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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 17:08

 

Source : www.marianne.net

 

 

Alerte à la fraude
Samedi 20 Septembre 2014 à 05:00

 

Joseph Macé-Scaron - Marianne

 

Le mot "assisté" devrait cesser d’appartenir à ces concessionnaires exclusifs. Tout comme le vocable de "fraudeurs". C'est ce que nous a confirmé la lecture du récent rapport de la Cour des comptes qui pointe du doigt une spectaculaire hausse des fraudes aux cotisations sociales. Tous "les patrons" doivent -ils être accablés pour autant. Certainement pas. Mais ceux-là devraient aussi se demander si Pierre Gattaz est leur meilleur porte-parole ?

 

Pierre Gattaz - MEIGNEUX/SIPA
Pierre Gattaz - MEIGNEUX/SIPA
Vous n’entendrez pas sur ce sujet tous ceux qui se sont constitué un fonds de commerce, en dénonçant les fameux « assistés » (assistés qu’ils sont souvent eux-mêmes, bénéficiant grassement des subsides publics quand l’occasion leur est offerte). Les « assistés », ce sont les autres, forcément les autres, c’est-à-dire, en vrac, les employés de la fonction publique, les chômeurs ou les laissés-pour-compte de la mondialisation.

Et on comprend leur malaise à la lecture du dernier rapport de la Cour des comptes, paru le mercredi 17 septembre, qui nous rappelle que le mot « assisté » devrait cesser d’appartenir à ces concessionnaires exclusifs. Ce rapport fait état de la spectaculaire hausse des fraudes aux cotisations sociales, qui ont doublé entre 2007 et 2012, c’est-à-dire durant le quinquennat de l’homme qui est revenu pour sauver la France au nom du Sacré-Cœur et guérir les malades des écrouelles.

Comment est-on parvenu à une telle explosion des fraudes durant cette période ? Fraudes qui, élargies à l’assurance chômage et aux retraites complémentaires obligatoires, bondissent à 25 milliards d’euros. Fraudes qui comportent aussi le recours abusif aux travailleurs détachés qui étaient 7 500 en 2000 et 210 000 en 2013. Ces patrons indélicats – notamment ceux des secteurs de la construction et du commerce – ne manqueront pas d’expliquer, via leurs traditionnels relais dans la presse, que toucher à ce système mafieux reviendrait à mettre en péril leurs activités. En bref, ces assistés qui coûtent tant au pays ont recours au chantage pour tenter de légitimer une situation obscène dont tout le monde pâtit, y compris leurs propres secteurs justement. En comparaison, la fraude aux prestations sociales est de 3 milliards, une somme en partie récupérée puisque son taux de recouvrement est de 90 %.

La Cour des comptes réclame une répression plus sévère dans les cas de contrats de travail dissimulé et rappelle à juste titre qu’il n’existe pas dans ce domaine d’équivalent de la police fiscale. On attend de savoir si ce rapport va connaître un classement vertical.

Le hasard étant la rencontre de deux déterminismes indépendants, comme disait le mathématicien Cournot, le quotidien économique belge l'Echo  vient de pointer 20 des plus grandes fortunes françaises qui se sont établies en Belgique. Fortunes ayant mis à l’abri la bagatelle de 17 milliards d’euros. Il paraît que le chiffre a surpris l’administration belge elle-même, qui ne s’attendait pas à une telle désertion de nos compatriotes. Notre confrère cite également des hommes d’affaires comme Bernard Tapie, Stéphane Courbit et l’animateur de télévision Arthur (autant de soutiens du postulant qui a choisi de faire don de son corps au pays).

S’interroger sur ces pratiques et les condamner serait, nous dit-on, la marque d’esprits tentés par les démons de l’ultragauche ou de l’ultradroite. C’est surtout le souci de tous ceux qui estiment que de tels manquements au civisme accréditent l’idée fausse que tous les chefs d’entreprise se valent. Par malhonnêteté parfois, par paresse souvent, on englobe les gens sous un même vocable. En essentialisant, nous prêtons à tel ou tel groupe des qualités, mais plus largement des défauts. Dire « les patrons » n’échappe pas à cette règle et les mauvaises manières de quelques-uns ne doivent pas nous aveugler sur le comportement de tous les autres. Je ne suis pas sûr que, sur ce dernier point, Pierre Gattaz soit le meilleur porte-parole de l’entreprise.

 

 

Alerte à la fraude



>>> Cet éditorial est paru dans le numéro 909 de Marianne  en vente, à partir d'aujourd'hui, en kiosques et accessible au format numérique sur notre liseuse WebiOS  et Androïd, en découvrant nos offres d'abonnement numérique et intégral.

 

Source : www.marianne.net


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19 septembre 2014 5 19 /09 /septembre /2014 20:17

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-daquin


 

Les casseroles de Téfal et de l'administration du travail

Dans un avis rendu sur saisine d'une inspectrice du travail, le Conseil national de l'inspection du travail remet sévèrement en place Téfal, le MEDEF et l'administration du travail.

 

 

Tout commence en 2013 par un banal contrôle. Alertée par un syndicat de l'usine Téfal de Rumilly (Haute-Savoie), une inspectrice du travail s'y déplace, constate l'illégalité de l'accord d'entreprise relatif à la durée du travail et demande, en conséquence, sa renégociation. Seulement, voilà : la direction de l'entreprise n'en a aucunement l'intention. Téfal mobilise alors ses services internes, le MEDEF local (et même les renseignements généraux !) et décide d'interpeler le directeur du travail. Ce dernier se retourne contre l'inspectrice du travail à qui il demande de « revoir sa position » et qu'il « met en garde » brutalement. Le reste a été précisément décrit par Fanny Doumayrou, journaliste à L'Humanité (une des très rares à s'intéresser de près à l'inspection du travail), puis également par Rachida El Azzouzi, également journaliste, pour Mediapart. Choquée et destabilisée, l'inspectrice ne parviendra pas à reprendre le travail.

 

Les syndicats de Téfal comme ceux de l'inspection du travail ont publiquement protesté et dénoncé les agissements de l'entreprise, du MEDEF et de l'administration du travail, en vain. L'inspectrice, estimant que leurs agissements respectifs avait porté directement et indirectement atteinte aux conditions d'exercice de sa mission (en particulier à son indépendance, telle que garantie par l'article 6 de la Convention n°81 de l'Organisation internationale du travail), a saisi le Conseil national de l'inspection du travail au mois de novembre 2013. Cette institution placée auprès du ministre du travail, créée en 1983 mais jamais réunie avant 2008, est chargée face à une telle situation de « chercher à établir la réalité des faits incriminés, à analyser le contexte dans lequel ils sont intervenus et à apprécier si, et le cas échéant dans quelle mesure, ils ont directement et personnellement porté atteinte aux conditions d'exercice de [la] mission » de l'agent de contrôle, puis de rendre un avis.

 

En l'espèce, le Conseil a instruit l'affaire et rendu son avis - qui a fait l'objet d'une toute récente et discrète diffusion - le 10 juillet 2014. Et il est sévère (la version intégrale est disponible en pièce jointe).

 

D'abord pour Téfal et pour le MEDEF, dont il estime qu'ils ont « cherché à porter atteinte à ces exigences [celles de l'article 6 de la convention internationale précitée] en tentant d'obtenir de l'administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d'affectation de l'inspectrice et par là-même la cessation de l'action de contrôle à l'égard de l'entreprise ». Il souligne, en outre, que « les griefs formulés par des responsables de l'entreprise mettant en cause l'impartialité de l'inspectrice du travail accusée d'avoir fait preuve d'acharnement à son encontre sont dépourvus de fondement ».

 

Ensuite, pour l'administration du travail. Le Conseil estime, en effet, que si les pressions de l'entreprise et du patronat local « n'ont pas été suivies d'effet, il est regrettable que, dès lors qu'elles ont été rendues publiques, aucune intervention publique des autorités administratives ou de l'autorité centrale de l'inspection du travail ne soit venue les condamner et rappeler les principes de droit interne et international qui garantissent l'indépendance de l'inspection du travail, qu'il s'agisse tant des règles relatives à la mobilité géographique des inspecteurs du travail que de leur protection contre les influences extérieures indues ». Il observe également que « l'intervention du responsable d'unité territoriale... a pu effectivement donner à [l'inspectrice du travail] le sentiment qu'il était porté atteinte à son indépendance et à sa libre décision, en raison des motifs pour lesquelles cette action a été contestée (contestation de la "stratégie de contrôle" et non des fondements juridiques de la démarche) d'une part et des termes très vifs de l'échange, qui ne répondaient pas aux conditions normales d'un entretien professionnel ». Il ajoute, enfin, que c'est « à tort que, lors du même entretien, le responsable de l'unité territoriale a reproché à l'inspectrice un contrôle inopiné au sein de l'entreprise en cause ».

 

Bien qu'il s'agisse - pour ce qui concerne l'autorité centrale - de faits imputables à son prédecesseur (Jean-Denis Combrexelle, mis à la retraite en début d'année après 13 ans de se(r)vices et récemment chargé d'une mission sur l'intermittence par le gouvernement de Manuel Valls), le directeur général du travail, Yves Struillou, ancien membre du Conseil national de l'inspection du travail, n'a pas réagi. Pas plus que le ministre du travail, François Rebsamen, qui le 2 septembre 2014 rendait hommage - dans un silence médiatique quasi-total - à Daniel Buffière et Sylvie Trémouille, deux agents de contrôle tués en mission par un agriculteur périgourdin il y a 10 ans (une dramatique première, qui a profondément bouleversé et ébranlé l'inspection du travail). Il déclarait pourtant : « Cette mission n’est pas anodine. Elle est pleine d’adversité. Elle trouve sur sa route des souffrances et des violences – jusqu’à ce funeste jour de septembre 2004, ce crime lâche et misérable que la justice des hommes a condamnée, sans pour autant compenser la perte des victimes pour leur famille, pour leurs collègues et pour toute la collectivité.  Nous ne les oublions pas. Ne jamais oublier, c’est mesurer le risque. Je ne suis pas alarmiste, je suis vigilant. Je veux que les agents sachent que je suis à leurs côtés pour les soutenir contre toute la violence – de la plus petite à la plus grande – que la société peut leur renvoyer dans un moment de crise, et contre la peur qui peut en résulter. C’est une manière d’être fidèle à la mémoire de nos deux collègues disparus ».

 

Or, il est bien des manières de porter atteinte à l'inspection du travail (et à travers elle, aux droits des travailleurs) : par les pressions ou les menaces (on vient de le voir), par l'insulte ou le recours à la violence physique, mais aussi par la délégitimation constante du droit du travail (qu'il faut simplifier), de l'administration (qui provoque la phobie) ou du contrôle (qui suscite le ras-le-bol), ou encore en s'attaquant à son organisation administrative et à ses moyens (qu'il faut dégraisser). François Rebsamen a beau déclarer (dans le discours précité) que « L’inspection doit être respectée et pour cela, plus que le soutien individuel à chaque agent, c’est toute l’institution qu’il faut renforcer, dans sa manière d’avoir prise sur la vie économique et sociale, de répondre à la demande sociale, d’être efficace et organisée », c'est tout le contraire qu'ont décidé François Hollande, Michel Sapin, puis François Rebsamen lui-même, avec leur projet « Ministère fort » (que les syndicats professionnels majoritaires CGT, SNUTEF-FSU et SUD qualifient de « Ministère mort »), qui - au motif de lui inculquer le sens de l'efficacité et du travail collectif - bouleverse inutilement l'organisation administrative et matérielle de l'inspection du travail, programme la diminution de ses effectifs (de secrétariat et de contrôle) et renforce... le contrôle hiérarchique des inspecteurs du travail (tant il est vrai que, dans l'affaire Téfal comme malheureusement dans tant d'autres, cette hiérarchie a particulièrement brillé).

 

Le dernier rapport sur l'inspection du travail en France en 2012 (publié en décembre 2013) adressé au Bureau international du travail rappelle que « L’inspection du travail sur le terrain est un métier exposé : en 2012, les affaires d’outrages, de menaces, de violences verbales ou physiques et voies de fait restent à un niveau élevé (116), en augmentation par rapport à 2011... L’année 2012 a vu le nombre de demandes de protection fonctionnelle dépasser la centaine pour atteindre 102 alors que les demandes depuis 2007 se situaient à des niveaux compris entre 70 et 85 demandes par an. La progression des demandes trouve une explication dans l’extension du nombre d’incidents à des régions ou départements qui n’étaient pas touchés ».

 

 

Fichier attaché

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Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-daquin

 

 

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19 septembre 2014 5 19 /09 /septembre /2014 18:18

 

 

Source : www.bastamag.net

 

 

 

Biens communs

Comment marchés financiers et multinationales accaparent aussi les mers et les océans

par Sophie Chapelle 19 septembre 2014

 

 

 

 

Les terres agricoles ne sont pas les seules cibles de puissants intérêts privés, de grandes entreprises ou de gros investisseurs. Littoraux, mangroves ou récifs coralliens sont aussi convoités. Au nom de la défense de l’environnement et de la préservation de la biodiversité, la mise en place de quotas de pêche, de réserves naturelles maritimes ou d’élevages géants favorisent le contrôle des bords de mer et des eaux continentales par une poignée d’acteurs privés. Aux dépens des communautés locales et des millions de petits pêcheurs qui vivent de la mer et voient leurs droits et leurs cultures bafoués. Un nouveau rapport lève le voile sur cet accaparement des mers.

Mais comment donc des intérêts privés peuvent-ils accaparer les océans ? Il ne s’agit pas – encore – de ses fonds marins, mais de ses ressources dont dépendent 800 millions de personnes, habitant les littoraux et vivant de la pêche. Rivages côtiers et eaux continentales, estuaires, lagunes, deltas, zones humides, mangroves, ou encore récifs coralliens, sont concernés. Comment se traduit cet appropriation d’un bien commun ? Un rapport, intitulé « l’accaparement global des océans » vient d’être publié par des organisations internationales, en collaboration avec le Forum mondial des peuples de pêcheurs. [1] Il pointe les nouveaux maux qui menacent la vie des communautés des bords de mer, du Chili à la Thaïlande en passant par l’Europe du Nord ou les côtes africaines.

Ces maux ont pour nom quotas de pêche, conservation du littoral ou aquaculture. Derrière l’argument environnemental et l’impératif écologique, ces nouvelles réglementations contribuent à déposséder les populations de leurs moyens de subsistance, de leurs modes de vie, voire de leurs identités culturelles, au profit des logiques de marché, de l’industrie de la pêche et de gros intérêts privés. Un accaparement qui a aussi des conséquences sur notre manière de nous nourrir.

« ‘L’accaparement des mers’ – sous la forme d’accords d’accès déséquilibrés qui nuisent aux pêcheurs artisanaux, [...] et de détournement des ressources au détriment des populations locales – peut s’avérer une menace aussi sérieuse que ‘l’accaparement des terres’ », lançait dès octobre 2012 Olivier de Schutter, ancien Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation. [2] Sur les bords de mer, les pêcheurs artisanaux sont ainsi en train de perdre leurs droits établis de longue date. Des droits coutumiers qui leur permettaient d’avoir accès à des zones de pêche et des plans d’eau, ainsi qu’aux terres côtières qui les bordent. En cause, « les modifications des cadres juridiques qui leur imposent un droit de pêche géré par le marché ».

Des quotas de pêche aux mains des gros industriels

En Afrique du Sud par exemple, la politique des quotas individuels mise en place en 2005 a entraîné une exclusion du jour au lendemain de 90 % des 50 000 pêcheurs artisanaux du pays. Ces derniers sont devenus des pêcheurs « locataires » contraints de payer des sommes « exorbitantes » auprès de « quelques propriétaires des milieux aquatiques ou pêcheurs à cols blancs qui possèdent et assurent l’allocation des quotas », fustige le rapport.

 

« Depuis le milieu des années 1980, il y a eu un changement marqué dans les pratiques des États en faveur de la privatisation de la gestion des pêches », observent les auteurs. Comment cela fonctionne-t-il ? L’État accorde des droits de pêche (quotas [3]) permanents aux pêcheurs. Il établit ensuite un marché en vue de permettre aux nouveaux propriétaires d’acheter, de louer ou de vendre leur quota. Cela a conduit à des phénomènes de concentration sans précédent.

En Islande, les dix plus grandes sociétés de pêche détenaient plus de 50% des quotas en 2007. Au Chili, quatre entreprises contrôlent 90% des quotas [4]. Les conséquences sur les pêcheurs artisanaux sont immédiates. Au Danemark, la flotte des pêcheurs artisanaux s’est effondrée en 2005. Ce processus pourrait être accéléré par le Partenariat mondial pour les océans, initié en 2012 par la Banque mondiale, qui vise à privatiser les régimes de droits de propriété sur les ressources halieutiques.

Les autochtones exclus de la conservation du patrimoine marin

La création de « zones de protection marine », telles que les sanctuaires côtiers ou les réserves, participe au phénomène d’accaparement des mers. L’accès à ces zones est interdit ou restreint pour les pêcheurs artisanaux dans un but de « conservation » de la nature. C’est ce qui s’est passé en Tanzanie par exemple, avec la création du parc marin de l’île de Mafia. « Des entreprises touristiques étrangères se sont implantées, bannissant l’accès aux sites terrestres et littoraux, y compris les récifs coralliens les plus productifs, les forêts de mangrove et les plus belles plages – qui étaient auparavant sous les régimes de propriété traditionnelle des communautés locales », souligne le rapport. D’ici 2020, la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique prévoit qu’au moins 10% des aires marines et côtières soient conservées [5].

Des zones côtières sont également privatisées. En Ouganda, le gouvernement a alloué une partie des terres côtières du lac Victoria à des investisseurs dans le tourisme et l’aquaculture. A peine remis du tsunami de 2004, des communautés de pêcheurs sri-lankais ont subi la mise en œuvre de nouveaux plans d’urbanisme. Des centres touristiques de luxe sont sortis de terre sur un quart de la péninsule de Kalpitiya où vivent quelques 13 000 pêcheurs. Plus de 2 500 familles ont été expulsées de leurs terres et se sont vues refuser l’accès aux zones de pêche. « Les pêcheurs peuvent même être poursuivis pour intrusion illégale. Par exemple, les clôtures de fil de fer barbelé érigées le long de la bande côtière par l’hôtel Bay Watch Eco de l’entreprise Hasan Gaate les empêchent d’accéder à la bande côtière pour pêcher », témoigne un pêcheur. Sur place, le Mouvement national de solidarité pour la pêche lutte pour récupérer leurs terres et regagner l’accès aux zones de pêche.

Vers la financiarisation des océans

Industries et grandes entreprises ne lorgnent plus seulement sur l’immense stock potentiel de carbone des forêts humides (notre précédente enquête). Des forêts de mangrove sont elles-aussi transformées en zones protégées pour « compenser » les émissions de gaz à effet de serre des entreprises polluantes, comme Rio Tinto à Madagascar par exemple [6]. Ces projets, portés par des ONG de conservation, s’inscrivent dans le programme « Initiative Carbone Bleu » appuyé par l’Onu [7]. «  Ce programme vise à financiariser le carbone stocké, séquestré ou libéré des écosystèmes côtiers ou marais salés, des mangroves et des herbiers marins », souligne le rapport. De l’Indonésie aux États-Unis en passant par le Sénégal, l’Union internationale de conservation de la nature a commencé à évaluer les stocks de carbone des écosystèmes marins.

La Banque mondiale s’emploie, elle, à développer des « obligations bleues » proposées sur les marchés financiers. Les investisseurs connaissent déjà les « obligations vertes » dont la valeur est estimée à 40 milliards d’euros en 2014 [8]. Soixante obligations vertes ont ainsi été émises par la Banque mondiale pour financer, explique t-elle, des « projets sobres en carbone susceptibles de contribuer à l’adaptation au changement climatique ». Elle envisage aujourd’hui d’étendre le financement de la protection des océans par le biais de ses nouvelles « obligations bleues ». La Banque mondiale fait valoir que « le capital financier à grande échelle et le secteur privé sont essentiels pour parvenir à une meilleure protection et une meilleure gouvernance des ressources marines ». On y croit très fort.

Un saumon d’élevage sur cinq appartient à un milliardaire chypriote

De puissantes entreprises prennent progressivement le contrôle des ressources halieutiques. Une poignée d’entre elles ont fait main basse sur les chaînes de production. Ainsi, le groupe norvégien Marine Harvest (indirectement contrôlé par le milliardaire John Fredriksen, un armateur pétrolier d’origine norvégienne installé à Chypre) produit un saumon d’élevage sur cinq consommés dans le monde ! Les trente plus gros fournisseurs de crevettes d’élevage produisent un cinquième de la production mondiale ! Les trois premières sociétés de thon en conserves pêchent un tiers des thons capturés dans le monde ! La multinationale asiatique Thai Union Group contrôle 20% de la transformation de thon en conserves...

Cette concentration permet à ces grosses entreprises de définir leur modèle de production, depuis la sélection des espèces jusqu’aux techniques utilisées. « Ce régime halieu-alimentaire contrôlé par les multinationales modèle et stimule la demande croissante de certains produits de la pêche aujourd’hui, tant au Nord qu’au Sud », analyse le rapport. Les envies de consommer du thon rouge frais, de la perche du Nil, des crevettes, du saumon ou de l’huile de poissons riche en Oméga-3 sont le fruit de campagnes marketing savamment orchestrées. En amont de la chaine, ces demandes nourrissent une pression croissante pour l’extraction de ressources halieutiques par l’industrie. Une extraction qui repose en grande partie sur la pêche en haute mer avec des chaluts de fond destructeurs de fonds marins.

Quand les poissons d’élevage menacent les poissons sauvages

Les multinationales de pêche telles que Marine Harvest en Norvège, Nippon Suisan Kaisha au Japon et Pescanova en Espagne, de même que les grands détaillants comme Walmart ou Carrefour, contrôlent une grande partie du marché aquacole. Au cours des vingt dernières années, la contribution globale de l’aquaculture à la production mondiale de poissons pour la consommation directe est passée de 10 à 50%. La production commerciale est centrée sur l’élevage de 25 espèces – principalement le saumon, les carpes, les tilapias, le pangasius, les palourdes et les crevettes. Mais le déversement incontrôlé de ces espèces non-indigènes dans les eaux douces ou les océans perturbe les écosystèmes locaux et régionaux.

Dans le Pacifique, les pêcheurs autochtones du Chili et de la Colombie-Britannique ont ainsi vu leurs stocks de pêche épuisés en raison de l’élevage industriel du saumon. En cause : la transmission d’une maladie apparue dans les élevages (dite maladie "ISA") au milieu naturel, ce qui a provoqué une surmortalité des poissons sauvages. La pollution générée par le rejet de produits chimiques, de matières fécales et d’aliments piscicoles dans le milieu aquatique – les produits chimiques anti-salissures, les antibiotiques, les colorants, et les tonnes d’azote et de phosphore – favorisent le développement d’algues toxiques. L’élevage potentiel de saumons génétiquement modifiés dans l’océan Atlantique par la firme AquaBounty pourrait exacerber ce type de problème (lire aussi notre article).

 

La face cachée de la pêche

 

L’aquaculture industrielle perturbe également la pêche artisanale en fermant l’accès aux zones côtières et intérieures. Les zones humides fragiles de l’Équateur ont ainsi été dévastées par l’élevage de crevettes : la superficie nationale des mangroves a été divisée par trois ! Les conditions de travail associées à ces chaînes sont par ailleurs épouvantables, comme l’a récemment montrée une enquête du Guardian en Thaïlande (voir notre article). Journées de 20 heures, tortures et assassinats sommaires, ouvriers enchaînés pour les empêcher de s’évader, absence de paie pendant des mois, fourniture d’amphétamines pour « tenir le coup »... A l’autre bout de la chaine, les détaillants se fournissant auprès de l’entreprise incriminée refusent de faire le lien avec leurs pratiques commerciales, notamment la pression sur les coûts.

Les auteurs du rapport appellent à ce que la question de la pêche artisanale soit traitée « comme une affaire de droits de l’Homme plutôt qu’une question purement économique ». Face à la perte des droits d’accès des petits pêcheurs, le rapport relève l’existence des « droits territoriaux d’exploitation par les pêcheurs ». Ces droits sont déjà inscrits dans les législations de la pêche de plusieurs pays, comme en Afrique du Sud par exemple. Là, des zones prioritaires ont été définies pour les pêcheurs artisanaux accompagnées d’une série de mesures adaptées aux pratiques de pêches locales. La taille des bateaux comme celle des engins ont notamment été limitées.

Les formes de luttes sont diverses face à des menaces elles-aussi très variées. La construction des grands bassins aquacoles, d’industries extractives ou de grands projets hydroélectriques concourent à saper les écosystèmes. Au Nigeria, les pêcheurs essaient d’intenter une action contre la société pétrolière Shell concernant la pollution de leurs zones de pêche. Au Venezuela, les organisations de pêcheurs ont obtenu une loi interdisant la pêche avec des chaluts de fonds. Face à la menace que l’accaparement des mers fait planer sur la sécurité alimentaire, la résistance s’organise en faveur de droits collectifs pour les pêcheurs.

Sophie Chapelle
@Sophie_Chapelle

Photos :
- Une : Pêcheurs aux Îles Canaries (CC : marcp_dmoz)
- "Kings of sea" : CC / Neloqua
- Tressage de filet : CC / YLegrand
- Elevage de crevettes en Equateur : CC / cristô

 

Notes

[2Voir ici.

[3Les noms utilisés sont variés. Aux États-Unis, le programme de privatisation est appelé Partage des Captures. En Islande et en Nouvelle-Zélande, il s’appelle Quotas Individuels Transférables (QIT). La Commission européenne a fait allusion aux Concessions de Pêche Transférables (CPT) et l’Union africaine à la Pêche fondée sur la richesse.

[4Voir ici.

[5Voir ici

[6Voir ici.

[7« Blue Carbon Initiative » est une collaboration entre l’UICN, Conservation International et la Commission océanographique intergouvernementale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, le social et la culture. Voir le site.

[8Voir ici


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Source : www.bastamag.net

 

 

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 16:55

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

La France, pays où l'on travaille le moins ?

Le Monde.fr | 18.09.2014 à 10h09 • Mis à jour le 18.09.2014 à 16h00 | Par Alexandre Pouchard, Samuel Laurent et Delphine Roucaute

 
 
Le député UMP Hervé Mariton, candidat à la présidence de l'UMP, a affirmé que notre pays était celui « où l'on travaille le moins dans la semaine, dans l'année et dans la vie ». Une jolie formule qui emprunte de gros raccourcis.

Revoilà le temps de travail. Le Medef s'apprête à rendre publiques une série de propositions pour relancer l'économie, très commentées avant même leur publication.

C'est ainsi qu'Hervé Mariton, député UMP de la Drôme et candidat à la présidence de son parti, a été amené lundi 15 septembre à évoquer la durée de travail des Français, sur i-Télé. Avec une « jolie » formule, qui emprunte de gros raccourcis.

 

Ce qu'il a dit :

« On est le pays où l'on travaille le moins dans la semaine, dans l'année et dans la vie »

La France, pays qui travaille peu, le refrain est connu. Néanmoins, comme bien souvent en matière de comparaisons internationales, on obtient des réponses bien différentes selon ce que l'on compte.

 

1. La semaine de travail la plus courte d'Europe ?

C'est faux.

Tout d'abord le temps de travail hebdomadaire. Où se situe la France parmi ses voisins ? La réponse dépend de ce que l'on regarde dans les données d'Eurostat, organisme de statistique de la Commission européenne sur lequel se fonde notamment l'Insee :

  • Travailleurs à temps plein uniquement : la France en queue de peloton. Selon cette statistique, les Français salariés à temps plein travaillent 40,7 heures par semaine, soit moins que la moyenne européenne (41,5 heures) et que de grands voisins comme l'Allemagne, l'Espagne (41,7 heures) et le Royaume-Uni (42,8 heures), mais plus que l'Italie (40,4 heures), la Finlande (40 heures) ou le Danemark (38,8 heures).
  • 37,5 HTemps plein ET temps partiel : la France en tête de peloton. La situation est totalement différente si on prend en compte les temps partiels – massivement utilisés dans certains pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Dans ce cas, avec 37,5 heures de travail par semaine en moyenne, les Français se situent légèrement au-dessus de la moyenne européenne (37,2 heures) et devant… les Allemands (35,3 heures), les Italiens (36,9 heures), les Néerlandais (30 heures) ou encore les Britanniques (36,5 heures). Bref, pas vraiment la dernière position.
  • Travailleurs indépendants : la France en 4e position. Le classement est encore différent pour les non salariés. Cette fois, avec 48 heures, la France est… en quatrième position en Europe, derrière la Belgique (52 heures), la Turquie (48,7 heures) et la Grèce (48,4 heures), mais devant tous les autres.

Bref, sur une semaine « normale », sans prendre en compte donc congés ou absences, notre pays n'est pas en bas du tableau, et est même plutôt en haut pour les non salariés.

Il en est de même avec les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui placent elles aussi la France (38 heures), tous travailleurs confondus et pour l'année 2011 (derniers chiffres disponibles), devant l'Allemagne (35,5 heures), le Royaume-Uni (36,4 heures) ou la Belgique (36,8 heures). Sur le temps de travail hebdomadaire, Hervé Mariton a donc clairement tort.

 

2. Le temps de travail annuel le plus faible en Europe ?

C'est faux.

Oui mais voilà, le temps hebdomadaire est à mettre en regard du temps de travail annuel. Pour affirmer que la France « est le pays où l'on travaille le moins dans l'année », Hervé Mariton s'appuie probablement sur une étude de Coe-Rexecode (pour « Centre d'observation économique et de recherche pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises »), un cabinet proche du patronat.

Publiée en juin 2014, elle affirme qu'« en 2013, la durée effective annuelle de travail des salariés à temps complet reste en France la plus basse d'Europe après la Finlande » : 1 536 heures pour l'ensemble des salariés (contre 1 580 heures en Allemagne et en Belgique, 1 637 heures au Royaume-Uni, 1 643 heures en Espagne…) et 2 372 heures pour les travailleurs indépendants (contre 2 015 heures en Espagne, 2 038 heures au Royaume-Uni, 2 151 heures en Italie ou encore 2 399 heures en Allemagne).

Mais la méthodologie de cette étude est décriée, car d'une part, elle ne prend en compte que les travailleurs à temps plein – alors que le temps partiel, comme nous l'avons précisé plus tôt, est massivement utilisé chez certains de nos voisins – et, d'autre part, parce qu'elle multiplie les temps de travail hebdomadaire par 52 semaines sans prendre en compte de manière précise les congés payés, les absences pour formation, pour maladie, etc. dans chaque pays.

Marianne et Alternatives économiques avaient notamment expliqué dans le détail les incohérences de cette étude lors de sa première publication, en janvier 2012.

1 478 Les chiffres publiés par l'OCDE, qui concernent les travailleurs à temps plein mais également à temps partiel et incluent heures supplémentaires (payées et non payées), congés payés ou encore jours de grève, situent eux aussi la France en queue de peloton en Europe avec 1 478 heures travaillées par actif en 2013.

Mais notre pays n'est pas celui « où l'on travaille le moins dans l'année », comme l'affirme Hervé Mariton, car on trouve notamment, plus bas dans le classement… l'Allemagne là encore (1 387 heures), les Pays-Bas (1 380 heures) ou encore la Norvège (1 407 heures).

 

3. Le pays où l'on travaille le moins dans la vie ?

C'est faux.

Erreur sur le travail hebdomadaire, erreur sur le travail annuel… et erreur là encore sur le travail dans la vie pour Hervé Mariton.

Avec 34,6 années travaillées en moyenne, le Français se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne (35 ans), selon les statistiques fournies par Eurostat. Et on trouve, plus bas dans le classement, des pays comme l'Italie (30,5 ans), la Grèce (32 ans) ou encore la Belgique (32,2 ans).

Nos grands voisins que sont l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni se situent respectivement légèrement au-dessus (34,7 heures) pour le premier et largement au-dessus pour les deux suivants (37,5 ans et 38,1 ans).

Pour fonder son affirmation, Hervé Mariton s'appuie peut-être sur le taux d'emploi des seniors (travailleurs âgés de 55 à 64 ans), qui a été l'un des plus faibles en Europe mais a récemment progressé pour atteindre 45,6 % en 2013 (contre 41,5 % en 2011) selon les statistiques d'Eurostat.

Dans ce domaine, la moyenne européenne s'établit à 50,1 %, nos voisins allemands (63,5 %) et britanniques (59,8 %) faisant mieux dans ce domaine que les Espagnols (43,2 %) et les Italiens (42,7 %).

4. L'un des pays les plus productifs d'Europe

Si Hervé Mariton évoque le temps de travail, il se garde bien de mentionner le taux de productivité des Français, qui est l'un des plus élevés d'Europe, après le Luxembourg, l'Irlande et la Belgique.

Selon une productivité calculée à partir du produit national brut (PNB), divisé par le nombre de personnes employées et rapportée à la productivité européenne, la France aurait un taux de 125,5, contre 106,3 pour l'Allemagne ou 109,6 pour le Royaume-Uni. A temps de travail égal, la France produit donc plus de richesses que la plupart de ses voisins européens.

Voir notre infographie : Les Français travaillent moins mais sont plus productifs

61,2 $/h D'autres classements le prouvent. Si l'on compare les chiffres du produit intérieur brut (PIB) par heure travaillée, là encore, la France arrive dans les meilleurs élèves de la productivité.

Selon des chiffres de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les Français produisaient, en 2013, 61,2 dollars (47 euros) par heure travaillée, soit 13,8 dollars (10,7 euros) de plus que la moyenne de l'OCDE. Quant à la productivité globale, c'est-à-dire la valeur ajoutée brute, elle a augmenté d'1 % l'an dernier, à 1 896,9 euros.

 Delphine Roucaute
Journaliste au Monde.fr

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 


 


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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 15:20

 

Source : www.marianne.net


 

Patrimoine : comment la droite a liquidé les bijoux de famille
Jeudi 18 Septembre 2014 à 12:30

 

Leïla Minano et Julia Pascual

 

Entre 2005 et 2008, alors que Jean-François Copé puis Eric Woerth dirigeaient le ministère du Budget, une petite société immobilière parisienne a raflé plusieurs bâtiments prestigieux. Dans l’opacité la plus totale. "Marianne" lève le voile dans son numéro en kiosques demain et disponible dès aujourd’hui au format numérique.

 

Le 3 avenue Octave-Gréard dans le VIIe arrondissement de Paris, à deux pas de la Tour Eiffel, acheté pour 61,1 millions d'euros - Photo : Samuel Bouaroua pour "Marianne"
Le 3 avenue Octave-Gréard dans le VIIe arrondissement de Paris, à deux pas de la Tour Eiffel, acheté pour 61,1 millions d'euros - Photo : Samuel Bouaroua pour "Marianne"
C’est une petite société spécialisée dans l’immobilier dont vous n’avez probablement jamais entendu parler. Elle porte le nom peu exotique de Foncière des VIe et VIIe arrondissements de Paris, ce qui attire certes moins l’attention que Qatar Investment Authority, et rassure plus que Fonds souverain chinois – ces deux ogres de l’immobilier de luxe parisien. Pourtant, cette entreprise a acquis en dix ans pour près de 360 millions d’euros de biens publics d’exception – ces hôtels particuliers et autres immeubles de prestige mis en vente par l’Etat pour combler son déficit… C’est ce qui s’appelle se spécialiser en bijoux de famille. Et savoir bien les exploiter : en 2013, cette minuscule structure de sept salariés, qui retape les lieux avant de les louer, affichait un bénéfice rondelet de 23 millions d’euros environ, entièrement redistribué à ses actionnaires et totalement exonéré d’impôt sur les sociétés – le charme des Siic (société d’investissement immobilier cotée). Florissant. Et piquant la curiosité. Car, si toutes ces cessions dites amiables ont fait l’objet au préalable d’un appel d’offres, le choix final du candidat n’a jamais été encadré sérieusement sur le plan juridique. Dans la plupart des opérations, l’Etat s’est même retrouvé dans l’obligation de louer le bien qui lui appartenait jusqu’ici, alors qu’il cherchait précisément à faire des économies ! De quoi susciter quelques soupçons sur la bonne fortune de cette foncière, dont les accointances avec les gouvernements successifs de droite ne laissent pas d’étonner.
 
Enregistrée initialement auprès du tribunal de commerce de Meaux, cette SARL avait pour vocation, à l’origine, de constituer un pôle hôtelier. Fin 2005, alors que Jean-François Copé – ministre du Budget – annonce son souhait de « moderniser » la gestion immobilière de l’Etat, elle change subitement de braquet et décide de placer ses billes « dans les plus prestigieux quartiers de la rive gauche de Paris ».

La liste de ses principaux actionnaires n’a, a priori, pas de quoi susciter l’émotion : il s’agit de gros assureurs désireux de faire fructifier leurs liquidités dans la pierre (Covéa, Allianz, Crédit mutuel vie). Mais les CV des représentants de ces compagnies dans la foncière soulèvent, eux, quelques interrogations. Le président de la Foncière des VIe et VIIe arrondissements (qui est également l’un de ses administrateurs historiques) est François Thomazeau, natif de Neuilly-sur-Seine et ancien dirigeant d’Allianz (ex-AGF). Nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur en décembre 2011 par Nicolas Sarkozy, il est aussi administrateur depuis 2007 du groupe de Vincent Bolloré, un ami intime de l’ancien président, et il est très introduit dans le cercle des grands donateurs de la campagne de l’ex-président. Lors des réunions du conseil d’administration, il retrouve Sophie Beuvaden, directrice financière de Covéa, décorée pareillement sous la droite, en mai 2007. Peter Etzenbach, en sa qualité de directeur financier d’Allianz France, siège dans le même cénacle. Son épouse, Nathalie, élue UMP de Neuilly-sur-Seine, n’est autre que l’ancienne trésorière adjointe de l’UMP. Après les déboires d’Eric Woerth dans l’affaire Bettencourt, c’est elle qui fut chargée en 2011, sous la houlette de Jean-François Copé, Eric Cesari et Jérôme Lavrilleux, de réactiver la collecte de dons pour renflouer les caisses de l’UMP. Contactée par Marianne, elle assure que ses activités et celles de son mari sont parfaitement cloisonnées. Nous voilà rassurés.
 
Dès les premières cessions immobilières de l’ère Copé (remplacé par la suite au Budget par Eric Woerth), des impairs coûteux ont été commis...

 

 

Patrimoine : comment la droite a liquidé les bijoux de famille


>>> Retrouvez la suite de notre enquête ainsi qu'une carte mentionnant l'ensemble des biens vendus dans le numéro 909 du magazine Marianne. Ce numéro sera en vente à partir de demain, vendredi 19 septembre, jusqu'au au 25 septembre inclus au prix de 3 €. Vous pouvez le consulter dès aujourd'hui sur notre liseuse WebiOS  et Androïd, en découvrant nos offres d'abonnement numérique et intégral.
                                                                                                                                                                                                                         Source : www.marianne.net


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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 15:01

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Arrêt sur images 18/09/2014 à 10h55
Impôt, illettrés : alors, heureux, les « sans-dents » ?
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

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« Je ne m’en excuserai jamais assez » : on n’en a pas fini avec le délicieux décomplexé Emmanuel Macron, ministre de l’Economie et des Gaffes. Après avoir, le matin, évoqué les salariées « pour beaucoup illettrées » de l’abattoir Gad, en Bretagne, et devant l’avalanche de réactions outrées, il est venu dans la journée se défoncer la coulpe à l’Assemblée.

 

 

« Je ne m’en excuserai jamais assez » : mais de quel crime exactement ? Macron, à bien l’écouter, ne dit pas que son assertion était fausse. Il dit qu’elle était « maladroite ». Autrement dit (traduction libre du matinaute) :

« J’ai évidemment raison, mais puisqu’il faut s’excuser, dans ce pays, d’appeler les “sans-dents” par leur nom, alors voilà, prenez-les dans la figure, mes excuses. »

Combien de temps va-t-il tenir ?

Le potentiel explosif d’une information

La phrase de Macron ne sort pas de nulle part. Dans la journée, le site d’Europe 1, à l’origine en décembre dernier de l’estimation (non sourcée) de 20% d’illettrés chez Gad, réitérait son estimation, « de source syndicale » cette fois. De source syndicale toujours non précisée : nos propres sources syndicales chez Gad n’ont jamais entendu parler de cette estimation.

Au printemps, insistait Le Lab (site appartenant à Europe 1), le ministre Michel Sapin et la sénatrice du Finistère Maryvonne Blondin avaient d’ailleurs avancé au Sénat des affirmations comparables. Aucun tollé à l’époque. Il est vrai que c’était dans le confortable huis clos de fait d’un débat sur la formation professionnelle au Sénat. Il est vrai que ce n’était pas Macron. Comme quoi, le potentiel explosif d’une information dépend étroitement du lieu, et du locuteur. Ce qu’on savait déjà.

Propos faux ou propos maladroits ? Si c’est vrai, pourquoi ne pas le reconnaître surtout, comme Macron, dans une phrase censée venir à la rescousse des salariés sans permis de conduire, refusant des réaffectations trop éloignées de leur domicile ? Question qui se subdivise en deux : est-il décent, est-il utile de le dire ?

Ce pouvoir a un problème avec le peuple

Au « 20 heures », France 2 était à la sortie des abattoirs, donnant la parole à des ouvrières outrées. « Nous au moins, on paie nos impôts » disait l’une, en une amicale salutation à l’ex-ministre (et toujours député) Thomas Thévenoud.

Les impôts, donc. Au même moment où Macron trébuchait sur les ouvrières des abattoirs, Valls annonçait la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Subrepticement, à la fin de la matinale de France Inter. Ah oui les gars, j’allais oublier de vous dire, on supprime la première tranche de l’impôt. Alors, heureux, les « sans-dents » ? Comment la mesure, apparemment annoncée sans qu’il en ait prévenu aucun de ses ministres, sera-t-elle financée ? Par une hausse de l’impôt des plus riches ? Oui. Non. Peut-être. On va voir. On va étudier. Ce qui est certain, c’est « qu’il n’y aura pas de perdant ».

Apparemment, et sans trop vouloir s’avancer, on peut constater que ce pouvoir a comme un problème avec le peuple.

Publié initialement sur
Arretsurimages.net

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 14:23

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

 

Bancocratie : « pour construire leur pouvoir, les banques n’ont pas eu besoin de coup de force… »

18 septembre par Isabelle Ponet

 

 


D’autres ont déjà dit la mécanique complexe et barbare qui a construit petit à petit le pouvoir absolu des banques : Bancocratie ! Trop grandes pour faire faillite et trop grandes pour être condamnées. Des États au-dessus des États. Mais qui refuse de laisser ces banques tomber en faillite, qui renonce à les poursuivre en justice, qui, en fait, leur donne le pouvoir sinon les États eux-mêmes ?

C’est cette dimension-là du livre d’Eric Toussaint qui m’a le plus touchée au fur et à mesure où l’analyse avançait. Non, ce n’est pas par la force que le Capital financier a pris le pouvoir au Politique. Il a instrumentalisé le Politique en lui dictant les lois, les institutions et les discours qui lui sont favorables : une BCE qui ne peut prêter qu’aux banques privées, à un taux d’intérêt minime, pour que celles-ci les re-prêtent aux États à un taux bien plus élevé ; les accords de Bâle, censés augmenter le contrôle sur les banques mais qui leur donnent explicitement les moyens de le contourner ; le refus des gouvernements de séparer la face spéculative des banques et la face service au public etc. Elles continuent donc à jouer avec notre épargne en étant sûre d’être renflouées aux frais de la collectivité sous prétexte de « salut public ».

La dernière partie du livre d’Eric Toussaint égrène les compromissions des responsables politiques, les complicités, les passages de plus en plus fréquents du management des banques aux marocains ministériels et inversement. Non, pour construire leur pouvoir, les banques n’ont pas eu besoin de coup de force… sauf contre les citoyens. La crise qui a éclaté en 2008 coûte chaque jour des larmes, du sang et même la vie à des millions de travailleurs européens, comme aux travailleurs du Sud. Diminution des protections sociales, des services publics, des budgets culturels pour pouvoir rembourser aux banques la dette qu’elles ont imposée aux Etats. Et surtout, partout, diminution des salaires, des pensions… et des droits syndicaux !!!

Car, au-delà des jeux boursiers, l’objectif du Capital à travers toute cette crise est de restaurer les taux de profit en rapprochant les salaires européens de ceux pratiqués en Asie. Et pour ce faire, il devra affronter les travailleurs et leurs organisations.

C’est donc bien finalement dans une guerre que nous sommes engagés, et le livre d’Eric Toussaint nous rappelle utilement les armes de la désobéissance :

  • Démasquer les discours sur la nécessité de payer les dettes que les banques elles-mêmes ont organisées
  • Annuler les dettes illégitimes, suspendre les autres pour renégocier les taux usuriers en forçant les banquiers à la table des négociations
  • Socialiser le secteur des banques et des assurances afin qu’il soit réellement mis au service des besoins sociaux, et contrôlé par les citoyens qui y déposent leurs épargnes, par les travailleurs et les associations autant que par les mandataires publics.

C’est à ce prix seulement que nous pourrons récupérer collectivement le pouvoir sur nos vies.


Plus sur le livre Bancocratie : http://cadtm.org/Bancocratie

 

 

Source : cadtm.org

 

 

                                                                             ***************************

 

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/cadtm

 

 

«Bancocratie»: la radicalité nécessaire d’Eric Toussaint

 

 

 

La première fois que j’ai parlé à Eric Toussaint, c’était en 2011 au plus fort de la crise des dettes souveraines. Je me souviens distinctement de cette période où l’Europe était à la croisée des chemins, pour ne pas dire au bord de l’abyme. Alors que les ministres des Finances et banquiers centraux s’affairaient à éviter à tout prix un défaut de paiement de la Grèce et d’autres pays fragilisés, Eric Toussaint plaidait, lui, pour l’annulation d’une partie des dettes publiques européennes (comme il l’expliquait dans cette interview à La Libre Belgique). Il y avait là un changement de paradigme frappant : Eric Toussaint était (il l’est toujours) le président du CADTM, le Comité pour l’annulation des dettes du tiers monde. Autant dire que pour un journaliste couvrant la politique européenne, rompu à la loi du mort-kilométrique, son sujet de base était loin de mon radar. Or voilà qu’il s’avérait que les dettes des pays européens, aussi, devaient être annulées ? L’Europe était-elle en voie de tiers-mondisation, comme le laissaient supposer les articles effarants sur les opérations de MSF en Grèce ?

Je connaissais le concept de dette odieuse des dictateurs africains, dont le droit international prévoit l’annulation. Eric Toussaint en proposait une version beaucoup plus étendue : les dettes contractées pour éponger les pertes des banques devaient elles aussi être remises à zéro, plaidait-il - et n’a-t-il cessé de plaider depuis lors, d’Athènes à Bruxelles.

Mais en plein coeur de la crise, cette demande a été balayée par un argument massue : le risque de contagion. En Belgique, Didier Reynders, alors ministre des Finances, que j’ai interrogé à maintes reprises sur le sujet, répétait comme un mantra qu’un défaut de paiement de la Grèce serait similaire à la faillite de Lehman Brothers. La déroute du géant bancaire américain avait plongé le système financier mondial dans le choas trois ans plus tôt. ""Même un âne ne bute pas deux fois sur la même pierre", insistait Didier Reynders en 2011. La suite de l’histoire est connue : les créanciers privés de la Grèce ont accepté du bout des lèvres une décote sur leurs titres, mais l’essentiel de la dette grecque est passée désormais entre les mains des autres Etats européens, à travers le Mécanisme européen de stabilité, au prix d’une cure d’austérité drastique.
Dans son livre "Bancocratie", qui vient de paraître aux éditions Aden, Eric Toussaint règle son compte au fameux risque de contagion.

"Aucune des faillites bancaires depuis 2007", rappelle-t-il, "n’a été provoquée par un tel défaut de paiement. Aucun des sauvetages bancaires organisés par les Etats n’a été rendu nécessaire par une suspension de paiement de la part d’un Etat surendetté. Ce qui menace les banques, c’est le montage de dettes privées qu’elles ont progressivement construit depuis la grande déréglementation qui a commencé à la fin des années 1970 et qui s’est poursuivie au cours des années 1990 jusqu’à 2007-2008".

Ce n’est pas le moindre mérite du livre que d’analyser méthodiquement le bilan des banques européennes pour montrer à quel point les risques encourus par le système financier est le fait des banques elles-mêmes.
Dans les chapitres les plus intéressants, à la fois techniques et pédagogiques, l’auteur explique pourquoi et comment les banques ont gorgé leurs comptes de produits dérivés risqués, axés sur le profit, au détriment des prêts aux ménages et aux entreprises. Si le constat n’est pas neuf, Bancocratie donnera à ses lecteurs les outils pour mieux décoder les informations cryptiques que seule véhicule la presse financière.

Le chapitre relatif aux règles de Bâle permet de comprendre à quel point les nouvelles exigences de recapitalisation des banques sont manipulables.
Spéculation sur les produits agricoles, recherche de retours élevés, banques universelles "too big too fail & jail" : toutes les grandes dérives bancaires sont dénoncées avec une rage qui n’ôte rien au sérieux de l’exercice.
Qu’on partage ou non toutes les conclusions d’Eric Toussaint, son livre dresse un constat radical, mais nécessaire. Car ce n’est qu’en prenant la mesure des enjeux que le politique sera en mesure d’y apporter des remèdes.
Parmi les nombreuses pistes que l’auteur offre dans son dernier chapitre, relevons la plus emblématique : la "socialisation du secteur bancaire sous contrôle citoyen". Est-elle réellement utopique, au vu du coût des sauvetages bancaires par les contribuables ? La question doit être posée.

L’Etat belge contrôle Belfius à 100%, il est le premier actionnaire de BNP Paribas, mais l’actualité de l’année écoulée a révélé à quel point il se désintéressait de sa mission d’actionnaire public. Comble du pathétique : l’un des administreurs représentant l’Etat belge au Conseil de BNPP, Emiel Van Broekhove, s’est gargarisé publiquement de son indépendance. Dans une interview, il a osé affirmer qu’il n’avait pas de compte à rendre.
Ces propos ont suscité l’indignation dans la classe politique, mais il n’est pas certain que le gouvernement ait pris la mesure de l’enjeu.
Voici d’ailleurs - en exclusivité - ce que dit le projet d’accord de la coalition suédoise à ce sujet :

"Le gouvernement fédéral continuera à jouer son rôle d’actionnaire dans des institutions financières en conformité avec les principes de gouvernance en vigueur et se basera à cet égard sur le Code de conduite de l’OCDE de gouvernement d’entreprise à l’intention des Etats qui détiennent une participation dans ces entreprises. Le gouvernement établit un cadre pour les administrateurs qui, en fait, représentent l’Etat et conclut des accords avec ladirection de ces entreprises afin de s’assurer queles normes d’éthique des affaires soient respectées".

A coup sûr, Eric Toussaint trouverait ça mou du genou, d’autant que le prochain gouvernement entend se désengager du secteur bancaire.

"Le gouvernement veille à valoriser les participations dans le secteur financier au moment opportun et de manière judicieuse. Le rôle de la Société Fédérale de Participations et d’lnvestissement est réexaminé : la capacité de gestion est renforcée, la politique d’investissement est réorientée et les participations de l’Etat fédéral sant centralisées au sein de la SFPI".


Par Éric Walravens, journaliste à Belga et auteur de Dumping Fiscal.

 

 

 

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/cadtm

 

 

                                                                       *************************************             

 

*Vous pouvez lire aussi:

 

 

Compte rendu de lecture de Bancocratie de François Chesnais

Reponse d'Eric Toussaint à Francois Chesnais

 

 

 

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 14:11

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

Socialwashing ou l’instrumentalisation de la protection sociale

18 septembre par Anouk Renaud

 

 


Considérée depuis peu comme la clé de voûte du développement des pays du Sud, la protection sociale fait son grand come-back sur l’agenda international. On pourrait s’étonner de ce soudain intérêt que lui portent des institutions telles que la Banque mondiale, qui imposent depuis plus de trente ans des politiques d’ajustement structurel violant les droits humains. De plus, ce nouvel engouement pour la protection sociale survient paradoxalement au même moment où les politiques d’austérité entraînent la réduction drastique des budgets sociaux en Europe. Mais derrière ces contradictions apparentes et des politiques publiques que l’on pourrait croire opposées, les pays du Sud et ceux du Nord convergent vers une même logique : celle d’une nouvelle conception de la « sécurité sociale ». Afin de mieux comprendre ce phénomène, allons voir ce qui se cache derrière cette ferveur dont fait l’objet la protection sociale au Sud.

Aussitôt créés, aussitôt démantelés.

Dès les années 1920 et 1930 en Amérique Latine puis après la Seconde Guerre Mondiale pour l’Afrique et l’Asie, les pays du Tiers-Monde mettent en place les premiers jalons de leurs systèmes de protection sociale. |1| Ces systèmes encore largement embryonnaires s’inspirent alors des expériences européennes (celles des colonisateurs pour beaucoup) et développent des modèles de type assurantiel, appelés également modèles bismarckiens. Le financement de ces systèmes contributifs repose sur les cotisations de ses bénéficiaires. Cotiser s’avère donc obligatoire pour prétendre aux prestations sociales, dont les montants varient en fonction des rémunérations des salariés.

Après les indépendances, la poursuite et la consolidation des politiques publiques en matière de protection sociale apparaissent pour la « communauté internationale » comme une priorité. Le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ainsi que la déclaration de l’assemblée générale de l’ONU sur « le développement et le progrès social » de 1969 reprennent ainsi les éléments fondamentaux du modèle social européen, à savoir la citoyenneté, l’universalité, la démarchandisation, la sécurité des revenus, la solidarité organique… |2|

Mais cet élan pour la protection sociale va très vite se heurter aux lois du néolibéralisme. La crise de la dette extérieure des pays du Tiers-Monde dans les années 80 constitue sans aucun doute le point de départ et surtout le prétexte à un démantèlement des systèmes sociaux via les plans d’ajustement structurel (PAS). Pour ne citer qu’un exemple de cette politique antisociale exigée par les institutions financières : le développement de fonds de retraite privés notamment en Amérique Latine mais aussi en Afrique du Sud.

Aujourd’hui, le déficit de sécurité sociale au Sud est béant. Si l’on considère d’abord le taux de couverture, c’est-à-dire la part de la population protégée, celui-ci peine à atteindre 10 % des travailleurs dans les pays les moins avancés |3| et oscille entre 20 et 60% dans les pays à revenus intermédiaires. |4| Mais il faut aussi prendre en compte la faible diversité des « risques » couverts, à la lumière des neuf socles prévus par l’Organisation International du Travail. |5| Dans beaucoup de pays du Sud et particulièrement en Afrique, les dispositifs de protection sociale se cantonnent en effet à la vieillesse, aux accidents du travail, à l’invalidité et à l’indemnisation des survivants. |6|

C’est dans ce contexte que la protection sociale réapparaît aujourd’hui sur l’agenda des grandes organisations internationales, qui préconisent son élargissement afin d’atténuer les effets de la crise et pour soutenir le développement des économies du Sud. Plus qu’un simple retour, la protection sociale fait l’objet d’un changement sémantique voire d’une véritable réhabilitation conceptuelle et idéologique. L’heure ne semble plus être à la promotion des droits économiques et sociaux, mais bien à la réduction de la pauvreté.

La généralisation des transferts monétaires.

L’incarnation la plus flagrante de ce nouvel élan pour la protection sociale et de sa transformation idéologique sous-jacente reste les programmes de transferts monétaires, qui se sont développés cette dernière décennie dans de nombreux pays du Sud. Cette nouvelle génération de mesures de sécurité sociale obéit à une logique assistancielle, dite également beveridgienne |7| car elles ne sont pas contributives. Ne bénéficiant qu’aux plus pauvres, les prestations sociales accordées (généralement plus faibles que celles des systèmes contributifs) le sont sous condition de ressources et sont financées via l’impôt. Au-delà des critères d’éligibilité, les transferts monétaires peuvent même être conditionnés. C’est le cas de la célèbre « Bolsa Familia » au Brésil, qui impose des contreparties en matière d’éducation, de santé et d’assistance sociale, notamment la scolarisation et la vaccination des enfants. La mise en œuvre de ces transferts monétaires soulève plusieurs difficultés et est loin d’être exempte de critiques, comme nous le montrent les différentes études de cas analysées dans l’avant dernier volet d’Alternatives Sud « Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan ». |8|

A l’instar de tout ciblage administratif se pose en premier lieu la question de la pertinence et de la rigidité des critères mobilisés. Les risques d’exclusion voire d’inclusion injustifiées ont été soulevés par un rapport de l’International Poverty Centre qui a estimé que 70% des pauvres ont été exclus du programme mexicain « Oportunidades », tandis que 36% des bénéficiaires n’en avaient pas besoin. |9| La substitution de transferts monétaires à la distribution publique de denrées alimentaires de base, comme ce fut le cas en Inde, les exposent également aux fluctuations des prix et ainsi à une dévaluation de leur valeur réelle. |10| Toutefois, l’aspect le plus problématique de la mise en œuvre de transferts monétaires en Inde est qu’elle s’est faite au détriment des services publics. Alors que l’allocation d’une aide aux plus pauvres se devrait d’être une mesure complémentaire à une fourniture de services publics de qualité, force est de constater que l’insuffisance des budgets publics pousse les gouvernements à choisir entre transfert monétaire et fourniture de services publics. |11| A tel point que, dans de nombreuses situations, les transferts monétaires permettent juste aux plus pauvres d’accéder à des biens et des services gérés par le secteur privé. C’est le cas en Afrique du Sud, où les politiques sociales adoptées par l’African National Congress - dans la droite lignée du régime de l’apartheid - conjuguent une privatisation des services publics (appliquant le principe de recouvrement des coûts) avec l’octroi d’allocations publiques aux plus pauvres. |12| La politique du «  Free Basic Services » offre 6m3 d’eau à un ménage chaque mois mais les compteurs demeurent prépayés et les prix très élevés pour tout m3 supplémentaire consommé. Aux mains de fournisseurs privés, et notamment de la multinationale française Suez, le prix de l’eau au m3 a doublé entre 1997 et 2004 à Durban et les déconnexions se sont multipliées. |13| Les transferts monétaires peuvent donc être utilisés comme un rouage du néolibéralisme, assurant plus de débouchés à des services publics privatisés.

La protection sociale selon la Banque mondiale.

Dès les années 1990, la réduction de la pauvreté devient le fer de lance des politiques internationales au premier rang desquelles celles de la Banque mondiale. Si à cette époque la protection sociale n’est pas considérée comme une solution potentielle (voire même comme un poids dont n’a pas à s’encombrer l’Etat), elle le devient à partir des années 2000. Aux antipodes de la sécurité sociale promue par le Conseil National de la Résistance en France au lendemain de la Seconde guerre mondiale ou par le pacte de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels, cette « nouvelle sécurité sociale » se cantonne à une protection a minima et ciblée, entendant simplement réduire la pauvreté. Le changement s’avère donc d’ampleur. La protection sociale n’est plus censée assurer une sécurité de revenus pour tous et permettre une émancipation individuelle et collective, mais se doit avant tout de soutenir la demande et la productivité économiques pour in fine accroître la croissance. Ce vœu libéral peut très bien passer par l’élargissement de la sécurité sociale, si celle-ci consiste à améliorer la résilience des plus pauvres, en leur permettant de mieux gérer les risques auxquels ils doivent faire face. La protection sociale n’a donc plus besoin d’être universelle, mais reste circonscrite à ceux qui en ont le plus besoin (et qui les méritent…). Bref, la protection sociale n’est plus envisagée comme un droit collectif et universel, mais comme un investissement sur les plus pauvres censé engendrer des gains économiques. Elle se limite à la réduction (voire à la gestion) de la pauvreté, n’entendant plus s’attaquer à ses racines : la répartition des richesses.

Bien entendu, cette vision proposée notamment par la Banque mondiale ne fait pas pleinement consensus au sein des organisations internationales, qui ne suivent pas toutes la même logique, comme le montrent les analyses de Francine Mestrum. |14| Si l’OIT et l’ONU mettent aussi l’accent sur les avantages économiques, elles conservent une lecture de la protection sociale en termes de droit et préconisent son élargissement aussi bien verticalement qu’horizontalement. |15| Toutefois, la position de l’OIT demeure ambiguë sur cette question, car elle reste muette sur les modalités concrètes de mise en œuvre de ce droit à la protection sociale, se limitant par défaut à un ciblage sur les plus pauvres voire à des prestations conditionnées. L’institution marche d’autant plus sur des œufs qu’elle collabore étroitement avec la Banque mondiale, sur des sujets connexes tels que le Doing Business, |16| ou publie en 2013 un rapport sur le rôle que les multinationales pourraient jouer dans l’extension de la protection social via la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprise). |17|

L’efficacité des transferts monétaires à enrayer la pauvreté dans les pays où ils ont été mis en œuvre ne semble pas faire l’unanimité. Gardons-nous cependant ici de tirer à boulets rouges sur ces programmes en tant que tels, mais soulignons du moins que leur utilisation actuelle atteste de la construction d’un paradigme néolibéral de la protection sociale. Les transferts monétaires peuvent tout à fait avoir des effets positifs et être au service d’une véritable politique de protection sociale à condition d’être déployés en tant que complément d’un système social complet et de services publics de qualité. Ils s’avèrent d’autant plus essentiels dans les pays du Sud, où demeure l’épineuse question de la prise en charge des travailleurs du secteur informel.

Les PAS : prérequis à cette nouvelle sécurité sociale ?

Les plans d’ajustements structurels ont largement alimenté cette nouvelle vision de la protection sociale et sa mise en œuvre via les transferts monétaires et cela du fait de plusieurs facteurs. D’abord les PAS ont fait augmenter le chômage, ce qui a amplifié l’emploi informel et donc limité la portée des systèmes contributifs mis en place dans les années 50, notamment en Afrique. Le développement de dispositifs non contributifs est ainsi apparu comme une réponse à la chute du taux de couverture. |18|
De plus, l’assainissement des dépenses publiques et les coupes dans les budgets sociaux amènent les gouvernements à faire des choix entre différentes politiques sociales, ce qui s’est traduit par une focalisation des dépenses sur des programmes d’assistance sociale ciblée. |19| Enfin, les conséquences désastreuses des PAS sur le tissu social des pays endettés ont nourri l’idée d’une intervention publique subsidiaire auprès des populations les plus touchées, une logique urgentiste où il s’agissait (faute de mieux) de stopper l’hémorragie.

Tout se passe comme si les PAS avaient démantelé les politiques sociales du Sud pour ouvrir la brèche à cette « nouvelle protection sociale » propice à l’accomplissement des objectifs néolibéraux. Quid alors du démantèlement de la protection sociale en Europe ? Démanteler pour réorienter la logique : le processus semble également en marche en Europe, où l’UE parle « d’investissements sociaux » afin d’améliorer le « capital humain », excluant donc de fait les politiques sociales non « rentables ». |20| Et cela parallèlement à la destruction des États providence qu’elle orchestre. La nouvelle génération de transferts monétaires se développe d’ailleurs également dans les pays du Nord. S’inspirant de son homologue mexicain, le programme « Opportunity NYC » mis en place à partir de 2007 dans la ville de New York permet à des familles modestes de toucher des prestations supplémentaires si elles répondent à certains objectifs en termes d’éducation, de travail et de couverture santé. 50 dollars octroyés pour la possession d’une carte de bibliothèque ou encore 25 dollars si le ménage assiste aux réunions parents-professeurs. |21|

La construction d’un « nouveau paradigme social est donc en cours d’élaboration » au Nord comme au Sud. |22| Pour contrer ce phénomène et faire valoir nos droits à une protection sociale, il est urgent de déprivatiser les services publics, refuser les politiques d’austérité et le paiement des dettes illégitimes au Sud comme au Nord.

Notes

|1| François POLET, « Etendre la protection sociale au Sud : défis et dérives d’un nouvel élan »,Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014, p.10

|2| Francine MESTRUM, La protection sociale universelle. Quelles visions et quels enjeux ?, conférence organisée par le Gresea, le vendredi 20 mai 2014

|3| L’Afrique Subsaharienne enregistre le taux de couverture le plus faible, avec seulement 6% des travailleurs.

|4| Au niveau mondial, selon le dernier rapport de l’Organisation International du Travail, seulement 27 % de la population en âge de travailler bénéficie d’une protection sociale complète, tandis que 73% ne peuvent prétendre qu’à une couverture partielle ou ne sont pas couverts du tout.
http://ilo.org/global/about-the-ilo...

|5| La convention n°102 de l’OIT prévoit neuf branches principales : soins médicaux, indemnités de maladie, prestations de chômage, prestations de vieillesse, prestations en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle, prestations familiales, prestations de maternité, prestations d’invalidité et prestations des survivants.

|6| Kwabena Nyarko OTOO et Clara OSEI-BOATENG, « Défis des systèmes de protection sociale en Afrique », Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014, p.98

|7| En 1942, William Beveridge publie le rapport « L’Assurance sociale et les prestations connexes », qui servira de bases à la mise en place d’un système de sécurité sociale au Royaume-Uni.

|8| Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014

|9| Jayati GHOSH, « Les transferts monétaires, remède miracle contre la pauvreté en Inde et ailleurs ? », Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014, p.56

|10| Ibid., p.54

|11| Ibid., p.56

|12| Patrick BOND, « Parler à gauche en marchant à droite : les politique sociales en Afrique du Sud », Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014, p.112

|13| Ibid., p.114

|14| Francine MESTRUM, « La protection sociale : le nouveau cheval de Troie du néolibéralisme », Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014, p.199

|15| Ibid, p.201

|16| http://cadtm.org/Doing-Business-et-...

|17| http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/pu... soc_sec/documents/publication/wcms_210102.pdf

|18| Kwabena Nyarko OTOO et Clara OSEI-BOATENG,op. cit., p.95-96

|19| Claudia ROBLES, « La protection sociale, la citoyenneté et l’égalité en Amérique Latine : un projet réalisable ? »,Protection sociale au Sud. Les défis d’un nouvel élan, Editions Syllepse/Centre Tricontinental, 2014, p.145

|20| Francine MESTRUM, op cit., p.205-206

|21| Julien DAMON, « Les transferts monétaires conditionnels : une innovation du Sud transposable en France ? », Revue de droit sanitaire et sociale, n°6, 2010, pp.1151-1159, p.1157

|22| Francine MESTRUM, op cit., p.198

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 17:34

 

Source : www.mediapart.fr

 

Air France: la grève des pilotes signe l’irrésistible ascension du low cost

|  Par Dan Israel

 

 

 

Qu'ils obtiennent satisfaction ou non, les grévistes d'Air France auront du mal à s'opposer à la montée en puissance de la filiale Transavia, programmée par la direction d'Air France. Car partout en Europe, le modèle à bas coût s'impose comme le levier quasi unique de développement du secteur aérien. Explications.

Déjà trois jours de grève, et derrière la grève une transformation majeure. Inévitable ? Démarré lundi 15 septembre et devant durer une semaine, le mouvement social lancé par les pilotes du groupe Air France devrait rester comme le plus important depuis 1998. Au moins 50 % des vols ont été annulés le premier jour de grève, avec des pointes à plus de 70 % à Lyon, Nice où Toulouse. Mardi, 60 % des avions prévus sont restés au sol, et ce mercredi le chiffre devrait être identique.

Le SNPL (syndicat national des pilotes de ligne, SNPL), majoritaire chez les pilotes d'Air France-KLM avec plus de 70 % des voix, a appelé à la grève jusqu’au 22 septembre pour protester contre la manière dont la direction prévoit de faire monter en puissance Transavia, sa filiale low cost jusque-là limitée à 14 avions. La deuxième organisation syndicale, le Spaf, a arrêté son préavis au 20 septembre, mais Air France a recommandé à tous ses clients devant prendre l’avion d’ici au 22 septembre de « reporter leur voyage ou changer leur billet sans frais ».

Le PDG d'Air France Frédéric Gagey a estimé lundi le coût du conflit à « 10 à 15 millions d'euros » par jour de grève, tandis que Alexandre de Juniac, le grand patron du groupe Air France-KLM a commencé à imputer aux grévistes un éventuel non-retour aux bénéfices en 2014.

Pour la première fois depuis longtemps, les intérêts des pilotes et de la direction divergent. Mardi soir, les discussions étaient jugées « au point mort » par un des négociateurs, qui peinait à envisager une sortie de crise. La direction a fait un geste en proposant de limiter à 30 appareils la flotte de Transavia France jusqu'à 2019, au lieu des 37 initialement prévus, mais les syndicats ont rejeté cette offre. Pourquoi ? Que signifie cette soudaine accélération d’Air France en direction du low cost ? Une autre voie est-elle possible ? Tentative d’explication, en quelques questions.

  • Comment va Air France ?

Plutôt mal. Air France et KLM ont fusionné en 2009, en espérant devenir le géant européen du transport aérien. Pari plutôt perdu. En 2013, le groupe a tout juste gagné de l'argent, avec un résultat d'exploitation de 130 millions d'euros pour 25,5 milliards de chiffre d'affaires, et une dette de presque 12 milliards d'euros. Prise isolément, la compagnie Air France est dans le rouge depuis huit ans. Le transport non passager, le cargo, est extrêmement déficitaire, avec 200 millions de pertes en 2013. Idem, avec 220 millions de pertes, pour « l’activité point à point », qui désigne les vols sans correspondances au sein du groupe, via Roissy ou Amsterdam.

Pourtant, la direction n’a pas ménagé ses efforts pour couper dans les dépenses. Avec le plan Transform 2015, les pertes du réseau moyen-courrier ont été divisées par deux en deux ans. Les effectifs globaux de la compagnie auront été réduits de 8 000 postes (dont 550 pilotes) en trois ans à la fin 2014. « Dans le cadre de ce plan, tous les pilotes ont aussi accepté de réduire de 15 à 20 % leur rémunération globale, en volant plus, en rendant des jours de congé ou en diminuant leurs avantages », pointe un des responsables du syndicat. Les pertes du moyen-courrier, qui représente 40 % de l’activité, devraient pourtant encore atteindre 120 millions d'euros cette année.

En fait, le groupe est pris en tenailles. Le court et moyen-courrier est très fortement concurrencé par les compagnies low cost, Ryanair et EasyJet en tête. À l’autre bout de l’échelle de prix, le long-courrier, qui fait la fierté des personnels et que le groupe considère comme sa spécialité et sa vraie image de marque, est attaqué par les compagnies des pays du Golfe, comme Emirates ou Qatar Airways, qui ont les moyens de faire voler des avions luxueusement équipés, avec un personnel très bien formé.

Pour expliquer les difficultés du groupe, la CGT livre de son côté plusieurs explications. D’une part, un coût du carburant toujours en hausse : « Le carburant représente à lui seul plus de 30 % des coûts d'exploitation contre moins de 10 % il y a 15 ans. » Problématique alors que les pays du Golfe facturent moins cher le pétrole, et que, assure le syndicat, certains transporteurs à bas coût embarquent moins de carburant pour voler, quitte à diminuer la réserve de sécurité. La CGT accuse surtout la direction d’avoir choisi une mauvaise stratégie commerciale, en réduisant fortement les prix de ses vols court et moyen-courrier en direction de Roissy, dans le but d’assurer un remplissage maximal de ses avions long-courrier.

 

 
© Reuters - Christian Hartmann


  • Que propose la direction ?

Il s’agit de tout changer. La compagnie Air France s’apprête à vivre la plus grosse transformation de son histoire depuis la fusion avec Air Inter en 1997. Début septembre, le groupe a annoncé une refonte totale de son organisation. Les trajets « point à point » n’alimentant pas le hub de Roissy devraient revenir à sa filiale Hop !, qui s’occupe jusqu’à présent des vols de province à province. Cela pourrait aboutir à la disparition de la marque Air France de l’aéroport d’Orly. Les détails seront présentés fin octobre, mais cela devrait permettre à la compagnie de choisir, en fonction de la fréquentation des vols, soit les Airbus A320 d’Air France, soit les petits avions régionaux de Hop !

Tous les vols européens dits de loisirs, qui transportent des vacanciers, reviendraient, eux, à Transavia. Classique compagnie de charters néerlandaise, elle a été réinventée en tenante du low cost en 2005 par KLM, avec qui Air France a ouvert une filiale française dès 2007. Mais comme le raconte cet excellent article des Échos, ce n’est que depuis cette année que Transavia est entrée dans le grand bain de la concurrence avec EasyJet et Ryanair, en multipliant les destinations et les promotions.

Jusque-là, la filiale française servait surtout de sous-traitant aux voyagistes ou aux organisateurs de charters. Mais depuis cet été, la transformation en compagnie low cost est clairement assumée, avec l'ouverture de 17 nouvelles lignes régulières, dont 11 au départ d'Orly-Sud. La part des voyagistes dans ses réservations, encore de 50 % fin 2013, est divisée par deux en quelques mois.

Cette nouvelle organisation, qui est une révolution, était préconisée en juin dans le rapport rendu par Lionel Guérin, dirigeant de Transavia devenu depuis le patron de Hop ! Elle nécessite de pousser furieusement les feux chez Transavia. Et pour cela, l’accord des syndicats est nécessaire : en 2006, afin de les rassurer sur ce modèle à moindre coût qui s’installait sous leur nez, Air France leur avait concédé le fait que Transavia France n’exploiterait pas plus de 14 appareils, et qu’elle ne desservirait pas de lignes nationales.

La direction souhaite aujourd’hui largement faire grandir la flotte de Transavia. Elle devrait aussi annoncer la création imminente de trois nouvelles bases en Europe (qui devraient être situées à Munich, Lisbonne et Porto). Elle vise la rentabilité en 2018, et espère transporter à cette date plus de 20 millions de passagers, contre 9 millions en 2013, sur une centaine d’avions, basés partout en Europe. Mais jusqu’ici, les syndicats de pilote refusent de donner leur accord à ces projets d’expansion à marche forcée du low cost.

  • Pourquoi le low cost fait-il rêver Air France ?

Inauguré aux États-Unis par la compagnie Southwest Airlines dès les années 1970, le modèle low cost s’est installé en Europe il y a une vingtaine d’années, et encore plus récemment en France. Mais il a gagné du terrain à toute vitesse. Emmanuel Combe est économiste, spécialiste du modèle low cost. Fin 2007, il a aidé Charles Beigbeder à rédiger le rapport qui avait été commandé sur le sujet par le gouvernement de l’époque. Et il a vu changer le regard du secteur français de l’aviation : « Au milieu des années 2000, quand EasyJet et Ryanair se sont vraiment implantées en France, ces compagnies étaient regardées comme des curiosités. Lorsque nous avons rédigé notre rapport, fin 2007, les réactions étaient assez timorées, les professionnels pensaient que le low cost était un feu de paille, qu’il était impossible de gagner de l’argent en vendant un billet à 50 euros. Et puis, les syndicats d’Air France m’ont invité à nouveau en 2011, et ils étaient beaucoup plus à l’écoute, ils ont compris que le modèle était en train de gagner la partie. »

Les recettes du modèle sont connues : faire voler ses avions le plus longtemps possible tous les jours, sur des plages horaires s’étalant de 5 heures du matin à minuit ; supprimer les correspondances, trop compliquées à gérer ; réduire au maximum le temps d’escale des appareils ; couper dans tous les coûts, en faisant par exemple faire le ménage au personnel navigant, mais surtout en réduisant les salaires et en multipliant les heures de vol des salariés (700 heures par an chez EasyJet et Transavia en moyenne, 800 chez Ryanair contre 450 à 500 chez Air France) ; choisir parfois des aéroports peu prisés car éloignés (en Europe, c’est surtout le modèle de Ryanair). Et enfin, multiplier les options payantes, qui garantissent aujourd’hui un quart du chiffre d’affaires d’EasyJet.

 

© Reuters - Charles Platiau

Ce modèle est-il une réussite ? Oui, sans aucune ambiguïté. « Aujourd’hui, Ryanair et EasyJet sont les deux compagnies les plus rentables d’Europe », souligne Emmanuel Combe. Et les coûts d’entrée sur le marché sont faramineux, étant donné la taille des concurrents déjà en place : « En Europe, il y a 200 millions de passagers sur les vols low cost tous les ans. 80 millions sont transportés par Ryanair, et 60 millions par EasyJet. En comparaison, l’ensemble du groupe Air France-KLM transporte 78 millions de passagers par an. Le low cost, c’est un monde et un combat de géants. »

Mais dans le paysage européen, la France est encore à part. « La France est encore une terre de conquête pour le secteur : en Europe, le low cost atteint 45 % de parts de marché, mais dans l’Hexagone, il n’en occupe que 20 % ! » indique Combe. J'estime que Transavia a deux ou trois ans pour s’installer sur le marché. » Faute de quoi, c’est EasyJet, qui a récemment annoncé l’achat de 130 appareils et désigné la France comme terre de conquête, qui pourrait rafler tout le marché.

  • L’Allemagne a franchi le pas, la SNCF aussi ?

Nul doute que du côté de la direction française, on s’inspire de ce qui se passe en Allemagne. En 2013, expliquent Les Échos, la compagnie Lufthansa a transféré tous ses vols « point à point » à sa filiale à bas coûts Germanwings. Mais en Allemagne aussi, les conflits sociaux ont été inévitables : une grève des pilotes Lufthansa a eu lieu ce mardi, et c’était la quatrième en moins de trois semaines. Le syndicat des pilotes Cockpit est en conflit avec la direction du groupe sur le régime de départ en préretraite, qui a notamment servi à faire partir certains des pilotes les plus expérimentés et touchant les plus gros salaires.

Les développements et les réactions au low cost aérien intéressent à coup sûr un autre secteur : celui du train. En France, la SNCF a déjà un pied dans le modèle, même si cela reste modeste. En 2004 d’abord, elle a testé l’efficacité du modèle avec iDTGV, une filiale spécifique avec des tarifs bien plus bas que ceux des TGV. Elle a plus récemment lancé Ouigo, au printemps 2013, avec des trains partant de Marne-la-Vallée vers Lyon et le sud de la France. Les trains Ouigo sont configurés comme des avions low cost, sans voiture-bar ni espace de rangement pour les bagages, et circulent 13 heures par jour au lieu de 9 heures pour un TGV classique, ce qui aurait permis, assure la SNCF, de faire baisser les coûts d’exploitation de 30 %. Certes, les résultats commerciaux sont pour l’instant mitigés. Mais la SNCF a testé un modèle pertinent pour tenter de contrer la concurrence qui s’annonce sur ses lignes internationales...

  • Que veulent les pilotes ?

Dès qu’ils parlent à un journaliste, les représentants des grévistes rappellent en préambule qu’ils ne sont pas opposés au principe même du low cost. « Avoir une partie des avions volant à bas coût, on n’a rien contre, nous avons même vu arriver le rapport de Lionel Guérin d’un plutôt bon œil, explique l’un d’eux à Mediapart. Notre problème, c’est quand ce modèle-là vient grignoter l’activité classiquement dévolue à Air France. »

Le développement du modèle low cost ne peut que poser problème aux syndicats de pilote, qui défendent des salariés très bien payés. Globalement, les pilotes et hôtesses de Transavia sont payés environ 20 % de moins que ceux de la maison mère, et ils volent bien davantage, surtout en été, où les vacanciers partent à l’assaut des vols peu chers. Après avoir annoncé des chiffres extrêmes, la direction a calculé que globalement, les salariés Transavia lui coûtaient de 20 à 25 % moins cher. Mais ils volent 30 à 40 % d’heures de plus.

D’un côté, Air France a ouvert un plan de départ volontaire pour ses pilotes. De l’autre, Transavia devrait en embaucher plus de cent dans les années à venir. Sans compter que des copilotes coincés depuis des années dans leur avancement dans la maison-mère, faute de postes de commandants de bord disponibles, pourraient enfin monter en grade dans la filiale. Alléchant ? Inquiétant surtout, jugent les syndicats, qui refusent toute mise en concurrence entre les enseignes. « On ne va pas faire la course à l’échalote pour faire baisser les salaires, indique un responsable. D’autant que nous savons que la réduction des salaires des pilotes déjà présents a déjà été évoquée du côté de Transavia… »

La principale revendication du SNPL est la création d’un contrat unique, aux conditions actuelles d’Air France, pour tous les pilotes d’avions de plus de 100 places dans le groupe, quelle que soit la compagnie qui l’emploie. Un corps unique de pilotes permettrait, assurent-ils, à la compagnie d’être flexible, quelle que soit la conjoncture économique et les goûts des passagers dans les années à venir.

Mais la vraie inquiétude des syndicats repose dans la création des futures bases internationales de Transavia. Partout dans la monde, quand une compagnie low cost s’installe dans un pays, elle emploie du personnel, y compris navigant, selon les normes sociales en vigueur dans ce pays. Les embauches sous contrat local sont légales, mais le SNPL craint une le dumping social qui pourrait survenir. « On nous promet que jamais des pilotes employés sous le droit portugais ou tchèque ne viendront assurer des liaisons à partir de la France, mais nous ne croyons tout simplement pas à cette promesse », déclare ainsi un responsable syndical.

  • Quelle sortie de crise ?

Pour l’heure, les discussions entre les grévistes et la direction ont tourné au dialogue de sourds. Sans le feu vert du SNPL, Transavia France ne pourra pas utiliser plus d’avions. Mais dès le début de la grève, Alexandre de Juniac a opposé une fin de non-recevoir à la revendication principale des syndicats : « Si on pouvait faire du low cost avec les règles de fonctionnement d’une compagnie traditionnelle, cela se saurait ! Comme on dit, on naît low cost, on ne le devient pas, a-t-il déclaré dans Les Échos. Air France a accumulé au fil des années des avantages qui font que ses coûts et ses conditions d’exploitation sont bien supérieurs à ceux de Transavia. Il n’est donc pas possible d’aller travailler chez Transavia aux conditions d’Air France, sauf à tuer Transavia. »

Tout juste accepte-t-il de réduire un peu le rythme de développement de Transavia France, ou de discuter du versement d’une prime intéressante pour les pilotes acceptant de rejoindre la filiale. Pour le reste, la ligne est très dure, et les syndicalistes interrogés par Mediapart semblent inquiets quant à l’issue du conflit. D’autant qu’ils sont assez isolés : mardi, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste, a demandé sur BFM TV mardi la fin de la grève, qui lui semble « hors de propos ».

Le responsable politique reprend-là les arguments… d’autres syndicats, qui s’opposent à un mouvement des pilotes jugé bien égoïste. Le dirigeant de la CFDT, Laurent Berger, a carrément jugé la grève « indécente » et son syndicat dénonce une « posture strictement corporatiste ». Arguments auxquels répond le SNPL en soulignant que les personnels au sol ne sont pas menacés de délocalisation, eux.

 

Pour autant, les grévistes sont loin d’être sûrs d’emporter le morceau. S’ils refusent d’avaliser le plan de développement de Transavia France, qu’est-ce qui empêchera Alexandre de Juniac de lancer de nouveaux avions à partir de nouvelles implantations internationales ? « Et le PDG a un autre argument, qu’il commence à sous-entendre devant ses interlocuteurs, glisse un connaisseur : si les syndicats bloquent tout et qu’ils font péricliter le moyen-courrier, tant pis, il ne fait que faire perdre de l’argent à Air France, et EasyJet saura bien se baisser pour ramasser les clients perdus. »

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 18:07

 

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

L’austérité expliquée en trois graphiques : ce qu’ils nous disent, ce qu’il se passe et comment s’en sortir…

Vidéo

15 septembre par Olivier Bonfond

 

 

 

 


Pourquoi les politiques d’austérité menées en Europe sont inefficaces et pourquoi les efforts imposés aux Européens sont vains.

Olivier Bonfond, économiste au CEPAG (FGTB Wallonne) décortique les mécanismes de la politique budgétaire européenne et propose une alternative de gauche.

 

 

 

 

  Graphes cercle austerite FR A

 

 

Graphes_cercle_austerite_FR_B.png

 

 

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Source : cadtm.org

 

 

 


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