014). Comme si Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef de Challenges, elle-même très présente sur les ondes, réglait gentiment ses comptes avec sa concurrente et néanmoins alliée. Car Ghislaine Ottenheimer fait partie de ces « experts » qui dissertent à n’en plus finir pour une économie libérée (elle honnit le mot « ultra-libéral »), contre les dépenses publiques trop élevées, pour une réduction des dépenses sociales, pour la mort du « mille-feuilles » administratif dépensier (qui se résume, selon elle, à trop de ronds-points routiers en France), pour les économies de santé (qui se résume à la nécessité d’une « médecine ambulatoire », idée qu’elle a pompée dans un rapport officiel).

 

C’est elle qui pour régler le problème du logement a proposé un jour que l’on construise des tours au-dessus des périphériques (C dans l’air du 5 décembre 2012) et que les normes pour handicapés soient modifiées à la baisse. C’est elle également qui disculpait les financiers américains dans la crise des subprimes, faisant peser toute la responsabilité sur le seul Etat US qui avait « distribué du crédit à tout vent, y compris aux pauvres, aux banlieues noires » (13 février 2013). C’est elle qui affiche un culte du risque et de l’esprit entrepreneurial (sans doute pour nous convaincre qu’elle possède ces « qualités ») et pousse le vice jusqu’à souhaiter pour les chômeurs de connaître, comme les entrepreneurs, le risque : alors ils retrouveront du travail (24 mai 2013). Et de livrer à longueur d’émissions son rejet de l’Etat-providence, laissant souvent transparaître sa parfaite ignorance des dossiers sociaux sur lesquels elle s’exprime. L’Allemagne est tellement son modèle qu’elle lâche un jour (25 septembre 2013), sans crainte du ridicule, qu’« il n’y a pas de SDF à Berlin ». Elle qui croit qu’on gère un pays comme le budget d’un ménage. Qui préfère se pâmer devant les revenus des nababs et mépriser les petits salaires qu’elle qualifie de « revenus pépère » (20 mai 2014).

 Opulence à outrance... effet de sidération

On voit mal comment la question de la richesse en France, avec de tels rédacteurs, peut être traitée sérieusement dans un tel magazine. Ce numéro de Challenges sur les fortunes françaises consacre 110 pages au sujet, sans aucune analyse de fond sur ce que ces excès de richesse provoquent dans l’économie générale, sans interrogation sur la légitimité de telles inégalités, en évitant bien de relever que beaucoup de ces fortunés sont des héritiers, se contentant finalement d’une approche people de la question. Etaler ainsi l’opulence à outrance a sûrement moins pour effet de donner l’espoir aux citoyens d’y avoir accès un jour que de favoriser le fatalisme par un effet de sidération : c’est tellement énorme qu’ils se résignent à cette atteinte flagrante au principe de l’égalité républicaine. Pourtant rien ne dit qu’un jour ils ne finiront pas par ne plus supporter de telles provocations.  

 photo_2_0.JPG  

[Montage GF pour Social en question]

Heureusement, tout de même, qu’en dehors de ce dossier, un article est consacré à Thomas Piketty et à son livre sur le Capital au XXIème siècle (qui porte sur les inégalités de patrimoine et de revenus), tout en sollicitant de nombreux commentateurs « libéraux » chargés de le dégommer. Cependant, est cité ce commentaire « détonant » extrait d’une étude du FMI de février dernier : « les inégalités excessives, au-delà des considérations sociales et morales, nuisent à la croissance » !

 

Les inégalités sont, en partie, dues à l’héritage : alors Challenges convoque Denis Kessler, ancien vice-président du Medef, pour un éditorial dans lequel il s’insurge contre la taxation sur les successions, avec cet argument imparable : « une nation doit encourager ceux qui se projettent dans l’avenir et constituent des patrimoines en ne consommant pas l’intégralité de leur revenu ». Le petit épargnant croira qu’on parle de lui, et applaudira des deux mains : c’est ainsi que des gens modestes gobent ce type de propagande, et ferment les yeux face aux inégalités, aux injustices que, scandale des scandales, la loi autorise. Alors que Denis Kessler, qui dit vouloir encourager les « fourmis », milite en réalité  pour que les 500 (et bien d’autres encore) ne soient pas taxés et puissent jouir sans entraves de leur fortune, la décupler et la léguer à leurs descendants.

 

Pour boucler la boucle de l’indécence, citons encore cet article du même numéro de Challenges sur  « la générosité, vraie richesse de ces milliardaires belges ». Il s’agit des Ullens, couple belge, lui homme d’affaires (il contrôle Weight Wachters), elle propriétaire d’une maison de prêt-à-porter dont le siège est à Paris : ils ont énormément d’argent. Ils spéculent sur l’art : un tableau acheté 25 000 $ a été revendu 23 millions € (1000 fois plus), et Monsieur en « rigole » encore. Madame le sermonne car il ne faut pas donner de chiffres au public : « le couple Ullens préfère que l’on retienne de lui sa générosité », c’est-à-dire sa fondation d’aide aux personnes atteintes d’un cancer, ou la création au Népal d’un orphelinat et d’une école à laquelle, modestement, ils ont donné leur nom. M. Ullens aura bientôt 80 ans, il ne compte pas s’arrêter de si tôt : « La retraite est une invention infernale ! » Avant cette dernière saillie méprisable, l’industriel belge, ami de Bernard Arnault, avait osé confier : « Les Français entretiennent des rapports compliqués avec leurs riches, à mi-chemin entre la jalousie et la détestation ». Sans imaginer que les Français puissent être parfois tout simplement effarés devant l’inconsistance, la suffisance, l’ignorance, en un mot la bêtise de ces accapareurs, qui jamais ne s’interrogent sur la légitimité de leur richesse et sur l’hypocrisie de leur générosité.

 

 photo_4.JPG 

Dans la cathédrale de Villefranche-de-Rouergue, en ce moment : "Ta pauvreté : je la connais, Je te pardonne et je t'aime" ! [Ph. YF]

 ________

Inégalités sur tous les fronts :

L’Observatoire des inégalités (www.inegalites.fr) montrait, dans une étude sur l’évolution des inégalités de patrimoines nets (dettes déduites) entre 2004 et 2010 en France, que les 10 % les moins fortunés disposaient d’un patrimoine, en moyenne, de 1600 €, celui des 10 % les plus fortunés de 501 600 €, le patrimoine médian étant de 113 500 €.

 

Au niveau international, selon le magazine Forbes américain, le nombre de milliardaires a également considérablement augmenté pour atteindre 1590 en 2014 avec un patrimoine de 6600 milliards de dollars (en hausse de 30 % en un an) soit plus de trois fois le PIB dela France. Bill Gates toujours en tête avec 77,5 Mds : un industriel de l’Espagne exsangue, le talonne avec 61,6 Mds. En Inde, où une partie de la population encaisse grassement un euro par jour, un milliardaire coule des jours heureux avec une fortune de 26,2 milliards de dollars.

 

Le dossier de Challenges sort au moment où l’on apprend que le taux du livret A et du LDD baisse (au 1er août) à 1 % : ça ne fera pas beaucoup de noisettes, mais on n’a pas entendu Denis Kessler s’insurger. Peut-être parce que de plus en plus les sommes ainsi collectées vont moins à la Caisse des dépôts et de consignations (pour des réalisations publiques) qu’aux banques qui s’accaparent 70 % de la collecte (selon l’Observatoire de l’épargne réglementée).

 

Enfin, Challenges, étant paru le 10 juillet, n’a pas pu couvrir l’ouverture du Palace Peninsula le 1er août avenue Kléber à Paris après quatre années de travaux : les prix des chambres vont de 1000 à 25 000 € pour une nuit ! Une paille : au Plaza Athénée la suite la plus coûteuse atteint 27 000 €.  

 

 

Billet n°135

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr

[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, Social en question]

 

 

 

Fichier attachéTaille

DSCF4468.JPG 2.45 Mo

DSCN7093.JPG 894.03 Ko

photo_2.JPG 172.85 Ko

photo.JPG 905.11 Ko

 

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup

 

 

Partager cet article
Repost0
1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 18:16

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

La fin du gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces ?

Le Monde | 31.07.2014 à 21h01 • Mis à jour le 31.07.2014 à 21h16 | Par Audrey Garric

 


 

Une proposition de loi veut obliger les grandes surfaces à faire don de leurs invendus alimentaires aux associations caritatives.

 

Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, qu'ils qualifient de « fléau de notre société de consommation », soixante-trois députés de tous bords politiques ont déposé, mercredi 30 juillet, une proposition de loi pour contraindre les grandes surfaces de plus de 1 000 m2 à donner leurs invendus alimentaires encore consommables aux associations caritatives.

« Disposant d'une logistique et d'un stock importants, les grandes surfaces peuvent ainsi pratiquer plus facilement que des particuliers le don alimentaire. Néanmoins, cette démarche ne repose que sur la seule volonté des exploitants. Un caractère plus systématique voire obligatoire devrait donc être inséré à cette démarche en modifiant la législation en vigueur », explique le texte, déposé à l'initiative du député du Nord (apparenté UMP) Jean-Pierre Decool, qui s'inspire d'un décret similaire adopté par le Parlement wallon en février.

Selon la Commission européenne, l'origine du gaspillage dans les vingt-huit pays de l'Union européenne proviendrait pour 42 % des ménages, pour 39 % de l'industrie agroalimentaire, pour 5 % des détaillants et pour 14 % de la restauration. En France, chaque grande surface produit 200 tonnes de déchets par an — sans que l'on connaisse toutefois la part de denrées consommables. Les habitants, de leur côté, jettent 20 kilos d'aliments par an, dont 7 kilos encore emballés.

 

30 % DES DONS VIENNENT DÉJÀ DE GRANDES SURFACES

« Cette proposition de loi est une bonne chose car elle va permettre d'augmenter la collecte de produits invendus, certains supermarchés pouvant donner davantage. Mais l'approche contrainte nous met mal à l'aise », affirme Maurice Lony, directeur fédéral des banques alimentaires françaises, dont les quatre-vingt-dix-huit banques et antennes redistribuent les denrées alimentaires à cinq mille trois cents associations locales.

Un caractère obligatoire qui émeut également la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD). « Pourquoi ajouter une contrainte alors que les grandes surfaces donnent déjà quotidiennement ? s'interroge-t-on à la FCD. Sans compter qu'il est absurde de vouloir donner tout ce qui est invendu : beaucoup de produits, comme les poissons, crustacés ou pâtisseries fraîches, font l'objet d'un encadrement sanitaire très précis. »

En 2012, les mille quatre cents hypermarchés français ont donné 32 000 tonnes de denrées (+ 15 % par rapport à 2011), soit l'équivalent de 64 millions de repas, lors des opérations quotidiennes de « ramasse » — quand les associations font la tournée des magasins pour récupérer les invendus. Au total, les grandes surfaces contribuent pour 31 % aux dons récoltés par les banques alimentaires, devant l'industrie agroalimentaire et les agriculteurs (24,5 %) et le grand public (13,5 %) — ces dons sont complétés par les programmes d'aide européen et français (31 %).

 

NORMES D'HYGIÈNE ET SÉCURITÉ SANITAIRE

« Le texte nécessitera une concertation entre les tous les acteurs concernant ses modalités d'application, qui restent à définir, ajoute Maurice Lony. Il faudra résoudre les questions de logistique pour récupérer tous les dons, assurer la redistribution et respecter les normes d'hygiène et de sécurité sanitaire. Qui va payer pour tout ça ? » Pour respecter la chaîne du froid des produits frais, surgelés ou de la viande, les associations doivent par exemple disposer de camions réfrigérés et de chambres froides.

« Nous récupérons beaucoup de produits dont la date limite de consommation expire sous un jour ou deux. Nous devons donc être capables de les récupérer et les redistribuer très vite », poursuit Maurice Lony.

Dans l'immédiat, la proposition de loi doit encore trouver une niche parlementaire du groupe UMP afin d'être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Lire : Le vaste chantier de la lutte contre le gaspillage alimentaire

 Audrey Garric
Journaliste au service Planète du Monde

 

 

Source : www.lemonde.fr

 


 

 

 

Partager cet article
Repost0
1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 17:46

 

Source: cadtm.org

 

CADTM

 

Les fonds vautours qui dépècent l’Argentine se jettent sur l’Espagne

30 juillet par Fatima Fafatale , Jérome Duval

 

 

 

 

Le fonds vautour NML Capital, qui avec d’autres, maintient l’Argentine au bord de la suspension de paiement, est déjà en train de dévorer la charogne sur le marché espagnol. Elliott Management, fonds opportuniste du multi-spéculateur étatsunien Paul Singer, a déjà récupéré un milliard d’euros en crédits défaillants de Bankia et 300 millions d’euros de Santander. Selon Auraree.com, il aurait payé à peine 50 millions pour les deux portefeuilles.

En mars 2013, la presse économique signalait qu’Elliott avait acquis 300 millions d’euros de crédits à la consommation en souffrance de Santander Consumer Finance, avec un rabais d’environ 96%. Le prix payé laisse songeur : près de 12 millions d’euros, selon la presse (Cinco Días).
En août de la même année 2013, Bankia, l’entité nationalisée qui a le plus profité du sauvetage bancaire espagnol, ce qui a considérablement élevé la dette publique, informait qu’elle avait vendu 3 portefeuilles de crédits défaillants pour un volume total de 1,35 milliards d’euros de dette. Dans l’information communiquée à l’organisme chargé de la supervision des marchés financiers, la CNMV (Comisión Nacional del Mercado de Valores), Bankia n’indiquait ni à qui les prêts avaient été vendus, ni à quel prix. Malgré un manque flagrant de transparence, la presse économique a donné des détails de l’opération, pour laquelle elle estime que les acheteurs peuvent avoir bénéficié d’un rabais de 95 % : parmi ceux-ci figureraient le vautour Cerberus (conseillé par José María Aznar Jr., fils de l’ex-président du gouvernement), Elliott et l’entreprise de recouvrement norvégienne Lindorff. Selon l’information publiée par Finanzas.com, « le portefeuille est estimé à 1,35 milliards, mais ils ont seulement payé 68 millions ». Bankia, que nous avons contactée pour confirmer ces données, nous a répondu : « Pour des raisons de confidentialité, nous ne donnons jamais les chiffres et les acheteurs ne veulent pas être identifiés. »
Quelques mois plus tard, on apprenait qu’Eliott achetait l’agence de gestion de dettes espagnole Gesif pour en faire sa base d’opérations sur le marché espagnol. Sa directrice générale, Melania Sebastián est l’ancienne responsable de Gestion de l’Information de la Banque Commerciale Caja Madrid. C’est ainsi qu’une ex-directrice de Caja Madrid sert d’intermédiaire entre Bankia déjà nationalisée et le fonds vautour Elliott.


"La patrie ou les vautours"

Que s’est-il passé en Argentine ?

Les fonds vautours se font de l’argent en spéculant sur les pays en difficultés, comme en Argentine durant la crise de 2001. Ils achètent alors des bons de la dette à bon prix avant d’en exiger, le moment opportun, le remboursement à un prix élevé par voie judiciaire, en y incluant des intérêts de retard et des frais de justice. Ils spéculent ainsi sur la dette publique, en compromettant les dépenses sociales pour la grande majorité de la population. Ces fonds vautours ont choisi le litige après avoir refusé de faire partie des 93% des créanciers qui avaient négocié avec le gouvernement argentin. Et maintenant le juge du district de New-York Thomas Griesa, donne la priorité au paiement aux fonds vautours. Ce qui ouvre la porte à une avalanche de demandes en justice qui pourrait déboucher sur le défaut de paiement de l’Argentine le 30 juillet.
Comme le dit bien Julio C. Gambina, « Personne ne sait avec exactitude à combien peut s’élever la demande des créanciers de la dette impayable » |1|, mais nous savons que le prix pour le peuple argentin peut être catastrophique.

Qui se cache derrière ces fonds vautours ?

NML Capital est une filiale du fonds d’investissement Elliott Management Corporation enregistré dans le paradis fiscal des îles Caïman. C’est l’empire du millionnaire Paul Singer, ferme défenseur du parti Républicain aux USA et proche de l’ultra-conservateur Tea Party.

Elliott spécule, entre autre, sur les dettes publiques, en violant toute souveraineté des États et de leurs peuples. Mais il spécule aussi sur les dettes privées et était entré en possession de 2 millions de dollars de celle de Lehman Brothers en 2011.
Singer a été le plus important bailleur de fonds pour la campagne présidentielle de George W. Bush en 2004, il finance aussi celle de Mitt Romney en 2012, et celle du maire de New-York, Rudolph Giulani. En tant que principal fournisseur de fonds pour le parti Républicain, il joue un rôle important dans la politique nord américaine et, vue la prédominance du pays au-delà des frontières, influe sur la politique internationale.
La fondation qui porte son nom, The Paul E.Singer Foundation, fait l’éloge de sa philanthropie, de son rôle dominant pour l’expansion du libre-échange, sa gestion en faveur de la sécurité nationale des Etats-Unis et pour le « futur d’Israël ». Singer est aussi le président de la boîte à idées conservatrice Manhattan Institute for Policy Research.
En ce qui concerne l’Argentine, NML est le principal bailleur de fonds de l’organisation American Task Force Argentina (AFTA), lobby qui influe sur la justice et le Congrès US afin de porter préjudice à l’Argentine. Pour se faire une idée du pouvoir de ces vautours, NML est même allé jusqu’à faire saisir le navire-école de la marine argentine, la frégate Libertad, au Ghana en octobre 2012, en exigeant de l’État argentin environ 370 millions de dollars pour des bons impayés.


"La frégate ne doit être ni livrée ni vendue"

Ce qui se passe en Argentine est emblématique de ce que commence à vivre la Grèce, où opèrent des fonds vautours comme Dart Management, dont le siège se trouve aux îles Caïman et qui opère aussi en Argentine. Déjà en 1999, NML a obtenu, grâce à un jugement aux USA, le paiement de 58 millions de dollars du Pérou pour une dette que le fonds avait acheté 11 millions. Il a aussi fait des affaires avec la RDC.

Vague de solidarité internationale face à un capitalisme vautour dévastateur

L’agissement des vautours en Argentine a déclenché une vague d’indignation partout dans le monde contre la spéculation qui joue avec la souveraineté et la vie d’une grande majorité des peuples endettés. Depuis la Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette en Espagne (PACD) dont nous faisons partie, nous lançons un communiqué de solidarité avec le peuple argentin, et affirmons que « l’Argentine devrait désobéir à la sentence du juge Griesa, (…) puisque, en accord avec le droit international, elle a l’obligation de satisfaire les besoins de sa population avant le paiement d’une dette. » Comme le stipule bien le communiqué, ce qui se passe n’est pas seulement un problème argentin, mais plutôt un conflit mettant en jeu la suprématie du pouvoir financier au détriment de la souveraineté des peuples.


Source : http://www.tlaxcala-int.org/article...

Notes

|1| “Nadie sabe en rigor a cuánto puede llegar la demanda de acreedores de la impagable deuda”

 

 

Source: cadtm.org

 

 

 

Partager cet article
Repost0
31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 15:16

 

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

 

Emprunts toxiques : un sale été pour les communes touchées

Le Monde.fr | 30.07.2014 à 19h01 • Mis à jour le 31.07.2014 à 15h19 | Par Mathilde Damgé

 
 

 

Le taux d'intérêt annuel de l'emprunt toxique Dexia de Nice (Alpes-Maritimes) a été à 14,89 % en juillet.

 

Les banques peuvent souffler : le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par le groupe UMP de l'Assemblée nationale, a, la semaine dernière, jugé conforme la loi sur les emprunts dits « toxiques » contractés par des collectivités locales. La validation rétroactive de ces emprunts à risque est définitivement actée, et les intérêts de l'Etat sont donc saufs.

En résumé, le gouvernement a préservé ses intérêts, en refusant aux communes la possibilité de se retourner contre les banques qui leur avaient conseillé de souscrire ces prêts à risque. Et les communes, telles des spéculateurs piégés par des produits financiers indomptables, restent de ce fait très endettées.   


Lire : Tout comprendre des emprunts toxiques en dix questions

 

Cette confirmation de la sécurisation des emprunts atterre les collectivités « victimes » : le texte validé par les « sages » vise à mettre ces emprunts pourris à l'abri d'une annulation par le juge civil qui pourrait, comme cela a déjà été le cas à Nanterre et Paris, les remplacer par des emprunts au taux d'intérêt légal, quasi nul. Ce qui n'arrangerait ni les banques, ni Bercy, qui a assumé avec la Belgique le sauvetage de Dexia et transféré dans la SFIL (société de financement local) le stock de prêts sensibles.

 

Des taux à 15 % Cette décision douche d'autant plus les espoirs des collectivités que leurs finances sont inexorablement gangrenées par les emprunts toxiques. Les emprunts structurés à risque correspondent à des produits financiers très attractifs parce qu'ils proposent, dans un premier temps, des taux d'intérêt bien plus intéressants que le marché, mais ils comportent une « deuxième phase » qui se déclenche au bout de quelques années et comprend une part de risque importante, liée à l'évolution d'indices, de monnaies... Pour certaines collectivités, l'heure de la fixation du nouveau taux d'intérêt a sonné ce mois-ci : le site d'information emprunttoxique.info, animé par l'ancien cadre de banque Emmanuel Fruchard, montre que la revalorisation du montant des intérêts à régler par les communes a atteint jusqu'à 15 %. Lire l'entretien : « Les élus étaient tellement confiants » 15,48 % C'est le taux de l'emprunt que doit rembourser Deuil-la-Barre (Val-d'Oise), en région parisienne, à Dexia. Nice (Alpes-Maritimes) emprunte à la même banque à 14,89 % tandis qu'à Grasse (Alpes-Maritimes), on paie 11,61 % d'intérêt. A Seynod (Haute-Savoie), un emprunt SFIL voit son taux fixé à 13,75 %. « Désastreux » pour les finances locales L'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) juge la décision du Conseil constitutionnel « désastreuse pour les finances locales (...) au moment même où plusieurs décisions de justice donnaient raison aux collectivités, en ramenant le taux d'intérêt de leurs prêts (...) au taux d'intérêt légal proche de 0 % ». L'institution présidée par Jean-Louis Debré avance, pour sa défense, un motif d'intérêt général « eu égard à l'ampleur des conséquences financières ». Le risque de recours des collectivités contre des banques alimentées en partie, ou en totalité dans le cas de la SFIL, par l'Etat, aurait pu représenter un risque financier pour ce dernier de 17 milliards d'euros, selon les calculs de Bercy. Trois cents contentieux environ ont été générés par l'affaire des emprunts toxiques, qui concerne quelque 1 500 collectivités ou organismes publics ayant souscrit, dans les années 1990 et 2000, des contrats de prêts structurés à taux qui peuvent connaître de très fortes variations et amener les communes proches d'une situation de surendettement. Après Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) et le conseil général de la Seine-Saint-Denis, c'est Angoulême (Charente) qui avait obtenu, début juillet, le remboursement par Dexia de 3,4 millions d'euros pour une erreur de calcul des taux d'intérêt (sur un emprunt de 16 millions d'euros). La ville, qui voit la somme s'éloigner avec la confirmation de la loi de validation rétroactive, pourrait à nouveau saisir le tribunal administratif et attaquer la banque pour défaut de conseil, voire même contester la validation du Conseil constitutionnel devant la Cour européenne des droits de l'homme, selon le quotidien régional Sud Ouest. Votre commune a-t-elle des emprunts toxiques ? Aidez-nous à compléter notre enquête : Comment nous avons travaillé > Vidéo : Comment chercher si votre commune possède des emprunts toxiques Mathilde Damgé De l'éco, du décryptage et une pincée de data Suivre Aller sur la page de ce journaliste Suivre ce journaliste sur twitter Le combat de l'Etat et des collectivités en 5 dates 8 février 2013 : le tribunal de grande instance de Nanterre donne raison au département de la Seine-Saint-Denis, qui attaque Dexia Crédit local – la banque franco-belge auprès de laquelle il a souscrit en 2007 un emprunt toxique – au motif que le contrat de prêt a été conclu sur la base de documents ne mentionnant pas le taux effectif global (TEG). 25 septembre 2013 : le projet de loi de finances intègre un dispositif destiné à « apporter une solution pérenne et globale au problème des emprunts structurés les plus risqués » ; un dispositif qui protège les établissements de crédit contre des recours éventuels en justice. 29 décembre 2013 : le Conseil constitutionnel censure ce dispositif car la validation, telle qu'elle est formulée, recouvre « un champ d’application extrêmement large », ce dont se félicitent les collectivités qui critiquaient une « amnistie bancaire ». 17 juillet 2014 : le Parlement adopte un nouveau projet de loi de protection des intérêts de l'Etat ; le nouveau texte est limité aux seuls prêts structurés souscrits par des personnes morales de droit public. 24 juillet 2014 : le Conseil constitutionnel, saisi par le groupe UMP de l'Assemblée nationale qui continuent de contester la portée du texte, valide la loi.

 

 

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 17:37

 

 

Source : www.reporterre.net


 

Société

L’Europe impose à l’Afrique un traité pire que le TAFTA

Jean Gadrey

mercredi 30 juillet 2014

 

 

 

L’Union Européenne a signé avec seize pays d’Afrique de l’Ouest un accord dit de partenariat économique. Pire que le Traité transatlantique avec les Etats-Unis, l’APE est un blanc-seing donné par la Commission européenne aux multinationales pour piller les ressources et le marché africains. Un appel est lancé pour appeler les élus européens à ne pas ratifier cet accord.


Nous avons pris à quelques-un-e-s (Jacques Berthelot, Jean Gadrey, Susan George et Majdouline Sbaï) l’initiative d’un appel dont l’ambition est de bloquer l’adoption par le Parlement européen d’un projet très avancé, qui a exigé des années de négociations souterraines, à l’abri du regard et des exigences de la société civile : un APE, accord dit de partenariat économique avec seize pays de l’Afrique de l’Ouest, sous la pression de l’UE.

C’est pour nous un TAFTA (le grand marché transatlantique entre l’UE et les Etats-Unis) en pire. En pire en tout cas pour les peuples d’Afrique de l’Ouest. J’ai déjà consacré un billet à ce projet funeste et deux billets au projet TAFTA ou GMT, dont celui-ci.

Cet appel est assez court. J’aurai l’occasion, avec les trois personnes qui l’ont initié, d’expliciter certains aspects de cet APE, dont un mécanisme de règlement des différends entre les Etats et les firmes multinationales qui serait à coup sûr bien plus désastreux encore pour des pays pauvres que celui qui figure dans le projet TAFTA.

Nous espérons également que notre appel confortera la société civile africaine, mobilisée depuis quatorze ans contre ces projets d’APE, et qui va encore mener des mobilisations dans les pays concernés, dont il semble que les Parlements doivent se prononcer.

ATTENTION : n’envoyez pas de signatures individuelles à ce stade. Notre intention est de réunir au cours de l’été des signatures d’une part d’ONG et associations en Europe et en Afrique, d’autre part d’élu-e-s ou anciens élu-e-s aux Parlements nationaux et au Parlement européen.

Nous en avons déjà recueillies plusieurs en quelques jours, et non des moindres. Beaucoup d’autres vont arriver. Nous en rendrons la liste publique probablement vers la fin août et nous déciderons alors, en relation avec les organisations signataires, de lancer ou non une pétition « grand public » hébergée par un site approprié.

TEXTE DE L’APPEL :

Le Parlement européen ne doit pas ratifier l’accord « de partenariat » entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest

Le 10 juillet 2014, à Accra, capitale du Ghana, les seize chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest ont signé un projet d’accord dit de partenariat économique entre l’Union européenne (UE) et les quinze Etats de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) plus la Mauritanie. Il s’agit en fait d’un accord de « libre-échange » visant à supprimer 75 % des droits de douane sur les importations venant de l’UE et à limiter leur politique commerciale au-delà des exigences de l’OMC (1).

Cet accord, s’il est ratifié par le Parlement européen, sera un désastre pour les peuples d’Afrique de l’Ouest mais aussi pour ceux de l’Europe. Il résulte de pressions exercées par les firmes multinationales européennes, au service desquelles s’est mise la Commission européenne, parvenant à entrainer des chefs d’Etat africains qui sont restés insensibles devant les mises en garde répétées de leurs sociétés civiles, mobilisées depuis quatorze ans.

Les peuples européens n’ont rien à y gagner, au contraire. Cet accord va favoriser leur agriculture la plus productiviste, pollueuse, destructrice d’emplois, ainsi que certains secteurs industriels non moins productivistes, exportateurs de biens de médiocre qualité, au détriment de politiques d’agriculture durable, de souveraineté alimentaire et de transition industrielle écologique.

Il va encourager l’importation par l’UE de matières premières brutes plutôt que la réduction des bilans matières de la production européenne.

Les peuples d’Afrique de l’Ouest et des autres pays d’Afrique subsaharienne et des quatorze petites îles du Pacifique sous la menace de semblables accords, ont tout à y perdre. L’APE SADC de six Etats de l’Afrique australe a aussi été paraphé le 22 juillet. Les douze Etats sur seize d’Afrique de l’Ouest ayant le statut de PMA (pays les moins avancés) ne pourront plus taxer les 10,6 milliards d’euros de produits qu’ils importent de l’UE, d’où des pertes budgétaires considérables...

 

*Suite de l'article sur

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 17:28

 

Source : www.mediapart.fr

 

Un conflit d'intérêts éclabousse l'Autorité des marchés financiers

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Membre du collège de l'AMF, Monique Cohen vient d'entrer aux conseils d'administration de BNP Paribas et de Hermès. Problème : le gendarme des marchés supervise le premier et a condamné LVMH, en conflit avec le second.

C’est une petite histoire qui n’a pas fait l’objet d’une grande publicité. Une information confidentielle révélée par le site d’information financière Wansquare au début de ce mois (ici, lien payant), puis une dépêche AFP et quelques reprises dans la presse économique spécialisée, et c’est tout : nul ne s’est vraiment intéressé aux activités innombrables de Monique Cohen dans la vie parisienne des affaires. C’est un tort. Car, à l’évidence, le parcours de cette femme d’affaires est symbolique des mœurs du capitalisme de connivence à la française. Et surtout, il jette le doute sur l’indépendance du collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui s’accommode de stupéfiants conflits d’intérêts.

Monique Cohen 
Monique Cohen

Peu connue du grand public, Monique Cohen n’en est pas moins une figure importante de la vie des affaires en France. D’abord, elle est directrice associée d’Apax Partners (voir ici, sur le site du fond d'investissement), une multinationale du capital-investissement. Mais c’est aussi une cumularde du CAC 40 et de ses annexes, occupant d’innombrables autres fonctions dans de très nombreuses sociétés. Elle est ainsi pêle-mêle directrice générale déléguée d’Altamir Gérance, administratrice d’Altitude, membre du conseil de surveillance de JC Decaux, administratrice du groupe Safran, administratrice de Buy Way Personal Finance Belgium SA (Belgique), administratrice de Buy Way Tech SA (Belgique), membre du conseil d’administration de Financière MidMarket SAS, membre du comité de surveillance de Global Project SAS, administratrice de Proxima Investissement (Luxembourg), administratrice de Société de financement local SA, présidente du Texavenir II SAS, présidente de Trocadero Participations II SAS, présidente du conseil de surveillance de Trocadero Participations SAS, ou encore présidente des conseils d’administration de Wallet SA (Belgique) et Wallet Investissement 1 et 2 SA (Belgique). Impressionnant, n’est-ce pas ?

On se demande comment il est possible de diriger ou de participer aux conseils d’administration d’autant de sociétés ou de fonds d’investissement ! Mais le fait est que Monique Cohen ne fait que se conformer à une pratique courante dans la vie des affaires. Et si son seul signe distinctif avait été le nombre de ses fonctions, sans doute n’aurait-on jamais parlé d’elle.

Seulement voilà ! L’intéressée a aussi été cooptée ces derniers mois dans deux autres cénacles beaucoup plus prestigieux. D’abord, le 12 février 2014, elle a fait son entrée au conseil d’administration de BNP Paribas (c’est sur le site de la banque que l’on trouve tous ses états de service). Et son mandat d’administratrice a été renouvelé le 14 mai 2014 pour une durée de trois ans. Elle siège donc dans cette instance aux côtés des figures les plus connues de la vie parisienne des affaires, parmi lesquelles le PDG de Total Christophe de Margerie, l’ancien numéro deux du Medef Denis Kessler, le PDG de la compagnie Saint-Gobain Pierre-André de Chalendar ou encore l’ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot, sans parler naturellement du patron de la banque Baudoin Prot, et son prédécesseur Michel Pébereau qui est l'un des parrains du capitalisme français.

Puis, le 3 juin 2014, Monique Cohen a également fait son entrée au conseil de surveillance de la firme de luxe Hermès. Et pas à un poste de second rang. Non ! Elle y a été cooptée en qualité de vice-présidente, comme on peut le vérifier sur le site Internet de la société.

Et cela change évidemment tout. Car d’un seul coup, Monique Cohen est passée de l’ombre à la lumière. Mais surtout elle s’est placée dans une situation de conflit d’intérêts qui retient l’attention. Et cela à cause d’une ultime fonction : en mai 2011, sur proposition de l'ex-président du Sénat, Gérard Larcher (voir ici l’avis paru au Journal officiel), elle a aussi fait son entrée au collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), une autorité qui est supposée être indépendante et qui est le gendarme de ces marchés.

Comme l’explique le site Internet de l’AMF, son collège constitue son instance principale : « Les missions confiées à l’Autorité des marchés financiers sont exercées par un Collège constitué de 16 membres. Principal organe décisionnel de l’AMF, ses compétences portent sur : l’adoption de nouvelles réglementations, les décisions individuelles ainsi que l’examen des rapports de contrôle et d’enquête. En tant qu’autorité de poursuite de l'AMF, le Collège décide l’ouverture des procédures de sanction », peut-on lire sur le site.

En quoi cela pose-t-il donc problème que Monique Cohen siège tout à la fois dans ces conseils d’administration et au sein de ce collège de l’AMF ? Dans le cas de BNP Paribas, on comprend bien pourquoi. La banque est au cœur de la vie économique et financière française de la France – et de l’Europe – et d’innombrables opérations conduites par elle sont placées sous la surveillance de l’AMF et, éventuellement, si des infractions devaient être commises, sont passibles de ses sanctions.

On comprend donc que BNP Paribas ait eu l’idée de coopter à son « board » un membre du collège de l’AMF. Ce sont-là des proximités auxquelles elle a naturellement tout à gagner. Et ces proximités ne sont pas les seules. À la faveur de la crise financière, on s’est aperçu que de nombreuses banques avaient par ailleurs coopté dans leurs conseils des économistes, qui étaient censés être des universitaires indépendants, et dont les préconisations étaient du même coup entachées à cause de ce lien financier. Quand on a découvert l’importance du phénomène, ces « imposteurs de l’économie » appointés par la finance ont fini par faire scandale. Si BNP Paribas a donc un intérêt à coopter dans son conseil un membre du collège de l'AMF, la réciproque n'est évidemment pas vraie : vu du côté de l’AMF, le conflit d’intérêts de Monique Cohen est patent, et on peine à comprendre qu’il puisse être toléré.

Avant l'affaire Monique Cohen, l'affaire Françoise Bonfante

Mais ce n’est pas le seul conflit d’intérêts que connaisse Monique Cohen. Il y en a un autre, bien plus spectaculaire, et celui-là concerne sa cooptation comme vice-présidente du conseil de surveillance Hermès. Car l’histoire de la firme de luxe a croisé dans le passé celle de l’AMF, et dans des conditions qui avec le recul retiennent l’attention.

Après que le groupe de luxe LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnault, eut décidé de monter subrepticement au capital de son rival Hermès pour essayer de le croquer, une bataille financière âpre a commencé. Et le collège de l’AMF a clairement pris position dans le conflit – le collège de l’AMF dont… Monique Cohen est membre. Voici la relation des faits, telle que l’AFP les a établis (la dépêche est consultable ici) après les premières révélations de Wansquare. Parlant de Monique Cohen, l'agence explique : « Elle siégeait au collège le 3 juillet 2012, lorsque avait été décidé le renvoi de LVMH devant la Commission des sanctions concernant sa montée masquée au capital de Hermès, selon un document obtenu par l'AFP. Le collège s'était réuni le 3 juillet 2012 "pour examiner le rapport d'enquête établi le 18 juin 2012", qui avait "décidé que des griefs devaient être notifiés à LVMH". LVMH a ensuite été condamné, en juillet 2013, à 8 millions d'euros d'amende, une sanction qui reste à ce jour la plus élevée pour une société. »

Là encore, on comprend donc que Hermès ait eu envie de coopter à son « board » un membre du collège de l’AMF – ce sont de petits gestes d’amitié et de connivence qui ne peuvent pas nuire ! Mais la question reste entière : pourquoi l’AMF tolère-t-elle cela ? La question a d'autant plus d'importance que, comme par hasard, BNP Paribas est de longue date la banque de Hermès.

Interrogée par l’AFP au début de ce mois, l’AMF a argué de sa bonne foi et de son respect des règles légales. Et sans doute faut-il lui en donner crédit : sur ce point, elle n’est sûrement pas en faute, et s’il y a une carence, c’est à la loi qu’il faut l’imputer. Voici en effet la suite de la dépêche : « Interrogée par l'AFP (…), l'AMF a indiqué que "Mme Cohen, en tant que membre du collège, est bien entendu soumise à des règles de déontologie". Elle a rappelé que, comme dans les cas similaires de potentiels conflits d'intérêts, elle ne pourra à l'avenir "participer à aucune délibération concernant de près ou de loin Hermès. Ces dispositions sont déjà appliquées pour les autres mandats qu'elle détient". L'AMF a par ailleurs rappelé que le collège n'était pas la commission des sanctions. "Le dossier LVMH/Hermès a été examiné, il y a deux ans, par le collège de l'AMF réuni en formation plénière. Le collège a décidé, comme le proposait le rapport d'enquête, d'ouvrir une procédure de sanction. Les membres du collège sont distincts des membres de la Commission des sanctions. Mme Cohen n'a donc eu aucun rôle dans la décision de la Commission des sanctions de sanctionner LVMH". »

Tout cela est parfaitement exact. Et encore une fois, si le législateur a autorisé ce type de situation, contraignant seulement un membre du collège de l’AMF à se déporter et à ne pas délibérer dans une telle hypothèse, l’AMF ne peut en être tenue pour responsable. Le cas de figure n’en est pas moins invraisemblable.

Cette polémique autour de l’AMF prend d’autant plus de relief que l’affaire Monique Cohen n’est pas la première à alimenter une controverse. Comme le rappelle dans le même article le site Wansquare, il y a eu une affaire du même type pas plus tard qu’au début de cette année. Toujours désireux de se montrer complaisant avec les milieux bancaires, l’ex-ministre des finances, Pierre Moscovici, a ainsi désigné, le 20 décembre 2013, Françoise Bonfante, ancienne déontologue d’UBS, pour siéger à la commission des sanctions de l’AMF, sans se rendre compte que le choix d’une ancienne cadre d’un établissement gravement mise en cause par la justice pour fraude fiscale serait de nature à susciter une vive polémique. Et une controverse ayant effectivement pris de l’ampleur, le maladroit ministre n’a eu d’autre solution que de demander deux mois plus tard, en février 2014, à celle qu’il avait promue de bien vouloir démissionner. Ce qu’elle a accepté de faire.

Épisode pitoyable mais qui, lui aussi, montre bien ce qu’est le capitalisme français, et la culture dans laquelle il baigne – partagée par beaucoup de dirigeants politiques, y compris socialistes : un capitalisme consanguin, qui beaucoup plus que d’autres, tolère les situations de conflits d’intérêts. C’est même l’une de ses marques de fabrique…

Quoi qu'il en soit, en l'absence d'un sursaut du législateur, qui aura l'audace de dire à Monique Cohen que l'éthique exigerait qu'elle démissionne du collège de l'AMF ?

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22