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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 20:00

 

 

C'est même à ça qu'on les reconnaît
FMI : ses économistes se plantent tout le temps !

 
Régis Soubrouillard

Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales

Une étude d'économistes du FMI présentée le 15 juin met en cause la théorie du "ruissellement", fondement depuis des dizaines d'années du libéralisme économique, et qui veut que l'enrichissement des plus riches profite à la croissance générale et par ruissellement à l'ensemble des couches sociales. A cette occasion, "Marianne" revient sur quelques théories économiques vendues comme implacables par le FMI et qui se sont révélées de parfaites supercheries, reconnues par le FMI lui-même. Ainsi, par exemple, de l'austérité basée sur une erreur de calcul...
 
 
World Bank Photo Collection - Flickr - cc
 

L’économie n’est pas une science exacte, on le savait. Pour d’autres, de plus en plus nombreux, elle relève plus de la pensée magique dont les prophètes, sûrs de leurs évidences inaccessibles, assènent leurs pronostics de jours meilleurs à venir à condition pour les « petites gens » de toujours se serrer la ceinture. D’attendre et de voir. Les experts du FMI ne feront rien pour redorer le blason des élites économiques. Nombre de leurs ordonnances à respecter pour sortir de la crise se sont révélées d’énormes fourvoiements, dont on se demande d’ailleurs si le seul « droit à l’erreur » est une excuse suffisante quant à partir de ces diagnostics des centaines de millions de personnes ont été soumises à des politiques d’austérité pendant plusieurs années.

En janvier 2013, l’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, gourou du FMI, tête pensant de DSK, alors à la tête de l’institution avait admis une faute : avoir sous-estimé les effets néfastes des cures d’austérité préconisées par le fonds monétaire depuis des années. Une simple erreur de calcul sur un coefficient multiplicateur. Trois fois rien. Le problème étant que c’est à partir de ce type de calculs fumeux et approximatifs que le FMI élabore de savantes théories économiques qu’il impose aux gouvernements du monde entier. A l’époque, Marianne avait fait sa une sur cette erreur de calcul aux conséquences dévastatrices : « Dans son “Panorama de l’économie mondiale” publié en octobre dernier, le FMI a d’abord reconnu, au détour d’une page repérée par les seuls spécialistes, que les multiplicateurs actuels pouvaient être compris “entre 0,9 et 1,7”. C’est-à-dire entre deux et trois fois plus ! (…) Les conséquences sont abyssales : en obligeant les gouvernements d’Europe du Sud à réduire drastiquement les salaires des fonctionnaires et les pensions des retraités, le FMI a fait plonger la demande intérieure deux à trois fois plus vite que prévu. La suite, hélas, est connue : faillites en série, explosion du chômage et manifestations monstres dans les rues d’Athènes ou de Lisbonne. Comme le dit le proverbe japonais, “Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou” ».

"Une croissance plus forte des salaires est essentielle pour que les perspectives macroéconomiques [reviennent au vert]"

Ce qui aurait pu servir de leçon n’a en fait servi à rien. Régulièrement des études, produites par de grandes institutions financières américaines, que l’on pourrait juger complètement masochistes, viennent remettre en cause, les politiques économiques qu’elles préconisent mais sans jamais qu’il n’y ait la moindre évolution politique constatée. En septembre 2014, la banque Morgan Stanley publiait ainsi une étude qui démontrait qu’une augmentation toujours plus forte des inégalités salariales plombait tout retour de la croissance. « Une croissance plus forte des salaires est essentielle pour que les perspectives macroéconomiques (reviennent au vert), car cela aiderait à ce que les ménages dépensent plus largement et ce dans tous le spectre des revenus » écrivent les auteurs qui en appellent alors très clairement à une hausse générale des salaires dans leur étude destinée aux barons de la finance. Aussi vite publiée par la banque, aussi vite l'étude est-elle oubliée par les dirigeants politiques qui n’ont pour horizon économique que l’austérité...

Dans le même ordre d’idées, dans une toute récente étude sur les inégalités, des économistes du FMI se sont permis récemment une folie estivale : contester la théorie libérale du « ruissellement ». L’idée que l’enrichissement des plus riches par ruissellement — l’image est belle… — finit toujours par contribuer à la croissance et donc à la réduction des inégalités. Fumisterie ! Les économistes du FMI capables de penser contre eux-mêmes auraient désormais établi que plus la fortune des riches s’accroît, moins la croissance est forte. Selon leur calcul, si les 20 % les plus riches augmentent leur fortune de 1 %, le PIB global lui baisse de 0,08 %. « Cela semble suggérer (sicque les bénéfices ne retombent pas » sur les plus pauvres, écrivent les économistes du FMI. Thatcher et Reagan doivent se retourner dans leur tombe et même faire un double salto car les économistes préconisent la mise en place d’une politique totalement inverse à celle recommandée jusque-là par les institutions libérales : une augmentation de 1 % de la part des revenus détenus par les 20 % les plus pauvres est associée à une croissance plus forte de 0,38 %.

Dans son édition du jour Le Monde cite, lui, une étude de l’OCDE parvenue globalement aux mêmes conclusions : « l’augmentation des inégalités entre 1985 et 2005 a coûté près de 4,7 points de croissance cumulée dans les pays avancés », compte tenu du sort réservé aux 40 % les plus défavorisés.

 "En 2010, Europe et FMI ont délibérément refusé de considérer la Grèce comme insolvable dans le but de protéger les intérêts des grandes banques européennes"

Dernier point, ces économistes hétérodoxes du FMI démontent une autre certitude du FMI et de toutes nos élites politiques et économiques en écrivant que « des règles plus souples d'embauche et de licenciement, des salaires minimums plus bas et des syndicats moins puissants sont associées à de plus grandes inégalités » ou encore qu’« une période prolongée d'inégalités plus élevées dans les économies avancées a été associée à la crise financière (de 2008-2009) en renforçant l'endettement par effet de levier (...) et en permettant aux groupes de pression de pousser vers plus de dérégulation financière ».

Même au sein du « board » du FMI, certains semblent douter de la stratégie mise en place pour sauver la Grèce, par exemple. C’est le cas du « frondeur » brésilien Paulo Batista. Comme nous le relevions en mars dernier et comme le remarque aujourd'hui la blogueuse-essayiste Coralie Delaume, celui-ci a récemment expliqué que les sommes reçues par Athènes avaient été principalement utilisées pour « permettre le désengagement, par exemple, des banques françaises ou allemandes ». Constat confirmé par Philippe Legrain, ancien conseiller économique de José Manuel Barroso, auditionné jeudi dernier par la « commission pour la vérité sur la dette grecque », mise en place par le Parlement grec. Il raconte qu’en « 2010, les grands dirigeants européens et le directeur du FMI de l’époque, Dominique Strauss-Kahn, ont délibérément refusé de considérer la Grèce comme insolvable dans le but de protéger les intérêts des grandes banques européennes. En effet, selon les statuts du FMI, cette institution ne pouvait pas prêter à un État dont la dette était déjà insoutenable ». Comme le note encore Delaume, il était néanmoins indispensable de prêter à la Grèce, non pas pour sortir les Grecs de la crise, mais pour « aider les banques françaises et allemandes, principales créancières d’Athènes et respectivement engagées à hauteur de 20 et 17,2 milliards d’euros, à retirer leurs billes sans une égratignure ».

En plus de multiplier les erreurs théoriques, nos grands experts se plantent donc aussi, et c’est fort logique, quand ils passent aux travaux pratiques. 

Peut-être faudra-t-il, un jour, demander des comptes à ces institutions internationales qui régulent l’ordre économique — et social — mondial sans aucun mandat politique venu des peuples, qui mettent la pression sur les gouvernements, imposent des règles indiscutables à des pays encore souverains à partir d’études pseudo-savantes, dont on voit assez rapidement les catastrophes sociales bien concrètes qu’elles produisent mais dont il faut des années pour en démontrer l’impéritie économique.

L’ensemble de ces études ne feront malheureusement pas évoluer les politiques économiques de ces gouvernements et institutions sûrs de leurs certitudes. Même si elles vacillent les unes après les autres. En juillet 2012, Mario Draghi déclarait dans un entretien au Monde « l’euro est irréversible ». Aujoud’hui, chaque jour, les marchés tremblent au rythme des alertes au « Grexit » qui feraient trembler cet euro, loin d’être aussi fort qu’on nous l’a survendu depuis les années 80. Après tout, Keynes avait sans doute raison « la seule chose dont on soit sûr c’est qu’à long terme, nous serons tous morts ».

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 17:41

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Evasion fiscale
"Depuis 2002, 30 000 emplois ont été supprimés dans l’administration fiscale"

Propos recueillis par
Bruno Rieth
 
 
Alors que Bruxelles a présenté son plan contre l'évasion fiscale des entreprises, que le gouvernement a annoncé sa volonté de mettre en place le prélèvement à la source, "Marianne" s'est tourné vers Rachel Hug, membre du syndicat Solidaires Finances publiques à la Direction nationale d’enquêtes fiscales. Elle participe ce jeudi, avec l'économiste et animateur du site Les-Crises.fr, Olivier Berruyer, et le lanceur d’alerte, Hervé Falciani, au colloque organisé au Sénat, à l’initiative de la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann, sur le thème de la lutte contre l’évasion fiscale et de la régulation de la finance.
 
Le ministère de l'Economie - JPDN/SIPA
 

Marianne : Où en est-on aujourd'hui, sept ans après le début de la crise, de la lutte contre l’évasion fiscale en France ?
Rachel Hug : La question de l’évasion fiscale reste un sujet particulièrement complexe qui tient aux frontières floues qui existent en la matière, entre l’optimisation fiscale permise par la loi, l’optimisation fiscale abusée qui fleurte avec l’illégalité et la fraude fiscale délibérée. On estime que la fraude fiscale coûte 80 milliards d’euros à la France par an. Ce qui représente un manque à gagner énorme, une source d’injustices, et alimente une remise en cause de l’acceptation de l’impôt. Le problème en matière fiscale — je pense aux lois qui sont votées au Parlement sur la question — est qu’il y a souvent un décalage entre l’affichage et le concret, entre ce qui est dit et les moyens mis en œuvre. Il y a eu en 2008, en France, une véritable prise de conscience de l’enjeu de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. L’étendue de la crise financière aura eu cette conséquence. Depuis, il y a donc eu des avancées : la création de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) en 2009 ou bien la mise en place du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) qui s’occupe de régulariser les cas de fraudeurs repentis. Mais, à chaque pas en avant, il y a comme une impression que l'on s'arrête en milieu de chemin. Concernant le STDR, pourquoi ne pas lui avoir permis d’utiliser des informations qui lui sont transmises — et je vais vous paraître extrême — quelle que soit leur provenance ? Je pense aux informations qu’avait fournies Hervé Falciani — une liste de 130 000 comptes chez HSBC appartenant à des évadés fiscaux présumés — et que l’administration fiscale n’a pas eu les moyens d'exploiter immédiatement… Un autre exemple d’actualité est la création d’un statut pour les lanceurs d’alerte. L’idée est bonne mais malheureusement, on ne va pas assez loin dans leur protection ce qui limitera à coup sûr son impact…

Est-ce à dire que la France ne dispose pas d’un corpus législatif suffisant pour lutter efficacement ?
Plus qu’un problème d’arsenal législatif, il y a un manque crucial de moyens humains et matériels dans la lutte contre l’évasion fiscale. Depuis 2002, sur les 140 000 emplois que compte l’administration fiscale, 30 000 ont été supprimés. Dans un grand groupe, on appellerait ça, ni plus ni moins, un plan social… Surtout, avec l’augmentation des missions et la complexité des montages financiers pour frauder l’impôt, la charge de travail ne cesse d’augmenter. On reparle en ce moment de mettre en place la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. En Angleterre, 15 000 agents sont chargés de traiter les dossiers de l’impôt sur le revenu, en France… 12 000. Le manque de moyens humains est l’un des freins essentiels à la détection des fraudes fiscales. L’autre élément tient à des dispositions comme le régime d’imposition simplifié (RSI) ou le crédit impôt recherche (CIR) qui sont — on a le recul nécessaire pour le savoir — très « fraudogènes » et qui mériteraient donc, soit un encadrement plus strict, soit une attention toute particulière. Mais pour l’instant, il ne semble pas y avoir de volonté politique de le faire. Enfin, il faudrait, dans les cas des systèmes de fraudes volontairement mis en place, des sanctions exemplaires et une publicité de ces sanctions. Le système américain est un bon exemple dans sa fermeté et dans les montants des indemnités demandées aux entreprises, lorsqu’elles enfreignent les règles dommageables pour l’Etat. On l’a vu dernièrement avec le traitement de la BNP, la sanction est dissuasive.

Selon vous, que faudrait-il mettre en place pour que la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale soit renforcée ?
Il faudrait déjà mettre en place de véritables outils pour tirer le bilan de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Pour l’instant, il n’existe que trois indicateurs qui ne sont pas suffisants pour véritablement prendre la mesure de l’efficacité et de l'impact des dispositions mise en place et du travail de terrain. D’autant qu’il y a un certain mystère, pour ne pas dire opacité, du côté de Bercy, sur certains éléments concernant la lutte contre l’évasion fiscale. Mais plus généralement, il y a, lorsque des nouvelles dispositions sont adoptées en la matière, toujours ce même sentiment que l’on s’arrête en bon chemin, que l’on ne va pas au bout de la logique. Par exemple, l’échange automatique d’informations entre les administrations nationales est indéniablement un plus. Mais les informations susceptibles d’être transmises concernant les comptes en banque ne seront que les soldes bancaires. Ce sera certes efficace pour détecter une fraude à l’ISF, mais pour tout ce qui relève d’un schéma plus complexe, cela ne servira pas ! Il serait plus judicieux d’ajouter, en cas de fortes suspicions d’un Etat sur des fraudes, un canal de communication entre les vérificateurs des administrations fiscales des pays respectifs, avec un échange d’informations bien plus poussé et précis. Enfin, je le répète, la question des moyens humains et matériels est primordiale. Là encore, nous sommes confrontés à des situations ubuesques. Un simple exemple, depuis le 1er janvier 2014, les entreprises tenant une comptabilité informatisée sont obligées de mettre à disposition, en cas de contrôle fiscal, les fichiers comptables sous forme numérique au vérificateur. Sauf qu’à plusieurs reprises, j’ai constaté que des collègues n’avaient même pas d’ordinateur suffisamment puissant pour exploiter ces données…

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 17:24

 

 

Arrêt sur images 18/06/2015 à 10h34
Nutella, le Waterloo de Royal
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images
 
 
 
 

Le Nutella aura été son Waterloo. Quelques heures à peine après avoir appelé à boycotter la pâte à tartiner, pour cause de présence d’huile de palme dans sa composition, Ségolène Royal capitulait piteusement, sa défense puissamment enfoncée par les troupes nutellistes. Il est exceptionnel de voir un ministre français s’excuser en rase campagne. Le ministre français, infaillible par définition puisqu’il est passé par Sciences Po et l’ENA, meurt volontiers, mais ne se rend pas.

 

Nutella fondu sur les doigts (Linda/Flickr/CC)

 

Depuis ce mercredi, mes confrères s’interrogent. Est-ce la « colère de Rome », en défense de Ferrero, fabricant du Nutella, qui a eu raison de Royal ? En allant déguster avec sa fille une crêpe au Nutella, l’épouse de Matteo Renzi a-t-elle fait plier la Française ? Ou bien la ministre a-t-elle été vraiment convaincue par les efforts allégués par Ferrero, expliquant qu’elle produit sa pâte avec de « l’huile de palme durable » (défense de rire) ?

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Une usine chez Fabius

Plus vraisemblablement, avant de partir en campagne contre les noisettes à l’huile, Royal aurait dû regarder attentivement une carte de France. Où est produit le Nutella consommé en France ? Dans l’usine de Villers-Ecalles, à l’ouest de Rouen, en Seine-Maritime, qui emploie 350 personnes. La Seine-Maritime ? Attendez. Ne serait-ce pas le département d’élection d’un ministre influent, nommé Laurent Fabius ? Tout juste.

Lequel Fabius est en si bons termes avec Ferrero que le palais des sports de Rouen, en 2011, a été baptisé le « Kindarena », du nom d’une autre friandise Ferrero (cherchez bien), en échange d’une redevance de 4,6 millions d’euros pour un partenariat de 10 ans. Cela s’appelle le « naming », variante du sponsoring (aucun rapport avec le swating, dont je vous parlais hier, et qui a encore sévi cette nuit).

Rien de neuf : les fabricants de produits gras ont toujours fait l’impossible pour contourner toutes les lois, et associer leur nom, par tous les moyens possibles, à des activités sportives. Comme l’écrivait alors avec humour La Tribune, Rouen a échappé au Nutellarena, ou au Mon Chéri Stadium. Ferrero sponsorise aussi d’ailleurs le club local de basket, le SPO Rouen. On apprendrait, dans les prochains jours, qu’on s’est balancé quelques noisettes en coulisses entre Fabius, Hollande et Royal, qu’on n’en serait pas autrement étonnés.

 

Publié initialement sur
Arretsurimages.net

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 13:38

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Piketty à Besancenot : "Je ne m’intéresse pas qu’au grand soir, mais au jour d’après"

 
Paul Conge
Lundi 15 juin, l’économiste était invité à un débat en petit comité avec Olivier Besancenot, le chef de file du NPA, pour discuter de son livre "Le Capital au XXIe siècle". S’il est toujours paru plus proche de la gauche dite réformiste que révolutionnaire, Piketty n’en déclare pas moins reconnaître les "rapports de domination" exercés par le capital... Match idéologique.
 
Photos : Stefan Boness/Ipon et Chauveau
 

« Il est en scooter, il ne va pas tarder. » Lundi 15 mai, à 18 heures, dans la petite salle du Centre International de culture populaire (CICP) dans le 11e arrondissement de Paris, Olivier Besancenot est annoncé avec dix minutes de retard : sa poste est en grève. Un coup de vent plus tard, il rapplique : présent ce soir-là, l’économiste Thomas Coutrot, d’Attac, l’intercepte au vol et l’embarque pour le photographier sur l’une des fameuses chaises fauchées à la banque HSBC « pour rembourser le manque à gagner de l’évasion fiscale », explique-t-il. Puis, micro en main, Besancenot tacle tour à tour Mélenchon, « qui cherche en Allemagne des survivances bismarckiennes », et la « marinière » de Montebourg. A ses côtés, l'économiste Thomas Piketty reste stoïque : est-il bien à sa place dans ces locaux tapissés de stickers antifas, d’autocollants révolutionnaires et de journaux trotskystes ?

Convié au débat sur « le capital » du collectif Pour l'émancipation, proche du NPA, Piketty est arrivé sans le perfecto de l’anticapitaliste type. Son contradicteur pour la soirée, Besancenot a d'ailleurs ironisé à l’entame : « Il ne sortira pas d’ici marxiste, anticapitaliste et révolutionnaire. Enfin, on verra. » « Je ne m’intéresse pas seulement au grand soir, mais au jour d’après », crachote en réponse au micro l'auteur du Capital au XXIe siècle. La sentence résonne dans les travées de ce petit repère de militants de la gauche révolutionnaire, et les visages deviennent curieux. Idéologiquement parlant, la vedette du soir est isolée. Mais, ce lundi, l’économiste en surprend tout de même plus d’un avec ses sorties lapidaires : « Le capitalisme d’aujourd’hui ressemble au capitalisme exacerbé de la fin du XIXème siècle. »

Piketty porterait-il une nouvelle casquette ? Le mariage Besancenot-Piketty semblait pourtant voué à sa perte avant même de pouvoir être célébré. L’un, militant marxiste, cause de « lutte des classes ». L’autre, statisticien, parle de « lutte des déciles ». Le premier rêve d’insurrection populaire, le second espère réformer par la fiscalité. Devant l’audience, le chef de file du NPA lui reproche par conséquent de « considérer le capital comme un amas de choses, et non comme un rapport social de domination » — bref, de ne pas être marxiste. Et au bout, le professeur le confesse : son programme n’est « pas révolutionnaire ».

De toutes façons, depuis la parution de son best-seller économique, la gauche critique n’en finit plus de clouer Thomas Piketty au pilori du « réformisme », une insulte pour elle. A force d’entrevoir l’impôt comme solution — même temporaire — aux inégalités fabriquées par le capitalisme, Piketty occulterait l’oppression exercée par le capital sur les salariés. Dans l’émission Ce soir ou jamais, Frédéric Lordon lui avait passé le même savon. Et ainsi de Besancenot : « Le capital, c’est aussi de la spoliation », lui rétorque l’ancien candidat à la présidentielle, « il faut parler du burn out, de ces salariés qui pètent les plombs ».

 

Et pourtant, les travaux de Piketty ont cet avantage majeur d'être exploitables par tout le spectre de la gauche, jusqu'à cet gauche radicale qui se gargarise de ne pas se compromettre dans la réforme, son ouvrage proposant des chiffres, analyses et solutions clefs en main à qui veut bien les prendre. Et, mitraillé ce soir par les questions des militants, Piketty reprend les mots et les objets de ses contradicteurs : oui, la propriété exerce une « violence » et un « rapport social de domination ». Mais, à sa proposition d’augmenter les droits de vote des salariés sur les orientations de l’entreprise, on lui rétorque « autogestion », « rupture avec l’économie de profits ». Les craquelures laissent place aux fractures. Tandis que la salle se vide, Olivier Besancenot, content du débat, confie finalement : « Ce n’est pas un anticapitaliste qui a écrit ce livre. Mais ce qui nous unit, c’est l’envie de discuter du capital, même si on sait ce qui nous sépare... » Et ce qui les sépare, ce n'est pas simplement leur rapport au capitalisme, c'est aussi la manière de faire accéder leurs idées pouvoir.

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

 

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 15:09

 

Source : http://www.marianne.net

 

L'Europe en 2020 : toujours plus d'abandons de souveraineté ?

 
Régis Soubrouillard

Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales

 
 
L'info est passée totalement inaperçu mais le quotidien "Le Monde" a révélé le contenu de la "lettre des quatre présidents", un rapport qui annonce ce que nous réserve la zone euro à l'horizon 2020. Toujours plus d'abandons de souveraineté, de la sueur, mais aussi un projet de réassurance pour les organismes nationaux de sécurité sociale qui connaitraient des difficultés. Globalement, la philosophie de Berlin continue d'inspirer largement les cerveaux des dirigeants de l'Union européenne. Le projet sera présenté fin juin aux dirigeants des Etats européens. A moins qu'un Grexit...
 
JAUBERT/SIPA
 

Le document ne circule en ce moment qu’entre Bruxelles et Francfort et, accessoirement, dans les rédactions de quelques grands journaux européens qui en distillent des bribes qui passent inaperçues. Pourtant la « lettre des quatre présidents » annonce bel et bien ce que nous réserve la zone euro à horizon 2020. Ce projet de rapport rédigé par Mario Draghi pour la Banque centrale européenne, Donald Tusk pour le Conseil européen, Jean-Claude Juncker pour la Commission et Jeroen Dijsselbloem pour l’Eurogroupe, a très partiellement été dévoilé par Le Monde le 12 juin dernier. Et son contenu doit être présenté aux présidents des Etats européens les 25 et 26 juin prochains.  

Selon le quotidien, cette « lettre des quatre présidents » fait le constat que l’Union économique et monétaire (UEM), serait « comme une maison qui a été construite il y a des années mais qui n’est pas encore terminée. Quand la tempête est venue, ses murs et son toit ont dû être renforcés dans l’urgence. Mais il est aujourd’hui grand temps de consolider ses fondations ». D'autant que les présidents doivent faire face à des demandes très contradictoires : de la rigidité germanique aux menaces de plus en plus pressantes de Grexit, jusqu’aux demandes britanniques d’assouplissements de certaines règlements de l’Union européenne auxquels il faut également ajouter les revendications des jeunes entrants.

"Entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019, l’Eurozone pousserait plus loin l’intégration, avec à la clé, s’il le faut, la nécessité de changer les traités"Globalement, l’approche générale de ce que le journal Le Monde révèle semble plus répondre à la « philosophie de Berlin » du serrage de boulons qu’à la souplesse londonienne. Aucune surprise en l’espèce. L’Union européenne est maintenant depuis des années du côté du manche de Merkel et la chancelière entend tout faire pour qu’elle le reste. C’est donc de la sueur et des larmes, toujours et encore, qui attend demain les Européens. L’argumentaire est sans surprises. Le cerveau de nos leaders européens est une mécanique parfaite qu’aucune crise d’ampleur ne viendra jamais enrayer.

Le document rappelle que l’Union économique et monétaire « fondée sur un donnant-donnant : l’abandon partiel de souveraineté qu’implique l’adoption de l’euro, doit permettre, en retour, l’utilisation d’une monnaie stable, dans un marché unique puissant et compétitif ».  Les abandons de souveraineté politique ont été effectivement consentis partout en Europe au fil des années, parfois contre la volonté des peuples, mais contrairement, au « donnant-donnant » formulé, jamais l’Union européenne n’a réussi à s’imposer comme un marché unique puissant et compétitif capable de garantir aux membres de l’Union une croissance durable et de protéger les Etats contre les crises internationales. D’ailleurs, ce serait là un des objectifs de ce nouveau renforcement de la zone euro que de se montrer capable de répondre aux chocs économiques.

L’ébauche du rapport propose ainsi une démarche en deux temps avec, pour commencer, une entrée en douceur qui sonne comme un apaisement après des années pénibles durant lesquels les peuples européens ont globalement rejeté l’UE : « D’abord, entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2017, il s’agirait de tirer mieux parti des textes européens existants, pour davantage coordonner les politiques économiques et renforcer la compétitivité dans la zone euro ». Un fois passées ces deux années pleines de romantisme, nouveau tour de vis, l’Europe repart en campagne : « Ensuite, entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019, l’Eurozone pousserait plus loin l’intégration, avec à la clé, s’il le faut, la nécessité de changer les traités ». Comme un air de déjà-vu... 

Sur le modèle des si joyeux critères de Maastricht, les présidents envisagent alors la mise en place de nouveaux critères de convergence, qui sonne comme un embryon de budget européen, « dans le domaine de la compétitivité des marchés des biens, de l’environnement des affaires et de la cohésion sociale » et dont le respect serait la condition pour profiter des mécanismes de redistribution européens. On anticipe déjà l’usine à gaz.  Mais selon le pré-rapport, ces mécanismes seraient destinés à « faciliter l’absorption des chocs de croissance pour les pays mais pas, cependant, à pallier leur absence de réformes structurelles ».

 

Sur le plan social, de nouvelles mesures sont également évoquées face au constat de la multiplication des crises et de l’incapacité de l’Union à les enrayer. Le journal allemand Die Presse, qui a eu également la primeur du document, évoque de son côté un mécanisme de réassurance européen pour les institutions de sécurité sociale « nationales ». Des Etats européens pourraient se tourner vers cette institution en cas de hausse brutale du chômage qui menacerait la solvabilité d’une caisse de sécurité sociale. De nombreux critères de convergence sont également prévus avant toute mise en place pour éviter notamment que « l’Allemagne ne vienne à financer sur le long terme le système de sécurité sociale d’un autre pays » écrit le journal.

 

L'UE envisage la création d'une autorité de surveillance de la compétitivité pour veiller à une évolution comparable de la productivité et des salaires dans tous les Etats

Une autorité de surveillance de la compétitivité nouvellement créée devrait aussi veiller à une évolution comparable de la productivité et des salaires dans tous les Etats de l’Union. Un effort que l’on pourrait trouver louable mais notre expérience historique et sociale de l'Union européenne ne nous pousse guère à l'optimisme quant au « progressisme » de cette autorité de surveillance. 

Par ailleurs, la lettre évoque l’idée d’une présidence renforcée de l’Eurogroupe, et souhaite également donner une plus grande légitimité démocratique aux institutions de l’Union européenne. Noble ambition. Reste à savoir comment. Pas téméraires, les présidents ne donnent apparemment aucune précision quant aux moyens d’adoption de ces traités à horizon 2019. Plusieurs raisons à cela. Outre le risque référendaire que l’on a pu maintes fois apprécier, les Etats militent de moins en moins pour pousser plus avant les mécanismes d’intégration, après sept ans de crises éprouvantes politiquement et économiquement pour l’Union et ses populations, dont nous sommes loin d’être sûrs d’avoir trouvé la sortie malgré les affirmations très optimistes de nos politiques.

Le plus dur reste désormais à faire, les « quatre présidents » devront trouver un accord final avant de présenter la dernière mouture du texte aux dirigeants européens. A moins que d’ici là, la Grèce, ne fasse défaut à ses créanciers. La question du Grexit se poserait alors véritablement pour la zone euro. Le coût économique en serait important, mais surtout les conséquences politiques considérables. Ce serait la fin de l’irréversibilité de l’euro et il y aurait, pour nos élites, de quoi s’interroger très sérieusement sur les vertus présumées de la monnaie unique. La « lettre des quatre des présidents » aura alors fait long feu. Ce sera la question de l’Union qu’il faudra poser...

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

 

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 14:51

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Vers un nouveau passage en force sur la loi Macron

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

 

Le premier ministre l'avait déjà invoqué en février dernier en première lecture pour couper l'herbe sous le pied des élus PS récalcitrants.

 

Faute de majorité assurée à l'Assemblée sur la loi Macron, Manuel Valls passera une nouvelle fois en force mardi afin de faire adopter par les députés ce texte censé doper la croissance et l'activité.

L'article 49 alinéa 3 de la Constitution est une procédure contraignante qui permet au gouvernement de faire adopter sans vote un texte, modifié par les amendements qu'il souhaite introduire, lorsque sa majorité risque d'être défaillante.

Le premier ministre l'avait déjà invoqué en février dernier en première lecture pour couper l'herbe sous le pied des "frondeurs" du Parti socialiste et des écologistes qui ne voulaient pas de mesures comme l'extension du travail dominical, provoquant une onde de choc dans la majorité.

« Il y a un consensus pour aller vite », a déclaré lundi un parlementaire au fait du dossier. « Une commission spéciale a été mise en place. Elle a débattu, argumenté, préparé des amendements. Et là, on se retrouve à nouveau avec plus de 1 000 amendements ! On n'en sortira jamais donc, à un moment donné, il faut avancer », a justifié le ministre du travail, François Rebsamen, sur Europe 1.

Dans l'entourage du premier ministre, on souligne que Manuel Valls se prononcera mardi « sur les modalités d'adoption de la loi Macron en nouvelle lecture ». « L'enjeu, c'est que les mesures de cette loi se concrétisent le plus vite possible dans le quotidien des Français », dit-on.

Selon plusieurs députés, le passage en force sera annoncé dès mardi après-midi. Ce choix a été arrêté lundi lors d'un déjeuner autour du chef du gouvernement avec les présidents et rapporteurs des commissions de l'Assemblée.

Le projet de loi sera considéré comme adopté sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures qui suivent l'annonce par le premier ministre qu'il engage sa responsabilité. Le rejet, fort probable, de cette motion entraînera l'adoption du texte. Le président du groupe Les Républicains de l'Assemblée, Christian Jacob, a annoncé lundi à Reuters qu'il proposerait à ses députés de déposer à nouveau une telle motion.

« C'est l'affolement général », a-t-il dit. « C'est bien là la preuve que nous avons un premier ministre en perdition. » La motion de censure devrait être examinée jeudi après-midi. Le groupe Front de gauche, qui a dénoncé un « coup de force dirigé contre la gauche », va pour sa part proposer à « tous les députés progressistes » de cosigner une motion de censure, qui nécessite 60 signatures. Le groupe Front de gauche compte 15 députés et cinq apparentés.

Les groupes Les Républicains et UDI (centriste) sont hostiles au projet de loi du ministre de l'économie, Emmanuel Macron, ainsi que le Front de gauche, les écologistes, une partie des radicaux de gauche et les "frondeurs" du groupe PS. La nouvelle lecture à l'Assemblée est due au fait que le Sénat, où la majorité est à droite, a voté un texte différent et que les deux chambres ne sont pas parvenues à un accord.

L'Assemblée, qui a constitutionnellement le dernier mot, procédera à la lecture définitive de ce projet de loi vers le 20 juillet durant la session extraordinaire du Parlement. La "loi Macron" comporte de nombreuses dispositions qui vont de la réforme des professions juridiques réglementées à la libération des transports par autocar en passant par la réforme du permis de conduire ou bien encore du travail dominical.

A la demande du gouvernement, de nouvelles mesures ont été ajoutées dans le but d'aider les PME et TPE, dont la plus controversée à gauche est celle visant à plafonner les indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif. Reste également à trancher le sort d'un amendement voté en commission contre l'avis du gouvernement qui propose d'assouplir la loi Evin afin de faire un distinguo entre la publicité et l'information sur l'alcool. Le groupe socialiste est divisé.

(Reuters)

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 14:39

 

Source : http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey

 

 

Les super riches, au delà des 1 % : les 0,001 %

 

 

 

L’extrême richesse et le pouvoir de nuisance des super riches (et des Etats qui leur ont taillé une fiscalité super légère) ne seront pas pour rien dans l’éclatement à venir de la bulle actuelle, mais pour l’instant ils battent des records. Au point que le très officiel institut étatsunien des impôts (IRS), via sa division des statistiques sur les revenus, vient de produire une étude sans précédent portant à la fois sur la richesse des super riches et sur leur taux réel d’imposition.

C’est un pavé dans la mare que l’on peut interpréter ainsi : même la majorité des dirigeants politiques et même les Américains très aisés supportent mal l’indécence des revenus extrêmes et encore moins le fait qu’ils soient moins imposés que ceux des… riches.

Dans cette étude, les super riches ne sont absolument pas les 1 % du haut de l’échelle des revenus, ni les 1 pour 1000 (les 0,1 %). Ce sont les 1 pour 10.000 (les 0,01 %) et surtout les 1 pour 100.000 : les 0,001 %. Bon, mais peut-être ne trouve-t-on dans cette dernière catégorie que de quelques personnes hors norme, des Bill Gates, des Warren Buffett et deux ou trois semblables, auquel cas ce serait d’un intérêt réduit même si les chiffres sont énormes ?

Tel n’est pas le cas. Le nombre total des déclarations d’impôt sur le revenu étant de 136 millions, le groupe des super riches compte 1.360 personnes. Sur un plan quantitatif, c’est un peu l’équivalent des « 200 familles » des années 1930 en France, dont Edouard Daladier disait lors du Congrès radical de Nantes en 1934 : « Deux cents familles sont maîtresses de l’économie française et, en fait, de la politique française… L’influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l’opinion publique, car elles contrôlent la presse ». Toute ressemblance avec l’influence de familles actuelles serait pure coïncidence…

Mais revenons au cas des Etats-Unis et de leurs super riches. Les chiffres sont ceux de l’année 2012. Quel est le seuil de revenu à partir duquel on appartient au groupe supérieur des 0,001% ? Réponse : 62 millions de dollars. Oui, vous avez bien lu, 62 millions perçus en 2012 comme « adjusted gross income », revenu brut ajusté, ce qui veut dire revenu brut dont on a déjà déduit, dans sa déclaration d’impôts, diverses sommes non imposables et non négligeables. Non, ce n’est pas le patrimoine, c’est bien le revenu ANNUEL.

Après le seuil de super richesse, quel est le revenu MOYEN de ces 1.360 personnes ? Réponse : 161 millions de dollars, pratiquement le record historique de 2007, qui sera sans nul doute battu quand on aura les chiffres de 2013 et de 2014. Le rapport ne se livre pas à une multiplication élémentaire permettant d’en déduire le revenu « ajusté » cumulé des 1.360 personnes en 2012 : 219 milliards de dollars. Comme le revenu brut médian en 2012 était de 36.000 dollars (3000 dollars par mois), nos super riches gagnent en moyenne PRES DE 4.500 FOIS PLUS QUE L’AMERICAIN « MEDIAN ».

Mais peut-être les impôts vont-ils corriger cet écart des revenus bruts ? Ces super riches doivent « subir » des taux d’imposition très élevés sur ces revenus gigantesques ? Voici le graphique qui répond à cette question : les super riches sont moins imposés que les 0,01%, eux-mêmes moins que les 0,1%, eux-mêmes moins que les 1%.

 

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Autre chiffre qui ne figure pas sur ce graphique : le taux d’imposition moyen sur le revenu pour l’ensemble des personnes est de 13,11 %. Pour les super riches, il est à peine plus élevé : 17,6%.

ET EN FRANCE ?

Heureusement, en France nous n’en sommes pas là ??? Détrompez-vous. Certes, « nos » super riches sont en moyenne moins riches en revenu que les étatsuniens. Mais ils ont eux aussi obtenu d’un Etat compatissant d’être relativement moins taxés que les « simples riches », les 1 % par exemple. Le graphique suivant est bien connu depuis la publication en 2011 du livre de Landais, Piketty et Saez « Pour une révolution fiscale » (voir le site http://www.revolution-fiscale.fr/). Pour le comparer au graphique précédent, il faut se concentrer sur la courbe du bas, qui porte uniquement sur les impôts sur le revenu. On y voit exactement la même tendance à la décrue du taux d’imposition au sein des « très aisés » (les 1% les plus riches) lorsqu’on passe aux 0,1%, puis aux 0,01%, et enfin aux 0,001%. Les données sont celles de 2010. Cliquer sur le graphique pour l’agrandir.

 

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Pour information, voici comment Piketty et ses collègues proposent de rétablir un minimum de progressivité de l’impôt :

 

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Cet article a été posté le Vendredi 12 juin 2015 dans la catégorie Les derniers articles.

 

 

Source : http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey

 

 

 

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15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 20:47

 

Source : http://www.lepoint.fr

 

Valls en route pour dégainer à nouveau le 49.3

 

Le Point - Publié le

Le texte du projet de loi Macron qui arrive en seconde lecture à l'Assemblée pourrait être adopté sans vote et ne pas être débattu.

 

 

"Il faut montrer aux Français que ça va vite. Peut-on se permettre une semaine ou deux de débats alors que les Français pensent que la loi est déjà adoptée ?", souligne-t-on dans l'entourage de Manuel Valls.

"Il faut montrer aux Français que ça va vite. Peut-on se permettre une semaine ou deux de débats alors que les Français pensent que la loi est déjà adoptée ?", souligne-t-on dans l'entourage de Manuel Valls. © PIERRE ANDRIEU

 
 

 

Afin de s'épargner "des débats sans fins" avec une partie de la majorité, Manuel Valls et François Hollande semblent décidés à recourir de nouveau à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote à l'Assemblée le projet de loi Macron. Le texte, qui arrive en seconde lecture après avoir été modifié par le Sénat, et a été adopté en commission jeudi, est prévu à l'ordre du jour mardi à 21 h 30 pour une semaine de débats avant un vote solennel le 24 juin.

Mais ce calendrier ne devrait pas être tenu, car le gouvernement a préparé le terrain pour un recours au 49.3, qui permet de faire adopter un texte sans vote en engageant la responsabilité du gouvernement, comme ce fut le cas en première lecture en février. Le texte serait alors considéré comme adopté sauf si l'opposition réussissait à faire voter une motion de censure, ce qui est exclu.

C'est en tout cas le message que fait passer l'exécutif depuis quelques jours. "Il faut montrer aux Français que ça va vite. Peut-on se permettre une semaine ou deux de débats alors que les Français pensent que la loi est déjà adoptée ?" souligne-t-on dans l'entourage de Manuel Valls, où l'on "assume parfaitement le 49.3".

En février, la décision de recourir à cette procédure avait été prise à la dernière minute, juste avant le vote solennel, dans la crainte que le texte ne soit pas adopté face à l'opposition attendue de 30 ou 40 députés PS hostiles à l'extension de l'ouverture des commerces le dimanche.

Cette fois-ci, comme il s'agit d'"éviter des discussions une nouvelle fois sans fin" selon le président du groupe socialiste Bruno Le Roux, l'engagement du 49.3, qui peut être décidé à tout moment, devrait être plus précoce, dès l'ouverture des débats ou après l'examen de quelques articles. "La scénographie n'est pas totalement arrêtée", souligne une source socialiste, estimant que cela dépendra aussi du moment de l'annonce du remaniement ministériel attendu lundi ou mardi.

 

Scénario final

Les rapporteurs du projet de loi et les présidents de commission déjeuneront lundi avec Manuel Valls, qui pourrait annoncer le scénario final au petit-déjeuner des dirigeants de la majorité mardi matin. Selon une source socialiste, le recours au 49.3, s'il reste une "défaite collective", pourrait "arranger tout le monde": "les frondeurs n'auront pas à se compter, ça libère un peu de temps parlementaire alors que l'ordre du jour est extrêmement chargé et tout le monde est un peu fatigué d'avoir les mêmes débats dont on n'arrive pas à sortir".

Le président de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi, François Brottes (PS), estimait à l'issue des débats jeudi que le travail de celle-ci avait été "extrêmement ciselé" et "qu'il n'y avait plus beaucoup de questions en suspens". La nouvelle lecture a en effet permis aux députés de rétablir leur version sur la plupart des points : libéralisation du transport par autocar, réforme du permis de conduire, réforme des professions juridiques réglementées (notaires, etc.) pour autoriser une dose de liberté d'installation et tarifaire, etc., autant de points sur lesquels la majorité de droite du Sénat était revenue en arrière.

Et à la toute fin des travaux, les rapporteurs socialistes et le gouvernement sont parvenus à un compromis sur le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, la mesure la plus controversée parmi celles annoncées mardi par Manuel Valls en faveur des TPE et PME.

Le recours au 49.3 permet de compléter le texte voté en commission par des amendements que le gouvernement aura déposés ou acceptés. Le gouvernement pourrait ainsi en profiter pour supprimer la disposition votée à la fois par l'Assemblée et le Sénat modifiant la loi Évin pour distinguer publicité et information sur l'alcool.

Ce ne serait pas encore la fin du processus parlementaire puisque le texte repartirait au Sénat avant son adoption définitive par l'Assemblée lors de la session extraordinaire de juillet.

 

 

Source : http://www.lepoint.fr

 

 

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15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 20:03

 

Source : http://www.marianne.net

 

Thomas Piketty : "Avec la Grèce, on invente la pénitence éternelle"

Propos recueillis par
Emmanuel Lévy
Hervé Nathan
 
 
 
Alors que les négociations entre la Grèce et ses créanciers n'en finissent pas de ne pas finir, dans "Marianne" en kiosques cette semaine, l'économiste appelle la France à "s'engager dans un bras de fer avec l'Allemagne". Il imagine une alliance avec "l'Italie, la Grèce, peut-être l'Espagne à la fin de l'année si les élections débarquent les conservateurs, pour lui dire clairement qu'on ne peut pas avoir de monnaie unique sans un minimum de processus démocratique sur les questions du choix du déficit public", notamment." Extraits.
 
WITT/SIPA

 

Marianne : Avec d'autres économistes de renom (1), vous signez un appel pour que l'Union européenne change de politique vis-à-vis de la Grèce. « La manière dont la Grèce sera traitée sera un message pour tous les partenaires de l'eurozone », écrivez-vous. Mais Berlin, Paris, la Commission européenne, la BCE et le FMI persistent à vouloir imposer une véritable reddition politique au gouvernement Tsipras ?
Thomas Piketty : De quoi a-t-on discuté jusqu'à présent ? De l'obligation pour les Grecs de payer jusqu'à 4 % de leur PIB d'impôt en plus de ce que nécessitent leurs dépenses publiques pour rembourser la dette publique. A vouloir absolument que les Grecs payent, on invente le paiement éternel, la pénitence éternelle. Alors même que les jeunes Grecs ne sont pas plus responsables que les jeunes générations d'Allemands des années 50-60 pour les « bêtises» bien plus grosses de leurs parents. Il faut être clair, cela ne se fera pas. Ce que les Allemands veulent absolument éviter, on finira de toute façon par le faire : restructurer la dette grecque, et avec elle l'ensemble de celles des pays de la zone euro. Car, pour que l'annulation des dettes pour certains soit acceptable pour les uns, il faudra aussi le faire pour les autres, comme le Portugal. La leçon à tirer de ce triste épisode, c'est que la rigidité doctrinale sur le paiement des dettes est contre-productive et absurde. La dette est une question politique, citoyenne, pas technique. A trop la laisser à un petit groupe d'experts, de technocrates et de financiers, on arrive justement à des solutions idéologiques !

(…)

 

Le gouvernement français affirme œuvrer positivement pour les Grecs. Vous y croyez ?
Non. On a perdu cinq mois dans les négociations avec la Grèce, car la France s'est mise hors jeu. D'abord lors de la négociation du traité budgétaire en 2012, puis lors des discussions avec la Grèce. Rien n'obligeait la France à agir ainsi. L'Allemagne toute seule, sans l'accord de la France, n'aurait pu imposer ses choix sur ces deux questions au reste de l'Europe. Cette stratégie, permettant de se défausser alternativement sur Bruxelles ou Berlin, est confortable, mais irresponsable quand on sait qu'à la fin des fins toute cette mécanique s'effondrera, parce qu'elle ne marche tout simplement pas. Si le gouvernement français laissait faire ceux qui, comme Wolfgang Schäuble en Allemagne, veulent pousser les Grecs dehors, il porterait une terrible responsabilité historique.

(…)

Nous avons donc un problème avec l'Allemagne, avec qui nous partageons la monnaie commune. Comment tenter de le régler ?
Je pense que la France devrait s'engager dans un bras de fer avec l'Allemagne, avec à ses côtés l'Italie, la Grèce, peut-être l'Espagne à la fin de l'année si les élections débarquent les conservateurs, pour lui dire clairement qu'on ne peut pas avoir de monnaie unique sans un minimum de processus démocratique sur les questions du choix du déficit public, de la supervision de la BCE, du niveau d'investissement, de l'union bancaire du Mécanisme européen de stabilité, de la restructuration de la dette...

(1) Dont Joseph Stiglitz, Marcus Miller, Massimo D'Alema...

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

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>>> Retrouvez cette interview dans son intégralité, sous le titre « Il faut engager un bras de fer avec l'Allemagne » dans le numéro de Marianne actuellement en kiosques.

Il est également disponible au format numérique en vous abonnant ou via  et Android app on Google Play

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15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 18:58

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Droit à la ville

Epuration sociale : comment Londres se débarrasse des pauvres... et des classes moyennes

par

 

 

 

 

Son ascension vertigineuse enchante autant les investisseurs immobiliers qu’elle suffoque les moins fortunés. Depuis la crise de 2009, l’immobilier londonien a vu sa valeur augmenter de 55%. Tandis que millionnaires et spéculateurs financiers sont accueillis à bras ouverts dans la capitale britannique, un nombre croissant de ses habitants sont progressivement évincés de leurs quartiers, toujours plus loin en périphérie ou en province. Les conservateurs ont beau invoquer les « forces irrésistibles » du marché pour se délester de leurs responsabilités, le « nettoyage social » de la capitale n’aurait pas lieu sans une once de volonté politique.

Il y a ici tout ce que l’urbanisme londonien peut compter d’assommant. Cet austère amalgame architectural qui porte le nom de Carpenters Estate, lotissement juché dans la banlieue Est de la capitale anglaise, s’offre au visiteur comme un entrelacement hétéroclite de briques beiges et de broc bétonné, de pavillons trapus et d’imposantes tours HLM délabrées. Tout semble avoir été posé de-ci de-là sans autre prétention que d’abriter une petite armée d’ouvriers mal payés. L’ennui est palpable, mesurable au rythme lent des passants régurgités du métro Stratford – à seulement une demie-heure de Westminster. Pourtant, l’ancien quartier industriel porte en lui un brûlant paradoxe : les trois austères tours HLM (« council houses ») qui le surplombent du haut de leurs 22 étages grisâtres – conçues pour accueillir environ 700 familles – sont presque vides. À Londres, environ 250 000 familles sont sur liste d’attente pour des logements sociaux.

Du gardien de nuit éreinté qui s’engouffre dans la tour James Riley du lotissement, située à deux pas du parc olympique flambant neuf de Stratford, vous n’obtiendrez qu’une maigre explication. « Environ 80% de l’immeuble est inoccupé, assure-t-il d’un ton pincé. Les seuls habitants qui restent ont acheté leurs appartements à la commune. » À l’intérieur, vétuste, la plupart des portes ont été scellées par la mairie travailliste de Newham, propriétaire des lieux.

 

5 millions de Britanniques languissent sur des listes d’attente

Dans la cour extérieure, vide et grillagée de toutes parts, ne restent plus que des panneaux pour sermonner des enfants absents – « ne pas jouer à la balle dans ce périmètre », « ne pas nourrir les pigeons ». Les passants n’en sauront guère plus sur leur disparition. « Ça devait être détruit pour les Jeux Olympiques [de 2012, ndlr], assure une voisine en pointant du doigt la tour Dennison, à une centaine de mètres. La plupart des habitants avaient été déplacés mais, allez savoir pourquoi, ça tient toujours debout et presque plus personne n’y habite. » Fleurons de l’État providence d’après guerre, les « council houses » censées arracher les classes populaires aux bidonvilles avaient imprégné la fabrique sociale des villes britanniques. Dans le quartier de Stratford, les trois tours HLM avaient surgi des ruines vingt ans après les raids aériens du Blitz, offrant aux familles ouvrières « des logements bon marché et décents. »

 

 

Seulement, il ne fallut que l’élection de Margaret Thatcher pour les voir disparaître du giron étatique. Sous les termes du « Right to Buy », « le droit d’acheter » son logement, mesure phare de sa révolte néolibérale, environ deux millions de logements sociaux étaient bradés au secteur privé à partir de 1980. Trente ans plus tard, les Britanniques en paient encore le prix : 5 millions d’entre eux languissent sur des listes d’attente pour décrocher un HLM [1]. Ça n’a pas empêché le Premier ministre récemment réélu, M. David Cameron, d’y aller de son allégeance au passé en promettant la vente de plus d’un million de « council houses » supplémentaires.

 

Organiser l’exode des pauvres...

À quelques encablures du lotissement fantôme, la rue commerçante de Stratford voit s’ébrouer une épaisse foule de passants multicolores. Ici, 27% des enfants grandissent en dessous du seuil officiel de pauvreté. C’est là que Hannah Caller pose son formulaire de pétition à l’attention du maire, Sir Robin Wales, et dégaine son micro branché à deux enceintes sur roulettes. « Les autorités de Newham expulsent des familles entières de Londres, s’écrie-t-elle. Elles sont envoyées de force à Birmingham, à Manchester. Arrêtons le nettoyage social de Stratford. Repeuplons le Carpenters Estate. »

La campagne Focus E15 co-dirigée par Hannah s’est formée en 2013, après l’expulsion de jeunes mères célibataires de leurs logements sociaux. À elles seules, elles sont parvenues à attirer l’attention de la presse nationale sur les pratiques, pour le moins brutales, de la mairie de Newham. Toutefois, le Carpenters Estate n’est que le triste exemple d’un nettoyage social à la mesure de la capitale.

 

... Pour offrir« un nouveau niveau de sophistication et de luxe »

Sous prétexte de « régénérer » des quartiers, les autorités locales de Londres, prises à la gorge par la fièvre austéritaire des conservateurs depuis 2010, vendent des blocs entiers de logements sociaux à des développeurs immobiliers privés. Tandis que les premières déplacent des centaines d’occupants loin du centre-ville ou en province, les seconds construisent de coquets appartements là ou le prix du mètre carré n’est pas encore trop exorbitant. Dans le quartier populaire de Elephant and Castle, par exemple, 3 000 logements sociaux ont été détruits.

 

 

Le développeur immobilier LendLease, propriété du millionnaire australien Steve McCann, les a remplacés par 2 535 appartements « offrant un nouveau niveau de sophistication et de luxe informel ». Au dernières nouvelles, les trois tours HLM du Carpenters Estate devraient être achetées par la prestigieuse University College London, et tant pis si la « communauté autrefois vibrante » qui y résidait n’est même plus l’ombre d’elle-même.

 

Déménagement forcé des mères célibataires

« Les familles les plus touchées sont des mères célibataires lourdement dépendantes des allocations sociales, explique Hannah Caller. Les municipalités les forcent à déménager en province ou en périphérie au prétexte qu’il n’y a pas assez de place ici. Si elles refusent, les autorités considèrent qu’elles n’ont plus la responsabilité de les loger [en vertu d’une loi votée en 2011, ndlr] et sont libres de les expulser. »

C’est justement ce qui est arrivé à Elina Garrick, 37 ans, qui habite à Londres depuis 2008. Il y a quelques semaines, la mairie lui a « proposé » un logement social à… Birmingham, à 200 km de la capitale. « Ma famille est ici, mes enfants vont à l’école à Londres, c’est absurde de déménager aussi loin, assure-t-elle. Je ne veux pas utiliser d’insultes mais, honnêtement, ils nous traitent comme des animaux. » En avril dernier, le quotidien The Independent révélait qu’environ 50 000 familles ont ainsi été déplacées depuis 2011, dont 2 700 en dehors de Londres ces deux dernières années [2]

Même les jeunes fuient Londres

Lorsqu’en janvier dernier, le cabinet Savills livrait son rapport sur le parc immobilier londonien au Financial Times, ses lecteurs ont sûrement avalé leur thé de travers : sa valeur atteint près de 1 500 milliards de livres (2073 milliards d’euros). C’est un quart de tout le marché immobilier britannique, plus que l’immobilier du pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande du Nord réunis. De fait, à la mort silencieuse du logement social se conjugue l’incontrôlable spirale du marché du logement privé.

L’année dernière, son prix moyen enregistrait une hausse de près de 20%. « Le problème ne touche pas seulement les habitants de logements sociaux, explique Anna Minton, journaliste et professeur d’architecture à la University of East London. Même les Londoniens qui ont des emplois bien rémunérés sont progressivement exclus par des logements hors de prix. Il y a un fossé croissant entre les propriétaires, qui laissent dormir leur capital immobilier, et les locataires qui luttent pour payer leurs loyers. » Alors que le royaume voue un culte à l’accès à la propriété, les locataires londoniens déboursent en moyenne la moitié de leurs revenus dans leur logement.

David Cameron, chef de chantier de la démolition sociale

Si la perspective d’un encadrement des loyers est enterrée depuis une trentaine d’années, le maire de Londres, Boris Johnson, a tout de même lancé en 2008 un projet de construction de 50 000 logements dits abordables – fixés à 80% des prix du marché, contre environ 50% pour les logements sociaux. Seulement, l’aspect « abordable » a vite été indexé sur les standards astronomiques de la capitale, d’autant que le budget de subvention a été amputé de moitié en 2011. Même la municipalité conservatrice de Westminster, l’une des plus riches de la capitale, a signalé que ses résidents de classe moyenne « ne pourront plus se permettre d’y vivre, ou seront perpétuellement dépendants d’aides au logement. » [3] Selon ses calculs, un ménage devrait gagner environ 100 000 livres (138 000 euros...) par an pour s’y offrir un appartement « abordable ». Devrait-on dès lors s’étonner qu’environ 60 000 jeunes ont fait leurs bagages pour la province ces deux dernières années ? [4]

 

 

« Il y a aussi un fort impact des réformes sociales, explique Colin Wiles, consultant immobilier indépendant. Comme le gouvernement réduit le montant des allocations et des aides au logement, les gens ne parviennent plus à payer leurs loyers et sont forcés de quitter Londres. » De fait, David Cameron s’est distingué comme un chef de chantier radical de la démolition sociale : il s’apprête à supprimer (sous condition) les aides au logement des jeunes chômeurs et à amputer les dépenses sociales de 12 milliards de livres d’ici 2018.

 

« Régénération », plus propre que « nettoyage social »

En parallèle, 560 000 ménages londoniens sont frappés par la précarité énergétique – condamnés au dilemme du « eat or heat » (manger ou se chauffer) – dont un quart dépensent 20% de leurs revenus en énergie en raison de logements mal isolés [5]. « Je pensais que les personnes qui quittent Londres avaient laissé tomber, pouvait-on récemment lire sur deux panneaux d’affichage géants ouverts aux messages de ses habitants. Maintenant, j’en fais partie. Je n’arrive simplement plus à romantiser cette incroyable exploitation. »

« Je suis en faveur des riches. » Voilà ce que le maire de Londres déclarait courageusement à la BBC quelques semaines avant les élections législatives de mai dernier. C’est que l’ancien journaliste du Daily Telegraph a fait du cynisme bravache un signe de distinction politique et ne mesure le rayonnement de sa ville qu’à la hauteur de ses affreux gratte-ciels. La capitale compte plus de milliardaires qu’aucune autre ville au monde – une petite centaine, et environ 340 000 autres millionnaires [6] Si Boris Johnson est friand de déclarations d’amour publiques à leur attention [7], il n’en est pas moins un homme politique élu : un mois avant les municipales de 2012, il annonçait refuser « un nettoyage social à la kosovare. » Du coup, il préfère parler de « régénération » : c’est moins clivant.

Au salon immobilier de Shanghai, c’était justement une « supernova de régénération » que la mairie de Newham proposait, en 2010, à de riches investisseurs immobiliers. « L’impact des marchés financiers est énorme, explique Anna Minton. Les autorités locales et les développeurs vont au Marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM), à la Shanghai Expo et vendent Londres à des investisseurs internationaux. On bâtit des logements pour eux. » Pendant ce temps, la construction de HLM s’effondre : Londres n’y consacre que 5% de son budget réservé au logement. Eu égard à une telle inflation immobilière, investir dans la capitale est en effet bien plus rentable qu’un portefeuille d’actions à la City.

En janvier dernier, l’agence Knight Frank assurait, dans une publicité pour ses nouveaux appartements de luxe, que le retour sur investissement londonien est « meilleur que l’or et le FTSE100 [indice boursier des grandes entreprises britanniques, ndlr] » Ainsi, dans le quartier de Thameside, 80% des nouveaux logements sont détenus par des investisseurs étrangers. On estime que 22 000 de ces propriétés restent vides, comme les trois tours du Carpenters Estate, telles des actions en bourse attendant d’être revendues à prix d’or.

Emmanuel Sanséau, à Londres

Photos : Emmanuel Sanséau et Focus E15

Notes

[1Selon le syndicat du bâtiment UCATT.

[2« Over 50 000 families shipped out of London boroughs in the past three years due to welfare reforms and soaring rents », The Independent, 29 avril 2015.

[3« Westminster council warns Boris Johnson over rent levels » The Guardian, 20 septembre 2013.

[4« Young Londoners flee capital for the regions » The Guardian, 29 novembre 2014.

[5Selon le dernier rapport commissionné par l’assemblée du Grand Londres, publié en mars 2012.

[6« UK and London top global millionaire ranking », Financial Times, 19 mars 2014.

[7À titre d’exemple, il signait en 2013 une tribune spectaculaire pour le Daily Telegraph, titrée « Nous devrions remercier humblement les super-riches, pas les rudoyer. »

 

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

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