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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 18:18
 

 

Source : www.lemonde.fr


 

Des ZAD, mais pour quoi faire ?

Le Monde.fr | 14.12.2014 à 10h07 • Mis à jour le 14.12.2014 à 17h19 | Propos recueillis par Camille Bordenet

 

 


Spécialiste des mouvements altermondialistes, Nicolas Haeringer analyse les « zones à défendre »  de Notre-Dame-des-Landes, Sivens et Roybon.

Un "zadiste" à l'entrée de la "zone à défendre" de la forêt de Chambaran, près de Roybon. Les activistes s'opposent à un projet de centre de loisirs du groupe Pierre & Vacances.

Qui sont les « zadistes » ? Comment tenter de définir ce mouvement, alors que leurs profils et leurs motivations sont disparates ?

Nicolas Haeringer : Je comprends qu’on souhaite labelliser les mouvements émergents car c’est un enjeu de compréhension. Mais il faut résister au maximum à cette tentation pour au moins deux raisons : la première, c’est qu’en essayant de coller un label sur les zadistes, on adopte très vite le jargon des autorités et de la police.

Elles ont besoin d’assigner des identités aux zadistes, de les figer dans des catégories existantes pour savoir comment les traiter – en l’occurrence pour justifier qu’il n’est pas possible de dialoguer avec eux et qu’il faut donc faire le choix de la répression. La seconde, c’est qu’on renonce ainsi à saisir tout ce qui se joue de nouveau dans ces mobilisations, dans des pratiques et des expérimentations dont le propre est précisément de faire évoluer les identités hors des catégories existantes.

Que revendiquent les uns et les autres ?

Ce ne sont pas seulement des revendications environnementales. Les mobilisations se jouent aussi autour de revendications liées à la démocratie. Il y a notamment un enjeu autour de l’idée d’une égalité absolue : tout le monde, et non les seuls élus, doit pouvoir participer aux décisions et est fondé à les remettre en cause.

Dans les ZAD, on voit aussi apparaître de nouveaux acteurs et de nouvelles revendications : comme, par exemple, les naturalistes en lutte, des personnes qui se mobilisent pour recenser les espèces animales ou végétales menacées par ces projets. Que ce soit de la permaculture, de l’agro-écologie ou des formes d’habitat alternatives, l’expérimentation occupe une place centrale dans les ZAD : il s’agit de préfigurer d’autres modes de vie, durables, décarbonés. Les zadistes veulent préfigurer une société qui fonctionne sur d’autres bases que la prédation des ressources naturelles. Ce ne sont donc pas uniquement des occupations défensives.

Lire le portrait : Moi, Martin, 20 ans, zadiste à visage découvert

Qu’est-il alors en train de se jouer avec ces mobilisations ?

On peut émettre deux hypothèses. La première – formulée notamment par le Comité invisible – est que dans la période actuelle, l’enjeu des luttes est devenu le territoire. Dans le cas présent : comment se construisent les politiques d’aménagement du territoire ? Comment intègre-t-on des données nouvelles, qui doivent conduire à réviser des décisions d’aménagement prises il y a dix, vingt, voire cinquante ans [comme dans le cas de Notre-Dame-des-Landes] ?

La seconde est que, de Notre-Dame-des-Landes à Sivens, ce qui se joue désormais, ce sont des résistances à l’« extractivisme » – les activités d’extraction de grands volumes de ressources naturelles, qu’elles soient agraires, pétrolières ou forestières. Le front de l’extractivisme était jusqu’à présent principalement situé dans les pays du Sud. Il se déplace désormais vers les pays du Nord, qu’il s’agisse des sables bitumineux de l’Alberta, des gaz de schistes, de la promotion du tourisme de masse [par la construction d’aéroports ou de parcs de loisirs], ou encore du soutien aux projets d’agriculture industrielle [à Sivens comme avec la ferme des Mille Vaches]. Ce qui se joue dans les ZAD est donc double : la résistance à l’extractivisme et l’invention ou la préfiguration d’autres modes de vie, d’un futur décarboné.

Peut-on parler d’un nouveau mouvement en formation ?

Oui, quelque chose est en train de se construire, d’être expérimenté. Il y a un modèle qui se diffuse, et pas uniquement en France : on peut observer des dynamiques similaires en Angleterre, en Allemagne, en Amérique du Nord. Il y a par ailleurs une histoire déjà ancienne de ces mobilisations [on peut penser aux mouvements anti-barrages en Inde, par exemple]. En ce sens, on peut considérer qu’il s’agit d’un cycle global de mobilisations.

S’agit-il d’un mouvement unifié ou d’une constellation de mobilisations, de campagnes et de collectifs hétéroclites ?

Il est encore trop tôt pour en juger. On peut toutefois identifier quelques changements par rapport à la manière dont s’est construit le cycle précédent. Il y a dix ou quinze ans, les mobilisations altermondialistes étaient très largement transnationales, autour de sommets et de contre-sommets internationaux, par exemple. Les luttes dont nous parlons sont beaucoup plus ancrées dans un territoire. Elles sont locales, sans toutefois que leurs acteurs renoncent à la solidarité et à l’échange entre enjeux, entre occupations, etc. Ce qui se joue c’est donc peut-être une nouvelle forme de construction des solidarités, qui ne seraient plus « transnationales », mais « translocales ».

Pensez-vous que les zadistes peuvent être soutenus, voire instrumentalisés, par des mouvements ou des partis politiques ?

J’ai l’impression que c’est plutôt l’inverse, en cela que les zadistes sont très méfiants vis-à-vis de l’ensemble des partis politiques, même ceux à gauche du gouvernement. Même si certains partis politiques, les Verts notamment, ont pu leur faire part de leur soutien, la méfiance des zadistes à l’égard de tout ce qui a trait aux institutions fait qu’ils ne souhaitent pas construire d’alliance avec qui que ce soit. Leur indépendance et leur volonté de ne pas être récupérés sont au cœur même de leur pratique.

Et c’est précisément ce qui fait peur aux élus : les zadistes leur « échappent ». Les autorités ont besoin de faire entrer dans des cases : soit ce sont des associations avec des porte-parole avec qui on peut discuter, soit ce sont des jeunes non organisés, donc dangereux. Parce que ces mobilisations ne sont pas complètement structurées de manière classique, et qu’elles échappent à la récupération, il n’y a de fait aucun pacte tacite qui permettrait d’anticiper ce qui va se passer. Il faut par ailleurs reconnaître que des associations et certains syndicats jouent également un rôle clé dans les mobilisations contre ces projets d’infrastructures. Rémi Fraisse était d’ailleurs membre d’une association environnementale très reconnue [France nature environnement].


Source : www.lemonde.fr

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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 18:01

 

Source : blogs.mediapart.fr/edition/climatiques

 

La justice, grande absente des résultats de Lima

Tard dans la nuit de samedi à dimanche, les 194 Etats de la planèté sont parvenus à un accord dans le cadre de la convention cadre de l'ONU sur le dérèglement climatique. Loin d'être satisfaisant, cet accord hypothèque tout accord historique à Paris fin 2015. Les mouvements et ONG pour la justice climatique, notamment Attac France et les Amis de la Terre, ont rendu public cette première analyse.

Le monde est confronté à une urgence planétaire : le changement climatique est causé par un système qui place la recherche du profit au-dessus des besoins des personnes et des limites de la planète. Il dévaste la vie de millions de personnes à travers la planète. Selon les scientifiques du climat, des basculements critiques pourraient se produire prochainement et la température moyenne globale pourrait s'accroître de 4 à 5°C avec des conséquences catastrophiques pour nous tous.

La Conférence de Lima aurait dû poser les jalons de la façon dont les gouvernements allaient prendre des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique et pour soutenir les populations vulnérables de la planète à s'adapter aux inévitables conséquences.

Il s'agissait de réduire plus fortement les émissions d'ici à 2020 et de fixer des objectifs climatiques à long terme pour ne pas augmenter la température de plus de 1,5°C. Ne pas émettre plus que ne le permet le budget carbone et répartir ce dernier sur la base des principes de responsabilités communes mais différenciées, des capacités respectives des pays et de la nécessité d'honorer la dette climatique.

Ce qu'il s'est passé à Lima s'inscrit dans une longue série de décisions qui, chaque année, affaiblissent les règles internationales sur le climat, mettant en difficulté les populations et la planète.

Les engagements de réduction d'émissions pour l'avant 2020 sont injustes et beaucoup trop faibles. Ils conduiraient à dépasser les 2°C de réchauffement climatique d'ici le milieu du siècle. Ces objectifs n'auront pas été revus à la hausse en 2014, pas plus qu'il n'y a d'engagement à les réeaxaminer et les revoir prochainement.

Lima nous prépare à un accord à Paris qui ignorera les besoins et les droits des populations impactées dans le monde, excluant tout engagement contraignant en matière de contribution financière, d'adaptation, de perte et dommages et de transfert de technologie.

La Conférence de Lima n'a pas su établir un pont entre les actions que les pays doivent prendre et les technologies et financements nécessaires qui pourraient permettre aux populations du Sud de s'adapter, de construire leur résilience et de faire face à la perte et aux dommages occasionnés par les impacts du changement climatique. Pas plus qu'elle n'a permis de mettre sur les rails les nécessaires actions de réduction d'émissions sans lesquelles l'ampleur de la transformation et de la transition juste dont nous avons besoin pour limiter la hausse de température inférieure à 1,5 degrés C ne sera pas atteinte.

Ce qui a été décidé à Lima ouvrent la possibilité à ce que chaque pays détermine ses propres engagements en matière de climat, sans que ces derniers ne tiennent compte de ce que demandent la science, les populations et et les exigences de justice, et sans cadre réglementaire clair. Nous avons vu des dirigeants politiques, en particulier ceux des États-Unis, de l'Union européenne et de leurs alliés, agissant dans l'intérêt des grandes entreprises polluantes, déterminés à déréglementer davantage le régime de gouvernance international du changement climatique. Ce faisant, ils sapent la convention sur le changement climatique des Nations Unies dans ses fondements, en affaiblissant les règles portant sur les pays développés et en ignorant leur obligation légale et morale de débloquer des financements suffisants et de transférer les technologies.

A Lima, l'expansion de l'utilisation des marchés carbone, qui ont pourtant échoué, a été largement encouragée. Y compris à travers l'utilisation de crédits carbone issus des forêts et des sols, source de dévastations supplémentaires pour les populations paysannes et forestières à travers le monde, empêchant les transformations dont nous avons besoin.

Le Sommet des peuples et la marche dans les rues de Lima ont exigé la défense des droits de la nature et la garantie des droits des populations. Ils ont clairement mis en lumière ce que sont les solutions à la crise climatique et les alternatives.

Partout sur la planète, les populations mettent en oeuvre ces solutions et luttent pour transformer le système. Nous luttons pour survivre et pour garantir et sécuriser nos territoires, habitations et moyens de subsistance face aux dérèglements climatiques.

Nous nous battons pour une transformation du système énergétique visant à abandonner l'usage des énergies fossiles au profit de systèmes énergétiques accessibles à tous, contrôlés par les populations, décentralisés, sûrs et basés sur les énergies renouvelables. Nous défendons la souveraineté alimentaire et le développement des solutions agro-écologiques, tout en luttant pour s'adapter aux conséquences dévastatrices des dérèglements climatiques. Ainsi, les programmes de foresterie basés sur les populations fonctionnent dans leur intérêt, particulièrement ceux des populations indigènes, plutôt qu'en faveur des banquiers et des capitales financières dans le Nord.

Les populations accumulent de la force et du pouvoir, au niveau local, national et global. Nous allons continuer à mettre plus de monde dans les rues, à bloquer des projets d'extraction de ressources naturelles, des ports, des sièges d'entreprises, pour que notre force et notre pouvoir grandissent.

Nous allons reprendre le pouvoir que nous ont confisqué ceux qui n'agissent pas dans notre intérêt. Nous résisterons aux velléités d'imposer un « accord mondial sur le climat » qui ne fasse rien pour le climat et encore moins pour les populations.

Ici à Lima, ils ont essayé de nous enterrer. Mais ce qu'ils ignorent, c'est que nous sommes des graines qui écloront des sillons de la résistance.


 

Ouverture de la marche à Lima - 20 000 manifestants 
Ouverture de la marche à Lima - 20 000 manifestants © Maxime Combes

Premiers signataires:

International and Regional Networks and Organisations

Campaña Mesoamericana para la Justicia Climatica

Construyendo Puentes -  Redes Latinoamericanas Frente al Cambio Climatico

Corporate Europe Observatory

Friends of the Earth International

Jubilee South Asia Pacific Movement on Debt and Development

LDC-Watch

IBON International  

Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee

Pan African Climate Justice Alliance

Push Europe

 

National Organisations and Networks

Aksyon Klima Philipines

ATM

Attac - France

Association des Femmes Peules Autochtones du Tchad (AFPAT)

Bangladesh Krishok Federation

Bayay Sibuyanon Philippines

Beyond Copenhagen 

Bolivian Platform on Climate Change

Campaign for a Life of Dignity for All - Philippines

CECOEDECON (Centre for community Economics and Development Consultants Society)

CESTA - Amigos de  la Tierra El Salvador

Ecological Society of the Philippines

Ecologistas en Accion (Spain)

Ecowaste Coalition Philippines

El FORO DEL BUEN AYRE

EquityBd Bangladesh

Energy and Climate Policy Institute for Just Transition Korea

Fairwatch Italy

Hodagad Djibouti

Institute for Policy Studies

Justiça Ambiental Mozambique

La Mesa Nacional de Cambio Climático de Guatemala

Les Amis de la Terre

Our Rivers, Our Life (OROL)- Philippines and Gitib, Inc.

PAIRVI (Public Advocacy Initiatives for Rights & Values in India)

Peoples Movement on Climate Change

Philippines Movement for Climate Justice

PRRM

Sawit Watch 

Sociedad CivilAmigos del Viento Meteorología Ambiente Desarrollo

Solidaritas Perempuan (Women's Solidarity for Human Rights) 

Unidad ecologoca Salvadoreña

WomanHealth Philippines

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/edition/climatiques

 

 


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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 17:20

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Uramin : la diplomatie parallèle d'Areva en Afrique

|  Par martine orange

 

 

 

 

Au moment même où Areva négocie le rachat d’Uramin, le groupe monte un grand projet du nom de Songaï. Son objectif : bâtir une grande holding minière, basée en Afrique du Sud, qui travaillerait dans toute l’Afrique avec des filiales nationales, associant des intérêts privés africains. Les gisements d’Uramin serviront de point d’appui à la création de ces premières joint-ventures. Mais là où Areva affichait l’ambition d’exercer son métier minier autrement, ces créations vont faire resurgir les pires pratiques de la Françafrique.

Nom de code : Songaï. « En référence au grand empire africain du même nom qui est né dans la vallée du Niger au VIIIe siècle et qui a duré jusqu’à la fin du XVe siècle », indique un des plus proches conseillers d’Anne Lauvergeon, dans un long courriel d’explication auquel Mediapart a eu accès. Derrière cette appellation, se cache un des grands projets du groupe nucléaire en 2006 : créer une holding minière, basée en Afrique du Sud, qui permettrait de prospecter et d’exploiter sur tout le continent des gisements d’uranium et d’or, en association avec des intérêts privés africains ou travaillant en Afrique.  

 

Christine Lagarde, Nicolas Sarkozy, le président sud-africain Thabo Mbeki et Anne Lauvergeon en février 2008. 
Christine Lagarde, Nicolas Sarkozy, le président sud-africain Thabo Mbeki et Anne Lauvergeon en février 2008. © Reuters

Pour Areva, le secteur minier est alors une priorité. Non seulement la spéculation financière qui sévit sur l’uranium à cette période conforte son idée qu’il importe de se renforcer très vite dans ce domaine, où il figure parmi les premiers mondiaux. Mais c’est aussi l’activité où le groupe gagne le plus d’argent. Alors qu’Areva connaît ses premiers déboires, qu’il s’efforce de cacher à tous, avec l’EPR finlandais, il est important pour le groupe d’accroître ses ressources financières par ailleurs, afin de faire face et de ne pas se laisser brider dans ses ambitions.

Sur le continent africain, Areva aimerait aussi bien sortir du seul Niger, où le groupe est de plus en plus critiqué pour ses méthodes d’exploitation et où il entretient des relations compliquées avec les gouvernements successifs. D’où la volonté d’élargir les horizons du groupe ailleurs en Afrique.

Anne Lauvergeon, qui vient d’être reconduite à la présidence d’Areva au printemps 2006, paraît y placer de grands espoirs. Présentée comme la présidente qui incarne le renouveau du nucléaire, elle veut aussi afficher une nouvelle approche dans le secteur minier. La philosophie du projet est donnée ainsi : « Ne plus seulement exploiter les richesses de l’Afrique, mais faire la promotion des intérêts africains », précise ce conseiller. Cette nouvelle approche devrait lui permettre de se développer rapidement en Afrique et de contrer des concurrents de plus en plus intéressés par les ressources du continent, en lui donnant une influence politique incontournable.

Le groupe nucléaire se refuse aujourd’hui à donner le moindre éclaircissement sur le sujet comme sur toutes les autres questions posées. Il dit « réserver ses explications à la justice ». Cette dernière pourrait effectivement être intéressée. Car Songaï n’est pas seulement un projet minier. Il apparaît comme une des pièces manquantes du puzzle lié au scandale Uranim. La concomitance des dates, les personnes impliquées, certains faits, en tout cas, conduisent à penser qu’il sont étroitement associés dans l’esprit des concepteurs. Mais là encore, rien n’ira vraiment comme prévu. Le projet, conçu en tout petit comité au sein d’Areva, ne sera jamais réalisé comme prévu. La grande holding minière ne verra jamais le jour. Des alliances nationales sur lesquelles devaient s’appuyer le projet seront bien créées au Niger, en Centrafrique, au Congo. Mais alors qu’Areva semblait afficher la volonté de travailler autrement en Afrique, la tentative finira avec les pires pratiques de la Françafrique.

Le projet Songaï est né en 2006. Très vite, il est décidé de créer une société minière en Afrique du Sud, la puissance montante du continent. C’est un pays qu’Anne Lauvergeon connaît bien. Elle siège depuis 2005 à l'International Investment Council de l'Afrique du Sud, un conseil formé par le président sud-africain de l’époque, Thabo Mbeki pour l’aider dans les développements du pays. C’est à ce conseil qu’Anne Lauvergeon entend parler la première fois d’Uramin, a expliqué un connaisseur du dossier, cité dans une de nos précédentes enquêtes sur le sujet. La présidente d’Areva ne lâchera plus le dossier.

Tandis que les manœuvres d’approche se multiplient autour de la société minière canadienne, les mêmes équipes s’activent sur le projet de création d’une société minière en Afrique du Sud. Dès le début janvier 2007, un projet de statuts d’entreprise est discuté en petit comité. Il est alors question de créer une société anonyme détenue à 100 % par Areva. Les préoccupations des responsables du projet reflètent celles de tous les grands groupes : il est beaucoup question d’optimisation fiscale.

Un homme est particulièrement chargé du projet : Zéphirin Diabré. Cet ancien universitaire, ancien directeur général adjoint du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), né au Burkina Faso, a rejoint Areva en février 2006. Il est alors le conseiller spécial d’Anne Lauvergeon, chargé des affaires internationales et particulièrement de l’Afrique et du Moyen-Orient. C’est lui qui supervise le projet Songaï, dont il a imaginé le nom. Il a quitté Areva en 2011, peu après Anne Lauvergeon, et s’est reconverti comme conseiller dans le financement minier. Il figure parmi les principaux opposants politiques au régime militaire qui, en octobre, a renversé le président Blaise Compaoré au Burkina Faso.

Le 11 janvier 2007, Zéphirin Diabré adresse un long courriel aux équipes minières d’Areva, et notamment à Daniel Wouters, pour leur présenter l’état d’avancement du projet. « L’idée, écrit-il, c’est d’avoir un instrument qui ne s’encombre pas trop du label Areva mais surfe plutôt sur un label africain. C’est aussi une manière d’inaugurer un nouveau type de partenariat avec le secteur privé africain, qui deviendra vite majoritaire dans cette société et fournira ainsi de nouvelles portes d’entrée sur le continent. »

« Sniffer les permis et les récupérer »

Dans un premier temps, la société doit être contrôlée à 100 % par Areva, selon le schéma arrêté. Par la suite, une augmentation de capital est prévue afin de laisser la place à des intérêts africains, Areva ne conservant qu’une minorité de blocage.

« La présidente voulait d’ailleurs que l’ouverture du capital aux Africains se fasse dès le début. Je l’en ai dissuadée. Je crois qu’il est bon de lancer la chose en commençant 100 % par Areva mais en indiquant dès le départ notre intention d’ouverture et la faire avec quelques succès initiaux qui ne seront pas difficiles à obtenir. Au niveau national, l’exploitation d’un permis donnera lieu à la création d’une JV (joint-venture – ndlr) dans laquelle bien entendu des intérêts africains seront associés. La grande holding basée à Jo’burg (Johannesburg, Afrique du Sud – ndlr) en s’appuyant sur un bureau à Kin (Kinshasa, Congo – ndlr) et un bureau en Afrique de l’Ouest, chargés de sniffer les permis et de les récupérer. Donc elle n’est pas soumise aux contraintes du BEE (Black Economic Empowerment, programme politique et économique mis en place par le gouvernement sud-africain pour remédier aux inégalités après l’apartheid – ndlr) », détaille-t-il alors.

Il se désignera comme le grand ordonnateur de tout cela, celui qui est capable d’ouvrir bien des portes en Afrique. « J’envisage pour cela de passer un certain temps par mois à Jo’burg. Pour aider le CEO que nous recruterons. Sur cette question, il va de soi qu’un CEO de nationalité sud-africaine serait un plus pour nous, surtout s’il est noir », conclut-il avec cynisme.

 

 

Il faut normalement beaucoup de temps et d’argent pour bâtir un tel projet. Mais cela ne semble pas être un problème dans l’esprit des équipes d’Areva. Il faut aussi des soutiens politiques au plus haut niveau pour bâtir une holding minière à l’échelle du continent africain. Mais là encore, Anne Lauvergeon ne semble pas douter de sa capacité de réussir. N’est-elle pas une des femmes les plus puissantes du monde – “Atomic Anne” –, à la tête d’un des premiers groupes nucléaires mondiaux ? Et puis, elle a des appuis du côté des responsables politiques, français comme africains, en particulier le président sud-africain.

Thabo Mbeki affiche alors de grandes ambitions pour son pays. Il entend faire de l’Afrique du Sud la puissance dominante du continent, une puissance nucléaire civile et militaire. De nombreux travaux et missions sont engagés pour conforter ses ambitions. Dès avril 2006, il a reçu le président de Centrafrique, François Bozizé. À l’issue de cette rencontre, le département des affaires étrangères sud-africain publie un communiqué pour souligner les larges intérêts communs entre les deux pays, notamment « dans le domaine minier et l’exploration ». Dans un câble diplomatique de décembre 2006, un responsable diplomatique américain écrit que l’intervention de l’Afrique du Sud est certainement destinée à aider à stabiliser la République centrafricaine, mais ajoute que « les intérêts miniers, même s’ils ne sont pas le facteur déterminant, ont joué sans doute un rôle dans la décision du gouvernement sud-africain de s’engager ».

Parallèlement, l’entourage de Thabo Mbeki s’active beaucoup autour d’Uramin. La société minière, créée en 2005 par Stephen Dattels, rencontre alors de grandes difficultés pour obtenir des droits miniers en Afrique du Sud et ailleurs. Jusqu’à ce qu’elle engage des proches du président et des membres influents du gouvernement. Brusquement, les portes s’ouvrent, les négociations s’engagent, les permis d’acquisition arrivent. Cela finit par la nomination de Samuel Jonas à la présidence de la société.

Ghanéen de naissance, cet homme d’affaires, qui passe l’essentiel de son temps à Londres, est une figure reconnue du pouvoir économique africain et exerce une influence notable en Afrique du Sud. Il est présenté alors comme un proche du président sud-africain et siège lui aussi à l'International Investment Council de l'Afrique du Sud. Un temps administrateur de Vodafone, l’homme d’affaires, qui a été décoré par la reine d’Angleterre, est très connu dans le monde minier.

Comme par hasard, il devient à partir de septembre 2006 président et actionnaire d’Uramin. Juste au moment où Areva engage les premières négociations avec la société canadienne. Pour les connaisseurs du dossier et certains salariés du groupe nucléaire, il est celui qui est délégué pour veiller aux intérêts, publics et surtout privés, l’agent de liaison entre le monde des affaires et les milieux politiques africains.

Si telle a été sa mission, il l’a parfaitement accomplie. Dès fin octobre 2006, c’est lui qui écrit pour refuser la première offre de 471 millions de dollars pour racheter Uramin, présentée par Areva. « Nous devons laisser l'histoire Uramin mûrir avant de continuer des discussions détaillées », écrit Sam Jonah dans une lettre révélée par l'hebdomadaire Challenges. Celui-ci estime alors que la hausse continue des cours de l’uranium et le fait que « la valeur des licences obtenues en Namibie et en Afrique du Sud (…) ne sont pas reflétées dans les prix de marché ». Il conclut : « Durant cette période, nous ne pourrons pas signer un accord exclusif avec Areva, mais nous ne chercherons pas activement une transaction alternative. » À ce moment-là, Uramin a décidé d’abandonner la bourse de Londres pour aller se coter à Toronto. La folle partie de poker est engagée, qui se terminera par une OPA de 2,5 milliards de dollars.

En août 2012, le quotidien sud-africain Mail & Guardian a publié une très longue enquête sur l’affaire. Les révélations sont très lourdes. Le journal y affirme, à partir de nombreux témoignages, qu’Areva a sciemment surpayé Uramin, en vue de s’acheter les faveurs de la présidence sud-africaine, qui souhaitait alors développer le nucléaire, pour y placer ses EPR. « Le deal était qu'Areva achète Uramin et gagne en retour l'appel d'offres. Areva payait trop cher Uramin – cela valait la moitié. Mais le groupe français allait décrocher des contrats pour des réacteurs et une usine d'enrichissement, pour une valeur dix fois supérieure », expliquait un « consultant d'Uramin » au quotidien sud-africain. Aucun démenti d’Areva ne paraîtra à la suite de cette publication.

Si tel était le calcul, il s’est révélé totalement erroné. En 2008, Thabo Mbeki a été chassé de la présidence de l’Afrique du Sud, à la suite de conflits internes au sein de l’ANC, le parti au pouvoir. Le nouveau président du pays s’est empressé, deux mois après sa nomination, d’enterrer tous les projets nucléaires du pays.

« Aucune rémunération »

Mais entre-temps, les fameuses « JV » ( joint-ventures) évoquées par Zéphirin Diabré dans le projet Songaï pour faire monter en puissance les intérêts africains, ont commencé à voir le jour en s’appuyant sur le rachat d’Uramin, dont la structure a été conservée aux îles Vierges britanniques. Mais elles sont loin de ressembler aux montages clairs qu’aurait pu souhaiter le groupe. Ce ne sont au contraire qu’opérations obscures qui permettent de faire circuler l’argent facilement sous l’apparence de la légalité des affaires, que manœuvres en coulisses, menées par des intermédiaires ou des « facilitateurs », faux nez d’intérêts cachés.

La première joint-venture est signée avant même le rachat d’Uramin, avec les propriétaires de la société minière justement. Juste avant l’annonce de l’OPA, Stephen Dattels a acquis, au nom d’Uramin, des droits miniers, juste à côté du gisement d’Imouraren au Niger, propriété d’Areva. Le groupe public a accepté que ces droits ne fassent pas partie de la transaction. Mais après la vente, un accord est passé pour associer les gisements détenus par Stephen Dattels à l’exploitation à venir d’Imouraren.

L’entente est si cordiale entre les deux partenaires qu’Areva, se souvenant qu’il a des archives, les mettra obligeamment à la disposition des équipes d’Uramin, après le rachat. Dans l’espoir de les aider à repérer d’autres gisements d’uranium à prospecter, peut-être ? Mais l’essentiel des données étant écrit en français, celles-ci n’ont pas pu, semble-t-il, les exploiter autant qu’elles l’auraient souhaité.

Pas rancunier pour deux sous, le groupe public continuera par la suite à faire des affaires avec Stephen Dattels. En 2010, alors que l’échec d’Uramin est avéré, Areva accepte de racheter au fonds d’investissement qu’il contrôle, Polo Ressources, les 10 % qu’il détient dans Marenica Energy, un gisement minier en Namibie situé juste à côté de Trekkopje. Le gisement semble être aussi inexploitable que le premier. Le groupe public n’en parle plus.

La deuxième grande opération d’alliance nationale naît en Centrafrique. L’envolée des cours de l’uranium, les multiples émissaires qui se précipitent à Bangui, la spéculation autour du gisement de Bakouma ont créé beaucoup de convoitises et d’envie à Bangui. Chacun veut sa part. Le gouvernement centrafricain entend être associé aux fruits de l’exploitation future du gisement. Il se sent d’autant plus en position de force que les droits miniers du site, en dépit de toutes les assurances données par les conseils juridiques d’Areva au moment de l’OPA, ne sont pas assurés (voir pour plus de détails notre enquête de janvier 2012 : Balkany ou le retour des Katangais).

 

Patrick Balkany à Bangui avec une militante arborant un tee-shirt à l'effigie de Bozizé. 
Patrick Balkany à Bangui avec une militante arborant un tee-shirt à l'effigie de Bozizé. © dr

Mais le président de l’époque, François Bozizé, et ses proches, notamment son neveu et puissant ministre des mines, Sylvain Ndoutingaï, ainsi que tout son entourage, dont Saifee Durbar, conseiller de Bozizé – le Radjah dans Radioactif, le roman de Vincent Crouzet – entendent bien aussi en tirer bénéfice. Ils ont acquis 6 gisements miniers juste au nord du site de Bakouma et entendent les monnayer très cher : 250 millions de dollars, confirmera plus tard le président du conseil de surveillance d’Areva, Jean-Cyril Spinetta, au micro de France Inter. Le chiffre aurait été inspiré par les rumeurs donnant le montant des commissions perçues par le président sud-africain, Thabo Mbeki.

La querelle s’envenime avec Areva. Zéphirin Diabré, envoyé en émissaire, n’arrive à rien. La situation devient si confuse que tout le monde s’en mêle : le Quai d’Orsay, l’Élysée. C’est à ce moment-là que Patrick Balkany fait son apparition à Bangui.

Même si le maire de Levallois connaît bien l’Afrique et fait figure d’un des héritiers des réseaux africains de Pasqua, toutes les pistes finissent par aboutir à Nicolas Sarkozy. Personne n’imagine qu’il puisse agir sans l’assentiment de son ami très proche. Ce dernier suit d’ailleurs de très près le sort d’Areva, bien avant son élection à la présidence de la République. Certains au ministère des finances se souviennent des interventions de Claude Guéant, envoyé spécial de Nicolas Sarkozy, faisant pression en 2005-2006 jusque dans le bureau du ministre Thierry Breton, pour que Bercy favorise les projets du groupe nucléaire.

De mémoire, certains salariés disent avoir entendu prononcer le nom de Balkany dès 2006, dans les couloirs du groupe. Mais c’est d’abord sur des dossiers au Kazakhstan que son nom circule. Areva y exploite un de ses gisements d’uranium les plus rentables depuis 1992. Mais le maire de Levallois entretient aussi depuis fort longtemps des relations avec le président kazakh, Nursultan Nazarbaïev, comme il l’a rappelé dans un billet de blog à l’occasion d’un voyage présidentiel en 2009. Son nom surgit à nouveau dans le groupe début 2008, alors que la dispute entre Areva et le pouvoir centrafricain bat son plein.

Interrogé en janvier 2012 sur son rôle dans ce dossier, le maire de Levallois n’avait pas répondu à nos questions. Mais quelques semaines plus tard, dans un entretien au Parisien, il avait confirmé qu’il avait bien servi d’intermédiaire dans la transaction entre le gouvernement centrafricain et Areva. « J’effectuais mon travail de parlementaire, membre de la commission des affaires étrangères, c’est-à-dire l’entretien de relations amicales avec d’autres pays, et notamment ceux d’Afrique où les grandes sociétés nationales ont des intérêts », expliquait-il alors.

« Patrick Balkany n’est jamais intervenu dans la négociation. Il est juste l’ami de François Bozizé. Mais il n’a eu aucun rôle », soutient aujourd’hui Sébastien de Montessus, alors responsable de la direction minière d’Areva et chargé à ce titre de négocier avec le gouvernement centrafricain.

« M. Balkany n’a rien à voir dans ce dossier. En revanche, on m’a sollicité. Il y avait une mauvaise compréhension entre les deux parties. Les choses sont à présent réglées. C’est cela un rôle de facilitateur », avait expliqué de son côté Georges Forrest dans un entretien à Jeune Afrique, en avril 2009.

 

Extrait de l'accord signé entre Areva et le gouvernement centrafricain. 
Extrait de l'accord signé entre Areva et le gouvernement centrafricain.

Facilitateur, c’est comme cela que cet homme d’affaires belge, qui a fait toute sa fortune au Congo (ex-Zaïre) en exploitant les immenses richesses du pays, grâce à sa maîtrise de l'art de nager comme un poisson dans les eaux troubles du post-colonialisme du Congo, se présente dans de nombreux dossiers. C’est comme cela qu’il signera l’accord – publié par Bakchich – passé en juillet 2008 entre Areva et le gouvernement centrafricain, où le groupe concède 10 millions de dollars pour les rachats de droits et 8 millions d’avance aux finances publiques.

Facilitateur. C’est comme cela aussi que Sébastien de Montessus explique la présence de Georges Forrest dans l’accord signé en Centrafrique, dans un mail interne largement diffusé auprès des responsables du groupe. « Pour lever toute ambiguïté éventuelle, M. Forrest n’a touché aucune rémunération pour cette intervention. Son intervention a été faite à ma demande du fait de la confiance dont il jouit auprès du président Bozizé et sur recommandation à la fois du Quai d’Orsay et de la cellule Afrique de l’Élysée. »

Profiter des contacts de Georges Forrest

 

Georges Forrest. 
Georges Forrest. © Dr

Georges Forrest est si conciliant qu’il accepte une deuxième fois de jouer l’intermédiaire dans les négociations entre Areva et les proches du président Bozizé, détenteurs de droits miniers en périphérie de Bakouma à l’été 2009. Le groupe public leur a versé 40 millions de dollars pour racheter les titres de gisements. Areva connaît aussi bien ces gisements que celui de Bakouma. Il y a encore des traces dans ses archives : ils sont tout aussi inexploitables.

Jusqu’alors, l’homme d’affaires belge ne s’était intéressé qu’au cuivre, au cobalt, à l’or, aux diamants, mais jamais à l’uranium. « Trop dangereux », disait-il. Mais la fréquentation assidue d’Areva semble lui avoir donné des idées. Il se prend brusquement de passion pour ce minerai. En association avec Fabien Singaye, conseiller particulier du président centrafricain, et Patrick Balkany, il rachète les droits miniers de sept gisements, toujours à côté de Bakouma, contrôlés jusqu’alors par un autre homme d’affaires congolais, Richard Ondoko, et la société suisse Urano.

À la mi-décembre 2009, Georges Forrest passe un accord en bonne et due forme avec Areva. Les deux partenaires décident de créer une joint-venture, Areva Explo, immatriculée à Bangui, détenue à 70 % par le groupe public et à 30 % par l’homme d’affaires. Cette société commune a pour but de développer les activités minières dans la région. « Areva espère profiter des nombreux contacts que Georges Forrest a noués dans cette région d’Afrique pour mener à bien ses projets. » La deuxième JV est née.

À cette occasion, Georges Forrest revend les parts acquises dans les sept gisements. Des salariés d’Areva se souviennent encore des négociations. En quelques minutes, le groupe, sur intervention de Sébastien de Montessus, avait accepté d’augmenter de 10 millions le prix pour le porter à 50 millions de dollars. Cela fait décidément beaucoup d’argent en peu de temps, d’autant que ces gisements, comme les précédents, sont difficilement exploitables.

« C’est vrai que nous avons payé 50 millions de dollars. Mais nous avons racheté sept gisements pour 40 millions de dollars. Surtout, nous avons obtenu pour 10 millions, grâce à Georges Forrest, les droits sur les barrages hydroélectriques, qui n’avaient eux non plus pas été assurés, ce qui rendait toute exploitation minière impossible. Comparé aux 550 millions de dollars dépensés pour acquérir les deux droits miniers de Bakouma qui étaient dans le portefeuille d’Uramin, c’est plutôt une bonne opération », défend Sébastien de Montessus. Pour mémoire, les anciens actionnaires d’Uramin avaient acquis les droits de Bakouma en 2005, pour 26 millions de dollars.

Georges Forrest a moins de chance avec son projet de rachat de Forsys Metals, une société minière qui ressemble comme une sœur à Uramin (voir notre enquête). Créée en 2004, cotée à Toronto, elle possède des droits miniers sur un gisement d’uranium, juste à côté de Trekkopje en Namibie. L’homme d’affaires belge, qui a fait une offre de rachat en novembre 2008, est incapable d’apporter les fonds nécessaires en septembre 2009. Est-ce les actionnaires qu’il aurait présentés qui n’auraient pas convenu aux autorités – Washington aurait redouté qu’ils exportent de l’uranium vers l’Iran –, comme le dit la version officielle ? Ou est-ce Areva, où les dissensions au sein de l’équipe s’installent au fur et à mesure que le rachat d’Uramin se révèle catastrophique, qui aurait décidé de jeter l’éponge, estimant qu’il était grand temps d’arrêter les frais ?

Officiellement, Areva n’a jamais travaillé sur le dossier Forsys Metals. Aujourd’hui, des salariés du groupe racontent cependant que certains examinaient le dossier à l’époque. Ils donnent même des noms. Toutes les personnes que nous avons pu joindre démentent avoir touché de près ou de loin à cette affaire.

Mais entretemps, le dossier Forsys metals est devenu sulfureux. Il vaut à Patrick Balkany d’avoir été mis en examen, le 21 octobre, pour « corruption », « blanchiment de corruption » et « blanchiment de fraude fiscale », par les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Patricia Simon, du pôle financier de Paris. L’élu est soupçonné d’avoir dissimulé à Singapour une commission de 5 millions de dollars versée en 2009 par George Forrest. L’homme d’affaires belge a expliqué aux juges avoir versé cette somme à Patrick Balkany, qui aurait servi d’intermédiaire dans le cadre de la négociation sur le rachat de Forsys Metals. Il a transmis à la justice le numéro de compte du maire de Levallois à Singapour.

Même si le compte singapourien de Patrick Balkany est vrai, personne parmi les connaisseurs du dossier Uramin ne croit aux explications données par Georges Forrest aux juges. « Vous avez déjà vu un intermédiaire toucher une commission pour une affaire qui ne se fait pas ? Moi jamais », relève un connaisseur de ce monde interlope du grand commerce international. « Patrick Balkany ne connaît rien au monde minier et de l’uranium. Il a juste pour lui d’avoir encore certains réseaux africains et d’entretenir des relations auprès de certains dirigeants de l’Afrique francophone. Mais il ne connaît pas les responsables de l’Afrique anglophone en général, et de la Namibie en particulier. Parle-t-il seulement anglais ? » s’interroge un familier du dossier. « 5 millions, cela fait 10 % de 50 millions. C’est à peu près le tarif d’une commission », pointe de son côté un salarié d’Areva.

Le nouveau gouvernement centrafricain ne semble pas lui non plus très convaincu. Il a saisi le parquet national financier d'une demande d'information judiciaire visant Patrick Balkany, selon des informations publiées par Le Nouvel Obs. Le gouvernement de Bangui soupçonne le maire de Levallois d’avoir été un des bénéficiaires, avec l’ancien président Bozizé, du règlement intervenu autour d’Uramin.

Interrogé sur le dossier, l’avocat de Georges Forrest, Bruno Illouz, se refuse à tout commentaire. « Il y a déjà plusieurs plaintes pour violation du secret de l’instruction dans cette affaire. Je me refuse de faire la moindre déclaration qui pourrait nuire à mon client. En face, il y a des gens méchants », dit-il. La réaction de l’avocat de Patrick Balkany, Me Grégoire Lafarge, est plus brutale : « Vous n’avez pas honte de m’appeler ? Les méthodes de Mediapart sont dégueulasses. C’est à la justice d’enquêter, pas à la presse. » La conversation s’est arrêtée là.

L’uranium reste radioactif pendant des millénaires. Il en est manifestement de même pour le dossier Uramin. Celui-ci continue d'irradier bien des acteurs, disséminant sans bruit ses doses mortelles.

 

Boîte noire ; Cette série fait suite à une première grande enquête publiée en janvier 2012. Le premier volet de cette nouvelle série est consultable ici, le second .

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 17:04

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-saurin

 

 

Au service de quelle banque sommes-nous ?

|  Par Patrick Saurin

 

 

 

 

Que se cache-t-il derrière la façade des banques ? Quel est le rôle de celles-ci dans notre société ? Quelles sont les enjeux des transactions qu’elles réalisent au quotidien ? C’est à toutes ces questions que le syndicat Sud BPCE s’est attaché à répondre avec une plaquette intitulée « Au service de quelle banque sommes-nous ? », accessible par le lien :

http://www.sudbpce.com/files/2014/12/PLAQUETTE-BANQUES-SUD-BPCE.pdf

http://www.sudbpce.com/2014/12/06/la-realite-des-banques/

Dans ce document, à partir de chiffres et d’informations provenant d’organismes officiels, Sud BPCE s’est attaché à mettre en lumière le poids des banques dans notre économie, la nature de leurs activités, l’utilité réelle de ces activités et leurs conséquences pour notre vie de tous les jours. Le syndicat a également pointé la responsabilité de la finance dans la crise qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en 2008 et qui se prolonge encore aujourd’hui. Enfin, dans un souci de proposition, Sud BPCE a soumis au débat des éléments de réflexion pour la mise en place d’un système bancaire alternatif.

Cette plaquette est à destination des salariés du Groupe BPCE, mais elle s’adresse également aux militants engagés dans le mouvement social et plus largement aux citoyens désireux de comprendre la réalité du système bancaire actuel.

Il faut souligner l’effort pour rendre accessible des données pas forcément simples présentées de façon très pédagogique grâce à une mise en page et des illustrations d’une grande qualité.

 « Cette brochure de Sud-BPCE est un modèle de pédagogie. Elle met en images le procès fait aux banques à partir de données précises incontestables. Et elle conduit logiquement à une conclusion tout aussi incontestable : il faut changer de système bancaire. » (Michel Husson, chercheur à l’IRES)

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-saurin

 

 


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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 22:38

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

CHRONIQUE - Climat : les dirigeants mentent

Noël Mamère

vendredi 12 décembre 2014

 

 

 

A Lima, la conférence sur le climat ressemble à un jeu de dupes, où les dirigeants font mine de vouloir un accord sans rien changer au système qui détruit le climat. « Seule la convergence des luttes pour la justice climatique et la justice sociale permettra d’exercer une pression nécessaire pour changer la donne climatique. »



- Noël Mamère -

Une fois de plus, la Cop Climat de Lima risque de déboucher sur un marché de dupes et de renvoyer à plus tard les décisions urgentes. Une fois de plus chacun se lamentera de l’hypocrisie des pays développés qui, côté cour, la main sur le cœur, font des déclarations d’intentions louables et généreuses et, côté jardin, continuent comme avant leur course effrénée à la croissance. Rien de nouveau sous le soleil.

Et ce n’est pas le volontarisme de façade de messieurs Hollande, Valls et Fabius qui nous rassurera. Ils sont prêts à tout pour réussir « leur » conférence de Paris en 2015. Sauf à sacrifier l’essentiel : l’empreinte carbone de la France a augmenté de 15 % en vingt ans.

Contradiction totale

Et on ne voit pas ce qui dans la loi de transition énergétique votée à l’automne, dans la suppression de l’écotaxe, dans le refus obstiné d’une fiscalité écologique, permettrait à la France d’être le leader du changement climatique. Les accords de libre-échange avec le Canada et, demain, avec les Etats-Unis, que ce gouvernement s’apprête à signer, vont dans le même sens : le contrôle par les entreprises multinationales, notamment celles du pétrole, des échanges internationaux et la déréglementation à tout-va en contradiction totale avec l’idée d’un accord sur le climat qui suppose des contraintes.

De même, les pratiques de Total et d’Areva dans l’extractivisme, nous confortent dans notre conviction que les négociations de 2015 (comme celle de Copenhague en 2009), déboucheront sur un nouvel échec, déjà programmé ces jours-ci à Lima.

Faut-il désespérer pour autant les centaines de milliers de manifestants de par le monde, le 20 septembre dernier, qui veulent « sauver le climat » ? Non, bien sûr. Mais il ne faut pas les bercer avec de fausses promesses. La lutte contre le dérèglement climatique passe par le rejet des illusions liées aux fausses solutions proposées depuis le début de ces conférences internationales des petits pas. Le marché des droits à polluer a retardé la prise de conscience et la conclusion de véritables accords entre le Nord et le Sud, tout en ouvrant un nouveau domaine aux requins de la finance.

On ne « sauvera » pas le climat sans changer le système, sans s’engager dans une transition longue, vers la sobriété et l’efficacité énergétique, la démocratisation des systèmes énergétiques et des énergies renouvelables, l’agro-écologie paysanne, les biens communs, la souveraineté alimentaire, la relocalisation des productions et des consommations, la coopération avec les pays les plus pauvres pour qu’ils puissent s’adapter aux politiques publiques de changement climatique.

Des centaines de milliards pour les banques, des miettes pour le climat

Les dirigeants des pays développés nous mentent quand, dans le même temps, ils se lamentent sur le manque de financement d’une politique cohérente sur le climat et détricotent la taxe financière sur les échanges financiers internationaux.

Ils nous mentent quand, dans le même temps, ils trouvent des centaines de milliards pour sauver les banques et ne veulent rien débourser pour sauver l’humanité face à la dégradation de plus en plus rapide du climat qui se manifeste déjà avec les tsunamis, les typhons, les sécheresses, les inondations, le réchauffement des océans et la fonte des glaces. Aucune partie du monde n’est épargnée.

Alors, oui, il faut continuer à se battre...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 19:51

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Laurent Pinatel: «La Ferme des mille vaches est une dérive qui va tout emporter»

|  Par Hubert Huertas et christophe Gueugneau

 

 

 

« L’agriculture paysanne est une démarche, l’agriculture industrielle est une dérive» À défaut d’avoir été convié à la Conférence environnementale qui s'est tenue à l'Élysée, le porte-parole de la Confédération paysanne est l’invité du trente-quatrième numéro d’Objections.

 

 

Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, est un homme de convictions, et un homme en colère, mais qui parle en retenant ses mots. Pas d’envolées dans ses paroles, mais une fermeté retenue, derrière des formules qui frappent…

Vis-à-vis de la FNSEA : « Je sais que l’agriculture industrielle a d'ardents défenseurs qui stigmatisent l’écologie, et vont mettre du fumier dans les agences de l’eau. Tout un symbole »...  

Vis-à-vis de l’Europe : « On nous a enfermé dans un truc où plus on a de vaches, plus on touche, plus on a d’hectares, plus on touche, plus on fait de bio, moins on touche. Il faut faire bouger ce cadre »...

À propos du ministre de l’agriculture : « Stéphane Le Foll veut maintenir la production. Nous, on veut maintenir les producteurs »...

À propos de la conférence environnementale : « Au bout d’un moment, il faut arrêter les grands discours. Tant qu’on parle d’arracher des haies, de continuer les pesticides, de charger un taurillon dans la Creuse, de l’abattre en Ille-et-Vilaine, de le consommer au Maghreb, on peut faire toutes les grand-messes qu’on veut, on n'arrivera à rien. »

Laurent Pinatel a été sévèrement condamné, avec sept autres militants de la Confédération paysanne, pour ses actions contre la Ferme des mille vaches, dans la Somme. Il revendique son « droit à la désobéissance civile », convaincu que ce projet pose un problème de société : « On lutte contre une dérive industrielle qui va emporter toute l’agriculture. L’alimentation sera produite par un industriel, et l’industriel fera comme les autres. Il n’a qu’un seul intérêt : c’est le profit. Est-ce qu’on veut que notre alimentation soit faite dans des fermes, ou dans des usines ? C’est sur la question agricole que peut se reconstruire la société. Standardiser l’alimentation, réduire 70 000 producteurs de lait à 2 400 fermes-usines, ça porte atteinte à l’environnement. En désobéissant, on pose un acte »... La justice en pose d'autres : Pinatel était ainsi convoqué ce vendredi matin au commissariat pour répondre d'un... carreau cassé lors d'une action contre la Ferme des mille vaches (lire le communiqué de la Confédération paysanne ici).

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 19:24

 

 

Source : www.marianne.net


 

Santé : c’est la privatisation qui coûte cher
Vendredi 12 Décembre 2014 à 05:00

 

Noam Ambrourousi*

 

 

Pour Noam Ambrourousi, haut-fonctionnaire et membre de la commission Santé du Parti de gauche, l'objectif du gouvernement de réduire "les dépenses de l'assurance maladie de 10 milliards d’euros sur trois ans" est "absurde". "Ce n'est pas le périmètre de l'Assurance maladie qu'il faut réduire, écrit-il, mais bien celui du secteur privé" car "le gaspillage est le fait de la privatisation croissante du secteur de la santé".

 

POUZET/SIPA
POUZET/SIPA

Le plan d'économie de 50 milliards d’euros, annoncé par le Premier ministre au mois d'avril 2014, fixe un objectif de réduction des dépenses de l'assurance maladie de 10 milliards d’euros sur trois ans. Ceci se traduit dès aujourd'hui dans le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale avec, pour la seule branche maladie, un objectif d'économies fixé à 3,2 milliards d’euros.

Pour justifier de telles mesures, les tenants de l’austérité invoquent le coût élevé de notre système de santé, n’hésitant pas, à l’image du député PS Pascal Terrasse, à promouvoir un retrait de l’Assurance maladie au profit des complémentaires santé.

De telles mesures sont absurdes : ce n'est pas le périmètre de l'Assurance maladie qu'il faut réduire mais bien celui du secteur privé. En effet, le gaspillage est le fait de la privatisation croissante du secteur de la santé.

La France se situe, dans le groupe de tête, avec l'Allemagne et les Pays-Bas, en matière de dépenses de santé rapportées au PIB (autour de 12 %), bien loin cependant des Etats-Unis (plus de 17 % du PIB). Toutefois, si l'on compare le niveau de dépense par habitant, celui-ci n'apparaît pas particulièrement élevé, contrairement à ce qui est affirmé. Il n'en reste pas moins que s'il existe des dépenses inutiles, il convient de les identifier afin que ces montants puissent être utilisés pour améliorer l'état de santé de nos concitoyens, qui n'est pas particulièrement reluisant (augmentation des inégalités de santé, diminution de l'espérance de vie en bonne santé...).

Or, une analyse objective conduit à la conclusion suivante : les dépenses de santé inutiles sont très majoritairement la conséquence de la mise de notre système de santé au service d'acteurs privés, dont le poids ne cesse de s'accroître.

Parmi les dépenses superflues dont le seul but est d'assurer les rentes d'intérêts particuliers, on peut citer les dépenses de médicaments et les dépassements d'honoraires. On consomme en France plus de médicaments et souvent des médicaments plus coûteux que dans les autres pays de l'Union européenne. Ceci est le résultat du lobbying intensif des laboratoires pharmaceutiques qui, selon un rapport de l'IGAS, consacrent plus de 25 000 euros par an et par médecin généraliste, à la promotion du médicament. La création d'un pôle public du médicament ainsi qu'une formation continue de qualité et indépendante, destinée aux prescripteurs, constituerait un moyen de réduire ces dépenses inutiles.

S'agissant des dépassements d'honoraires pratiqués par les professionnels de santé libéraux, ceux-ci représentaient en 2012 plus de 7 milliards d’euros. Au-delà de ces milliards dépensés en pure perte, de telles pratiques favorisent le renoncement aux soins ainsi que l'augmentation du coût des complémentaires santé.

Le système « libéral » de notre médecine de ville engendre également de nombreux surcoûts. Responsable, du fait de la liberté d’installation, de l'apparition de véritables déserts médicaux, il provoque également une multiplication d'actes inutiles et favorise les dépassements d'honoraires dans les zones surdotées. Le paiement à l'acte possède de plus un caractère inflationniste. Par ailleurs, l'existence de déserts médicaux, les dépassements d'honoraires et les difficultés d'imposer des obligations de service public au secteur de la médecine de ville, entraînent le développement de pathologies lourdes et contribuent à la désorganisation des services d’urgence de l'hôpital public, qui sont obligés de prendre en charge des personnes relevant de la médecine de ville. La création de centres de santé publics où les médecins seraient salariés (comme ils le sont par exemple au Royaume-Uni) éviteraient tous ces surcoûts, pour le plus grand bénéfice de la santé de nos concitoyens.

Autre vecteur de dépenses inutiles et d'accroissement des inégalités : le recul continu de l'Assurance maladie au profit des complémentaires santé. Depuis 1980, la part des dépenses de santé prises en charge par l'Assurance maladie n’a cessé de reculer, au profit des complémentaires santé. En ne considérant que les soins courants, ce sont seulement 55 % des dépenses qui sont couvertes par l’Assurance maladie. Cette coexistence entre Assurance maladie et complémentaires santé est non seulement porteuse d'inégalités mais elle engendre de plus des surcoûts, les dossiers étant traités deux fois avec, pour les complémentaires santé, des frais de gestion bien supérieurs à ceux de l’Assurance maladie. Le remboursement des soins à 100 % par l’Assurance maladie permettrait donc d’en finir avec le renoncement aux soins et contribuerait à réduire significativement les coûts de gestion.

A travers ces exemples, on voit donc que c’est la privatisation du système de santé qui favorise le gaspillage, au détriment de la santé de nos concitoyens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les pays dont le système de santé repose le plus sur le financement public offrent les soins les moins coûteux et les plus efficaces.

Si le recul de la dépense publique en matière de santé permet de satisfaire l'appétit des investisseurs privés, une telle politique est en revanche nocive pour la collectivité, qui paiera de plus en plus cher pour des soins de plus en plus médiocres. Encore une fois, ce gouvernement sacrifie l’intérêt général au profit d’un intérêt très particulier, celui du capital.
 
* Noam Ambrourousi, haut-fonctionnaire, membre de la commission Santé du Parti de gauche.

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:31

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Juncker refuse de rendre publiques les données sur les sociétés-écrans

|  Par Dan Israel

 

 

 

Une quarantaine de journalistes demandait au président de la Commission de s'assurer que tous les citoyens auront accès aux registres des trusts que l'Union européenne va mettre en place. L'ex-premier ministre luxembourgeois a décidé de donner raison à l'Allemagne, la Pologne et l'Espagne qui refusent.

La lettre, signée par Jean-Claude Juncker, est polie, mais pas très encourageante. Dans une réponse à un collectif de journalistes, le président de la Commission européenne vient de fermer la porte à l’existence d’un futur registre public, consultable par tous, des trusts et autres sociétés écrans qui facilitent aujourd’hui grandement la tâche de tous ceux qui veulent blanchir de l’argent ou le cacher au fisc.

Mardi 9 décembre, une quarantaine de journalistes d’investigation, basés un peu partout dans le monde, avaient interpellé dans une lettre ouverte la Commission européenne et son président pour qu’ils s’engagent à mettre en place ce registre public. La lettre était notamment signée par Fabrice Arfi de Mediapart, ainsi que par quelques noms familiers à ceux qui s’intéressent à la lutte contre la fraude fiscale : les britanniques Nicolas Shaxson (auteur d’un très bon livre sur la question), Simon Bowers (The Guardian) et Richard Brooks (Private Eye magazine) ou Edouard Perrin, de Cash Investigation, le premier journaliste à avoir dévoilé, dès 2012, le contenu des accords secrets entre le fisc luxembourgeois et des multinationales.

Coordonnés par le journaliste spécialisé Nick Mathiason et soutenus par l’ONG One (cofondée par Bono, le chanteur de U2), les signataires affirmaient leur « besoin d'avoir accès aux informations en temps voulu sur la manière dont les sociétés et les trusts sont utilisés pour faire circuler l'argent corrompu à travers le système financier européen ». Leur appel a eu lieu alors que les négociations européennes sur le sujet achoppent.

En mars, le Parlement européen a voté à une très large majorité un texte prévoyant l'inscription du nom des bénéficiaires effectifs des sociétés-écrans, trusts et autres fondations dans des registres publics, centralisés par pays et accessibles à tout citoyen en faisant la demande. Un immense pas en avant, puisque dans de très nombreux pays européens, notamment en Grande-Bretagne, les trusts (dont Jersey est le champion) ne sont absolument pas répertoriés par les autorités, et encore moins leurs propriétaires, dont une large proportion cherche en premier lieu à cacher leur argent.

Mais le vote du parlement n’est en rien contraignant. Cette proposition doit en effet être adoptée par le Conseil européen, composé des gouvernements des Etats-membres. Et elle est aujourd’hui au cœur d’intenses négociations entre le Parlement et les pays-membres de l’UE. L’Allemagne, la Pologne ou l’Espagne refusent cette avancée. Or, « la Présidence italienne souhaite conclure un accord à n’importe quel prix, avant la fin de son mandat dans quelques jours », dénonce l’ONG One dans un communiqué publié ce vendredi. L’Italie fait donc « pression sur le Parlement pour qu’il revoit ses ambitions à la baisse et ne rende pas public ces registres » et qu’il permette « aux Etats membres de restreindre l’accès à ces registres ». « Dans certains pays, ces registres seraient publics quand dans d’autres, cela nécessiterait une autorisation avec toute la complexité bureaucratique qui accompagne ce type de démarche », s’inquiète One.

Et c’est bien cette version que privilégie Jean-Claude Juncker dans sa réponse aux journalistes d’investigation, envoyée à Nick Mathiason. Il déclare certes que « la corruption endommage l’économie et la société dans son ensemble » et « érode la confiance publique ». Mais il préconise de conclure le plus vite possible. Et donc de céder aux Etats réfractaires, en s’assurant seulement que soit mise en place « la possibilité d’accès aux données par des tiers qui démontrent un intérêt légitime justifié ». Que veulent dire ces trois derniers mots ? Mystère. Toujours est-il qu’ils ne garantissent pas l’accès à n’importe quel citoyen, ce que les eurodéputés avaient pourtant demandé.


Tout de même, la fin du secret total autour des trusts

La réponse de Juncker est donc une mauvaise nouvelle. Mais elle en partie tempérée par le fait qu’une très rapide évolution des législations et des mentalités est en cours depuis quelques mois sur les questions de transparence fiscale. L’Europe va tout de même se mettre d’accord pour mettre sur pied des registres rassemblant tous les trusts et autres sociétés écrans. C’est vrai, ces registres seront réservés aux administrations fiscales, mais pour l’heure, aucun n’a encore jamais été créé. Un sacré pas en avant, tout de même.

D’autant que sous l’égide de l’OCDE, une petite centaine de pays se sont engagés il y a un peu plus d’un mois à jouer le jeu de la transparence totale avant 2018, en se livrant à l’échange automatique de données fiscales, meilleure arme connue pour lutter contre la fraude. Et dans la masse de données qui seront échangées figureront les identités des bénéficiaires réels des comptes détenus par des trusts, des fondations et autres sociétés-écrans…

A supposer que tous les Etats, et que l’Union européenne joue le jeu, il restera tout de même des failles dans la législation. Ainsi, les trusts ou fondations gérés par une seule personne seront exclus du champ de l’échange automatique. Et puisque seules sont concernées les données financières, les voitures de luxe, yachts, jets privés, mais aussi les propriétés immobilières de luxe, échapperont toujours aux regards indiscrets du fisc.

L’Hexagone, qui soutient officiellement l’établissement de registres publics, est un des pays les plus avancés sur la question. La loi de décembre 2013 sur la fraude fiscale a instauré le principe d’un tel registre pour les trusts dont les administrateurs sont domiciliés en France (ils sont en fait très peu nombreux, car cet outil est surtout un classique du droit anglo-saxon). Y devront être recensés un bon nombre de données, comme vient de le préciser un décret d’application. Problème : pour le moment, on ignore totalement comment et où les citoyens curieux ou vigilants pourront les consulter.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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11 décembre 2014 4 11 /12 /décembre /2014 18:24

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

Greffiers : les arguments controversés de la profession réglementée la mieux payée

Le Monde.fr | 10.12.2014 à 19h15 • Mis à jour le 11.12.2014 à 12h12 | Par Mathilde Damgé

 
Le tribunal de commerce d'Orléans.

Actes, immatriculations, radiations et comptes annuels des entreprises, etc. : plus aucun document n'était accessible sur le site Infogreffe, mercredi 10 décembre. Un geste de protestation des greffiers des tribunaux de commerce contre le volet de la loi Macron consacré aux professions juridiques, qui prévoit d'en ouvrir l'accès plus largement. C'est la troisième fois ce mois-ci que les greffiers empêchent l'accès au site.

Ces professions libérales délégataires de la puissance publique de l'Etat ont le rang d'officiers ministériels. Outre leur présence au tribunal pour assister les juges dans le travail de conservation des actes, ils ont pour mission de tenir le registre du commerce et des sociétés, y compris dans sa version numérique.

Lire le décryptage : Loi Macron : travail du dimanche, autocars, professions réglementées : qu'y a-t-il dans le texte ?

De l'open data payant

Les pouvoirs publics pourraient remettre en cause le principe d'un commerce privé fait de données publiques (pourtant pratiqué aussi par d'autres administrations comme l'Insee avec les fichiers Sirene) et envisageraient d'en rendre la gestion à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), établissement public placé sous la tutelle du ministère de l'économie, qui s'en occupait jusqu'en 2009. 

La profession des greffiers justifie le monopole de ce commerce par un investissement de plusieurs millions d'euros par an, ainsi qu'un effort de service public de qualité identique en tous points du territoire et fiable car vérifié par des professionnels – ce que ne permettrait pas l'open data (ouverture des données au public), si l'on en croit le représentant d'Infogreffe cité par Le Figaro.

Un utilisateur du site Infogreffe déboursera donc 3,11 euros pour obtenir des informations sur l'état d'endettement d'une entreprise, 9,33 euros pour la copie intégrale de ses comptes annuels, 7,77 euros pour l'historique des modifications et de toute façon 2,33 euros pour le « coût de la transmission électronique ».

François Bancilhon, président directeur général de Data Publica, start-up spécialisée dans les données d'entreprises, auditionné par le Sénat en janvier dans le cadre de la mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques, regrettait qu'« Infogreffe inflige aux entreprises une double peine : elles payent pour y inscrire des informations que les autres devront payer pour obtenir ! »

Un monopole controversé...

Infogreffe regroupe les 135 greffes des tribunaux de commerce de France, soit près de 2 000 collaborateurs. Le site existait avant 2009 - les données étaient même diffusées par le Minitel dans les années 1990 - mais il n'avait pas le monopole de la délégation de service public.

Cette profession a le monopole de l'enregistrement et la diffusion des données du registre du commerce et des sociétés. En dépit de certaines concessions (baisse de la rémunération sur l'immatriculation d'une société commerciale et gratuité s'agissant des auto-entrepreneurs, réduction des tarifs pratiqués sur la transmission de certains documents), ce privilège reste très rentable... et controversé.

La Cour des comptes a ainsi estimé l'an dernier, dans une lettre à la garde des sceaux, que « l'Etat serait fondé à exiger une diminution du tarif facturé aux utilisateurs ». En clair, une demande d'ouverture du secteur à la concurrence, relayée également par Christiane Taubira dans sa réponse à la Cour :

« La gestion et la délivrance des données publiques des entreprises génère de très importants profits, outre la réduction des coûts pour les usagers, les négociations en cours, visent à s'assurer que les gains de productivité produits soient réinvestis dans des activités d'intérêt général. »

La même année, l'Autorité de la concurrence a accusé Infogreffe d'abuser de sa position dominante, de fausser la concurrence et de renchérir les coûts d'information pour les entreprises. L'Autorité rapporte que le chiffre d'affaires d'Infogreffe dépassait 63 millions d'euros en 2011.

Mais rentable

Les greffiers sont donc cette fois clairement dans le collimateur de Bercy, après plusieurs décisions en leur faveur (revalorisations et recrutements, notamment) dans les dernières années. En tête du classement des rémunérations des professions réglementées, les greffiers ont un revenu mensuel net médian de 29 177 euros, c'est-à-dire que la moitié des greffiers perçoivent moins que cette somme, et l'autre, touchent plus.

 

 

Les revenus mensuels des professions réglementées

Selon l'Inspection des finances, c'est dans le monde judiciaire qu'on trouve les professions réglementées aux plus forts revenus.


 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 


 

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11 décembre 2014 4 11 /12 /décembre /2014 17:09

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/gerardfiloch


 

ANALYSE DETAILLE DU PROJET DE LOI MACRON : En route pour le « régressisme » ?

 

 

Dire qu’ils ont essayé, lors des « Etats généraux » du 6 décembre 2014 de faire plaisir à Valls en remplaçant de facto le mot « socialisme » par le mot « progressisme » ! Quant on découvre la loi Macron il faut au moins inventer le mot « régressisme ». Jamais sans doute, un gouvernement issu de la gauche n’a osé proposer une loi aussi rétrograde, libérale, en tout point destructrice des droits des salariés.

C’est un projet qui porte sur le droit du travail, fait par un ministre de l’économie. C’est un retour au milieu du XIXème siècle, avant qu’on invente un ministère du travail.

Un projet dont le titre III, étonnamment intitulé « TRAVAILLER » donne toute la mesure. On ne fera pas l’injure de penser qu’une loi dite  « Pour la croissance et l’activité »  montre du doigt les fainéants de chômeurs ou l’indolence des travailleurs dans un pays où leur productivité est une des plus fortes du monde, mais on peut sans doute y voir le vivre pour travailler opposé au travailler pour vivre.

Ils la justifient tous les matins dans les radios officielles, en affirmant qu’il faut « déréguler pour libérer les énergies et créer de l’emploi ».  C’est évidemment l’inverse. C’est là ou il y a le moins de réglementation qu’il y a le plus de chômage.

La preuve, on l’a : cela fait dix ans qu’ils dérégulent et depuis dix ans, le chômage s’accroit. L’ANI du 11 janvier 2013 et la loi qui en est issue du 14 juin 2013, devaient, en assouplissant les licenciements, « sécuriser l’emploi » : on a 250 000 chômeurs de plus. Et la loi Macron propose d’assouplir encore plus les licenciements, cela fera encore plus de chômeurs, bien sur.

En 1992, le travail de nuit a été autorisé pour les femmes, il paraît que c’était pour l’égalité professionnelle hommes femmes et pour l’emploi. Vingt ans plus tard, 7,4 % des salariés travaillent de nuit en 2012, contre 3,5 % en 1991 soit un total de 3,5 millions de personnes. Un million de femmes ont été frappées de plein fouet par cette nuisance. Elles sont aujourd’hui plus de 9 % à être des travailleuses de nuit : deux fois plus qu’il y a 20 ans ! Et il y a un million et demi de chômeurs de plus ! Et Macron nous propose, dans sa nouvelle et maudite loi libérale, de travailler « en soirée » (sic)…

C’est grotesque de chercher à vendre du parfum à minuit ou le dimanche à des touristes chinois présumés alors qu’ils restent en moyenne 7 jours à Paris et que leurs « tours opérators » ont planifié d’avance une demie journée d’achats en plein jour de semaine ! Les touristes chinois de toute façon achètent du parfum en duty free à l’aéroport surtout si l’aéroport a été vendu à une société chinoise !  Alors pourquoi faire venir des femmes pauvres et précaires, qui n’ont pas le choix, vendre des parfums « en soirée » ou le dimanche ?  Ca ne marchera pas, et elles seront obligées de rentrer chez elles en banlieue à 2 h du matin, ou de ne pas voir leurs enfants le dimanche. Pour rien, car maintenant Macron l’avoue, sa loi ne prévoit aucune majoration de salaire le dimanche ni « en soirée ».

Le dimanche ce sera caddie pour tout le monde, le caddie a l'hyper pour le salarié, et le caddie au golf pour l'actionnaire

La déréglementation à la Macron, on va l’étudier ci dessous,  frappe tout, l’inspection du travail, la médecine du travail, la justice du travail, le droit pénal du travail, les institutions représentatives du personnel, et même le bulletin de paie qui deviendra opaque. Elle s’en prend aussi à toutes les professions de droit, avocats, avoués, notaires, huissiers, greffiers, afin de les soumettre aux « firmes » juridiques anglo-saxonnes qui s’empareront ainsi du traitement de nos successions et des ventes. Alors qu’il aurait fallu  transformer ces officines en service public et contrôler leurs actes et leurs couts, elles vont, au contraire, être éclatées et davantage soumises aux puissantes et rapaces multinationales juridiques.

Tout comme, les taxis : Macron pousse la G7 à se saborder pour le compte de la multinationale Uber low cost qui fait main basse sur les « VTC » (voiture tourisme avec chauffeur) et vous trouverez bientôt des chauffeurs philippins aux horaires mortels, et aux prix négociés au cas par cas sans compteur. C’est le principe d’Air France et de Transavia… ça consiste à réserver la sécurité et le confort des services aux riches et créer des alias de seconde zone et second prix pour les pauvres ! Macron ré invente la « troisième classe » des trains à la SNCF, ce seront les autocars pour les jeunes pauvres qui ne peuvent plus se payer le TGV.

Disons le avec force : moins de code du travail c’est moins de travail et plus de chômeurs.

Le seul moment depuis trente ans où l’on a fait reculer le chômage de masse c’est quand on a fait les 35 h sans perte de salaires. Même imparfaitement imposées, même trop compensées par de la flexibilité, elles ont crée 400 000 emplois de plus qu’ailleurs.  Ce qu’il y a de bien dans des durées du travail fixes et fermes, c’est qu’elles sont inflexibles : or la flexibilité crée du chômage, ce sont les salariés, bien formés, bien protégés, bien payés qui produisent le plus et le mieux, pas les flexibles !  Si on veut créer de l’emploi il faut faire reculer la flexibilité !

La loi Macron n’est même pas « sociale libérale » comme le prétendent certains elle est libérale, elle n’a rien de social…

 

Et comme on va le voir, elle ouvre des champs nouveaux aux revendications les plus intégristes du Medef. Il faut l’analyser soigneusement – comme l’ANI en 2013 – car le diable est dans les détails.

La grande presse, comme pour l’Ani en 2013 va masquer ces détails et empêcher qu’ils soient connus, appréciés par les salariés et syndiqués. Ils vont prétexter que c’est trop compliqué, trop difficile, peu médiatique, et ils vont faire de la propagande générale sur le texte qui « débloque » « assouplit », « modernise » « casse les corporatismes » etc.… A nous de faire percer la vérité, dans les détails, sur le fond.

 

 

 

 

 

 

1° )  Subordination ou soumission ?

 

Le plus incroyable : MODIFICATION article 2064 du CODE CIVIL et ABROGATION article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative : retour à la loi LE CHAPELIER et au code civil de 1804 ?

Il y a peu de doute que la modification de l’article 2064 du code civil soit une tentative de supprimer, rien de moins, le droit du travail :

en effet, l’article 1529 du code de procédure civile explique que, pour la résolution amiable des différents, les dispositions du code de procédure civile s’appliquent « sous les réserves prévues par les articles 2064 du code civil (qui exclut jusqu’ici le doit du travail des conventions amiables) et de l’article 24 de la loi du 8 février 1995 » (qui limite jusqu’ici la médiation conventionnelle dans les différents qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail aux seuls cas des transfrontaliers).

Et l’ordonnance MACRON supprime la restriction de l’article 2064 et abroge la limitation de la loi de 1995…

Suppression du deuxième alinéa de l’article 2064 du code civil (« Toutefois, aucune convention ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. ») qui exclut la convention entre les parties pour le règlement des litiges en droit du travail qui depuis qu’il existe un droit du travail reconnaissant l’inégalité entre le patron et son subordonné, le salarié, a confié à la juridiction prud’homale le soin de limiter cette inégalité.

Désormais reste de l’article 2064 : « Toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition, sous réserve des dispositions de l'article 2067. » 

La convention de procédure participative est une convention « par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. »

Cette convention est conclue pour une durée déterminée dont le contenu est fixé par l’article 2063 : « La convention de procédure participative est, à peine de nullité, contenue dans un écrit qui précise :

1° Son terme ;

2° L'objet du différend ;

3° Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend et les modalités de leur échange.

Convention engagée, prud’hommes interdits : selon l’article 2065 « Tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu'il statue sur le litige. Toutefois, l'inexécution de la convention par l'une des parties autorise une autre partie à saisir le juge pour qu'il statue sur le litige. »

S’il y a accord sur la convention, les parties peuvent (article 2066) soumettre, s’ils le veulent l’accord à l’homologation d’un juge. Lequel ?

S’il n’y a pas accord, les parties peuvent soumettre le litige à un juge mais l’article 2066 supprime la phase de conciliation…

Là on est en pleine interrogation : les équipes autour de Macron sont forgées dans la culture Medef, pas dans celle de la gauche, elles lui ouvrent là une voie radieuse qu’il recherche depuis des années afin de supprimer le concept de « subordination » qui caractérise le contrat de travail.

Car si le contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent » il donne en contre partie des droits, contenus dans le code du travail. Pour supprimer ces droits, il faut supprimer les concepts qui les justifient.  Laurence Parisot avait organise dans les locaux du Medef à Wagram, un colloque de trois jours sur « la soumission librement consentie ». De même lorsqu’elle disait « la liberté de penser s’arrête là ou commence le code du travail ». S’agit-il de tout envoyer au civil, comme aux USA où le code fait 36 000 pages de ce fait ? Où il n’y a donc pas de protection particulière au contrat de travail. Le contrat sera comme entre bailleur et locataire, ou entre voisins égaux, pas entre un employeur et un subordonné, et les droits que donne le code du travail en contrepartie de la subordination seront non-invoquables. Est-ce cela qu’il faut débusquer en douce dans l’ordonnance ?

Soumis librement de votre plein gré, vous n’êtes plus en situation de réclamer des droits. Le contrat de travail qui est spécifique parce que les deux parties signataires sont réputées ne pas être égales serait requalifié en un contrat civil où elles le deviendraient. Il n’y aurait donc plus matière à invoquer un droit spécifique de protection des « contrats ».

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2°)  Bosser le dimanche pour pas un rond de plus !

 

Travail dominical et « en soirée »

 

Art.75 : AUTORISATION du PREFET pour « préjudice au public » ou au «  fonctionnement normal de l’établissement »

L’ancien article L.3132-21 (« Les autorisations prévues à l'article L. 3132-20 ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. »), abrogé par la loi  n°2009-974 du 10 août 2009, devient :  « Les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans »

Art. 76 : DECISION DES MINISTRES

L’article L. 3132-24 (« Les recours présentés contre les décisions prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 ont un effet suspensif. »), abrogé par décision du Conseil constitutionnel du 4 avril 2014, est réécrit avec une tout autre signification : ouverture le dimanche dans les « zones touristiques internationales » qui seront décidées par « les ministres du travail, du tourisme et du commerce »

Art.77 : Par la suppression des deux premiers alinéas de l’article L.3132-25 et son remplacement, on obtient :

Suppression de la procédure de détermination des « communes d’intérêt touristique » et des zones « touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » par le Préfet, « après proposition de l’autorité administrative (maire ou préfet de Paris), après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent »

Alignement sur les zones « internationales » des conditions de l’autorisation de travailler le dimanche dans des zones désormais simplement nommées « touristiques ».

Ce qui, en clair, permet d’avoir le travail du dimanche à tous les coups : soit par un « accord collectif ou territorial », soit par « décision unilatérale de l’employeur », certes prise après référendum, mais on sait d’expérience quelle sera la marge de résistance possible des salariés dans un référendum organisé par l’employeur.

A noter la nouvelle notion d’ « accord territorial » qui est sans doute la plus défavorable pour les organisations syndicales du point de vue du rapport de forces (il s’agit des organisations syndicales « les plus représentatives dans la région concernée », comment seront-elles décidées ?)

Art. 78 : par la modification de l’article L.3132-25-1,

Les dérogations accordées par le Préfet dans les « unités urbaines de plus de 1 000 000 habitants » pour les « établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre » deviennent  des dérogations pour « les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services situés dans des zones commerciales, caractérisées par un potentiel commercial » et cette dérogation se fera par « accord collectif ou territorial » ou « décision unilatérale de l’employeur »

Art. 79 : Modification de l’article L.3132-25-2.

La création (délimitation, modification) des zones « touristiques » (L.3132-25) et des zones « commerciales » (L.3132-25-1) est faite sur demande du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale et elle est décidée par le Préfet après plusieurs avis.

Art. 80 : Les contreparties pour les salariés fixées par l’actuel article L.3132-25-3 (repos compensateur, salaire doublé) sont modifiées.

Pour les autorisations d’ouverture le dimanche pour « préjudice au public » ou au «  fonctionnement normal de l’établissement », pour les « zones internationales », les « zones touristiques » et les « zones commerciales »,

Il faudra soit un « accord collectif ou territorial », soit une « décision unilatérale de l’employeur » qui fixe les contreparties.

Contrairement aux dispositions de l’actuel article L.3132-25-3, en cas de décision unilatérale de l’employeur le salaire ne sera pas doublé automatiquement pour les entreprises de moins de 20 salariés dans les « zones touristiques » (« Dans les établissements de moins de vingt salariés situés dans les zones définies à l’article L. 3132-25, la décision unilatérale de l’employeur peut fixer des contreparties différentes de celles mentionnées au III.). Et même si elles franchissent le seuil des 20 salariés (tiens, là ils veulent bien des seuils), elles auront droit au minimum à trois ans de délai… (application « à compter de la troisième année consécutive au cours de laquelle l’effectif de l’entreprise employé dans la zone atteint ce seuil »).

Art. 81 et 82 : pas de changement

Art. 83 : Modification de l’article L.3132-25-6

Le nouvel article ajoute encore une catégorie d’établissements qui pourront ouvrir le dimanche avec accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur : les « établissements situés dans les emprises des gares ». »

Soit parce qu’ils sont dans une zone touristique internationale ou une zone touristique à potentiel soit une zone commerciale. Soit par « arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce »

Art. 84 : Modification de l’article L.3132-26

Le nombre de dimanches pouvant être supprimés par le maire passe de 5 à 12 !

Un ajout peu clair : « Cette suppression, est de droit pour cinq de ces dimanches. ». Cela veut-il dire que pour 5 dimanches, les établissements n’auront pas à demander la suppression ? Sans doute si on se réfère aux dispositions transitoires pour 2015 (Art. 86), où il est prévu que sur les 8 dimanches pouvant être supprimés par le maire, 3 devront être fixés par arrêté du maire « dans un délai maximum de deux mois après la promulgation » de la loi. Il est sans doute utile de rappeler que pour ces dimanches, le volontariat des salariés n’est pas de droit.

Art. 86 : Rien ne se perd.

Les anciennes zones créées par la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 ne sont pas oubliées : Les « communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » deviennent « de plein droit » des « zones touristiques à potentiel » ; les « périmètres d’usage de consommation exceptionnelle » deviennent « de plein droit » des « zones commerciales ».

Art. 85 : Le travail de nuit devient « travail de soirée ». Plus belle la vie.

Ajout d’un article L.3122-29-1 qui permet aux établissements de vente au détail dans les « zones touristiques internationales » de faire travailler de nuit (de 21h à 24h) des salariés « volontaires » dès que l’employeur a obtenu un « accord collectif ».

 

 

Encart : en gros

« Le combat de 2012, c’est de préserver le principe du repos dominical, c’est-à-dire de permettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine à leur famille, au sport, à la culture, à la liberté. Et j’y veillerai ! »  François Hollande, le 17 avril 2012. A Lille.

 

 

“Nous aurons nos dimanches” Jean Jacques Goldmann

 

N’y a t il pas désordre dans les lois actuelles sur le repos dominical ?  

Les décisions de justice sur le travail du dimanche, c’est vrai, sont contradictoires, les juges ont des opinions personnelles différentes sur l’ouverture du dimanche, et le laissent transparaître dans leurs décisions. Cela est rendu possible parce que le principe du repos dominical existe toujours, mais il y a trop de dérogations disparates et injustifiées depuis la loi Maillé-Sarkozy. On en arrive à ce que des juges condamnent les infractions à l’ouverture du dimanche, mais avec des astreintes insuffisamment dissuasives. D’autres donnent raison à un patron qui porte plainte contre les autres, et d’autres annulent ce jugement… Avant la loi quinquennale de décembre 1993-janvier 1994 il n’y avait que 3 dimanches d’ouvertures autorisés. Cette loi Giraud avait envisagé 12 puis 8 puis 7 puis 5 au lieu de 3. C’est donc un débat hasardeux et artificiel. Rappelons que c’était avant « la crise » cela n’est donc absolument pas nourri par l’actualité économique ou sociale. La loi Maillé, c’était pareil, il s’agissait en 2008 de déréguler pour déréguler afin de plaire au Medef, qui vise à casser « la semaine de 35 h » et de façon plus générale le « temps légal de travail ». Pareil pour le travail de nuit dans le commerce, qui n’a aucun intérêt économique, sauf de contribuer à « casser » les références journalières de limitation du temps de travail. Pour « simplifier » il faut rétablir le principe « interdiction du travail dominical » sauf dérogations nécessaires et motivées, contrôlées.

Quelle est actuellement la réalité du travail le dimanche ?


Sur 700 000 commerces, 22 000 sont ouverts légalement avec des dérogations préfectorales et municipales (zones touristiques, périmètres d’usage commercial exceptionnel…). Après ça, il y en a quelques milliers ouverts illégalement. L’enjeu du « oui » ou « non » au travail du dimanche dans tout le secteur du commerce concerne 4 millions de salariés concernés avec emplois induits. C’est énorme pour la vie de ces 4 millions de salariés.
5 % des salariés travaillent le dimanche de façon régulière (hôpitaux, feux continus, transports, loisirs, là ou c’est indispensable…) et 25 % travaillent occasionnellement. On dit que plus de 75 % des « sondés » seraient favorables à l’ouverture le dimanche, mais 85 % des « sondés » disent aussi qu’eux-mêmes ne veulent pas travailler ce jour là…  Les salariés de Leroy Merlin et Castorama ont été totalement organisés par leurs patrons : séances de formation avec des communicants sur leur temps de travail, déplacements payés, jours payés, transports et repas payés, T-shirts, banderoles, tracts payés. Ils habillent cela du mot « volontariat », mais le volontariat n’existe pas en droit du travail. Ce qui caractérise un contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent ». Aucun salarié de ce pays ne travaille le dimanche par « volontariat », mais parce que le patron le veut. En fait, mettre en avant des salariés qui « veulent » travailler le dimanche, c’est une manipulation complète.

Patrons et ministres invoquent relance de la consommation. Alibi ou réalité ?


C’est hors sujet. Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le samedi ou le lundi. Les portes monnaies ne sont pas extensibles en ces temps d’austérité. Les magasins ouverts en fraude, claironnent des chiffres d’affaires mirobolants majorés de 20 %… mais justement c’est parce qu’ils fraudent, violent la « concurrence » et se font de la « pub » en plus. Banalisé le travail du dimanche sera vite démonétisé, avec des magasins vides, ça coûtera plus cher et n’aura plus qu’un effet négatif pour les salariés, sans même une contre partie financière.

Et la sauvegarde des emplois ?

L’ouverture généralisée profiterait aux grandes chaînes contre les petits commerces qui en subiraient le contre coup : il a été calculé (DARES) que ce serait un solde négatif de 30 000 emplois perdus.

Un emploi du dimanche sera un emploi de moins le lundi.

Les grandes chaînes s’en tireront en embauchant des femmes pauvres et précaires ou des étudiants désargentés en turn-over permanent façon McDonald’s.
Ils « tenaient » les salariés pauvres en leur donnant des primes de 25 %, 30 %, 50 % parfois mais très rarement 100 % : ces primes n’étaient pas inscrites dans la loi. Il était question pour appâter les salaries de légiferer en leur faveur… Vu que les salaires sont trop bas, les pauvres n’ont pas le choix, ils courent après 30 euros et ça se comprend.

Mais c’est fini. L’ordonnance Macron prévoit qu’elles ne seront pas majorées légalement dans les entreprises de moins de 20 salariés, les plus nombreuses. (97 % des salaries à Paris…)

Et au-delà de 20 salariés une éventuelle majoration de salaire le dimanche ou en soirée, ce sera du domaine de la négociation, de l’accord..  donc aléatoire puis instable puis supprimable. Quand il sera certain que le dimanche le chiffre d’affaires est le plus bas de la semaine, quand les chalands ne viendront plus, les patrons diront que ca coute cher d’ouvrir le dimanche et refuseront toute prime.

Une nécessité économique dans les secteurs concernés ?

Il n’y a rien d’économique là-dedans, c’est idéologique : le patronat veut surtout déréguler la semaine et les durées du travail hebdomadaires. C’est pareil pour les ouvertures de nuit genre Sephora. Les touristes chinois qui restent six jours et demi à Paris en moyenne, ont tout le temps d’acheter dans la journée… ou en duty free à l’aéroport (surtout si l’aeroport est racheté par des fonds chinois) !  Ca ne fera pas un centime de chiffre d’affaire supplémentaire ! Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le lundi.

Le but réel du travail le dimanche est de remplacer la semaine de 35 heures par des horaires « à la carte » comme l’exige le Medef. Toutes les activités commerciales et annexes peuvent être concernées par la déréglementation voulue par le Medef : vendre du parfum et de la fringue le dimanche, quel sens cela a-t-il ?

Une question de société, de civilisation

Le dimanche, c’est un jour de repos collectif, socialisé, facilitant les rapports humains pour toutes les activités de loisirs, culturelles, associatives, citoyennes, familiales et même sportives ou religieuses. Il arrive qu’un étudiant veuille travailler le dimanche, mais ce ne durera pas pour lui, et plus tard, qui gardera les enfants, qui fêtera leur anniversaire si les parents travaillent le dimanche ? c’est un vandalisme anti social que de supprimer un jour de repos commun, collectif, point de rencontre POUR TOUTES ET TOUS dans la société.

Remplacer la civilisation du loisir par celle du caddie : le caddie du 7° jour pour les salaries a Auchan, et le caddie pour le patron au golf ce jour là.

Qui sont « les bricoleurs du dimanche » ?

Des braves gens qui pourraient faire leurs courses le vendredi après-midi s’ils bénéficiaient vraiment des 35 heures ou de la semaine de quatre jours.

Que défendent les syndicats hostiles au travail du dimanche ?


Le respect du principe du repos dominical voté en 1906
à l’unanimité par l’Assemblée nationale, et des dérogations limitées strictement aux nécessités. En vérité, on devrait réclamer le retour aux deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche. La semaine de 5 jours (vers quatre jours de 8 heures) serait un minima et seule la réduction du temps de travail peut faire reculer le chômage de masse. Quant au salaire du dimanche dans les secteurs ou il est contraint et nécessaire ( santé, transports, loisir, restauration, alimentation, feux continus, etc…)  oui, le salaire devrait être doublé par la loi avec repos compensatoire.

Bien sur, il y a des travaux indispensables le dimanche, mais comme ceux de nuit, donc des « dérogations » précise et motivées doivent être accordées, à condition qu’elles soient bien encadrées, il faut qu’ils soient restreints et limités à ceux qui sont nécessaires et indispensable.

 

 

 

3°)  Vivent les prud’hommes

Les prudh’ommes c’est une belle justice spécifique du travail. C’est un lieu méconnu, inouï, incroyable, dont vous n’entendez jamais parler sur TF1. C’est une justice paritaire, de proximité, pauvre, longue, lente, en principe orale, elle est proscrite, dénigrée, négligée, grinçante, cruelle, elle n’intéresse pas les grands médias, pas même les romanciers ou les conteurs. Il s’agit pourtant de la justice du droit du travail..

« Des tribunaux qui insécurisent les employeurs » comme aime à dire Laurence Parisot. Des Cours de justice (élues par tous les salariés, y compris les immigrés) sur lesquels Sarkozy, Fillon, Dati, Larcher, puis Sapin et Rebsamen s’acharnent depuis dix ans, en limitant leur audience, en raccourcissant  les délais de saisine, en supprimant des moyens et du temps aux juges, en instaurant des plafonds de réparation des dols, et en supprimant les élections des conseillers syndicaux.

Chaque année, prés de 200 000 apprentis, salariés, en CDI, en CDD, intérimaires, ou licenciés, saisissent les 210 conseils de prud’hommes répartis sur le territoire français et leurs 14 512 conseillers. (Un tiers des conseils prud’hommes ont été supprimés par Rachida Dati, sous Sarkozy). 200 000 c’est peu, vu la fréquence réelle de la délinquance patronale, de l’exploitation et l’arbitraire qui règne. La justice du travail ne connaît pas de répit, elle rame, faute de moyens, de reconnaissance, elle est reléguée et maltraitée, à l’écart, aux confins des cités judiciaires. Pas de sang, pas de hurlement, pas d’assassin mais ça n’empêche pas la douleur, l’angoisse, la détresse face à un licenciement abusif, face à une sanction disciplinaire injuste, au non-paiement d’éléments de salaires ou de primes  indispensables à la vie au jour le jour. On y réclame des gros ou des petits dommages et intérêts, des jours de congés ou des heures supplémentaires impayées, parfois le simple paiement d’une carte Navigo (ce qui fut rendu impossible quand Sarkozy obligea le 1er octobre 2011 tout plaignant à payer une taxe préalable de 35 euros… pour accéder au tribunal. Ce qui a été heureusement supprimé par Christiane Taubira le 1er janvier 2014).

 

 

Encart

Lire « au cœur des prud’hommes » livre qui vient de paraître de Véronique Brocard (chez Stock) raconte ces audiences, pour tous ces anonymes, manutentionnaires, chef-coiffeuse, plongeur, prothésiste dentaire, masseuse, gardiens de musée,  prof, attachée de direction, représentants de commerces, femmes de chambre, maitres chiens, bonne de curée, nounou, artiste, maçon, employé ou cadres…  Plongez-vous vite dans ces bonnes pages … de la vie de notre salariat, vous savez, cette grande classe sociale qui produit toutes les richesses et qui n’en reçoit pas la part qu’elle mérite ! Car elle mérite de bons emplois solides, de bons salaires… et de la dignité.

 

 

Macron contre les Conseils de prud’hommes

 

De façon inattendue car on pensait avoir tout vu ou presque dans la volonté patronale d’étouffer la juridiction prud’homale, on a dans le projet MACRON un nouvel arsenal pour casser plus encore ce qui reste souvent le seul recours pour les salariés.

Les conseillers prud’homaux se voient soumis à un contrôle plus fort, une vraie tutelle ; leurs conditions de travail ainsi que le rapport de force pour les conseillers salariés sont dégradés ; se met en place une justice expéditive et forfaitaire répondant ainsi aux demandes constantes du MEDEF déjà avancées dans l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi qui les ont consacrés :

1/ extension du pouvoir des juges départiteurs : « A sa demande, le juge départiteur assiste au moins une fois par an à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes.

Par ailleurs, il peut réunir le président et le vice-président du conseil de prud’hommes ainsi que, le cas échéant, les présidents et vice-présidents de section. » (nouvel article L.1423-3)

Au point que la mise en extinction des prud’hommes est désormais prévu par le code du travail : « En cas d’interruption durable de son fonctionnement ou de difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales et lorsqu’il n’a pas été fait application de l’article L. 1423-11, le premier président de la cour d’appel désigne le juge départiteur pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes » (nouvel article L.1423-11-1)

2/ extension de la formation restreinte (2 conseillers au lieu de 4), sur demande du bureau de conciliation (rebaptisé pour ce faire « bureau de conciliation et d’orientation » par les nouveaux articles L.1235-1, L.1454-2, L.1454-4). Cette formation restreinte sur demande du bureau de conciliation et d’orientation (nouvel article L.1454-1-2) nécessite certes « l’accord des deux parties » mais sachant que cette éventualité est réservée aux cas où « le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire », soit 92% des cas de saisie des prud’hommes et que le projet a prévu comme carotte l’espoir (illusoire) de réduction des délais (« Le bureau de jugement statue dans un délai de trois mois. »), il est vraisemblable que cette nouvelle procédure sera largement utilisée. Avec comme conséquence inéluctable un engorgement supplémentaire et des jugements expéditifs encore plus défavorables aux salariés (outre que le temps d’examen joue en faveur des salariés, il n’est pas rare qu’un des conseillers salariés parvienne à convaincre l’autre de ne pas se rallier aux deux conseillers patronaux qui eux sont très rarement en désaccord).

3/ suppression possible de la case « bureau de jugement » au complet

a)                 si le bureau de jugement estime que la formation restreinte ne s’imposait pas, le salarié n’aura pas droit à un bureau de jugement au complet ! L’affaire sera renvoyée directement en formation de départage. (« En cas de partage ou lorsque le bureau de jugement estime que le dossier ne relève pas de la formation restreinte, l’affaire est renvoyée devant la formation de départage » nouvel article L.1454-1-2)

b)                si le bureau de conciliation et d’orientation le décide, le renvoi directement en formation de départage est de droit si «  toutes les parties le demandent » ou bien en cas de partage du bureau de conciliation ! (« En cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d'orientation peut, même d’office, en raison de la nature du litige, renvoyer l'affaire devant la formation de jugement présidée par le juge désigné en application de l’article L. 1454-2. Ce renvoi est de droit si toutes les parties le demandent

Lorsque la demande de renvoi formée en application de l’alinéa précédent n’émane pas de toutes les parties, l'affaire est de plein droit renvoyée devant la formation de jugement visée à l'alinéa précédent en cas de partage du bureau de conciliation et d'orientation sur cette demande » nouvel article L.1454-1-3)

 

Et, dans tous les cas, cette décision du bureau de conciliation et d’orientation se fera « par simple mesure d’administration judiciaire » en clair par oral, sans motivation obligatoire, sans jugement et sans recours possible ! (« Dans tous les cas, le bureau de conciliation et d'orientation se prononce par simple mesure d’administration judiciaire » nouvel article L.1454-1-3)

  On peut aussi se demander quelle sera la composition de la formation de départage en cas d’absence d’un conseiller prud’homal car les dispositions actuellement prévues par décret sont supprimées par le nouvel article L.1454-1-3  (« L’article L. 1454-4 n’est pas applicable lorsque l’affaire est renvoyée devant la formation composée comme il est indiqué au premier alinéa »)

4/ Contrôle et organisation de la « démission » des conseillers prud’homaux

Par la modification de l’article L.1442-1, la loi MACRON organise un nouveau contrôle des conseillers prud’homaux : désormais, à l’agrément déjà prévu des organismes de formation des organisations syndicales (article R.1442-2) s’ajoute un contrôle des conseillers prud’homaux eux-mêmes sur leur formation initiale et même continue (« Les conseillers prud’hommes sont soumis à une obligation de formation initiale et continue. »).

La sanction est même prévue. Pas n’importe laquelle, en violation des principes fondamentaux du droit du travail, le conseiller prud’homal dont il sera estimé qu’il n’a pas rempli ses nouvelles obligations de formation sera considéré comme « démissionnaire » ! (« Tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire »)

Il peut ici être utile de se souvenir que l’ANI du 11 janvier 2013 avait déjà inauguré cette innovation juridique (pour la mobilité externe) qui décrète une démission en dehors de la volonté du salarié et sans passer par la case justice pour l’appréciation de cette « démission ». Chaque recul porte en germe le suivant.

5/ Une suspicion et un contrôle institutionnalisés  (nouvel article L.1442-11)

Aux exigences d’indépendance et d’impartialité requises pour tout juge, la loi MACRON ajoute, pour les conseillers prud’homaux la « dignité » ( ?), la « probité » ( ?) et l’obligation de soumettre leur « comportement » à des exigences dont on appréciera la saveur : les conseillers prud’homaux devront agir de sorte qu’on (qui on ?) ne puisse nourrir le moindre doute « légitime » (c’est quoi le légitime ici ?) (« Les conseillers prud’hommes exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité, et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. ») et de sorte qu’aucun « acte ou comportement à caractère public » ne vienne mettre à mal un devoir de « réserve » qui, jusqu’ici, n’était prévu par aucun texte. (« Ils s’abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. »)

Pour le cas où les conseillers prud’hommes voudraient exprimer leur mécontentement de voir la justice prud’homale faire l’objet de tant d’entraves à son bon fonctionnement, la loi MACRON prévoit d’appliquer l’ordonnance du 22 décembre 1958 qui limite le droit de grève des juges professionnels (hormis les juges administratifs) d’une formule qui permet de sanctionner toute action : « Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. »

Et pour corseter le tout, la loi MACRON prévoit tout simplement l’écriture, encadrée par un décret, d’un « recueil des obligations déontologiques des conseillers prud’hommes ».

6/ Des sanctions renforcées(nouveaux articles L.1442-13-1, L.1442-13-2, L.1442-13-3, L.1442-14, L.1442-16, L.1442-16-1, L.1442-16-2)

Les conseillers prud’hommes sont considérés par la loi MACRON comme des salariés soumis au pouvoir disciplinaire d’un employeur :

Le terme de « faute disciplinaire » est employé pour qualifier tout manquement grave ; une sanction nouvelle est créée, l’ « avertissement », censée ne pas être une sanction et étant donnée sans recours possible par le premier président de la cour d’appel (nouvel article L.1442-13-1) ; une procédure disciplinaire pour les actuelles « peines » (censure, suspension, déchéance), transformées en « sanctions disciplinaires », est organisée avec la création d’une « commission nationale de discipline » qui pourra y ajouter une nouvelle sanction, le « blâme ». La « déchéance » est également durcie puisqu’un conseiller prud’homme peut actuellement demander à en être relevé au bout de 5 ans (actuel article .L1442-18) alors que les nouvelles dispositions prévoient à la fois une déchéance définitive et une déchéance provisoire pouvant aller jusqu’à 10 ans.

Cela ne suffisait pas, le projet de loi MACRON introduit l’équivalent de la mise à pied à titre conservatoire pour les conseillers prud’hommes : le président de la commission nationale de discipline peut suspendre un conseiller pendant 6 mois s’il est soupçonné d’être passible de sanctions disciplinaires (dont une suspension de 6 mois…)

7/ La représentation deviendrait obligatoire en appel ! (nouvel article L.1461-1) et les défenseurs syndicaux, déjà très peu nombreux, pourraient avec un nouveau statut être introuvables aussi bien aux prud’hommes qu’en appel (nouveaux articles L.1453-4 à L.1453-4-5)

Un des prétextes pour cette nième attaque contre la juridiction prud’homale est qu’il y aurait trop d’appel des procédures engagées. Avec la représentation désormais obligatoire, on peut penser que le but recherché sera atteint : désormais les salariés devront soit prendre un avocat, soit trouver un défenseur syndical correspondant à la nouvelle mouture prévu par la loi MACRON.

Dans des conditions que fixerait un décret, les défenseurs syndicaux devraient désormais être présentés sur un liste par les organisations syndicales, ils devraient ensuite être acceptés par « l’autorité administrative » (on peut parier qu’il s’agira du fameux D.I.R.E.C.C.T.E). Et, pour les défenseurs syndicaux qui sont salariés dans une entreprise, alors même qu’ils n’ont pas de protection à ce titre contre leur licenciement, la loi MACRON prévoit qu’ils sont tenus au « secret professionnel pour toutes les questions relatives au procédé de fabrication » et tenus à une « obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur. ». De ces obligations floues et dont on cerne mal le rapport avec les fonctions de défenseur syndical, la loi MACRON donne à l’employeur qui les juge méconnues la possibilité de faire radier, par l’autorité administrative, le défenseur syndical de la liste.

8/ Moins de juges pour juger et des juges « mieux » choisis(nouveaux articles L.1458-1 –étonnant car l’article L.1458 n’existe pas- et L.1454-2)

Outre les formations restreintes, la loi MACRON (sériel killer ?) innove en créant la notion de « litiges sériels ».

A discrétion du premier président de la cour d’appel ou du président de la chambre sociale de la cour de cassation (« simple mesure d’administration judiciaire »), sans possibilité de recours, il pourra ainsi être décidé de faire juger plusieurs affaires par un seul conseil de prud’hommes. Pour ce faire, il suffira d’invoquer « l’intérêt d’une bonne justice ».

A discrétion des mêmes, la désignation de ce superconseil de prud’hommes.

Et, pour faire bonne justice sans doute, ce superconseil pourra de lui-même renvoyer devant la formation de départage, renvoi qui sera « de droit si toutes les parties le demandent. »

Dans ce départage, les juges départiteurs qui relèveraient du T.G.I et non plus du tribunal d’instance seraient choisis sur critères par le président du tribunal de grande instance, critères dont on appréciera le souci incontestable d’une « bonne justice » : « prioritairement en fonction de leurs aptitudes et connaissances particulières ».

Le MEDEF peut être satisfait.

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4°)  Inspection du travail

L’inspection du travail a déjà vu son indépendance foulée au pied par le décret SAPIN de mars 2014.

Le projet d’ordonnance MACRON en est la suite que SAPIN n’avait pas eu le temps de terminer. Aussi est-il facile de voir ce que cache les intentions affichées par l’ordonnance à venir

(« 1° Renforcer le rôle de surveillance du système d’inspection du travail et réviser les modes de sanction en matière de droit du travail ; 2° Réviser la nature et le montant des peines applicables en cas d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel de façon à créer un nouveau régime de sanctions dont l'application sera plus effective ; 3° Abroger les dispositions devenues sans objet et assurer la cohérence rédactionnelle des renvois au sein des codes. »).

Le changement pour les sanctions consiste, sous prétexte d’une meilleure efficacité, à passer des amendes pénales aux amendes administratives. Et le pouvoir de sanction passerait des mains de l’inspecteur du travail dans ceux du D.I.R.E.C.C.T.E dont il est nécessaire de cerner nomination, fonctions, et profil qui en découle pour voir le sourire du MEDEF derrière cette prétendue avancée. Le D.I.R.E.C.C.T.E, créé en 2009 est le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, un titre qui résume la place que l’inspection du travail occupe désormais (les agents de contrôle ne représentent qu’un quart des effectifs) et sa subordination aux intérêts des employeurs. Les Directeurs régionaux de ce regroupement interministériel sont choisis pour leur aptitude à servir les entreprises et à accompagner leurs objectifs : sur les 22, 9 ne viennent pas de la filière Travail-Emploi, et les 13 de cette filière, quand ils ne sont pas issus de l’ENA ou n’ont pas été manager chez Arcelor-Mittal, ont depuis longtemps quitté la section d’inspection pour les soutiens divers aux entreprises. Et la recodification scélérate du Code du travail en 2008, soigneusement rédigée pendant deux ans par les petites mains du Medef, leur a transféré des pouvoirs autrefois attribués aux Directeurs Départementaux et même aux Inspecteurs du travail.

 

Pour les peines applicables pour entrave aux fonctions des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise, du C.H.S.C.T et des délégués syndicaux, changer la « nature » des peines fait craindre le pire quand on le rapproche de « l’application sera plus effective ». Plaider coupable, amende administrative ?  Dans les deux cas, le patronat échappe au procès-pénal et accède à tous les arrangements possibles entre amis.

 

Enfin, l’expérience de la recodification en 2008 permet de prévoir que l’abrogation des dispositions « devenues sans objet » vaut qu’on y regarde de plus près, ainsi que les « renvois au sein des codes », la recodification de 2008 ayant éclaté le code du travail en de multiples codes, permettant ainsi de ne plus assurer le même droit pour tous les salariés.

 

La loi MACRON n’oublie pas de supprimer d’ores et déjà quelques attributions des inspecteurs du travail.

 

Ce qu’elle ne donne pas encore, aux D.I.R.E.C.C.T.E, elle l’octroie aux juges qui vont remplacer « l’autorité administrative » (nouveaux articles L.2312-5, L.2314-11, L.2314-31, L.2322-5, L.2324-13, L.2327-7) ou même directement « l’inspecteur du travail » (nouveaux articles L.2314-20 et L.2324-18)

 

Ces transferts de décision ne sont pas anodines :

 

L’actuel article L.2312-5 permet à « l’autorité administrative » de décider de la mise en place de délégués du personnel dans les établissements de moins de 11 salariés, mais sur un site où sont employés plus de 50 salariés (centres commerciaux par exemple). Jusqu’à la recodification de 2008, l’autorité était le directeur départemental du travail, depuis ce pouvoir a été transféré à l’indispensable D.I.R.E.C.C.T.E.  A défaut d’accord électoral avec les organisations syndicales, le D.I.R.E.C.C.T.E décide du nombre et de la composition de collèges électoraux ainsi que du nombre de sièges et de leur répartition entre les collèges. Des questions souvent très importantes qui font souvent la différence entre avoir un délégué qui soit vraiment un délégué du personnel ou bien un délégué du patron.

Transférer ces décisions relatives aux élections à un juge n’est sans doute pas de bon augure : outre l’asphyxie judiciaire, les décisions de la hiérarchie de l’inspection du travail étaient au moins préparées par les agents de contrôle compétents.

 

Le même transfert (nouveaux articles L.2314-11, L.2324-13) est prévu pour toutes les élections de délégués du personnel dans les établissements de plus de 11 salariés et pour les élections au comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 50 salariés

 

Passerait également à l’autorité judiciaire (nouveaux articles L.2314-31, L.2322-5, L.2327-7) la reconnaissance d’un « établissement distinct » qui permet d’organiser dans une entreprise autant d’élections de délégués du personnel ou de membres de comité d’établissement qu’il y a d’établissements considérés comme distincts du point de vue de la gestion du personnel. Un enjeu parfois important dans de grandes ou moyennes entreprises, pouvant permettre à l’employeur de peser sur le choix des délégués.

 

Enfin, l’inspecteur du travail perd au profit du « juge judiciaire » (une formule nouvelle introduite dans la recodification de 2008 qui, déjà, prévoyait derrière ce terme générique la disparition à terme des juges prud’homaux, car dans la plupart des articles du code, juge judiciaire voulait évidemment dire juge des tribunaux d’instance ou de grande instance) les décisions de dérogation aux conditions d’ancienneté pour les électeurs et les éligibles aux élections de délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise. Au passage, le juge ne sera apparemment plus obligé pour cette décision de consulter les organisations syndicales pour les élections de délégués du personnel et seulement pour les éligibles pour les élections aux comités d’entreprise.

 

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« Dialogue social »

 

Derrière cet euphémisme qui cache depuis des lustres le monologue patronal ou le duo qu’il forme avec le gouvernement, le projet de loi MACRON a inscrit : les dispositions précédentes de dessaisissement de l’inspection du travail, qui n’a aucun rapport ; un gadget (la transmission rapide des PV des élections professionnelles aux organisations syndicales), destiné sans doute à nourrir les divisions et distractions qui sont l’effet des nouvelles règles de représentativité ; et enfin l’ajout de la possibilité pour les entreprises, conséquences de l’ANI du 11 janvier 2013, de réduire désormais le « dialogue social », par exemple pour les licenciements pour motif économique à la fourniture au comité d’entreprise de la « base de données unique » dont le contenu limitatif est fixé par décret. Il eut été plus logique de verser ce prétendu progrès dans la rubrique intitulée par le projet MACRON « Simplifications pour les entreprises »

 

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« Simplifications pour les entreprises »

 

Pour pouvoir se soustraire à l’obligation d’embaucher des travailleurs handicapés, les employeurs pouvaient déjà passer des contrats à des « entreprises adaptées », des « centres de distribution de travail à domicile », des « établissements ou services d’aide par le travail.

Le projet de loi MACRON voit plus loin (articles L.5212-6 et L.5212-7-1) : désormais, il suffirait de faire appel :

-  à des personnes que l’employeur ne paierait pas et qu’il n’aurait pas l’obligation d’embaucher (« personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions fixées par les articles L. 5135-1 et suivants » - la mise en situation en milieu professionnel est issue d’une loi scélérate du 5 mars 2014 qui permet de fournir de la main d’œuvre gratuite sous couvert de « découvrir un métier »,  de « confirmer un projet professionnel » ou d’ « initier une démarche de recrutement »)

-  ou à des non salariés (« travailleurs indépendants handicapés »), ce qui constituera sans nul doute une occasion supplémentaire de travail non déclaré.

 

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Lutte contre la prestation de service internationale illégale

 

On en est à 350 000 « travailleurs détachés » sur le territoire francais, faute de contrôles suffisants et de sanctions assez fortes. On trouve à Clermont-Ferrand des ouvriers du bâtiment pour 2,86 euros de l’heure, et en Gironde on vient d’en découvrir à 2,22 euros de l’heures payés 7 jours sur 7,  travaillant 11 h 30 payés 8 h. Ce sont des salariés que des patrons français surtout du bâtiment, qui touchent du CICE, et des millions d’aides de l’état, font venir de Hongrie, de Bulgarie, ou de Roumanie en les payant, au tarif de là-bas en matière de salaire brut, de cotisations sociales. C’est illég

al au regard du droit francais, mais le gouvernement le ministre du travail et de l’intérieur laissent faire. Il parait tous les jours des annonces de pseudo agences d’intérim qui proposent aux « employeurs » (délinquants) des salariés roumains ou bulgares « souples, à faibles couts », et « en toute qualité et légalité ». Elles ecrivent sans etre sanctionnées : c’est « la solution pour vos recrutements » par le « détachement de personne » au titre de l’article L 1262-1 du Code du travail. Elles affirment que l’utilisateur n’aura « rien à gérer » et qu’elles se chargent de toutes les formalités, dont la déclaration de détachement auprès de l’inspection du travail ». Elles mentent : « vous n’aurez aucune formalité à accomplir, pas de bulletin de salaire, pas de déclaration URSSAF, pas de cotisation sociale ». Les règlements se feraient sur la base d’une « facture hebdomadaire » et cela serait possible, dans les métiers du bâtiment (carreleurs, plaquistes, maçons, couvreurs, plombier, électriciens), de l’hôtellerie (femmes de ménages, serveurs, plongeurs) les métiers du bois (menuisier, charpentiers..) les métiers de service (aide soignante, chauffeur, jardinier, secrétariat) les métiers de l’industrie…

En fait elles jouent les intermédiaires entre des sociétés bidon de là-bas (que parfois, elles créent elles mêmes) et des sociétés d’ici pour court-circuiter l’emploi local. Parfois ce sont des cache sexe de grands patrons français. Elles imposent que ne soit payé ici qu’un Smic net, et non pas le Smic brut sous prétexte que la partie liée à la protection sociale serait prise en charge dans le pays d’origine…

En fait, on pourrait les contrôler, les sanctionner et empêcher ce grossier trafic de main d’œuvre à bas prix. On peut en effet, partir du fait que c’est le droit du travail français qui s’applique sur notre territoire, qu’il faut des « déclarations préalables à l’embauche », respecter les conventions collectives en matière de salaire, et forcément payer le Smic brut sur le bulletin de paie personnalisé (lequel n’est pas une facture hebdomadaire). On peut, en effet… avoir une inspection du travail forte et indépendante avec des effectifs et moyens suffisants pour dresser suffisamment de procès-verbaux suivis de condamnations des tribunaux correctionnels assez massives et brutales pour dissuader ces trafiquants.  Mais encore faut-il en avoir la volonté politique : car il s’agit de s’en prendre aux donneurs d’ordre notamment les gros « majors » du bâtiment qui tirent fortune de ce trafic infâme. Qu’attend-on pour mener une campagne combinée, syndicats, inspection du travail, police, juges et mettre fin à ce scandale en renforçant la loi. En allant jusqu’au bout, viser le donneur d’ordre, en haut : quand un pseudo travailleur détaché est découvert dans un chantier Bouygues que ce soit Bouygues qui soit sanctionné ! Mais non Macron rend plus compliqué la traque de ce trafic, et supprime les sanctions pénales contre les employeurs. 

 

 

Le projet de loi MACRON a eu raison de ne pas inscrire cette question dans la rubrique « Simplification ». Il s’agit ici (nouveaux articlesL. 1263-3 et L. 1263-4) de l’organisation du laisser-faire pour les infractions au détachement illégal de salariés.

 

Si un agent de contrôle constate des infractions au salaire minimum, à la durée du travail ou « des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine », il doit…donner un « délai » (qui sera fixé par décret…) à l’employeur pour se mettre en règle !

Si rien n’est fait au terme du délai, l’agent de contrôle doit…faire un « rapport administratif » à l’ « autorité administrative » (non désignée par le projet de loi, mais ce sera le D.I.R.E.C.C.T.E).

Celui-ci, au vu de ce rapport et « eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés » pourra, par « décision motivée » suspendre la prestation en question pour « une durée ne pouvant excéder un mois » ; il met bien sûr fin à la mesure si l’employeur justifie de la cessation de ses manquements ; et si l’employeur refuse de suspendre son activité, il peut fixer une amende administrative mais avec circonspection : il doit en effet tenir compte, non seulement les « circonstances et la gravité du manquement » mais aussi le « comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges ». Les employeurs ne sont décidemment pas des citoyens comme les autres.

 

 

5°)  Médecine du travail

 

Macron avait prévu de supprimer la médecine du travail, mais cela, semble t il est renvoyé a une loi parallèle de Thierry Mandon dite « de simplification » du code du travail et qui supprime celle-ci en douce.

 

 

La médecine du travail a été progressivement usée, déconsidérée, et le Medef veut l’abattre totalement.

Tous les arguments sournois et stupides sont utilisés : la médecine du travail serait déjà inutile ou asphyxiée, les médecins du travail seraient déjà en voie de disparition ou bien déjà vendus au patronat, la santé au travail serait déjà tellement mise à mal que ce serait un combat d’arrière-garde, il faudrait tellement la « moderniser » que, finalement, elle serait à ranger au rayon des vieilleries !

Hé, bien non, il faut une médecine de prévention, une  spécialité médicale, ancrée sur l’étude, le suivi des conditions de travail au sein même des entreprises. La médecine du travail n’est pas « généraliste » c’est une spécialité concentrée sur la connaissance pratique des postes, des atmosphères, des cadences, des risques psychosociaux au travail. Oui, la médecine du travail est déjà mal en point, oui, il manque déjà 600 médecins, et 1700 d’entre eux partent en retraite de façon imminente, oui certains centres font des visites de routine, ou bien « ratent » des gros problèmes de santé, faute de moyens et de suivi… mais cela provient d’une mauvaise gestion délibérée, du numerus clausus, de la démobilisation idéologique et pratique orchestrée par le patronat autour de la santé au travail.

Gattaz ne veut il pas aussi supprimer les CHSCT ?

Pourtant depuis 1998, c’est aux patrons de payer les conséquences des risques qu’ils font courir à leurs salariés ! Ce n’est pas à eux de contrôler la façon dont ces risques sont pris en charge,   combattus, et soignés !  Il faudrait davantage de médecins, davantage de visites, davantage de moyens, d’examens, au plus près de chaque entreprise, de chaque branche, de chaque métier, il faut dépister les maladies professionnelles et chaque accident sur le terrain, et tout cela doit échapper totalement au contrôle des patrons ! Ce n’est pas aux profiteurs de diriger les services de santé au travail, c’est aux exploités et à leurs syndicats, leurs institutions représentatives de les gérer. Les médecins doivent être totalement libres et indépendants dans l’exercice déontologique de leurs fonctions.

Voilà pourquoi PCF, PS, Europe-Ecologie Les VERTS, PG, NPA, LO, FASE, GU, CGT IEG, Solidaires, FSU, SNPTS, SSMT, Attac, Copernic, appel des 21 000 dont 1100 médecins et inspecteurs du travail bataillaient en 2011 pour défendre la médecine du travail ! (Cf D&S en 2001 :  http://www.non-mort-médecine-travail.net/

 

Des considérations générales du projet de loi Macron (« mesures relevant du domaine de la loi relatives à la constatation de l’inaptitude médicale et à ses conséquences au regard du salarié et de l’employeur, ainsi qu’au regard de l’organisation des services de santé au travail et des missions des personnels concourant à ces services, notamment celles des médecins du travail en vue de déterminer des priorités d’intervention au bénéfice d’une application plus effective du droit du travail dans les entreprises. ») ainsi que de l’ « étude d’impact » de la loi MACRON, on peut déduire le sort réservé à la médecine du travail.

L’étude d’impact a l’avantage de donner à voir les soubassements des changements législatifs :

-  il est expliqué clairement que l’obligation légale de la visite d’embauche ne peut être effectuée car il manque de médecins du travail et que « les employeurs sont donc dans une situation d’insécurité juridique » car la Cour de cassation sanctionnerait « lourdement » le non respect de l’obligation de sécurité.

-  La larme vient également aux paupières quand il est expliqué que les médecins du travail rédigent beaucoup trop d’avis d’aptitude comportant des restrictions d’aptitude ou des aménagements de poste (plus d’un million par an), pas toujours clairement (« difficultés d’interprétation ») et surtout empêcheraient par ce biais tout licenciement ! (« Tant que l’avis mentionne l’« aptitude », aucun licenciement ne peut être envisagé même si l’employeur est dans l’incapacité de suivre les recommandations et propositions du médecin du travail.”).

 

Dès lors, les « enjeux » selon l’étude d’impact, sur ces deux points : « Sécuriser les employeurs » et les solutions qui sont envisagées : moins de visites, moins de visites faites par les médecins (on ferait appel à « d’autres professionnels ») ; des avis d’aptitude faits par des « collaborateurs médecins » et un encadrement voire une suppression des « réserves ».

Au total, licencier plus et plus vite pour inaptitude, tel est la sécurisation recherchée par le projet de loi.

Mandon propose pour « simplifier »… des visites tous les quatre ans, et qu’elles puissent etre faites par les médecins généralistes.. 

 

 

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6°)  Amélioration du dispositif de « sécurisation de l’emploi » sic ?

 

 

L’ANI du 11 janvier puis la loi du 14 juin 2013 facilitaient déjà les licenciements. Le 5 juillet 2013, les personnels des DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ont été formés sur les nouvelles règles d’encadrement des PSE découlant de la loi du 14 juin de « sécurisation de l’emploi » issue de l’ANI.

Ce jour-là, sous l’autorité de Pierre-André Imbert, Conseiller au cabinet de Michel Sapin et de Jean-Denis Combrexelle, Directeur général du travail (DGT), Nadine Richard, chef de mission au fonds national de l’emploi (DGEFP), avait détaillé l’article 18 de la loi relative à la refonte du licenciement économique collectif et les DIRECCTE ont reçu pour consigne de se tenir à la disposition des entreprises pour qu’un accord puisse exister face a chaque PSE (plan de licenciements). L’objectif a été fixé : « zéro refus d’homologation ou de validation des PSE ».

C’est là que s’est mis en place une complicité assez inouïe et scandaleuse du ministère du travail avec les licenciements et l’extension du chômage. Michel Sapin et François Rebsamen, a contrario de leurs discours officiels qui prétendaient « inverser » la courbe du chômage, en fait, ont opté pour donner des « preuves d’amour » aux patrons : accepter tous leurs plans de licenciements. Zéro refus !

 

 

Pour la loi Macron, il s’agit en effet d’améliorer la loi scélérate du 14 juin 2013 qui a copié-collé l’ANI du 11 janvier 2013 qui, sur cette question, avait déjà beaucoup sécurisé…les licenciements. Le projet MACRON améliore cette sécurité-là.

En effet, après avoir dessaisi la justice civile et transféré à l’administration (le D.I.R.E.C.C.T.E) le soin de mettre dans un délai expéditif un coup de tampon (validation si accord collectif ou sinon « homologation »  du plan unilatéral de l’employeur), le but du MEDEF semblait atteint tant il craignait peu un simple regard sur la procédure de la part d’un directeur Régional si peu indépendant. Hélas, quelques tribunaux administratifs, saisis par des recours, ont osé critiquer ces coups de tampon trop expéditifs. Qu’à cela ne tienne, ce que MEDEF et Commission européenne veulent doit être exaucé sans traîner ; alors, si des tribunaux appliquent la loi d’une façon qui leur déplaît, on change la loi.

 

1/ Grâce à la loi du 14 juin 2013, l’employeur pouvait déjà, sur les quatre critères de choix des licencié(e)s, retenir prioritairement le critère qu’il voulait, par exemple le critère arbitraire de la « qualité professionnelle » au détriment des critères sociaux (charges de famille, âge, handicap, ancienneté). Le projet MACRON permet à l’employeur, en modifiant l’article L.1233-5 du Code du travail, de moduler même les critères choisis en  les fixant « à un niveau inférieur à celui de l’entreprise ». En clair, pouvoir choisir de licencier qui on veut, où on veut.

 

2/ Le projet MACRON simplifie les « petits licenciements » (de 2 à 9 salariés) dans les entreprises de plus de 50 salariés : plus besoin pour le D.I.R.E.C.C.T.E de vérifier si les représentants du personnel ont été « réunis, informés et consultés » selon les dispositions légales et conventionnelles, si les obligations relatives aux mesures sociales ont été respectées, et si les mesures pour éviter les licenciements et pour faciliter le reclassement « seront effectivement mises en œuvre » (nouvel article L.1233-53)

 

3/ Le projet MACRON simplifie les efforts de reclassement pour les grandes entreprises implantées sur plusieurs pays : elles n’auront plus l’obligation de chercher un reclassement en dehors du « territoire national » (nouvel article L.1233-4).

Le lien avec la disposition suivante qui est modifiée est peut-être subtil : en effet, le projet MACRON n’impose plus à ces grandes entreprises de demander au salarié dont le licenciement est envisagé  s’il accepte de recevoir des « offres de reclassement » à l’étranger, il impose une humiliation supplémentaire au salarié à qui il revient désormais de « demander à l’employeur » de recevoir des « offres d’emploi situés hors du territoire national disponibles dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient.  » 

              Outre l’humiliation, un décret doit préciser les modalités d’application de ce nouvel article L.1233-4-1 du Code du travail : recevoir une offre de reclassement est-elle la même chose que recevoir une offre d’emploi disponible ?

4/ Le projet MACRON simplifie beaucoup les licenciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en modifiant l’article L.1233-58.

En effet, «  au regard des moyens dont dispose l’entreprise », en clair au regard de son expertise en trémolos, elle pourra désormais s’exonérer de ses obligations prévues par les pourtant tout récents articles L.1233-61 à L.1233-63 : faciliter le reclassement des salariés, notamment des âgés et des fragiles.

En outre, pour les entreprises qui font partie d’un groupe, il n’y aura plus d’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement au niveau du groupe, mais seulement « dans l’entreprise ». L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur est simplement invité à « solliciter » les entreprises u groupe pour avoir une liste de postes disponibles.

 

5/ Le projet MACRON simplifie beaucoup le licenciement sans retour et sans indemnités des salariés pour lesquels le tribunal administratif aurait annulé la décision de validation ou d’homologation du plan de licenciement.

L’actuel article L.1235-16 prévoit qu’en dehors du cas où le tribunal administratif annule la décision du D.I.R.E.C.C.T.E pour « absence ou insuffisance » du plan de sauvegarde de l’emploi (ce qui entraîne la nullité de la procédure de licenciement), l’annulation pour un autre motif entraîne soit la réintégration du salarié, soit, en cas de refus de l’employeur, le versement d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Désormais, par la modification de ce tout récent article L.1235-16, si la décision de l’administration a été cassée pour « insuffisance de motivation », on est un peu dans Ubu : la loi prévoit benoîtement que l’administration « prend une décision suffisamment motivée »…( !) ; que le jugement du tribunal administratif ne modifie pas la « validité du licenciement »… et donc « ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge  de l’employeur ».

 

 

7°)   Insécurisation des représentants du personnel

Le dossier de presse remis le 10 décembre pour la présentation du projet MACRON permet de savoir, enfin, ce qui se cachait derrière la volonté, discrètement affichée, de modifier la sanction pénale pour les entraves au droit syndical et aux fonctions de représentant du personnel (DP, CE , CHSCT) : rien de moins que la suppression de la peine d’emprisonnement associée jusqu’ici au délit d’entrave (« susceptible de dissuader les sociétés étrangères d’investir dans les entreprises françaises… »).

 

Et, peut-être plus encore, suppression de toute peine pénale, la formulation du dossier de presse (« les sanctions pénales associées au délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel seront remplacées par des sanctions financières. ») pouvant laisser entendre que les sanctions financières pourraient n’être plus qu’administratives…

 

 

 

Le délit d'entrave devient moins sanctionnable

 

Est-ce si choquant qu’un patron qui fait entrave aux lois d’ordre public social concernant l’instauration et le fonctionnement des institutions representatives du personnel, (comité d’entreprise, délégués du personnel…) soit punissable de peines de prison ? Cette peine figurait dans le Code du travail.

 

En fait, les juges n’ont jamais prononcé de peine de prison pour délit d’entrave. Mais la menace existait quand même. En mai 2010 deux dirigeants de l'usine Molex, appartenant à un groupe américain, avaient été condamnés à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Toulouse pour ne pas avoir informé les représentants du personnel avant d'annoncer la fermeture de l'usine.

 

Certains grands patrons étrangers auraient dit leur inquiétude face à ce risque pénal, exceptionnel et si peu appliqué. Leurs avocats auraient souvent agité ce chiffon rouge, leur conseillant la plus grande prudence et les mettant en garde contre "la tentative de délit d’entrave". Evidemment on nous raconte, sans preuve, non pas que cela aurait dissuadé certaines entreprises de violer nos droits, mais que cela les aurait empêchées de s’installer en France.

 

Aussi, le président de la République lui-même a t il annoncé lors du deuxième "conseil stratégique de l'attractivité" ouvert aux patrons étrangers qui s’est tenu le dimanche 19 octobre à l'Elysée. que cet article du droit pénal du travail serait annulé. "Les peines pénales associées au délit d'entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prisons qui n'étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières, et c'est mieux qu'il en soit ainsi",

 

Macron execute cette volontés présidentielle pro patronale. En contrepartie de la suppression de cette peine, le ministre du Travail avait envisagé que les contraventions, aille au-delà des modestes 3.750 euros actuels. Mais quel niveau d’amende sera assez dissuasif envers des actionnaires milliardaires lointains pour leur faire respecter notre droit du travail ?

 

Poser la question c’est y répondre : si la menace de prison n’était qu’un chiffon rouge, l’amende les fera rire. Une fois de plus, on est loin du Francois Hollande au Bourget, menacant la délinquance financière : “La République vous rattrapera”. Au moment de prendre leur decision de fermer, pour causes boursières, des entreprises, rien ne sera plus capable, même à l’état de menace, d’empêcher les spéculateurs de ne pas consulter les salariés.

 

 

 

8°)  On peut gagner dans l’unité et battre le projet de loi Macron :

Il y a cette fois des centaines de députés qui peuvent voter contre. Plus de 120 députés dont 10 ministres actuels, se sont opposés au travail du dimanche en décembre 2008. On vient de le leur rappeler. Mais il faut argumenter serré, sur le fond. En detail.

Le rejet du travail du dimanche, ce n’est qu’une accroche, une approche de la loi. Mais c’est aussi une entrée : on peut convaincre aussi contre le “travail en soirée”. Et pour proteger les prud’hommes et l’inspection… On peut souligner que faciliter les licenciements, c’est faciliter le chômage…

Donc il y a possibilité de victoire à l’Assemblée. Certes la menace de dissolution avait été formulae par Francois Hollande et la menace d’exclusion par Jean-Christophe Cambadelis au moment du possible non-vote sur le budget 2015 et sur la LFSS… (cf argumentaire ci après sur la possibilité d’équilibrer les comptes de la sécu…)

Mais là, contre la loi Macron, un coup de force retrograde par ordonnance, il doit être possible de rassembler assez de députes conscients et courageux pour la rejeter. C’est donc significatif que le gouvernement envisage de procèder par ordonnance et menace de 49-3.

Mais cette fois, le PS, en tant que tel, est officiellement opposé à l’ordonnance et à son contenu sur plusieurs points : le travail du dimanche et en soirée notamment. Et, derriere sur les questions des seuils sociaux, de la déréglementation du droit du travail… Il y a aussi de fortes oppositions et contradictions : la Mairie de Paris par exemple, à reculons, recherche le compromis à 7 dimanches, cinq de moins.

Et la pression syndicale est grande, et il y a une certaine unité là-dessus. Comme sur le reste de l’ordonnance Macron, il y a place pour une réaction unitaire syndicale. C’est souhaitable, comme en Belgique.

La preuve de la faiblesse de l’ordonnance où loi Macron c’est qu’elle a déjà été épurée lorsqu’elle est passée une premiére fois en Conseil des ministres :  elle a été diminuée de 160 articles à 107, et probablement ca va continuer. Ce qui n’enleve pas les dangers : ils annoncent des lois ad hoc sur l’inspection du travail, ou sur la medecine du travail qui complèteront le dispositif, mais elles seront votes à part, pour masquer les plus méchants des projets.

Et si cette loi Macron est cadeau au Medef, si elle est le complement des 41 milliards de CICE… le Medef n’en est pas du tout reconnaissant au gouvernement ! Il manifeste même contre lui ! Contrairement à ce que prétend Manuel Valls sur les televisions  (démentant Macron qui, lui, a reconnu, un temps, l’échec du Pacte de responsabilite) il n’y a pas 7 signatures de branches mais une seule (la branche chimie et elle n’apporte aucun emploi).

Enfin, la loi va arriver sur le bureau des Assemblées vers les 20 ou 22 janvier 2015. Elle sera discutée tout au long de février et mars. Or on est à deux mois des cantonales. Des metiers et branches vont se mobiliser pendant les mois a venir…Une poussée syndicale a de fortes chances d’être entendue. Encore faut il que toutes les forces de gauche s’associent pour créer un climat d’indignation et de lutte dés janvier.

La gauche socialiste sera en pointe, c’est aussi une occasion pour elle de s’unifier en pratique, sur le terrain, à la veille du depôt des motions pour le congrès du Parti socialiste des 6 et 7 juin.

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/gerardfiloch

 

 

 


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