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4 mai 2012 5 04 /05 /mai /2012 15:13

 

 

LE MONDE | 04.05.2012 à 14h10

Par Olivier Razemon

 
 
La Cyclofficine, qui se définit comme un "atelier coopératif", se fixe pour objectif d'enseigner les gestes élémentaires, de façon que chacun apprenne à se débrouiller.

 

Ramy, 12 ans, plonge la chambre à air dans un seau à demi rempli d'eau et observe les bulles remonter à la surface. Un petit trou est localisé, il reste à enduire de colle le caoutchouc, poser une rustine puis serrer la chambre à air entre les paumes, très fort. L'enfant demande l'aide d'un adulte.

Aurélien Morin, barbe et tignasse rousses, vêtu d'une combinaison kaki, lui prête volontiers ses mains pleines de cambouis. Le jeune homme est l'un des bénévoles de la Cyclofficine, une association, créée en 2010, qui promeut la réparation et l'entretien des vélos. Avec une autre volontaire, il assure une permanence devant le collège Henri-Wallon, d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Les habitants de ce quartier tranquille connaissent bien cet atelier en plein air où l'on peut obtenir de l'aide, le samedi ou le mercredi, pour réparer son vélo. Au cours de l'après-midi se succèdent un adolescent débrouillard et son VTT, des parents dont le jeune fils pleure la crevaison de son premier vélo et une salariée à peine sortie du bureau, avec sa bicyclette hors service depuis un an. M. Morin les accueille et livre rapidement son diagnostic. Il faut changer tel câble rouillé, démonter le pédalier ou dévoiler cette roue.

Les bénévoles ne travaillent pas seuls. La Cyclofficine, qui se définit comme un "atelier coopératif", se fixe pour objectif d'enseigner les gestes élémentaires, de façon que chacun apprenne à se débrouiller. Devant le collège d'Ivry, M. Morin se montre disponible, serviable, à l'écoute, mais il n'intervient que lorsqu'on a besoin de lui. La formule fait recette. La Cyclofficine a inauguré, jeudi 3 mai, un atelier dans une ancienne salle de danse du 20e arrondissement de Paris. Le local, ouvert depuis quelques semaines aux habitants du quartier, est en pleine effervescence. Les bénévoles, tee-shirts de couleur maculés de graisse, se mêlent aux adhérents à la recherche d'une suggestion et aux voisins du quartier qui passent la tête, par curiosité. Le tutoiement est de rigueur. On s'échange des clés à molette et des conseils.

Mira Bjornskau, une étudiante norvégienne vivant à Paris, a passé une bonne heure à réparer un pédalier, aidée par des bénévoles. "C'est le vélo de ma soeur ; je l'avais laissé dehors et quelqu'un l'a endommagé. Je vais pouvoir le lui rendre comme neuf", dit-elle. Pour pouvoir bénéficier de ces services, la jeune femme a versé sa cotisation à l'association, 25 euros pour un an, et acheté les pièces détachées pour une somme modique, 5 euros pour une roue, par exemple. L'atelier se révèle bien plus avantageux que les "vélocistes", garagistes pour vélos, qui réclament 15 à 20 euros pour une crevaison, et parfois jusqu'à 100 euros pour remettre à neuf une bicyclette.

Derrière les bons conseils et les petits gestes d'entraide émerge une ambition militante. "Nous faisons sortir les vélos des caves. Les gens les remettent en état et les utilisent davantage, ce qui contribue à pacifier les rues et rendre la ville plus agréable", assure Julien Allaire, administrateur de L'Heureux Cyclage, un réseau regroupant, outre la Cyclofficine, une cinquantaine d'ateliers vélo répartis dans toute la France.

Ces associations prospèrent aussi bien dans les villes universitaires telles que Bordeaux ou Rennes qu'à Pamiers (Ariège) ou Romans-sur-Isère (Drôme). Elles proposent à leurs quelque 25 000 adhérents des vélos soigneusement retapés, vendus entre 50 et 80 euros. A Lille, forte de ses 1 800 membres, l'association Droit au vélo réclame des aménagements cyclables aux élus locaux. A Grenoble, Un P'tit Vélo, qui dispose de deux ateliers, dans le centre et sur le campus universitaire, organise des "vélos-parades" destinées à accroître la visibilité des cyclistes en ville.

Partout, les associations cherchent le soutien des municipalités. "Nous ne demandons pas nécessairement des subventions, mais des locaux pour stocker le matériel ainsi que la possibilité d'accéder aux déchetteries municipales", précise M. Allaire. Car les vélos cassés ou abîmés, dont les utilisateurs se débarrassent en les jetant ou en les abandonnant à un poteau, ne sont pas perdus pour tout le monde. Ils constituent une source abondante de pièces détachées, permettant notamment de réparer des modèles qui ne sont plus en vente depuis des décennies. Toutes les mairies ne coopèrent pas avec autant d'enthousiasme. A Ivry, la Cyclofficine réclame la possibilité d'occuper un local appartenant à la municipalité, mais se heurte à un refus. "Si cela ne tenait qu'à moi, ils auraient depuis longtemps un lieu pour travailler", indique Chantal Duchêne, adjointe au maire (EELV), qui ne parvient pas à convaincre la majorité communiste à laquelle elle est pourtant associée.

Olivier Razemon

 

 

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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 16:22

 

http://globalpresse.wordpress.com/2012/04/18/decroissance-demondialisation-protectionnisme-ou-relocalisation-ouverte/

18 avril 2012

 

 

 

 

 

Entretien de Vincent Moreau, pour le collectif Décroissance 2012, avec Vincent Liegey du Parti Pour La Décroissance.
Pour une transition démocratique vers des sociétés soutenables et surtout souhaitables de Décroissance.

 

 

 

 

L’avenir est à la relocalisation ouverte

La relocalisation cherche l’échelle territoriale qui permet de produire, d’échanger des biens ou des services, dans les meilleures conditions environnementales et sociales. La relocalisation crée du lien et des rapports sociaux réels entre les habitants. La relocalisation touche tous les domaines de la vie d’un territoire, l’agriculture, l’industrie, l’artisanat, le commerce, les services, l’eau, l’énergie, l’habitat, l’éducation, la culture, le social, la santé … et bien sûr la démocratie. Elle concerne tous les espaces, qu’ils soient ruraux, urbains, péri-urbains. Elle peut être conduite par des acteurs publics, privés ou associatifs, … La relocalisation ouverte n’est pas à confondre avec le protectionnisme. Il ne s’agit pas de se protéger des autres. Il s’agit de mettre un terme à cette mobilité insensée source d’un gaspillage considérable et d’inégalités. Chaque région développe son autonomie, tout en articulant son existence avec les autres régions. La relocalisation est nécessaire pour maîtriser à nouveau le sens de nos actes. La société mondialisée dissimule les impacts sociaux (inégalités, précarités), environnementaux (énergies, ressources naturelles, pollutions…) et bafoue le bien-être général. Dans une société relocalisée, chacun mesure concrètement les conséquences de ses gestes de la vie quotidienne, et ainsi reconsidère son mode de vie au bénéfice de toutes et tous.

La relocalisation est déjà en marche. Vous tenez dans vos mains, le numéro zéro d’un nouveau trimestriel.
Proximités s’attache à défendre les valeurs de la relocalisation, la démarchandisation du monde, l’écologie et l’égalité (entre sexes, âge, revenus,…), à interroger les liens richesses revenu-travail et à questionner la notion de propriété (notion d’usages et de mésusages).

- Proximités s’attache à présenter les expériences les plus alternatives et novatrices, même si elles sont informelles et/ou illégales au regard de notre droit actuel.
– Proximités se veut un outil pratique pour aller à la rencontre de la population : montrer par des exemples de réalisations concrètes que la relocalisation est possible et donner envie d’aller dans ce sens.

 Agora TV

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 14:27

 

Bonjour à tous ,


la décision de la cour d'appel de Nîmes est tombée : nous sommes, à leurs yeux, coupables de non respect de permis de construire, et condamnés à payer une amende de 1000 euros plus les frais de justice, obligation de démonter sous 3 mois avec une astreinte de 75 euros par jour de retard !
La sanction nous semble totalement abusive au regard de notre bonne foie dans cette histoire, où il n'y a pas d'intention d'enfreindre la loi au départ du projet. Au regard de notre situation, nos revenus étant liés à notre activité agricole qui était en train de débuter... et surtout aux vues de la réalité de l'économie, celle de l'écologie et surtout celle de l'habitat, puisqu'aujourd'hui la France n'arrive pas à respecter ses obligations en matière de logements !!
Nous avons décidé de ne pas faire de pourvoi en cassation pour une bonne raison ; si nous avons une chance de faire réviser le jugement sur le permis de construire il est, en revanche, exclus de faire réviser le P.O.S. de la commune ce qui nous obligerait à démonter même si nous gagnions le pourvoi en cassation. Cela ne changerait pas notre situation tout en rajoutant du stress et des frais .
Désormais pour nous l'important est de nous réimplanter de manière irréprochable au niveau  juridique et de démontrer que la FERME ECO-NOMADE est belle et bien mobile, en étant de nouveau opérationnels le plus vite possible.
Cette affaire a alerté un maximum de gens sur une réalité qui était la notre, permis à des personnes d'être conscientes de la situation et à travailler en amont d'une procédure pénale. Pour faire évoluer la cause de l'habitat léger et nomade, nous continuerons à travailler sur le Fond d'Aide Juridique, pour réunir, des Maires, des avocats,  juristes, urbaniste, afin d'installer des projets  en évitant un procès.
POINT  IMPORTANT : nous n'avons plus d'adresse postale à chante-perdrix, le courrier doit être adressé à :
M. et MME CHATEAU
829A route des imberts 
84220 Cabrières d'Avignon

Information à relayer  car l'adresse de chante- perdrix à été largement diffusée et n'existe plus !!

merci pour le soutien que nous avons reçu, ça aura été, et c'est encore une aventure humaine extraordinaire.
La ferme éco-nomade continue d'émettre...
Humainement,
la famille CHATEAU
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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 09:02
latribune.fr - Allemagne - 10/04/2012 | 17:11
Des militants du parti pirate lors du Congrès fédéral du parti à Offenbach-sur-le-Main, près de Francfort, en décembre 2011. Copyright AFP
  Des militants du parti pirate lors du Congrès fédéral du parti à Offenbach-sur-le-Main, près de Francfort, en décembre 2011. Copyright AFP

 

Romaric Godin

Le parti Pirate, opposé à la limitation du téléchargement sur Internet, est désormais crédité de 13 % des voix outre-Rhin, malgré son programme pour le moins obscur. Pour l'instant, Angela Merkel a toutes les raisons de se réjouir de cette nouveauté dans le paysage politique.

C’est un nouveau coup de tonnerre dans le paysage politique allemand. Ce mardi, un sondage réalisé par l’institut Forsa pour l’hebdomadaire Stern fait du parti Pirate la troisième force politique de la république fédérale. Selon cette enquête, ce parti qui défend avant tout la liberté de téléchargement sur Internet, obtiendrait aux élections fédérales 13 % des voix. Derrière les deux grands partis, les Chrétiens-démocrates d’Angela Merkel (36 %) et les Sociaux-démocrates (24 %), mais devant les Verts (11 %), Die Linke, le parti de gauche (8 %) et les Libéraux (5 %).

L’effet berlinois

Le phénomène « pirate » est un véritable chambardement politique outre-Rhin. Jamais une force politique ne s’était imposée avec autant de force et de rapidité dans le paysage politique depuis la guerre. Lors des dernières élections fédérales de septembre 2009, elle constituait encore un de ses petits partis auxquels parfois  les Allemands et les médias ne prêtent guère attention. Ils avaient certes réalisé, pour un premier essai, un score honorable, 2 % des voix, mais c’était encore insuffisant pour que l’on parle d’eux. Du reste, jusqu’au 18 septembre 2011, le parti est resté dans le même anonymat et n’a guère dépassé les 2 % des voix lors des sept élections régionales qui se sont alors tenues. Jusqu’à cette élection de la chambre des députés de Berlin. Ce jour-là, à la surprise générale, les Pirates obtiennent 8,6 % des voix et envoient 15 députés au parlement régional.

Enracinés dans le paysage politique

Les projecteurs des médias se braquent alors sur ces nouveaux élus qui tranchent avec les politiciens établis. Jeunes, ils arrivent en vêtements décontractés dans l’assemblée et parlent sans langue de bois ni langage châtié. On s’étonne de leurs méthodes, comme celle qui consiste à établir leurs propositions par des procédures en ligne très souples. Rapidement, le phénomène prend une ampleur nationale. Beaucoup pensaient que le phénomène pourrait se limiter à Berlin, ville des « marginaux ». Mais il n’en est rien.

Les instituts de sondages commencent à intégrer dans leurs questionnaires ce parti qui dépasse très vite les 5 % des intentions de vote nécessaire pour l’entrée au Bundestag. Début mars, le phénomène est confirmé par les élections régionales en Sarre, Land ouvrier en théorie peu ouvert aux thèmes développés par les Pirates. Ces derniers glanent alors pourtant 7,4 % des voix et 4 députés régionaux. L’irruption des Pirates dans le paysage politique allemand est confirmée. Lors des prochaines élections en Rhénanie du Nord Westphalie, le Land le plus peuplé du pays, le 13 mai prochain, les Pirates visent 6,5 % des voix contre 0,9 % en mai 2010. Ils pourraient être les arbitres de la constitution de la coalition gouvernementale.


Melting-pot idéologique


Qui sont ces Pirates ? Le parti a été fondé en Suède en 2006 pour lutter contre la limitation des téléchargements sur Internet. C’est toujours aujourd’hui un des éléments principaux de son programme politique outre-Rhin. Les Pirates défendent un droit illimité au téléchargement et propose de « soutenir » la culture par des subventions. De façon générale, leurs positions sont un mélange plus ou moins heureux d’idées d’extrême gauche (suppression des réformes Hartz IV, création d’un revenu minimum sans conditions,...), d’écologisme (refus total du nucléaire, défense des ressources naturelles) et de libéralisme économique (combat contre les monopoles) et sociétal (exigence de transparence dans la politique et les affaires).

Depuis que les Pirates ont pris de l’importance dans l’opinion, les médias allemands ne se privent pas de montrer les limites et les errements de ce nouveau venu. La semaine passée, le Handelsblatt a publié la contribution d’acteurs de la culture en faveur du droit d’auteur et la publication d’une plainte pour sexisme au sein du parti a fait les choux gras de la presse. Du reste, les déclarations parfois incohérentes et outrancières de certains dirigeants de ce parti, l’un jugeant les juifs « peu sympathiques », l’autre prônant une « le bombardement atomique de la bande de Gaza » entretiennent les doutes sur le sérieux de cette formation qui reste extraordinairement muette sur le sujet de la crise de la dette européenne.


Electorat volage

Et pourtant, rien ne semble pouvoir stopper l’envolée du parti Pirate outre-Rhin. Qui sont ceux qui sont séduits par cette formation ? Cette grande partie de l’électorat, d’inspiration plutôt libérale, parfois libertaire, qui ne se reconnaît plus dans les grands partis traditionnels hiérarchisés et établis. Ce sont eux qui, en 2009, ont porté le parti libéral FDP à son record de 14,9 % des voix sur ses promesses de baisses d’impôt et de société plus ouverte. Déçus par l’exercice du pouvoir des Libéraux, ils se sont alors tournés vers les Verts, jugés plus « rebelles ».

Début 2011, portés également par Fukushima, les Ecologistes ont ainsi dépassé le SPD en Bade-Wurtemberg. Dans les sondages, ils étaient alors crédité de 24 % des voix au niveau fédéral. Mais là aussi, le caractère modéré et établi des Verts a détourné une grande partie de cet électorat. Aujourd’hui, les Verts sont proches, voire en deçà, de leur niveau de 2011 (12,1 %). Ceux qui les soutenaient voici moins d’un an ont désormais rejoint les rangs « pirates ». Parallèlement, la popularité des deux grands partis est resté assez stable : autour de 35 % pour la CDU et de 25 % pour le SPD.


Une chance pour Angela Merkel


C’est dire néanmoins si le succès des Pirates est fragile, car cet électorat est très volatil. En Suède, le parti Pirate avait atteint 7,4 % en 2009 aux élections européennes, avant de plafonner à 0,6 % des voix l’an prochain aux élections législatives. Pour résister au choc de leur nouveau pouvoir, les Pirates vont sans doute devoir un peu plus structurer leur programme et leur organisation. Au risque de, eux aussi, décevoir, ces électeurs si volages. En attendant, leur irruption fait une heureuse : Angela Merkel. Car en affaiblissant les Verts, elle réduit la force de la coalition Verts-SPD. Et comme pour le moment, les Pirates refusent d’entrer dans le jeu des coalitions, cela fait les affaires de la chancelière. Depuis ce week-end, sa propre coalition avec les Libéraux, dépasse d’ailleurs pour la première fois depuis deux ans son concurrent de centre-gauche. Mais avec six partis au Bundestag, du jamais vu depuis 1953, la constitution d’une coalition majoritaire relèvera de la gageure, à moins de revenir à la grande coalition CDU-SPD. Une option qui ne devrait pas déplaire à Angela Merkel qui avait fort bien gouverné, entre 2005 et 2009, avec les Sociaux-démocrates. D’autant que l’avance considérable de son parti sur le SPD lui assurerait de demeurer locataire de la chancellerie. Une perspective qu’elle désespérait de pouvoir imaginer depuis deux ans.

10/04/2012, 17:11  

 

 
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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 21:00

 

LE MONDE | 07.04.2012 à 11h51 • Mis à jour le 07.04.2012 à 16h44

Par Anne-Sophie Mercier

 
 

 

Réponses des candidats à la présidentielle au questionnaire du "Monde" sur l'environnement.

 

Note : l'infographie publiée dans Le Monde daté du dimanche 8 et du lundi 9 avril 2012 comporte deux erreurs, à propos des questions sur la culture des OGM et de l'usage des pesticides. Nous présentons toutes nos excuses à nos lecteurs pour ces erreurs (corrigées sur la version numérique ci-dessus) et assurons de l'exactitude des autres informations.

Dans une campagne dominée par la question économique et sociale, l'écologie aura été une grande absente des débats, à l'exception de la sortie du nucléaire, débat central de l'automne 2011, qui ne parait plus guère intéresser les candidats. Mais la campagne présidentielle n'aura jamais été que le révélateur d'un phénomène mesuré depuis 2009 : l'écologie est de moins en moins au centre des préoccupations des Français.

Un exemple de ce désintérêt, que mesurent nombre de baromètres ? Selon un sondage de l'IFOP, réalisé en avril, pour Atlantico.fr, 27 % seulement des Français jugent que la protection de l'environnement est "tout à fait prioritaire". Contre 71 % pour le chômage. La faiblesse des intentions de vote en faveur d'Eva Joly, candidate écologiste, dans une campagne présidentielle où les écologistes n'ont jamais obtenu de gros scores, s'explique aussi en partie par ce relatif désintérêt.

Nicolas Sarkozy, qui avait commencé son quinquennat en fanfare en lançant le Grenelle de l'environnement, et un "super ministère" de l'écologie, auquel on avait ajouté les transports, le termine en retournant aux fondamentaux de la droite sur l'ensemble de ces dossiers.

Les déclarations selon lesquelles, l'écologie "ça commence à bien faire", les accusations de sectarisme envers les écologistes, sont autant de signaux envoyés à l'électorat paysan, tandis qu'une proposition de loi UMP votée en février faisait reconnaître le rôle des chasseurs dans la gestion de la biodiversité. Quant au ministère de l'écologie, il n'a plus de titulaire depuis que Nathalie Kosciusko-Morizet a été nommée porte-parole du candidat le 18 février. Un symbole.

"DES OUTILS POUR SORTIR DE LA CRISE"

L'intervention de François Hollande au Congrès de France Nature Environnement, le 28 janvier, a permis de mesurer l'intérêt du candidat socialiste pour l'environnement. "L'écologie et l'environnement sont des outils pour sortir de la crise", avait estimé M. Hollande, plaidant pour la préservation de la biodiversité, une fiscalité verte, l'interdiction des OGM en plein champ et une baisse continue des pesticides. Si le candidat socialiste a fait ce jour-là de l'écologie un "outil", il n'en a pas fait pour autant un thème prioritaire de sa campagne et de son opposition à Nicolas Sarkozy, en dépit du partenariat stratégique noué avec les écologistes et concrétisé par la signature d'un accord de mandature avec ces derniers en novembre 2011.

François Bayrou, présent à ce même congrès, s'en était tenu à des généralités, évoquant "l'harmonie qui doit exister entre les êtres humains et le milieu dans lequel ils vivent", sans guère avancer de proposition concrète, en dehors de la survie des abeilles, promue "objectif politique". Le Front national, sans surprise, n'a pas davantage fait de l'écologie un point fort de son projet, s'en tenant à des préoccupations sur la santé alimentaire, l'interdiction des OGM et la nécessité de faire décroître l'utilisation des pesticides.

LA GAUCHE DU PS A VERDI SON DISCOURS

La surprise de la campagne vient de la gauche du PS, qui a verdi son discours. Si le Parti communiste reste très attaché au nucléaire, Jean-Luc Mélenchon est parvenu à convaincre son allié de proposer, au nom du Front de Gauche, un référendum sur le sujet. Si Lutte ouvrière a refusé de répondre au questionnaire du Monde, il ne s'agit nullement d'un désintérêt pour l'écologie. "Dans cette économie capitaliste mue par le seul profit, aucune mesure prise isolément ne résoudra les problèmes de pollution ou ne préservera les ressources", écrit Mme Arthaud.

Bref, pour LO, il faut sortir du capitalisme pour faire de l'écologie socialement juste. Le cas du NPA est également intéressant. Non seulement il prône une sortie du nucléaire en une décennie, mais il se montre plus intransigeant que les autres sur la réduction de l'usage des pesticides et sur le respect de la trame verte lors du lancement de tout projet d'infrastructure.

Un article de la revue Vingtième siècle, signé par Philippe Buton, professeur à l'université de Reims et spécialiste du mouvement communiste, le rappelle : l'extrême gauche n'a intégré que très tardivement la question écologique à sa réflexion. Même si la LCR consacre un chapitre entier au sujet dans son programme dès 1977, Philippe Buton explique que "tout se passe comme si la Ligue donnait des gages à l'air du temps tout en méprisant ces revendications". Quant à LO, elle qualifie très longtemps l'écologie politique de "réactionnaire". Une rhétorique qui tend à régresser au sein de ces deux formations.

 

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 17:26
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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 17:07

 

Rue89 - passage a l’acte 06/04/2012 à 17h54
 

Une épicerie (bhamsandwich/Flickr/CC)

Une épicerie bio proposant des produits locaux dans la cave de son voisin ou au coin de sa rue… Tout en bénéficiant d’achats groupés et à prix cassés… C’est possible ! Et de plus en plus répandu. Terminées les longues files d’attente, les achats-corvées dans les hypermarchés et leurs prix à marge forcée.

Cette fois, c’est le consomm’acteur qui décide, qui organise et qui gère ses stocks. Il y a deux ans naissait le premier micro-magasin « 3 P’tits Pois » à Lyon, dans le 7e arrondissement. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine dans toute la ville.

Et la tendance pourrait se développer partout en France : un cinquième de la population se mobilise déjà en faveur d’une consommation dite « responsable », selon le cabinet de conseil Ethicity.

L’idée


L’épicerie (via « 3 P’tits Pois »)

Pour un quart des Français, un produit « responsable » doit être « fabriqué localement », d’après l’étude. Le « label » local garantit à leurs yeux « une éthique sociale et une plus grande proximité avec les acteurs ».

Alors, ni une, ni deux, Olivier Bidaut et Julien Waste créent les « 3 P’tits Pois » en 2010, coopérative de distribution de produits « bio-logiques » avec des producteurs et des fabricants, situés le plus près possible de la région Rhône-Alpes.

Cette offre, en circuit court, ne concerne que les produits types d’une épicerie : conserves, huiles... mais pas les produits frais. Elle vient s’ajouter à celle existante de fruits et de légumes, proposée sur les marchés de producteurs ou dans les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap). Avec une innovation majeure : les produits sont distribués dans des espaces, gérés par les consommateurs eux-mêmes.

Le succès est immédiat. Les deux hommes viennent de lancer le concept des « micro-épiceries autogérées » : rapprocher les commerces du lieu de vie des habitants, faire entrer le bio dans les quartiers et profiter du réseau à moindre coût des « 3 P’tits Pois », explique Olivier Bidaut, 35 ans.

« Nous proposons aux participants qui vivent loin de notre point de vente de se constituer en groupes et de trouver un lieu de stockage. Ensuite, ils n’ont plus qu’à choisir parmi nos 600 propositions. »

Une fois par mois, la coopérative se charge des livraisons sur les lieux choisis par les différents groupes. Aux adhérents, ensuite, d’aller se servir dans leur « garde-manger collectif », à toute heure du jour et de la nuit.

A ce jour, quelque 150 foyers ont rejoint le dispositif. Pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure, rien de plus simple. Ils s’inscrivent en ligne et se positionnent sur une carte de la ville. Dès qu’une dizaine de points bleus apparaissent sur leur zone, ils peuvent alors passer à l’action et installer leur propre épicerie.

Comment la mettre en pratique ?

Une fois le cercle de voisins ou d’amis constitué, reste à trouver un lieu de stockage. Olivier Bidaut donne certaines pistes :

« Une cave, un grenier, des locaux associatifs peuvent très bien faire l’affaire, pourvu que tous les membres puissent y accéder librement. »

Il revient également aux groupes de s’équiper en étagères, balances, boîtes, bocaux et autres cabas : tous les produits sont vendus en vrac, pour limiter les emballages.

Une fois la logistique mise au point, les particuliers sélectionnent leurs produits. On est loin des quelque 40 000 produits proposés par une grande surface. Mais ici, les choix correspondent parfaitement aux aspirations. Ludovic, 26 ans :

« Nous avons choisi une cinquantaine de références : farine, chocolat, vin, ainsi que des produits d’hygiène et d’entretien. Et nous complétons, pour les produits frais, avec une Amap. »

De quoi séduire tous les publics, raconte Paul Martin, qui vient de rejoindre la coopérative « 3 P’tits Pois », après avoir été leur client pendant plusieurs mois.

« De plus, les acheteurs ne sont pas tenus d’utiliser tous les produits qui ont été livrés. En fin de mois, chacun règle seulement ce qu’il a consommé et peut retourner ce qui lui reste. »

Lors de l’inscription, une caution est exigée, d’un montant équivalent à la valeur du stock, soit 20 à 30 euros par personne en moyenne. Un investissement initial très modeste donc.

Ce qu’il reste à faire

A ce jour, les micro-épiceries ne représentent encore que 15 % du chiffre d’affaires des « 3 P’tits Pois ». La démarche repose sur la capacité des gens à se fédérer et à adhérer. En moyenne, chaque groupe commande une trentaine de références.

Faute d’entente, les accords se font parfois a minima, autour d’une quinzaine de produits... Pas étonnant donc, pour Olivier Dauvers, éditeur et expert de la grande distribution, que ce type d’initiatives reste marginal :

« Le tout sous un même toit a fait le succès de la grande distribution et aucune filière courte ne pourra garantir le même niveau de choix et de praticité. Aujourd’hui, le consommateur n’est pas prêt à payer plus cher pour de la qualité ou à renoncer à la grande surface, sinon pour un ou deux de ses quatorze repas par semaine. »

Charles Pernin, chargé de mission alimentation à Consommation logement cadre de vie (CLCV), explique le développement encore limité de cette consomm’action par son coût : certes plus accessible que dans les magasins bio traditionnels (10 à 15% moins cher), mais toujours au-dessus des prix pratiqués pour les produits non bio.

« En période de crise, les ménages manquent de ressources économiques et ne peuvent traduire leur motivation en actes d’achat. Par conséquent, circuits courts riment souvent avec niveau de vie aisé. »

Une solution existe : adapter les prix en fonction des revenus. C’est le cas chez Solid’Arles, une épicerie solidaire, initiée notamment par l’association CLCV. Installée depuis 2008 au pied d’une barre HLM à Arles, elle pratique, non sans difficultés, la vente directe de produits frais et locaux : les plus modestes paient 30 % de moins que les plus aisés… Une démarche qui fait écho au slogan de l’organisation éponyme : « un P’tit Pois pour moi, un grand pas pour l’humanité ».

Andrea Paracchini


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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 16:28
Rue89 -Les faits du logis
Publié le 03/04/2012 à 03h31

Arlette, 94 ans, héberge Mariam, 69 ans de moins (Nora Roger et Floriane Wilbois)

 

A Vitry-sur-Seine, Arlette, 94 ans, habite encore dans la maison où elle est née. A l’intérieur, tout témoigne d’un autre temps : des portraits de famille ornent les murs, les rideaux sont assortis au papier peint usé et les meubles datent du début du siècle dernier. Depuis plus de cinq ans, cette ancienne institutrice passionnée d’histoire loue à Mariam, une étudiante en journalisme de 25 ans, la chambre qu’elle occupait enfant. Une colocation insolite, entre deux caractères bien trempés que plusieurs générations séparent. Rencontre.

Les faits du logis : Arlette, pourquoi avoir décidé d’accueillir quelqu’un chez vous ?

Arlette : J’avais lancé ça comme ça, en l’air, en pensant que cela serait peut-être une bonne idée. Longtemps, j’ai habité avec ma tante, qui a passé toute sa vie dans cette maison, elle aussi. Depuis sa mort, il y a trente ans, je me sentais un peu seule.

Mariam : Arlette a demandé à Marie-Agnès [une voisine, ndlr] si elle connaissait quelqu’un de confiance. Sa fille, Doria, savait que je galérais pour trouver un appartement et c’est elle qui nous a présentées.

Mariam, quelle était votre situation à l’époque ?

Mariam : J’étais désespérée. J’étais prête à aller en foyer de jeunes travailleurs, une des rares solutions qui ne coûtait pas trop cher. A Paris, pour 500 euros, vous ne trouvez que des logements minables. Même en banlieue, ce n’est pas évident. Sans Arlette, j’aurais dû arrêter mes études, c’est une évidence.

Je me souviendrai toujours de l’appel de Doria : « Tu te rappelles d’Arlette, ma voisine ? Tu l’avais croisée lors d’une soirée chez moi, à Vitry… Elle cherche quelqu’un qui pourrait habiter avec elle. » Oh le soulagement ! Si l’on m’avait annoncé que j’avais gagné au loto, cela m’aurait fait moins d’effet ! Premièrement, j’avais enfin une solution. Deuxièmement, le loyer n’était pas cher. Troisièmement, c’était à vingt minutes de ma fac en RER.

Cela n’a pas été trop dur d’ouvrir votre maison à quelqu’un que vous connaissiez à peine, Arlette ?

Arlette : Oh, mais Mariam était encore une petite fille quand je l’ai accueillie. Elle avait 19 ans tout juste… Et puis, j’arrive à cerner les gens assez rapidement, vous savez [rires]. Je lui ai tout de suite fait confiance. J’avais seulement peur qu’elle ne se sente pas à l’aise. Mais après sa première nuit ici, elle m’a dit que son lit était si confortable qu’elle pensait ne jamais pouvoir se lever… Cela m’a rassurée ! Je me suis dit : « Elle aura au moins un lit où elle se plaît. »

Mariam : Et finalement, c’est toute la maison que j’aime… [rires]

Et vous Mariam, quelles appréhensions aviez-vous ?

Mariam : Au début, je me demandais si je pourrais ramener des potes. Arlette, vous vous souvenez de mon ami Hugo ?

Arlette : Non, pas vraiment…

Mariam : Il avait des dreadlocks à l’époque. J’avais peur que vous soyez impressionnée, que vous ne compreniez pas bien son style. Et bien… vous vous êtes entendus comme cul et chemise ! Vous avez passé l’après-midi à discuter. Depuis, quand on fait des soirées entre amis, Arlette reste dans le jardin avec nous jusqu’à trois heures du matin.

Arlette : Tu as encore fait la fiesta me dit ma famille [rires] !

Mariam : Il faut avouer qu’Arlette, c’est quelqu’un d’incroyable, de très ouvert. Et ce, malgré les soixante-neuf ans qui nous séparent.


Un lien quasi filial les unit (Nora Roger et Floriane Wilbois)

Comment vous organisez-vous au quotidien ?

Arlette : Pour les repas, cela dépend des fois.

Mariam : Oui, quand je suis là, on mange ensemble. Sinon, chacune fait sa vie.

Arlette : Au début, j’avais prévu de vous faire votre petit-déjeuner comme le faisaient mes parents. Et puis je me suis vite rendu compte que vous aimiez vous débrouiller toute seule. Je me suis dit : « Après tout, elle prend ce qu’elle veut. Elle mange ce qui lui plaît et puis voilà. »

Mariam : Non, vraiment, il n’y a pas d’organisation particulière. Arlette aime bien aller au marché. Et moi, quand je fais les courses, j’en profite pour ramener six litres de lait avec la petite carriole. Bref, j’aide quand je le peux : un fusible qui saute, une ampoule grillée…

Arlette : D’ailleurs, la télé est encore en panne !

Mariam : Encore ? Bon, je m’en occuperai tout à l’heure.

Arlette : Ah ça, pour la technique, Mariam est douée. Elle me répare tout… Et pour le reste, on sait que l’on peut compter sur les voisins. C’est rare de trouver des gens aussi bien.

Mariam : Oui. Nous ne sommes que deux dans la maison mais les gens du quartier nous aident beaucoup. C’est comme une grande famille. Chacun a une clef du portail pour venir profiter du jardin quand il a un moment de libre.

Comment vous organisez-vous pour le loyer ?

Mariam : Je paye environ 150 euros par mois. C’est un montant important pour moi compte tenu de mes faibles revenus. Je suis boursière et je fais des petits boulots l’été, mais, ça ne suffit pas toujours. Alors, les mois difficiles, Arlette ne me fait pas payer.

Arlette : Oh bah c’est normal. Avec tout ce que vous avez à faire : entre vos études, le travail et les répétitions de musique, vous êtes bien courageuse !

Passez-vous beaucoup de temps ensemble ?

Mariam : Nous vivons ensemble. Ma chambre est au premier étage, mais je n’y reste pas cantonnée. Nous regardons la télévision, nous allons au cinéma ou au concert... Au quotidien, nous ne nous rendons pas vraiment compte du lien surprenant que nous avons tissé. Arlette fait partie intégrante de ma vie. Et puis nous avons un sujet favori toutes les deux : la religion.

Arlette : Ah oui, oui, c’est vrai. Ça c’est notre truc ! [rires]

Mariam : Après le dîner, nous pouvons rester des heures à discuter… J’apprends également beaucoup de choses sur l’histoire de France dont Arlette est passionnée. Elle me transmet son héritage. Ce qui est fou, c’est la distance qu’elle peut avoir par rapport aux événements. Quelque chose qui va complètement me catastropher, va la faire sourire.


Les deux femmes partagent des passions communes (Nora Roger et Floriane Wilbois)

On a le sentiment qu’un lien filial vous unit…

Arlette : C’est exactement ça.

Mariam : On n’a pas du tout un rapport locataire-propriétaire... Cela a peut-être été le cas au début, et encore, je n’en suis pas certaine.

Arlette : On s’est trouvées… Moi qui n’ai jamais voulu me marier et n’ai pas eu d’enfant et Mariam, qui n’a pas souvent vu sa grand-mère.

Mariam : Oui, elle était au Maroc. Aujourd’hui, Arlette c’est un peu ma grand-mère. Mais pas que. C’est une confidente, je lui raconte tout : mes petits soucis, les cours, les histoires de garçons, de copines. Arlette, c’est mon socle. Elle m’a dit une fois que sa plus grande peur était de n’avoir plus personne autour d’elle. M’accueillir, c’est sa façon de ne pas s’éteindre. Quand je serai vieille, j’aimerais bien vivre la même expérience.

Propos recueillis par Nora Roger et Floriane Wilbois.

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 14:00

LE MONDE | 19.03.2012 à 12h53

Par Mélina Gazsi

 
A Saint-Dié, 20 000 "billets" ont ainsi été imprimés. Total de la valeur : 100 000 déodats. Soit 100 000 euros.

Un lundi matin à la boulangerie d'Anne et Arnaud Romaire, rue Saint-Charles à Saint-Dié-des-Vosges. Une cliente : "Un pain et une dizaine de beignets, s'il vous plaît."

Derrière la caisse, Anne Romaire demande : "Vous payez comment ?" La question paraît saugrenue. Pas tant que cela. Dans le pays déodatien, vous avez le choix : régler vos achats avec des euros ou avec des déodats, la monnaie locale en vigueur depuis le 24 septembre 2011. En vitrine, un panneau l'atteste : "Ici, on accepte le déodat." Comme à l'Hôtel du Globe, la boucherie-rôtisserie de la cathédrale, la Biocoop, ou encore au restaurant Le Jardin de Merlin ou au kebab.

La boulangerie Romaire a été la première à y souscrire. Aujourd'hui, vingt-cinq commerçants, artisans ou autres professions ont suivi le mouvement. Résultat, dans les communes de Saint-Dié, Gérardmer, Raon-l'Etape, Senones et Moyenmoutier, une baguette, la facture d'une réparation de chaudière, une consultation médicale... tout règlement peut s'acquitter, entièrement ou en partie, en billets de 1, 5, et 10 déodats. Et si le compte ne tombe pas juste, c'est en euros que l'on vous rendra la monnaie. Le calcul est facile, un déodat ayant la même valeur qu'un euro.

Alors, quelle est l'utilité de cette devise parallèle ? Supplanter l'euro dont on vient de fêter le 10e anniversaire ? "Sûrement pas", répond Eric Goujot, coprésident de REDD (Réseau échange déodat), l'association qui pilote cette monnaie locale.

Préférant le terme de monnaie complémentaire, il explique : "Le premier objectif est de redynamiser l'économie locale et d'instaurer un autre système sans spéculation ni thésaurisation, capable de financer des actions d'économie sociale et solidaire."

Imprimée sous la forme de bons d'échange, tels que peuvent en distribuer de nombreuses enseignes en guise de cadeau ou de réduction, la pratique est tout à fait légale. A Saint-Dié, 20 000 "billets" ont ainsi été imprimés. Total de la valeur : 100 000 déodats. Soit 100 00 euros.

L'argent étant fait pour circuler et dynamiser l'économie, les premiers billets émis sont valables jusqu'au 30 avril et ne peuvent être prolongés qu'à trois reprises pour une durée totale de dix-huit mois. Au terme de ce délai, ils seront taxés à 2 % de leur valeur, permettant de financer des services culturels, sociaux et pédagogiques.

"Ce n'est ni un gadget pour écolos ni une utopie pour marginaux et rêveurs", poursuit Eric Goujot. La petite quarantaine, longtemps ingénieur dans l'industrie automobile, et investi depuis plus de dix ans dans le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises, cet homme n'a vraiment rien d'un rêveur. Pas plus que Francis Michel et Xavier Tible, cofondateurs avec lui du déodat. Le premier est bioélectricien, c'est-à-dire qu'il conçoit des installations électriques pour éviter les ondes électromagnétiques. Le second a quitté, il y a peu, la banque du Crédit lyonnais où il était chargé de vendre aux grands comptes de la région des investissements socialement responsables.

Il s'agit aussi, poursuit Eric Goujot, "d'expliquer aux citoyens, qui ne comprennent pas pourquoi on en est arrivés à cette crise européenne et mondiale, le mécanisme monétaire et de démontrer que nous avons une capacité d'agir, de reprendre la main et de mettre en place des dispositifs afin que la monnaie joue un rôle social et économique distributif".

Une façon de réinventer l'argent, en quelque sorte. "C'est encore une réponse concrète au développement durable et à la réduction de l'empreinte écologique", continue Eric Goujot. Entendez par là que, plus on consomme local, plus on parvient à réduire la facture énergétique.

Ces raisons emportent de plus en plus l'adhésion, et les profils des utilisateurs se diversifient bien au-delà du seul cercle des militants écologistes.

Marie Houzelot-Collignon, gérante de la coopérative La Ciboulette, le constate chaque jour davantage à travers ses clients. Pourra-t-elle bientôt régler en déodats ses fournisseurs-producteurs ? L'avenir le dira.

A quelques kilomètres de Saint-Dié, parmi les clients de l'auberge de la Cholotte, sur la commune des Rouges-Eaux, certains n'ont pas encore adopté les billets vert et bleu déodatiens. "Mais la proportion augmente, commente son propriétaire, Patrick Colin. Quand nous leur expliquons qu'avec cette monnaie locale nous achetons 90 % de nos produits, des produits locaux que nous allons chercher à moins de 30 kilomètres, cela leur plaît. Le choix est sans doute moins grand, mais ce n'est pas plus cher."

Au menu de la Cholotte, donc, une cuisine vosgienne : jambon au foin, tarte au géromé, myrtilles de jardin... "Dans une ville comme Saint-Dié qui a perdu plus de 10 000 habitants, et dans une région où dans la campagne, à 6 kilomètres alentour, il n'y a plus ni boulangerie ni café, les gens apprécient notre initiative de faire revivre leur territoire", renchérit ce restaurateur reconverti dans le développement local, après avoir dirigé pendant plus de trente ans une entreprise de chauffage.

Chaque vendredi sont organisées dans son établissement les Rencontres de la dynamique attitude, des soirées musicales inaugurées par une présentation du déodat. Sur la poutre centrale de la salle de restaurant, une devise : "Le bonheur n'est réel que s'il est partagé." Un slogan culinaire autant que politique pour cette ancienne ferme datant du XIXe siècle, transformée en auberge en 1986, et qui avait reçu François Mitterrand en 1993.

Elle fait aussi office de comptoir d'échange. Comme le bureau d'études thermiques, Terranergie, où Bernadette Lutz est venue changer un chèque de 300 euros et 100 euros en liquide contre 400 déodats. "Pour un monde plus fraternel", précise-t-elle. Par ailleurs, les déodats en circulation ont leur contrepartie en dépôt équivalent en euros, déposé à la NEF (Société coopérative de finances solidaires), banque gérée par le Crédit coopératif. Un fonds de garantie nécessaire en cas de demande de remboursement. Une situation bien improbable, si l'on en croit le boom des monnaies locales.

Mélina Gazsi

 

 

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 19:26

Source: Editionslibertalia

 

Je n’aime pas la violence. Je ne pense pas que l’on gagne beaucoup à brûler des banques et faire tomber des vitrines. Et pourtant, je ressens une poussée de plaisir quand je vois, à Athènes et dans d’autres villes grecques, les réactions à la ratification par le Parlement grec des mesures imposées par l’Union européenne. Voire plus : s’il n’y avait pas eu d’explosion de colère, je me serais senti perdu à la dérive dans un océan de dépression.

Cette joie est celle de voir le ver, trop souvent piétiné, se retourner et rugir. La joie de voir ceux et celles dont les joues ont été claquées milles fois, rendre la claque. Comment peut-on demander à des gens d’accepter docilement les coupes drastiques, qu’impliquent les mesures d’austérité, dans leurs niveaux de vie ? Doit-on souhaiter qu’ils acceptent simplement que l’énorme potentiel créatif de tant de jeunes gens soit noyé, leurs talents piégés dans une vie de chômage de masse et de longue durée ? Tout cela pour que les banques soient remboursées, et que les riches puissent s’enrichir ? Tout cela, seulement pour maintenir en vie un système capitaliste qui a depuis longtemps dépassé sa date de péremption, et qui n’offre aujourd’hui au monde rien d’autre que la destruction ? Que les Grecs acceptent ces mesures ne serait que l’augmentation exponentielle de la dépression, celle de l’échec d’un système aggravé par la dépression de la dignité perdue.

 

La violence des réactions en Grèce est un cri qui traverse la planète. Combien de temps encore resterons-nous assis, à regarder le monde être disloqué par ces barbares, les riches, les banques ? Combien de temps encore supporterons-nous de voir les injustices augmenter, les services de santé démantelés, l’éducation réduite au non-sens acritique, les ressources en eau être privatisées, les solidarités anéanties, et la terre éventrée pour le seul profit des industries minières ?

Cette offensive, qui est si manifeste en Grèce, a lieu partout sur la Terre. Partout, l’argent soumet les vies humaines et non-humaines à sa logique, celle du profit. Ce n’est pas nouveau, c’est l’ampleur et l’intensité de cette offensive qui l’est. Ce qui est également nouveau, c’est la conscience générale que cette dynamique est une dynamique de mort, que nous allons droit vers l’annihilation de la vie humaine sur Terre. Quand les commentateurs avisés détaillent les dernières négociations entre les gouvernements sur l’avenir de la zone-Euro, ils oublient de mentionner que ce qui s’y négocie allègrement est le futur de l’humanité.

Nous sommes tous grecs. Nous sommes tous des acteurs dont la subjectivité est tout simplement écrasée par le rouleau-compresseur d’une histoire écrite par les marchés financiers. C’est en tout cas ce à quoi cela ressemble, et ce que les marchés devraient récolter. Des millions d’Italiens ont protesté et manifesté, encore et encore, contre Silvio Berlusconi ; mais ce sont les marchés financiers qui l’ont destitué. Il en va de même en Grèce : de manifestations en manifestations contre George Papandreou, ce sont finalement les marchés financiers qui l’ont congédié. Dans les deux cas, des serviteurs avérés et bien connus de l’argent ont pris la place de ces politiciens déchus, sans même l’excuse d’une consultation populaire. Ce n’est même pas l’histoire écrite par les riches et les puissants, bien que certains d’entre eux en profitent : c’est l’histoire déterminée par une dynamique que personne ne contrôle, une dynamique qui détruit ce monde… si nous la laissons faire.

Les flammes d’Athènes sont des flammes de rage, et nous y réchauffons notre joie. Pourtant, la rage est dangereuse. Si elle est personnalisée ou qu’elle se retourne contre des groupes en particulier – ici, contre les Allemands – elle peut très facilement devenir purement destructrice à son tour. Ce n’est pas un hasard si le premier membre du gouvernement Grec à avoir démissionné en signe de protestation contre les mesures d’austérité est le leader d’un parti d’extrême droite, Laos. La rage peut si facilement devenir une rage nationaliste, ou même fasciste ; une rage qui en aucun cas ne peut rendre ce monde meilleur. Il est alors essentiel d’être clair : notre rage n’est pas une rage contre les Allemands, ni même une rage contre Angela Merkel, David Cameron ou Nicolas Sarkozy. Ces politiciens ne sont que les symboles pitoyables et arrogants de l’objet réel de notre rage – la loi de l’argent, la soumission de toute forme de vie à la logique du profit.

L’amour et la rage, la rage et l’amour. L’amour a été une thématique importante dans les luttes qui ont redéfini le sens de la politique ces dernières années, une thématique omniprésente dans les mouvements « Occupy », un sentiment profond présent même dans les affrontements violents aux quatre coins du globe. L’amour marche main dans la main avec la rage, la rage du « comment osent-ils nous séparer de nos propres vies, comment osent-ils nous traiter en objet ? » La rage d’un autre monde qui se fraie un chemin à travers l’obscénité du monde qui nous entoure. Peut-être.

Cette irruption d’un monde différent n’est pas qu’une question de rage, bien que la rage en fasse partie. Elle implique nécessairement la construction patiente d’autres manières d’agir, la création de différentes formes de cohésion sociale et de soutiens mutuels. Derrière le spectacle des banques grecques en feu repose un profond processus, le mouvement silencieux de ceux et celles qui refusent de payer les transports en commun, les factures d’électricité, les péages, les crédits… un mouvement émergeant de la nécessité et de la conviction, fait de personnes organisant leur vie différemment, créant de la solidarité et des réseaux d’alimentation, squattant des terres et des bâtiments vides, cultivant des jardins partagés, retournant à la campagne, tournant le dos aux politiciens – qui ont désormais peur de se montrer en public – et inaugurant directement des formes de discussion et de prise de décisions sociales. Cela est peut-être encore insuffisant, encore expérimental, mais cela est crucial. Derrières les flammes spectaculaires, se tiennent la recherche et la création d’un mode de vie différent qui déterminera le futur de la Grèce, et du monde.

Le mouvement social grec demande le soutien de la Terre entière. Nous sommes tous grecs.

John Holloway
Traduit de l’anglais par Julien Bordier

— -

John Holloway est l’auteur de Changer le monde sans prendre le pouvoir (Lux/Syllepse) et de Crack Capitalism (à paraître aux éditions Libertalia), il contribue régulièrement à la revue internationale de théorie critique Variations.

 

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