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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 22:43

 

Source : http://www.politis.fr

 

 

 

 
La société civile violemment expulsée du salon du « greenwashing »

 

Par Erwan Manac’h - Suivre sur twitter - 4 décembre 2015

 

 

Les militants de la cause climatique se sont invités au salon « solutions 21 » pour dénoncer le « greenwashing », donnant lieu à un nouvel épisode de la répression du mouvement écologiste.

 

Midi, dans les allées guindées du Grand Palais, l’atmosphère se crispe doucement. La mine austère et l’allure imposante des policiers en civil se font de plus en plus pressantes et de nombreuses personnes sont interdites d’entrée et écartées vers le métro.

Ce vendredi, jour d’ouverture du salon « Solutions 21 », plusieurs organisations de la coalition climat 21 avaient annoncé la tenue d’un « Lobby tour », pour décrypter ce que cachent les affichages « écoresponsables », « verts » et « durables » des grandes entreprises qui se sont offertes un stand, moyennant 250 000 euros, par exemple, par Engie (ex GDF).

« On aurait pu organiser ce salon si nous avions voulu faire une caricature du "greenwashing" », ironise Audrey Arjoune, de l’ONG Peuples solidaires.

Les nominés sont (notamment) :

  • Vinci, qui présente au salon son travail dans le cadre du « tink tank » Vivapolis qui préfigure l’Institut de la ville durable qui doit être lancé le 8 décembre, avec notamment la banque HSBC, Dassault et Suez. « L’emblème de cette entreprise, c’est Notre-Dame-des-Landes. Nous n’estimons pas qu’il fasse partie des solutions », note Floriant Copain, président des Amis de la Terre.
  • Engie, ex GDF, qui détient 30 centrales à charbon dans le monde. « Si on les additionne avec les 16 centrales détenues par EDF, dont l’État français est également actionnaire, cela représente la moitié des émissions de gaz à effet de serre de la France », dénonce Sylvain Angerand, coordinateur des actions pour les Amis de la terre France.

 

  • Avril-sofiprotéol, géant français de l’agro-industrie, qui fait la promotion de l’agrocarburant sur son stand du salon « solutions 21 ». « L’agrocarburant a provoqué l’accaparement de 17 millions d’hectares de terre et déstabilise fortement le marché de l’alimentaire », dénonce Laurence Marty, du collectif Toxic tour.

Stand d'Avril-sofiprotéol

Stand d’Avril-sofiprotéol

 

EM.

 

 

 


13 h, deux guides s’autodéclarent et commencent une visite guidée, l’un en français, l’autre en anglais. Le groupe, qui compte de nombreux journalistes, est immédiatement encerclé par les policiers en civil :

« Il faut savoir qu’un plein de voiture avec des agrocarburants représente l’équivalent de la nourriture d’une personne vivant sur le continent africain en un an. Voilà le modèle qu’on nous propose pour sauver le climat, alors que l’agriculture paysanne, en polyculture-élevage, existe », commence le guide francophone.

Toute tentative d’avancée dans les allées est stoppée par les forces de l’ordre qui finissent par bloquer un groupe d’une vingtaine de personnes. « Voilà un autre scandale, s’époumone Sylvain Angeraud, coordinateur des campagnes pour les Amis de la terre, qui a pris la suite de la visite guidée. L’huile de palme prétendument durable est cultivée avec un pesticide reconnu comme neurotoxique par l’OMS, le « paraquat ». Il aurait tué plus d’un million de personnes dans le monde. »

 

Tentative de visite à l'intérieur du Grand Salon, encadrée par la police.

Tentative de visite à l’intérieur du Grand Salon, encadrée par la police.

 

EM.

 

 

« La compensation carbone c’est aussi une grande arnaque, enchaîne-t-il dans la cohue. Ça permet à des entreprises de continuer à polluer. J’aurais aimé pouvoir aller discuter avec mes amis de Pur projet, qui se présentent comme une ONG alors qu’ils sont une entreprise qui a pour client Vinci, GDF Suez et un certain nombre d’autres entreprises qui achètent des crédits de compensations carbone. Je suis allé visiter leur projet au Pérou. Pur projet achète des forêts au Pérou et les autorités du pays interdisent aux communautés de couper un arbre, sous peine d’être poursuivies en justice. »

 

Sylvain Angeraud, des Amis de la terre, quelques secondes avant son expulsion.

Sylvain Angeraud, des Amis de la terre, quelques secondes avant son expulsion.

 

EM

 

 

Alors qu’il tente de poursuivre, il est tiré par le bras et violemment exfiltré par les forces de l’ordre. Le petit groupe subira le même sort, après une vaine tentative de s’asseoir en signe de résistance pacifique. C’est bientôt tout le salon qui sera fermé au public.

Devant le Grand Palais, les quelques 220 personnes triées au faciès, dont l’accès a été refusé, forment une manifestation improvisée. Une banderole est brièvement déployée devant les marches du monument, avant d’être repliée de force par les policiers en civil.

Deux sommations plus tard, la foule déjà émoussée par un jet de lacrymogène, ne demande pas son reste, préférant éviter les interpellations massives qui semblent se profiler.

« Tout ça pour une petite bande d’écolos », soupire une passante qui constate, dépitée, « qu’ils ont probablement coupé le réseau téléphonique ».

 

Selon le témoignage d’un exposant, le salon a été entièrement évacué vers 17 h pour faire entrer les chiens démineurs. Un pince-fesse avec VIP devait se tenir en soirée, uniquement sur invitation.

 

Document

 

 

Source : http://www.politis.fr

 

 

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 22:39
La police violente de nouveau des manifestants pour le climat

4 décembre 2015 / par Marie Astier (Reporterre)


 


 

Une manifestation pacifique était organisée ce matin dans le Grand Palais, à Paris, où les entreprises tiennent un salon des « Solutions » au changement climatique. Mais la police est violemment intervenue, évacuant ceux qui dénoncent ces « fausses solutions ». Reporterre était là, et s’est fait bousculer.

 

- Paris, reportage

Le rendez-vous était donné à midi à l’intérieur du Grand Palais, près des Champs-Élysées, par des associations (Attac, Amis de la terre, Peuples Solidaires,...). Enjeu : dénoncer ce qui, selon nombre d’associations écologistes, sont des "fausses solutions" au changement climatique.

Pour mettre en avant leurs projets auprès du grand public, de nombreuses entreprises y ont organisé « Solutions COP21 ». Avec des associations et des collectivités territoriales, elles y présentent leurs innovations en matière de lutte contre le changement climatique lors d’une immense exposition gratuite organisée au Grand Palais, à Paris, du 4 au 10 décembre. Cette initiative a coûté 4 millions d’euros.

 

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Le stand de Veolia.
 

En attendant le début de l’action, on fait le tour des stands. Chez Engie, le directeur environnement Hervé Casterman nous explique que « le gaz émet deux fois moins de gaz à effet de serre que les autres énergies fossiles, c’est donc un moyen d’accélérer la transition écologique. » Chez Evian, on nous explique fièrement que le recyclage d’une bouteille permet de fabriquer quatre stylos. Chez Cisco, entreprise californienne fournisseur de services pour l’internet, le directeur développement durable Philippe Dumont explique qu’on peut changer « la vie quotidienne et les comportements grâce à la technologie. » Au stand d’Avril, une magnifique voiture de tournesols symbolise les avantages environnementaux du Diester, qui «  émet 40 à 60 % moins de gaz à effet de serre que le diesel », nous détaille une des employées du service développement durable.

 

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Le stand d’Avril.
 

Un brouhaha de fond donne une ambiance calme, agrémentée d’un bruit de grenouilles fait par de petits véhicules vert à pédales.

Dans le public, on croise des visages connus, on comprend que les militants commencent à entrer dans le Grand Palais avec le public. Mais certains témoignent d’avoir été séparés de leurs amis : « À l’entrée ils font une sélection selon l’apparence, et ils écartent certaines personnes sans explications. Des dreadlocks ou un bonnet coloré ça ne passe pas ! » On constate que des gendarmes sont postés à l’entrée et semblent fouiller le public.

Vers 13h30, les organisateurs décident qu’il y a suffisamment de militants à l’intérieur. Une militante lève une feuille blanche marquée du signe « EN », « Toxic Tour in english », appelle-t-elle. Un amas de caméras s’amasse autour d’elle. Puis un second lance « Toxic Tour in French ! » On le suit.

 

 

Très vite, le groupe de journalistes et de militants est dirigé par des policiers en civil [1] dans un couloir, au bord des stands. « Vous ne voulez pas qu’on puisse voir les logos des entreprises, c’est cela ? » questionne Sylvain Angerand, chargé de campagne aux Amis de la Terre. C’est lui qui mène la visite. « Ce n’est pas grave, regardez derrière vous par exemple, il y a le stand d’Engie. Ils disent qu’ils ne construiront plus de centrales à charbon, mais ils en ont encore trente en fonctionnement ! »

 
 
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02:57
 
 
 
 
Sylvain Angerand.

 

Il cite également Intermarché, la lessive Le Chat, le groupe Avril, Renault, énumérant des exemples démontrant en quoi ces entreprises n’ont pas de solutions pour le changement climatique mais que leurs action l’accentuent.

Pendant ce temps là, les autres « lobbys tours » poursuivent eux aussi leur chemin. Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, est en visite au salon. Un groupe de paysans se poste sur son passage, chantant « Si t’aimes bien le greenwashing frappe dans tes mains ! ». La police intervient pour les mettre dehors.

 

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Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture.
 

Dans le groupe mené par Sylvain Angerand, nous sommes cernés. D’un coup, une bousculade, les policiers le saisissent violemment pour l’évacuer du Grand Palais. Puis, les policiers entreprennent de sortir les militants qui l’entouraient et qui s’assoient, chantant à nouveau la chanson du greenwashing. Les policiers les prennent un à un, en les forçant à sortir par une des portes latérales du bâtiment. Une femme emmenée fait une crise d’asthme : « Donnez moi ma Ventoline ! » Les policiers n’écoutent pas et l’embarquent. Une autre dame, elle aussi d’une cinquantaine d’année, proteste. Elle est emmenée manu-militari.

 

 

L’ambiance semble se calmer. On se regroupe avec d’autres journalistes, un photographe, bousculé dans la cohue, a pris un coup sur l’arcade sourcilière. Le président des Amis de la Terre, Florent Compain, nous apprend que Sylvain Angerand a juste été mis dehors, il n’est pas interpellé.

 

« Les fausses solutions sentent mauvais ! »

On voit passer d’autres militants, un policier sous chaque bras, se faisant accompagner vers la sortie. C’est là que les policiers nous saisissent fermement. Malgré nos protestations en tant que journalistes, ils nous emmènent aussi dehors. Avec nous, deux journalistes étrangers également. À la sortie, un groupe de policiers relève les identités des personnes exfiltrées. On refuse de donner les nôtres. Finalement, un gendarme nous conduit à la bouche de métro.

- Écouter l’échange, enregistré au téléphone à 14 h 32 (le son n’est pas très bon) entre Marie Astier et des policiers : ceux-ci veulent l’interpeller, puis l’empêcher de travailler. Elle rappelle qu’elle exerce son métier de journaliste et empêche les policiers d’interpeller Maëlle Ausias, étudiante en journalisme et stagiaire à Reporterre :

 

 
 
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03:58
 
 
 
 

Une chaîne de militants se forme devant le Grand Palais. Pour la briser et repousser les militants, les gendarmes utilisent de petites bombes lacrymogènes. Une banderole est déployée devant les marches : « Fausses solutions 21 : pas de paix sans justice climatique ! » L’ambiance se calme. Les manifestants crient « liberté, liberté ! ».
Les gendarmes mobiles encerclent le regroupement, évacuent les manifestants. L’un d’eux, monté en haut d’un poteau d’éclairage public, est délogé par des gendarmes voltigeurs. Une journaliste états-unienne de Vice News pleure à chaudes larmes, choquée. « Certaines personnes qui essayaient de sortir de la nasse des gendarmes ont été poussées et ont reçu des coups de pieds des gendarmes », affirme un témoin. « Ils n’y sont pas allés de main morte, témoigne un des paysans présents, Emmanuel Aze. Je pense que les policiers en civil étaient de la BAC, qui n’a pas la même culture d’intervention que les CRS... »

 

 

Vers seize heures, le calme est revenu, les gendarmes retournent à leurs camions. Les militants se dispersent. L’un d’eux nous demande : « Vous n’avez rien senti dans le Grand Palais ? » Ses mains sentent le poisson. « On a répandu des extraits de poisson, car les fausses solutions sentent mauvais ! »

Alors que la police a annoncé qu’« une trentaine de manifestants ont été repoussés du Grand Palais, puis contrôlés », donc qu’aucune interpellation n’a eu lieu, les organisateurs évaluent qu’une petite centaine de militants ont pu entrer à l’intérieur et que cinq cents ont accompagné l’action depuis l’extérieur. Ils appellent à revenir sur les lieux pendant toute la Conférence climat, afin de maintenir la pression. Sous quelle forme ? « Les manifestations sont un des moyens d’expression mais il faut se montrer créatif », nous confient-ils.


MOIGNAGE DE PIERRE MOREL, PHOTOJOURNALISTE

« Aujourd’hui 4 décembre 2015, un peu avant 14 h. Je couvrais en tant que photojournaliste accrédité et en commande pour le site d’information Les Jours l’action non violente « Fausses Solutions 21 » organisée au sein du Grand Palais. Un des policiers en civil qui encerclaient des militants et des journalistes a asséné un violent coup de coude à mon appareil photo qui a ensuite heurté mon visage et ouvert une plaie au dessus de l’arcade. Je ne sais pas si son geste était volontaire ou non, mais la conséquence est là.

Rien de grave pour moi si ce n’est une prise en charge par la sécurité civile et quelques points de suture aux urgences de l’hôpital Saint-Louis. Et bien sûr, l’impossibilité de suivre le reste de l’action et le salon.

Lors de cette action, de nombreuses personnes ont été arbitrairement interdites d’entrer dans le Grand Palais. Celles qui sont entrées ont été rapidement et violemment évacuées après le début de l’action. Peu après 14 h, les policiers en civil (que je présume de la BAC, brigade anticriminalité) ont aussi procédé à l’évacuation manu militari des journalistes restants (dont une journaliste de l’Agence France Presse et une autre de Reporterre, évacuée sous mes yeux). Ces dernières ont été clairement visées.

Je tiens à souligner que je n’ai pas été la seule personne visée et de nombreux journalistes et militants ont aussi subi l’action violente de la police en civil. »


MOIGNAGE DE GILLES DEGUET, VICE-PRÉSIDENT EELV DE LAGION CENTRE

L’élu s’est retrouvé mis dehors, alors qu’il n’avait rien à voir avec les manifestations...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 22:21

 

Source : https://paris-luttes.info

 

 

Contrôle social

 
Etat d’urgence : le pire est à venir
 
 
 

Vous trouviez que l’état d’urgence constituait un recul des libertés ? Vous pensiez qu’il était dangereux de céder ainsi à la peur ? De troquer nos droits les plus élémentaires contre l’illusion de la sécurité et une rhétorique belliciste ? Ce n’était pourtant qu’un amuse-bouche. Voici le plat de résistance qu’ils s’apprêtent à nous servir.

À en croire l’enquête publiée ce mercredi 2 décembre dans les colonnes du Monde, l’exécutif élabore en ce moment plusieurs réponses aux attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Il y a l’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence (jusqu’ici un peu bancal juridiquement) et de la déchéance de nationalité (jusqu’ici défendue par le Front National).

Mais il y a mieux. Deux lois seraient en cours de rédaction qui renforcent largement les pouvoirs du Parquet et de la police… en temps normal :

“ La possibilité de saisie par la police de tout objet ou document lors d’une perquisition administrative, sans contrôle du procureur, une mesure peu spectaculaire mais politiquement significative. Tout comme les perquisitions de nuit, la création d’un délit d’obstruction de la perquisition administrative, l’interconnexion globale de tous les fichiers, notamment ceux de la sécurité sociale, très complets, l’élargissement des possibilités de vidéosurveillance dans les lieux publics, l’assouplissement du régime de la légitime défense pour les policiers ou encore l’installation systématique de GPS sur les voitures de location, l’injonction faite aux opérateurs téléphoniques de conserver les fadettes pendant deux ans, contre un aujourd’hui, la garde à vue en matière terroriste portée de six à huit jours, l’utilisation des IMSI-Catchers, ces valisettes antenne-relais siphonnant dans un périmètre donné toutes données téléphoniques sans autorisation judiciaire.”

Si nous sortons un jour de l’état d’urgence - ce qui est loin d’être gagné puisque Valls parle déjà d’une nouvelle prorogation après les trois mois déjà votés - les flics pourront donc continuer d’agir en toute tranquillité dans le régime du soupçon et de la présomption de culpabilité.

Toutes prévisions qui ne font que renforcer l’intérêt des mobilisations à venir contre l’État policier et ses dérives violentes.

 

 

 

Source : https://paris-luttes.info

 

 

 

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 18:39

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Tefal: la justice condamne l’inspectrice du travail et le lanceur d’alerte
4 décembre 2015 | Par Rachida El Azzouzi
 
 
 

L’inspectrice du travail et le lanceur d’alerte qui dénonçaient les abus et pressions de la société d’électroménager sont condamnés à 3 500 euros d’amende avec sursis.

3 500 euros, c’est l’amende à laquelle un employeur est condamné s’il entrave un inspecteur du travail dans ses missions. Pas à Annecy, en Haute-Savoie, où la justice marche à l’envers. Ce vendredi 4 décembre, le jugement est tombé dans l’affaire Tefal qui fait couler de l’encre depuis trois ans (sur Mediapart ici, ou encore ). Laura Pfeiffer, l’inspectrice du travail, traînée en justice pour avoir dénoncé les entraves à sa fonction de la part de la société d’électroménager Tefal, est condamnée. Elle écope de 3 500 euros d’amende avec sursis, pour « violation du secret professionnel » et « recel d'e-mails internes ». La condamnation sera inscrite à son casier judiciaire. Soit un coup d’arrêt à sa carrière professionnelle si son ministère de tutelle le décide. Mais selon le cabinet de la ministre du travail, Myriam El-Khomri, joint par Mediapart, Laura Pfeiffer sera « maintenue dans ses fonctions ». 

Christophe M., le « lanceur d’alerte », un ancien informaticien de Tefal, licencié depuis l’affaire, qui a transmis les e-mails à l'inspectrice prouvant l’étendue des pressions qu’exerçait sur elle la direction de cette filiale du groupe Seb, a été condamné à la même peine. 3 500 euros d’amende avec sursis pour « détournement de courriels » et « accès frauduleux à un système informatique ». Laura Pfeiffer et Christophe M. devront également verser un euro symbolique à chacune des cinq parties civiles au procès (la société Tefal et quatre personnes physiques), ainsi que payer solidairement 2 500 euros au titre des frais de justice.

 

La justice leur reproche d’avoir diffusé dans les syndicats et la presse des documents obtenus frauduleusement, internes au service des ressources humaines de Tefal. Ces documents, fournis par Christophe M. à l’inspectrice, ont permis de révéler l’ampleur des abus et pressions du principal employeur privé de Haute-Savoie pour se débarrasser de Laura Pfeiffer. Tout commence en 2013 quand l’inspectrice, en charge du contrôle de Tefal, dénonce l’accord caduc sur les 35 heures. Furieuse de cette remise en cause qui peut coûter cher à l’entreprise, la direction de Tefal s’acharne pour obtenir la mutation de la fonctionnaire. Du Medef local aux renseignements généraux, en passant par le préfet et, plus grave, par le supérieur hiérarchique de Laura Pfeiffer, Philippe Dumont – qui, en échange du service rendu à Tefal, obtiendra l’embauche en stage d’un de ses protégés, un étudiant, membre éloigné de sa famille, en dernière année d’école d’ingénieurs à Paris –, Tefal a joué de ses relations et pouvoirs pour parvenir à ses fins.

 

Laura Pfeiffer (au premier rang à droite) lors de l'audience du 5 juin qui a vu le procès renvoyé au 16 octobre. © Rachida El Azzouzi Laura Pfeiffer (au premier rang à droite) lors de l'audience du 5 juin qui a vu le procès renvoyé au 16 octobre. © Rachida El Azzouzi
 

« Ça me choque. J'avais toujours l'espoir qu'on sorte de l'absurde. J'ai le sentiment d'avoir juste fait mon métier, ce qui apparemment dérange », a réagi Laura Pfeiffer auprès de l’AFP, à l’annonce de sa condamnation ce vendredi 4 décembre. Elle était accompagnée d'une centaine de syndicalistes venus la soutenir. Son avocat, Henri Leclerc, va faire appel de la décision (pas encore motivée à l’heure où nous publions ces lignes). Le 16 octobre dernier, au terme de six heures d’audience, il avait plaidé la relaxe pure et simple dans cette affaire « absurde ». Un procès politique dans l’air ultralibéral du temps. Celui d’un corps de métier, de la police du travail chargée de faire respecter le droit du travail bien malmené dans les entreprises. Loin de tout débat juridique et du fond de l’affaire : les pressions exercées par l’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois pour mettre hors jeu une inspectrice.

 

Le procureur d'Annecy Éric Maillaud – pour qui les intérêts économiques semblent compter plus que le droit du travail – avait, lui, requis 5 000 euros d'amende, éventuellement assortie de sursis, à l'encontre de Laura Pfeiffer, et une amende « symbolique » intégralement assortie de sursis à l'encontre de Christophe M. Le magistrat n’avait d’ailleurs jamais caché vouloir « faire le ménage » chez les inspecteurs, selon des propos tenus auprès d’une journaliste de l’Humanité en juin dernier qui lui avaient valu les réprimandes du directeur général du travail (DGT) Yves Struillou, lui-même ancien inspecteur (lire ici). S’il a instruit avec célérité la plainte de Tefal, les plaintes de l’inspectrice, contre le groupe d’électroménager pour « obstacle aux fonctions d’inspecteurs du travail » et contre son supérieur de l’époque pour harcèlement, dorment toujours à ce jour dans les tiroirs de son parquet.

À l’audience, Éric Maillaud s’était trouvé des alliés : l’avocat de Tefal et la présidente du tribunal. Cette dernière avait surpris l’assistance avec ses questions très orientées à destination de l’inspectrice et des différents agents qui viendront témoigner en sa faveur. Notamment en les interrogeant sur leur conception du métier. « “Appliquer le code du travail”, “garantir de bonnes relations sociales”, expliqueront la plupart d’entre eux. Jusqu’à ce que l’un d’eux trébuche : “Pour défendre aussi les plus faibles”, dira-t-il. Propos qui sera ensuite utilisé par le procureur dans son réquisitoire », racontait Libération ici.

L’annonce de la condamnation de l’inspectrice et du lanceur d’alerte ce matin a fait l’effet d’une bombe dans les inspections du travail de l’Hexagone, en émoi depuis le début de l’affaire en 2013. Une centaine d’agents se sont rassemblés en début d’après-midi devant le ministère du travail à Paris tandis qu’une délégation était reçue par la ministre El-Khomri. « Nous sommes indignés et stupéfaits », écrit dans un communiqué l’intersyndicale du ministère du travail (CGT, Sud, FO, CNT, FSU). Il n’est pas possible de condamner une inspectrice du travail pour n’avoir fait que son travail. Il n’est pas possible de condamner un lanceur d’alerte pour avoir joué ce rôle essentiel d’aiguillon. » L’intersyndicale dénonce « un procès honteux », « symbole de la collusion entre le patronat et les hauts cadres de l’État ». Elle appelle « l’ensemble des collègues et des salariés » à organiser des assemblées générales. Un préavis de grève pour une durée illimitée a été déposé au niveau national à compter de lundi prochain par plusieurs syndicats dont la CGT et Sud. « Du jamais vu », dit une fonctionnaire.

Tout au long de cette affaire, tombée en plein démantèlement de l’inspection du travail au travers de la réforme Sapin, et dans un contexte généralisé de casse du code du travail par une « gauche » au pouvoir qui a cédé à l’ultralibéralisme, Laura Pfeiffer n’a bénéficié d'aucun soutien de sa hiérarchie régionale ni de son ministère de tutelle – qui refuse de reconnaître en accident de service son arrêt maladie. Alors même que les pressions et l’atteinte à l’indépendance des inspecteurs du travail sont caractérisées, alors même qu’un avis du Conseil national de l’inspection du travail (CNIT) reconnaît clairement les pressions indues exercées sur l’inspectrice. Seul appui : les syndicats de sa corporation.

Lorsque François Rebsamen était ministre du travail, l’indifférence était la rigueur. Le sera-t-elle encore avec Myriam El-Khomri, qui lui a succédé ? « La ministre ne commente pas publiquement une procédure judiciaire, ni une décision de justice. En revanche, elle s’est entretenue longuement avec Laura Pfeiffer avant le délibéré et l’a assurée de son soutien », insiste aujourd’hui le cabinet de la ministre, joint par Mediapart. L’intersyndicale reste sceptique. Si elle est rassurée par l’engagement oral de la ministre de ne pas sanctionner la carrière de l’inspectrice, le compte n’y est pas, selon une syndicaliste proche du dossier : « Le ministère refuse tout soutien public comme de s’engager sur la reconnaissance de l’accident de service de Laura Pfeiffer en arrêt maladie. Mercredi prochain, Laura Pfeiffer est convoquée par le directeur général du travail et sa hiérarchie régionale. Mais cela ressemble plus à une convocation qu’à une discussion pour sortir par le haut de cette histoire. Et dans ces conditions, Laura refuse l’entretien. » À suivre.

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 17:21

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Creuser jusqu’où ?

3 décembre par Ecosociété , Nicolas Sersiron

 

 

 

 

Nicolas Sersiron, membre du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme », spécialiste des questions relatives à la dette écologique, revient avec un nouvel ouvrage.

Dans l’ouvrage collectif« Creuser jusqu’où ? Extractivisme et limites à la croissance », Nicolas Sersiron revient sur les risques que l’extractvisme, c’est-à-dire la trop grande exploitation des ressources naturelles, fait peser.

 

Creuser jusqu’où ?
Extractivisme et limites à la croissance

SOUS LA DIRECTION DE YVES-MARIE ABRAHAM, DAVID MURRAY, 384 pages,

 

Avec des textes de collectif ALDEAH, Charles Beaudoin-Jobin, Philippe Bihouix, Laura Handal Carvantes, Denis Delestrac, Jonathan Durand-Folco, Ariane Gobeil, Alain Gras, Martin Hébert, Normand Mousseau, Manuela Lavinas Picq, Éric Pineault, Bertrand Schepper-Valiquette, Nicolas Sersiron

 

Partout, l’heure est à l’intensification de l’exploitation industrielle des « ressources naturelles ». Forêts, eau douce, minerais, sable, rivières, faune sauvage, gaz de schiste, pétrole, terres fertiles, paysages grandioses : tout y passe ! La justification de ces efforts est partout la même : cette exploitation est un facteur de croissance essentiel dont il serait fou de ne pas profiter alors que les emplois manquent et que les États sont endettés. C’est le choix de l’extractivisme. Si ce phénomène suscite des débats, ceux-ci ne portent généralement que sur les conditions de l’exploitation de ces richesses : qui va vraiment profiter de ces ressources ? Comment ne pas faire trop de dégâts en les mettant à profit ? Est-ce le bon moment de les exploiter ?

 

Et si, au lieu de se préoccuper de la bonne façon de partager ce « gâteau » (sans trop salir la nappe), on s’interrogeait plutôt sur la pertinence même de le consommer ? Avons-nous vraiment besoin d’arnacher de nouvelles rivières, d’exploiter toujours plus de gisements de pétrole et de minerais, d’ouvrir de nouveaux territoires aux touristes, d’intensifier les cultures et l’élevage animal ? Ne s’agit-il pas d’une fuite en avant, sur un chemin qui ne mène nulle part, sinon à la destruction pure et simple de notre habitat terrestre et de nos sociétés ? Ne pourrions-nous pas vivre aussi bien, voire mieux, sans pratiquer ce type d’exploitation ? Si oui, à quelles conditions ?

 

Les auteur.e.s s’attaquent à ces questions difficiles en dénonçant la logique de l’extractivisme avant d’en souligner les principales limites physiques. Les effets destructeurs et irréversibles du processus économique sur les ressources naturelles dites « non renouvelables » (énergies fossiles, minerais, etc.) étant déjà à l’œuvre, les auteur.e.s s’attellent à décrire les alternatives possibles à ce « modèle de développement » : low-tech, transition énergétique, résistance autochtone et philosophie du buen vivir… Ils nous invitent à changer de paradigme pour penser les pistes d’actions nécessaires dans un futur post-extractiviste. Car à force de creuser, nous arrivons bel et bien aux limites de notre unique planète.

 

Pour comprendre pourquoi l’extractivisme des ressources naturelles constitue une menace pour le climat, Nicolas Sersiron nous répond ici.

 

Source : Ecosociété

 

 
Auteur

Nicolas Sersiron

Ex-président du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme »
Après des études de droit et de sciences politiques, il a été agriculteur-éleveur de montagne pendant dix ans. Dans les années 1990, il s’est investi dans l’association Survie aux côtés de François-Xavier Verschave (Françafrique) puis a créé Échanges non marchands avec Madagascar au début des années 2000. Il a écrit pour ’Le Sarkophage, Les Z’indignés, les Amis de la Terre, CQFD.
Il donne régulièrement des conférences sur la dette.

 

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 15:17

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/nothing-hide-documentaire/blog

 

 

Nothing to hide - Un documentaire indépendant sur la surveillance

 

Nothing to Hide est un documentaire dédié à la question de la surveillance de masse et à son acceptation dans la population. Il est écrit et produit par deux journalistes français et allemands, Marc Meillassoux et Mihaela Gladovic. Nothing to Hide est en cours de réalisation, suivez le sur Mediapart. (In English below)

 

Nothing to Hide - documentaire sur la surveillance en cours de réalisation Nothing to Hide - documentaire sur la surveillance en cours de réalisation

 

Nous avons la chance de résider dans la capitale allemande. Après les révélations Snowden, Berlin est devenue la nouvelle place forte des défenseurs de la vie privée et des « exilés digitaux » (S. Harrison de Wikileaks, L. Poitras, Citizen Four, J. Appelbaum, de Tor Project…). Durant une année nous avons travaillé sur la question de la protection des données, enquêté sur la scène digitale et rencontré ses protagonistes. Ces six derniers mois, nous nous sommes focalisés sur ce que nous considérons être la clé de voute de la surveillance moderne : son acceptation au sein de la population, justifiée par l’affirmation « je n’ai rien à cacher ».

 

La logique du « Nothing to Hide »

La logique de l’argument « rien à cacher » est la suivante : nous nous accordons généralement à dire que les régimes de surveillance sont intrinsèquement liberticides et dangereux. Pourtant, nous utilisons tous un nombre croissant de services en ligne et applications gratuites, dont nous savons pourtant depuis les révélations Snowden qu’elles servent de matière première à la surveillance de masse. Suite aux attaques terroristes récentes, certains défendent aussi son recours, prêts à « sacrifier un peu de vie privée pour plus de sécurité ». Nombre d’entre nous justifions notre attitude de la façon suivante : « de toute façon, je n’intéresse personne » et finalement « ils peuvent regarder, je n’ai rien à cacher ».

 

Un choix de Société

La problématique de la surveillance est particulièrement difficile à appréhender. Elle est difficilement perceptible au quotidien, ses implications paraissent lointaines et abstraites et nous nous sentons impuissants face à sa dimension technique. Nous avons essayé de démêler ces fils un à un pour répondre aux questions suivantes : Les traces que nous laissons en ligne pourront-elles un jour se retourner contre nous? La surveillance de masse est-elle efficace pour combattre le terrorisme ? N’avons-nous tous vraiment « rien à cacher » ? A quoi pourrait ressembler notre société dans 10 ans ? Quelles sont les solutions pour protéger notre vie privée en ligne ?

La question du « Rien à cacher » n’a jamais été documentée. Sa réponse appelle pourtant un véritable choix de société.

Nous tenons à remercier les deux medias indépendants qui nous soutiennent dans notre démarche : Mediapart en France et ALEX TV en Allemagne.

 

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(ENGLISH)

‘Nothing to Hide’ is written, produced and directed by two journalists living in Berlin. Marc and Mihaela launched this documentary project in response to what they think is the keystone of modern surveillance: its acceptance by the general public through the Nothing to Hide statement.

The "Nothing to Hide" logic

We generally all agree that surveillance regimes are inherently dangerous and authoritarian; at the same time we use an increasing number of free online services and apps, giving up our privacy rights and building our Big Data. As E. Snowden’s revelations showed, this private & “friendly” surveillance provides the raw material for the state surveillance. In the actual context of terrorism, many of us also agree to give up privacy rights for the promise of increased security. To justify our compliance, most of us usually repeat: “Anyway, I don’t interest anyone” and finally “I don’t really care, I have Nothing to Hide”.

A choice for society

We have tried to understand what this logic implies for us individuals, but also for our societies. Is what we do online really irrelevant? Does mass surveillance help fighting terrorism? Do we really have Nothing to Hide? We found this fundamental question had not yet been addressed. Its answer, though, involves a real choice for society.

 

 

Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.

 

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/nothing-hide-documentaire/blog

 

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 15:04

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Deux manifestants jugés en comparution immédiate
2 décembre 2015 | Par La rédaction de Mediapart
 
 
 

Deux jeunes ayant manifesté dimanche 29 novembre place de la République malgré l'état d'urgence ont été condamnés, mardi 1er décembre, en comparution immédiate devant la 23echambre du tribunal correctionnel de Paris.

Sur 317 personnes gardées à vue dimanche 29 novembre 2015 à la suite de leur participation au rassemblement interdit place de la République à Paris autour de la COP21, neuf avaient vu leur garde à vue prolongée lundi. Deux d'entre elles ont été condamnées mardi après-midi en comparution immédiate par la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

 

L’un, âgé de 28 ans, à trois mois de prison ferme, sans mandat de dépôt, et 200 euros de dommages et intérêts pour violences volontaires sur un agent de police et refus de se disperser malgré les sommations. Il est accusé d'avoir jeté une bouteille en verre, dont les éclats ont occasionné une « coupure au-dessus de la lèvre » d'un policier. L’autre, une saisonnière de 25 ans, à 1 000 euros d’amende pour être restée sur la place malgré les ordres, également, et avoir refusé que l’on prenne ses empreintes. « On fait des sommations dans un piège à rat. Pour que les gens se dispersent ? Je ne crois pas », a protesté l’avocate de la défense. Au moins un autre manifestant devrait passer devant le même tribunal, ce mercredi.

À lire sur Le Monde

*ou ci-dessous

 

 

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Source : http://www.lemonde.fr

 

 

« Ce n’est pas le procès de la manifestation, ni celui des black blocs »

 

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par

 

 

 

Des manifestants pendant le rassemblement interdit du 29 novembre, place de la République à Paris.

Ils sont finalement là, les deux premiers condamnés de la place de la République. Venus manifester en marge de la COP21 alors que l’état d’urgence l’interdisait, David M. et Jorine G. ont été interpellés dimanche 29 novembre. Comme 339 autres manifestants ce jour-là sur cette place. Ils ont ensuite été placés en garde à vue. Comme 315 autres personnes.

 

Mais seuls eux comparaissaient, mardi 1er décembre, devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. L’un pour violences volontaires sur un agent de police et refus de se disperser malgré les sommations. L’autre pour être restée sur la place malgré les ordres, également, et avoir refusé que l’on prenne ses empreintes.

A 28 ans, David M. reconnaît « une partie » des faits qui lui sont reprochés. « Le fait d’avoir été là pour la ligne humaine. » Ivre ? Oui, il l’était. Le jet de projectile ? Il l’admet aussi. Mais lui a lancé une canette en aluminium, pas une bouteille en verre dont les éclats ont occasionné une « coupure au-dessus de la lèvre » du policer, comme le décrit la présidente du tribunal. Et c’était parce que recevoir du gaz lacrymogène l’avait énervé, se justifie le prévenu. Il ne pouvait donc pas viser volontairement qui que ce soit, puisqu’il en avait « partout dans les yeux ».

Lire aussi : Ce que l’on sait des débordements place de la République à Paris

 

 

« Sous l’empire de l’état d’urgence »

 

 

Pourquoi participer à une manifestation interdite « sous l’empire de l’état d’urgence », s’enquiert la présidente. Et surtout, pourquoi ne pas sortir de la place après les sommations ? David M. a été interpellé à 14 h 46 précises – au moment de la deuxième sommation des forces de l’ordre – au milieu des groupes décrits dans le procès-verbal des policiers comme « anarcho-autonomes libertaires ». Lesquels les provoquaient et refusaient de se disperser.

« Ce n’est pas le procès de la manifestation, ni celui des black blocs. C’est le procès de monsieur », insiste son avocate. Certes, monsieur connaît des zadistes. Il a même passé une semaine avec ceux d’Agen et en a croisé « deux ou trois » à Paris au cours du week-end de la manifestation. Mais il ne faisait « pas partie de ces groupes-là », insiste-t-il, désignant ceux qui s’en sont pris aux forces de l’ordre sur la place de la République et se sont même emparés « d’éléments issus du mémorial de la statue en hommage aux victimes » des attentats, précise la présidente, ajoutant l’opprobre moral à celle de la loi.

Sur les captures d’écran de la vidéosurveillance, le prévenu est facilement reconnaissable, avec son sac à dos de randonnée et ses habits clairs. « Une tâche de lumière » au milieu des manifestants les plus énervés, vêtus de noir, souligne son avocate. Il ne cherchait d’ailleurs pas à se cacher, selon lui. S’il avait un tee-shirt autour de la bouche, c’était davantage « pour les odeurs de poivre. » Les yeux rivés sur les clichés, la présidente est sceptique. « On voit tout de même que vous êtes au milieu des échauffourées. » Des clichés également « éloquents » pour le procureur.

« Il n’y a que des personnes avec le visage masqué autour de vous. (…) Pourquoi vous ne reculez pas et allez au contraire au contact des CRS après l’ordre de se disperser ? »

Les sommations, David M. admet les avoir entendues. Mais en regardant dans les rues alentour, les barrages de CRS étaient déjà en place. « J’ai voulu passer, mais je me suis pris un coup de gaz lacrymo. » Une explication qui ne convainc pas le procureur, qui requiert huit mois de prison dont quatre avec sursis et mandat de dépôt à la clef. Car « quand le masque tombe, ou plutôt le foulard dans le cas de monsieur, il faut rendre des comptes ».

Soit finalement trois mois de prison ferme, sans mandat de dépôt, et 200 euros de dommages et intérêts. Le parquet de Paris a annoncé avoir fait appel de ce jugement.

 

Lire aussi : Les militants de la COP21, cibles de l’état d’urgence

 

Des sommations dans « un piège à rat »

 

Les deux premières condamnations sont tombées après la manifestation émaillée de violences de dimanche à Paris. Récit d’audience.

Jorine G. prend sa place dans le box des prévenus. Entre la saison des vendanges et des olives, la jeune femme de 25 ans est venue « visiter des amis » à Paris. Et participer à la manifestation. Ne savait-elle donc pas que c’était interdit ? « Sur les réseaux sociaux, elle était maintenue », répond la militante, certes, écologiste, mais version pacifiste. « La violence, ce n’est pas quelque chose que j’apprécie », insiste-t-elle. Alors elle s’est mise en retrait quand « ça » a commencé. Pas question, en revanche, de quitter la place et « donner raison à cette violence » en s’en allant.

Les sommations, elle affirme ne pas les avoir entendues depuis là où elle se trouvait. Et quand elle a voulu sortir : « Impossible. » Les barrages policiers ont été mis en place autour de la place bien avant la première sommation, selon le procès-verbal des policiers lu par la présidente du tribunal. « On fait des sommations dans un piège à rat. Pour que les gens se dispersent ? Je ne crois pas », estime l’avocate de la défense.

Finalement, ce n’est pas vraiment d’être restée qui lui « vaut d’être ici », souligne le procureur. Ce qu’il lui reproche surtout, c’est d’avoir refusé que l’on relève ses empreintes. « Ça a une importance », insiste-t-il, surtout dans « ce contexte ». Il ne dira pas « état d’urgence ».

« Effectivement, admet la jeune femme, droite dans ses bottes de saisonnière. J’ai considéré que je n’avais pas de raison d’être interpellée. » Alors garder le silence, c’était sa façon de montrer qu’elle n’était « pas d’accord avec la situation. » Pour son avocate, on « frise le ridicule ». Car sur les 317 gardés à vue, deux seulement ont été déférés. « Dont celle-là, lance-t-elle en désignant la glaneuse d’olives à la présidente. Et ce malgré le fait qu’elle a finalement donné son identité trois heures avant que vous ne décidiez de son déferrement pour venir encombrer votre chambre. »

Deux comparutions immédiates, « pour l’instant », lui répond la présidente. Il est 23 h 30 dans la 23e chambre. Jorine G. est déclarée coupable et écope de 1 000 euros d’amende. Au moins un autre manifestant devrait passer devant le même tribunal, mercredi.

 

 

 Lucie Soullier
Journaliste au Monde

 


Source : http://www.lemonde.fr

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 14:55

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 Pas question d’avocat, ici, c’est moi qui commande. » Témoignages de gardes à vue en Etat d’urgence

 

3 décembre 2015 / Deux manifestants placés dimanche en garde à vue
 

 

 

 

Reporterre publie deux témoignages de manifestants arrêtés dimanche après-midi, place de la République, à Paris, et placés en garde à vue.

 

Dimanche 29 novembre, la police a parqué et violenté des manifestants pacifiques place de la République. Plus de trois cents ont été emmenés en garde à vue. Emmanuel et Camille étaient de ceux-là. Ils racontent ce qu’ils ont vécu.


- La nuit est tombée et cela fait environ deux heures que nous sommes encerclés avec environ 200 personnes dans un coin de la place de la République par un impressionnant cordon policier. Ceux-ci restent statiques pendant de longues minutes puis, suivant une logique qui m’échappe encore, s’avancent en petits groupes vers la foule pour en extraire une poignée de manifestants, a priori repérés à l’avance, qui seront ensuite emmenés vers les camions malgré quelques timides tentatives des autres manifestants pour les retenir.

Malgré la pression policière, l’urine qui recouvre le sol, le froid, l’absence d’accès à l’eau ou à la nourriture, la foule reste paisible et joyeuse. Des chants militants, une enceinte et un grimpeur qui va accrocher un drapeau multicolore au sommet d’un arbre assurent l’animation. Mais vers 18 h, de nouveaux bus de police arrivent et les policiers se placent de telle sorte qu’on comprend qu’ils vont passer à l’offensive. Alors que nous réclamons depuis deux heures de sortir de la place sans heurt ni arrestation, ils viennent attraper des manifestants à un rythme plus élevé qu’avant et, cette fois-ci, au hasard.

 

Une volée de coups de pieds et de matraques

Notre groupe fond. Pour protester contre ces arrestations, nous nous regroupons et nous tenons les bras en chantant : « On sort tous libres, ou on sort pas ! » Sourds à nos cris, les policiers continuent d’embarquer les manifestants sans qu’il y ait trop de protestations. Quand vient mon tour et que plusieurs CRS m’arrachent de ce filet de solidarité bien fragile, je me laisse tomber par terre pour leur compliquer la tâche tout en levant mes bras en l’air en signe de non-agression. D’emblée, malgré les protestations de la foule, une volée de coups de pieds et de matraques s’abat sur mes jambes et mes côtes, suffisamment bien placés pour faire mal sans laisser de traces. Ma non-coopération pacifique énerve les flics qui, en me traînant hors de portée des caméras, me menacent « tu vas dérouiller », « tu vas regretter », « tu vas comprendre ta douleur ». Ils finissent par me plaquer dos au sol, à l’abri des caméras. Un policier se place au dessus de moi et me décoche un coup de poing dans la mâchoire alors que je ne montre aucun signe d’agressivité. Pendant qu’ils me fouillent, les menaces et les petits coups continuent. Juste avant de me faire entrer dans le bus, ils me font un croc-en-jambe et je me retrouve face contre terre.

Une fois plein, notre bus se dirige vers Bobigny, où nous sommes parqués entre des barrières, pendant quatre heures, sur un parking venteux. Normalement, notre garde à vue aurait dû nous être notifiée. D’après ce que j’ai compris de la loi, après quatre heures de contrôle d’identité, nous devons être relâchés, ou un OPJ [officier de police judiciaire] doit nous notifier notre mise en garde à vue et lire nos droits. Or, ce délai est largement dépassé et nous ne savons toujours pas ce qu’ils comptent faire de nous. Les manifestants, qui pour la plupart n’ont rien de militants professionnels et encore moins d’activistes violents, gardent le moral. Au compte goutte, les personnes pénètrent le bâtiment et on les voit ressortir, environ 30 minutes plus tard, menottées, et amenées vers un camion. Une fois ceux-ci pleins, ils partent vers une destination inconnue.

 

À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels

Vers 11 h du soir, la procédure s’accélère, les personnes ne restent pas plus de quelques minutes dans la salle. Quand vient mon tour, l’OPJ me signifie mon placement en garde à vue depuis 15 h 45 pour participation sans armes à un attroupement après sommation de se disperser. Je lui demande pourquoi personne ne m’en a informé avant. Elle me rétorque sur le ton de l’évidence qu’à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Selon elle, un magistrat nous aurait collectivement placés en garde à vue à partir du moment où le cordon s’est refermé sur nous. Je lui indique plusieurs noms d’avocats volontaires pour assister les manifestants mais sans être en mesure de donner leurs numéros. Les autres interpellés ont déjà donné des dizaines de fois ces numéros à ses collègues et sûrement à elle-même, mais elle refuse de les inscrire si je ne suis pas capable de lui fournir le numéro moi-même. Elle coupe court à tout dialogue : « Ce sera un commis d’office ou rien. »

Par défaut, je choisis ces avocats. Nous sommes répartis en petits groupes et amenés, certains menottés d’autres non, dans différents commissariats parisiens. Nous faisons une partie du trajet en bus, puis le reste avec un véhicule banalisé qui roule à plus de 100 km/h en agglomération, gyrophare allumé, alors qu’aucune urgence ne semble imposer ce type de conduite. Une fois arrivés, on nous menotte à un banc en attendant notre fouille. Trente minutes plus tard, nous sommes en cellule, un cagibi de quelques mètres carrés composé d’un banc en pierre, et de toilettes à la turque dégageant une puissante odeur d’excréments. Aux murs, des tags qui semblent avoir été réalisés avec des matières fécales donnent la nausée. Le froid, le stress, l’humidité, les odeurs, les allers-retours et la dureté du banc en pierre m’empêchent de fermer l’œil de la nuit.

 

« J’aime pas ta gueule et ton air »

Au petit matin, un policier en civil particulièrement désagréable et hautain vient nous demander si on nous a pas pris nos empreintes. « Si vous refusez, c’est 15.000 euros d’amende et un an ferme », dit-il pour nous mettre la pression. Au moment de prendre les miennes, il me glisse : « J’aime pas ta gueule et ton air. Je préfère encore les petits branleurs de cité. » Mon codétenu demande à voir son avocat avant de décider d’accepter le relevé d’empreintes. « Pas question d’avocat ici, c’est moi qui commande. » Il se fera donc ficher sans avoir pu le consulter. Rapidement, des petits délinquants rejoignent la cellule. On se retrouve bien serrés sur notre petit banc. Quelques heures plus tard, on me sort de cette cage de béton, de métal et de plastique pour voir le médecin. Quand je lui parle des coups reçus au corps et au visage, il m’écoute distraitement en me tenant la main pour prendre mon pouls. Sans même regarder mon corps, il me dit qu’on verra ça plus tard. Je ne le reverrai pas.

Je vois l’avocat en fin de matinée, 16 heures environ après le début officiel de ma garde à vue. Contrairement aux flics qui traînaient dans les sous sols puants, ceux qui réalisent mon audition sont presque aimables et se plaignent de ce coup de filet massif et « stupide ». Une fois l’audition terminée, je retourne dans ma cellule pour déguster un plat de pâtes et suis libéré vers 15 h, comme la plupart des manifestants parfaitement inoffensifs arrêtés la veille. Je repars dégoûté par ces abus de pouvoir ordinaires et ce sentiment de toute puissance de la police, cette garde à vue absurde et ces violences verbales et physiques banalisées mais je reste déterminé à lutter contre cette mascarade qu’est la COP 21.

Emmanuel


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Le commissariat rue de l’Evangile, à Paris, l’un de ceux de région parisienne où ont été répartis les gardés à vue

- Dans le bus, on était persuadés qu’on ressortirait vite. On rigolait, on chantait, c’était la colo. On a attendu longtemps, chauffage à fond et vitres fermées, de sortir et on s’imaginait que c’était la faute à un comité de soutien. Les filles sont sorties les premières, on est descendu par l’entrée parking, on nous a fouillées et fait enlever nos soutifs. La GAV [garde à vue], c’est sexiste, nous autres on sera beaucoup mieux traitées. Dans le couloir on m’a finalement notifiée ma garde à vue, il était 19 h 20. Je crois que j’ai souri devant tant d’absurdité. Nous étions devant une grande cellule où étaient disposées des tables et des OPJ [Officier de policier judiciaire]. La mienne, qui se désolait de ne pas avoir assez de feuilles et mal au bras, m’a paru sympa au début. Elle m’a affirmé, en rigolant comme si j’étais naïve, que c’était elle qui allait joindre ma mère et que je n’aurais pas le droit de lui parler. Elle ne lui communiquera pas le nom du commissariat. J’ai demandé un médecin et un avocat et on m’a envoyée en cellule. Je suis passée devant les cellules des mecs. Dans la première, on ne pouvait plus s’asseoir, la seconde était en remplissage.

Mes camarades m’ont applaudie en rentrant. On était une vingtaine, toutes belles, entre 20 et 30 ans, les cheveux propres. On a commencé a chanter, à se demander quel jeu on pourrait faire. On discutait avec « les garçons » et certains flics complètement mal à l’aise. L’ensemble des cellules a communié au son de Cayenne, d’Hexagone et de la chanson de la ZAD du Testet. On s’étonnait de trouver nos visages familiers, d’avoir les mêmes références. J’ai voulu aller aux toilettes, la policière m’a tenu la porte. J’étais gênée, mais elle m’a conseillé de prendre mon temps parce qu’après le transfert, ce serait pire.

 

« Le viol de la CEDH, c’est maintenant ! »

De fait, il y aura deux temps. Celui du centre souterrain spécial COP où nous n’avions ni bouffe, ni couverture, ni médecin mais où ça chantait et où on dormait serrées les unes contre les autres pour se réchauffer et celui après le transfert. Nous n’avons pas eu droit à un GAV normale, à peine ai-je eu un aperçu, vers 5 h, quand on a refusé de nous donner de l’eau tant qu’on se « roulerait pas comme des chiens ». Ils [les policiers] ont été sympas avec nous, emmerdés qu’ils étaient qu’on leur prenne autant de place et de temps.

Lorsque j’ai vu mon avocat commis, il m’a clairement dit que dans le contexte de l’état d’urgence, je n’avais que mon gentil minois pour m’en tirer parce qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. On en parlait au policier : « Le viol de la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme], c’est maintenant !..

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

Témoignages République

« Y a plus de caméras, ferme ta gueule sinon je vais te saigner comme un cochon »

par

 

 

Plusieurs centaines de personnes ont bravé l’interdiction de manifester pour le climat le 29 novembre à Paris. Rapidement, des affrontements éclatent entre forces de l’ordre et quelques jeunes « en mode black block ». « De nombreux manifestants, clowns, jeunes, vieux, hommes, femmes, leur crient d’arrêter en allant jusqu’à s’interposer entre eux et les flics, mais ils se font gazer au spray à poivre, matraquer et embarquer », témoigne Sarah*, qui avait choisi de manifester pacifiquement. Elle fait partie des 317 personnes placées en garde à vue ce jour là. Récit.

 

Je suis arrivée place de la République vers 14h30 au moment où les premiers tirs de gaz lacrymogènes ont commencé à être tirés par les nombreux CRS et gardes mobiles présents sur la place. Après quelques minutes de déambulations sur la place, je me rends compte qu’ils sont déterminés à bloquer les manifestants sur la place. De nombreuses personnes étaient présentes, de passage, traînaient dans le coin comme un dimanche normal place de la République, d’autant que les stations de métro étaient ouvertes. Un seul cortège (NPA, Alternative libertaire…) faisait le tour du terre-plein.

 

Je me rapproche des lieux d’où sont tirés les lacrymos et quelques jeunes en mode « black block » commencent à jeter des projectiles sur les CRS. Je confirme donc, les CRS n’ont pas « répliqué », ils ont « commencé » ! Chaque jet de nouvelles lacrymo et bombes assourdissantes achève de déchaîner quelques personnes qui portent masques ou cagoules.

 

De nombreux manifestants, clowns, jeunes, vieux, hommes, femmes, leur crient d’arrêter en allant jusqu’à s’interposer entre eux et les flics, mais ils se font gazer au spray à poivre, matraquer et embarquer. De nombreuses personnes, journalistes compris, sont touchées par les munitions des policiers qui commencent à se détacher en petits groupes pour aller rafler quelques manifestants au milieu du chaos. Les fronts se multiplient et petit à petit, les jets de projectiles cessent. Un vieux monsieur se retrouve couché par terre, une jeune fille est touchée par la police et crie « j’ai mal ! Pourquoi vous faites ça ?! On vous a rien fait ! ». Plus les gens sont agressés par les tortues-ninjas, plus raisonne le slogan : « État d’urgence, État policier, on nous enlèvera pas le droit de manifester ! ». Le vaste cortège principal se dissout doucement et plusieurs centaines de personnes se massent au centre de la place.

 

« Mais vous ne respectez rien, même pas les morts ?! »

Un cercle de manifestants est formé pour protéger la statue de la République et les objets déposés pour les morts du 13 novembre pour éviter qu’ils ne soient utilisés comme projectiles. Le cercle se défait sous l’avancée des gardes mobiles. Les lignes de CRS et gardes mobiles commencent à se resserrer et à enfermer les manifestants sur le terre-plein central. Les CRS avancent se frayant un chemin à coup de matraque, broient les bougies, photos, fleurs disposées pour les morts du 13 novembre. Les manifestants leur crient : « Mais vous ne respectez rien, même pas les morts ?! ». Rapidement, les personnes masquées brûlent leurs vêtements et disparaissent. Ce ne sont pas eux qui seront arrêtés.

 

De nombreux manifestants lèvent les bras ou s’assoient en signe de non-violence, d’autres sèment des fleurs aux pieds des CRS, les clowns tombent par-terre les uns sur les autres en mimant des exécutions, d’autres dansent devant les robocops en surnombre. L’ambiance est très joviale entre les manifestants qui savent déjà qu’il leur sera difficile de sortir de là malgré les négociations avec les gendarmes et CRS. Personne ne sort. On est enfermés et livrés à la violence arbitraire des CRS qui ont l’air aussi déchaînés que terrifiés… par nous !

 

Il y a des manifestants de part et d’autre de la ligne de CRS et des dizaines de camions de police avancent sur la place, on commence le jeu du « C’est à bâbord qu’on gueule, qu’on gueule... », on se répond pendant plusieurs minutes, puis c’est au son de « c’est tous ensemble qu’on gueule, qu’on gueule, c’est tous ensemble qu’on gueule le plus fort ! ». Rapidement, nos copains de l’autre côté, devant la rue du faubourg du Temple se font charger violemment et plusieurs sont arrêtés. Nous, on crie « tapez pas nos copains ! » en boucle.

On est encore en train de chanter lorsqu’on entend des gens crier dans notre dos, les gardes mobiles procèdent à des interpellations d’une violence inouïe en traînant les gens par terre, les tirant par les cheveux, sans distinction de sexe ou d’âge, ils attrapent les premiers qui passent, les plus faciles. Pour se protéger, on s’attache les uns aux autres en se tenant les bras, ils chargent par petits groupes et refusent de nous laisser sortir de la place.

 

« J’ai rarement vu autant de haine dans le regard »

Je me retrouve en première ligne avec deux copains, les gendarmes nous chargent, on recule, ils essayent de nous détacher les uns des autres, on crie, on se débat, on se resserre, mais rien n’y fait. Ils me soulèvent par les jambes, attrapent mon copain de droite par les cheveux, on se lâche et on se fait prendre. Ils me portent jusqu’au
panier à salade et dès qu’ils s’éloignent des caméras et photographes, celui qui me tient les jambes me dit « y a plus de caméras, ferme ta gueule parce que sinon moi je vais te saigner comme un cochon ». J’ai rarement vu autant de haine dans le regard d’un étranger.

Pendant les quelques secondes que dure ma traversée entre de brutales mains, je me dis que je vais me faire péter la gueule à l’abri des regards. Je pense que ma couleur et mon keffieh ne sont pas étrangers à cette charmante menace… Arrivée devant le camion, une policière en civile veut fouiller mon sac avant de me faire monter et me rappelle qu’elle n’est pas « ma copine », je lui réponds que « justement moi non plus » et finis par le lui donner.

 

Dans le bus, je reconnais des têtes familières, personne ne sait ce qu’il va se passer. On discute, fait connaissance, se met aux fenêtres et les copains restés dehors nous font des signes de soutien. Je fais semblant de boire à la paille tendue de l’autre côté de la vitre. On reste encore sur la place un moment et au moment de démarrer, c’est
tout le bus qui tambourine aux fenêtres pendant presque tout le trajet. Le bruit attire les passants qui nous font des signes bienveillants ou ne comprennent pas ce qui se passe.

 

On arrive devant le commissariat du 18ème et on attend… longtemps… on ne sait pas ce qu’ils vont faire de nous. Nous sommes trop nombreux, ça va plus emmerder les flics que nous de devoir faire autant de paperasse ! La rue Clignancourt est fermée pour l’occasion, les flics menacent les gens qui nous filment dans le tabac d’en face. Dedans, on chante, on tape, on fait des blagues… bref, on s’amuse et on se fait de nouveaux potes. Un copain nous explique à tous nos droits et nous donne les noms d’avocats à donner aux flics. Deux heures plus tard, on nous descend par petit groupe de 3 à 5. Le flic me tient par mon sweat, je lui dis que je peux marcher sans ça et il me répond : « C’est mieux qu’une clé de bras ». S’ensuit un débat sur la définition du terme « menace ».

 

Avec ma « coloc » de cellule, on se partage un drap

On sait que s’ils ne nous signifient pas notre garde à vue dans les deux heures qui suivent, ils doivent nous relâcher. Tout se fait à la chaîne, ils nous enlèvent nos chaussures, bijoux, mon sweat (parce qu’il y a des cordons). On nous notifie nos garde à vue, les OPJ nous donnent des informations contradictoires à chacun. On me met en cellule avec les autres filles. « Son » OPJ a dit à l’une d’elle qu’elle sortirait au bout d’une heure donc elle n’a pas donné de numéro pour ses proches, certaines croyaient qu’elle étaient obligées de signer, personne ne sait quand on va être relâchés. Je passe devant deux autres cellules où il y a des garçons, on fait « coucou » et on se lance des bisous.

 

La manifestation se poursuit dans les cellules, tout le monde chante, rigole, on fait des percussions avec les bancs, on joue, certaines dorment, d’autres sont assises entre les barreaux. Lorsqu’ils refusent de nous emmener aux toilettes, on remanifeste «  Pipi ! Pipi ! ». Ça nous amuse et certains flics aussi. On est vraisemblablement d’accord sur le fait qu’on n’est pas « des vrais méchants » et qu’on a tous autre chose à faire.

 

Ils viennent nous chercher individuellement pour nous transférer dans d’autres commissariats parce qu’on est trop nombreux. Je pars avec un mec qui était dans mon bus et qui demande son insuline depuis plus de 4h maintenant. Il est environ 1h du matin, difficile de savoir sans montre ni portable. On est transférés au commissariat du 2ème arrondissement, nous serons 10 dans ce cas. Nous sommes deux dans ma cellule, on comprend qu’on ne sera pas auditionnés avant le lendemain.

 

Dans la cellule, les précédents occupants avaient écrit « 93 » avec du vomi sur le mur. On discute de temps en temps avec les copains. Les policiers de garde sont plutôt sympathiques, l’un d’eux me ramène des ciseaux pour couper le cordon de mon sweat parce que j’ai froid. Avec ma « coloc » on se partage un drap, elle dort, moi non, j’ai froid, soif et mal partout… sans doute les restes de ma délicate interpellation.

 

Ils viennent nous chercher un par un à partir de 9h environ pour nous auditionner. On peut enfin voir un avocat et un médecin pour ceux qui l’ont demandé. Le copain diabétique a enfin accès à son insuline (20h après son interpellation !). L’avocat me dit que les vices de procédures sont nombreux puisque je le vois 20h après le début de ma garde à vue. Idem pour le médecin, affligé d’être là et qui se demande ce qu’il fout là en songeant à changer de métier.

 

Un policier : « On est d’accord avec vous, on est de votre côté »

Comme tout le monde, je suis accusée de « maintien d’un attroupement malgré les sommations de se disperser » ou un truc dans le genre. Pas de mention de manifestation interdite, violence, outrage ou rébellion. Donc comme tout le monde, honnêtement, je dis qu’on a entendu aucune sommation et qu’on nous interdisait de nous disperser de toutes façons. Je refuse de donner mes empreintes et de me faire prendre en photo donc je suis auditionnée en plus pour ça. Plusieurs policiers sont assez gentils avec nous, viennent nous parler, s’assurent qu’on a ni faim ni froid. L’un d’eux me dit même : « on est d’accord avec vous, nous on est de votre côté », même s’il ajoute « après sur la méthode, peut-être pas ». Je ne sais toujours pas sur quoi on était d’accord exactement….

 

On nous ramène en cellule et au bout d’encore plusieurs heures, on est relâchées avant les huit garçons. Les flics qui nous font sortir s’emploient à être aussi désagréables que possible, pour eux nous sommes de petits inconscients qui « ne vivent pas sur la même planète ». On leur répond que justement si, et que c’est pour ça qu’on était là dimanche. L’ambiance craint. On leur dit qu’ils foutent en l’air le capital sympathie de leurs collègues et on s’en va !

 

Bref, on est loin d’avoir perdu la guerre psychologique, on a eu le temps de se faire plein de nouveaux potes, on a appris plein de nouvelles choses, on a aiguisé nos arguments sur différents publics. Au jeu de la répression, François et Manuel ont puni les flics plus que nous.

 

Un bisou à tous-tes les camarades qui nous faisaient des signes dans la rue, à tous-tes celles et ceux qui étaient avec moi dans les cellules, à tous ceux dont les GAV ont été renouvelées, à tous-tes les copains et copines d’ailleurs qui sont venus se joindre à nous et qu’on a foutu en rétention. Et aux autres aussi.

 

On lâche rien !

 

Sarah B.*, le 30 novembre, à sa sortie de garde à vue

Photo : © Myriam Thiebaut

* Le prénom a été modifié.

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 14:37

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Air France: premier passage au tribunal des salariés accusés de «violences»
1 décembre 2015 | Par Dan Israel
 
 
 

Cinq salariés sont poursuivis pour « violences en réunion » devant la justice. Parallèlement, l'entreprise a lancé des procédures de licenciement, mais le premier licencié n'est pas mis en cause par la justice. Avocats et syndicats dénoncent le manque de preuves.

Dans la salle d’audience, l’embarras devrait être sensible. Et au-dehors, la colère palpable. Ce mercredi, une quinzaine de salariés d’Air France sont convoqués devant le tribunal de grande instance de Bobigny, à la suite des échauffourées qui ont entouré le comité central d’entreprise le 5 octobre. Les images du DRH, Xavier Broseta, et du responsable des vols longs-courriers, Pierre Plissonier, chemises déchirées, obligés de passer les hautes barrières de sécurité pour se dégager d’une foule de salariés en colère, ont fait le tour du monde. La réaction judiciaire avait été sévère : à la suite de la dizaine de plaintes déposées par la compagnie et ses employés, six salariés avaient été interpellés le 12 octobre, la plupart à leur domicile à six heures du matin. Et ce, avec l’appui marqué du gouvernement.

Un des salariés a été depuis mis hors de cause. Les cinq autres (dont un délégué syndical) comparaîtront dans l’après-midi pour « violences en réunion ». Neuf autres seront, eux, poursuivis pour dégradations, accusés d’avoir forcé un portail d’accès au siège de la compagnie, à Roissy, pendant le CCE. Parallèlement au volet judiciaire, une procédure disciplinaire est en cours à Air France, et cinq salariés se sont vu notifier leur licenciement.

 

Xavier Broseta escorté par des vigiles, le 5 octobre. © Reuters - Jacky Naegelen Xavier Broseta escorté par des vigiles, le 5 octobre. © Reuters - Jacky Naegelen

 

Mediapart peut d’ailleurs révéler que ces deux procédures ne sont pas identiques : le premier salarié licencié par Air France, qui a reçu sa lettre vendredi, n’a en fait pas été mis en cause par les enquêteurs, et ne sera pas jugé. Autrement dit, Air France a trouvé assez d’éléments à son encontre pour se séparer de lui, mais la justice n’a pas estimé qu’il était condamnable pénalement. L’information est confiée par Lilia Mhissen, l’avocate de onze des salariés poursuivis. L'entreprise confirme qu'un employé en procédure de licenciement n'est pas visé par la justice. Inversement, un des hommes poursuivis en justice pour violences l’a été à la suite d'une plainte d’un vigile, mais il ne fait l’objet d’aucune procédure de la part d’Air France.

Durant l’audience à Bobigny, l’affaire ne sera pas jugée sur le fond, la juge se bornant à renvoyer le dossier à la fin mai. Elle a fait savoir aux parties concernées (en informant les avocats des salariés après que l’info a fuité dans la presse) qu’elle ne souhaitait pas juger le dossier seule, et qu’elle préférait qu’il soit renvoyé devant une formation de trois juges, habituellement réservée aux affaires plus graves. Bien que les salariés d’Air France risquent trois ans de prison au maximum, la magistrate a sans doute jugé bon de laisser passer un peu de temps, et de ne pas porter seule le poids de cette affaire devenue emblématique.

 

Il est vrai que l’ambiance risque d’être lourde devant le tribunal. La CGT, dont sont membres les cinq salariés poursuivis pour violence, a appelé à une mobilisation sur le parvis dès midi ce mercredi. Elle est appuyée par une large intersyndicale, composée notamment de FO, SUD Aérien et les syndicats de pilotes minoritaires Spaf et Alter. La CFDT et la CFE-CGC ne soutiennent pas cette action. La CGT, FO et SUD Aérien appellent en parallèle les salariés à faire grève. Interrogé par Mediapart, Mehdi Kemoune, secrétaire de la fédération transports CGT, indique que le rassemblement a été autorisé par la préfecture de Seine-Saint-Denis, et annonce la présence de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, ainsi que de Jean-Luc Mélenchon. « Nous espérons réunir 3 000 personnes », signale-t-il. SUD PTT et Solidaires ont annoncé qu'ils seraient présents.

« Nous estimons que les procédures judiciaires et disciplinaires sont totalement disproportionnées, explique Jérôme Beaurin, représentant de SUD Aérien. Habituellement, la direction attend les décisions judiciaires avant de lancer les licenciements. Dans ce cas, la direction s’est dépêchée d’enclencher les procédures. Nous ne comprenons pas cette stratégie, sauf à y voir une attaque contre les salariés. » L’intersyndicale n’a pas digéré que Manuel Valls traite les employés d’Air France de voyous, alors que l’entreprise entend toujours faire baisser les effectifs de 2 900 personnes… et qu’elle vient d’annoncer des bénéfices records de 480 millions d’euros pour le troisième trimestre. Le plan d’économies annoncé n’est de toute façon pas présenté comme nécessaire à la survie de l’entreprise, mais comme devant la remettre dans le peloton de tête des compagnies aériennes les plus compétitives.

Face aux accusations de brutalité, l’entreprise déclare avoir lancé pour chaque employé « une procédure juste, équitable et proportionnée » et avoir « tout mis en œuvre pour écouter les salariés concernés ». Au départ, six salariés devaient être licenciés, mais la procédure a été abandonnée pour l’un d’entre eux. Une demande d’autorisation de licenciement du représentant syndical mis en cause a par ailleurs été adressée à l’inspection du travail. Onze autres salariés, accusés de dégradations, ont écopé de deux semaines de mise à pied avec retenue de salaire. Et deux pilotes, à qui l'on reproche d’avoir utilisé leur badge pour faire entrer les manifestants dans le bâtiment abritant le CCE, sont aussi mis en cause, mais devaient faire l’objet d’un entretien hiérarchique avant que l’entreprise ne se penche sur leur sort.

Les actions lancées par l’entreprise comme les procédures judiciaires se fondent principalement sur les images vidéo des événements du 5 octobre, issues des caméras internes, mais aussi pour certaines des rushs fournis par quelques chaînes de télévision présentes sur place. Or, selon les syndicats, « aucune des vidéos des salariés incriminés ne montre de violences physiques à l’encontre de qui que ce soit ». C’est ce qu’affirme également l’avocate Lilia Mhissen : « Aucun personne renvoyée devant le tribunal n’a arraché la chemise de Xavier Broseta, aucune n’a porté de coup », martèle-t-elle. Elle va jusqu’à affirmer que l’entreprise a « pris cinq personnes au hasard pour les licencier ». « Il y a une dimension politique, une volonté de montrer une grande sévérité, qui sont parfaitement injustes pour les salariés concernés », estime l’avocate, qui demande la relaxe pour tous ses clients, estimant que rien ne permet de les faire condamner.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 14:21

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/savannah-anselme/blog

 

 

 

Ce que j'ai vu de mes yeux place de la République
 
 
Ce qu'il s'est passé à République le 29 novembre 2015 ? Mais que voulez-vous savoir ? Ce qui m'a d’abord fait chaud au cœur ou ce qui l'a brisé ensuite ?

J'ai vu des milliers de chaussures disposées sur le sol pour symboliser tous ceux qui ont renoncé à venir à cause de l'interdiction. J'ai vu des dizaines de personnes, parmi lesquelles de simples passants, ramasser ces chaussures pour remplir deux camions entiers, destinés à Emmaüs. Le plus grand don de chaussures jamais organisé.

J'ai vu des milliers de personnes constituer une chaine humaine sur le parcours initial de la manifestation. J'étais avec mon petit frère, ma mère, mon conjoint et des amis. Nous avons remonté le cours de la chaine humaine en brandissant fièrement nos pancartes. Moi en tête, j'arborais un magnifique panneau avec un message clair : "Désolé pour le dérangement, nous essayons de sauver le monde" Les gens déjà en place dans la chaine humaine nous ont fait un tonnerre d'applaudissements. Ma pancarte qui a déjà vu de nombreuses manifs, a eu droit à sa première haie d'honneur. Ce que je ne savais pas encore alors, c'est que ce serait aussi sa dernière.

Nous avons ensuite pris place dans la chaine.

Une fois cet événement terminé, nous sommes retournés place de la République. Au bout de quelques minutes, un groupe de manifestants s'est mis à tourner en rond autour de la place, scandant un message à la fois simple et efficace pour amener le plus de personnes possibles : "Si on marche pas, ça marchera pas".

En faisant plusieurs fois le tour de la place avec le cortège improvisé, nous avons pu constater que toutes les rues adjacente étaient bouclées par les CRS. Il y avait des barrières d'hommes en uniformes partout. Nous n'avions plus la possibilité de quitter la place de la République pour mener la marche jusqu'à Nation. Nous avons suivi le cortège et nous sommes engouffrés avenue de la République pour tenter de percer le mur de CRS et défiler malgré l'interdiction. Mais nous nous sommes enfoncés dans un piège. Les CRS ont tenté de nous surprendre en créant une barrière derrière nous mais nous nous en sommes rendu compte à temps, et nous sommes dispersés sur la place de la République à temps. Les pouvoirs publics semblaient fermement décidés à nous empêcher d'accomplir cette marche. De mon côté (et je n'étais pas la seule) j'étais fermement décidée à désobéir. On ne pouvait pas se rendre à Nation, tant pis, je resterais là aussi longtemps que possible. Je résisterais à leur volonté de nous faire quitter les lieux.

 Je ne saurais dire ni à quel endroit, ni à quel moment les "violences" ont commencé. J'ai vu, au loin, des chaussures voler sur les CRS, mais aussi des bouteilles en verre... Avec ma mère, mon petit frère, mon conjoint et mes amis, on a senti les fumigènes envahir toute la place. Ma mère voulait partir, mais nous ne trouvions pas d'issue. Nous nous sommes dirigés vers une bouche de métro quand un groupe de personnes cagoulées a subitement attaqué le cordon de CRS à côté de nous. Alors même que des militants pacifistes étaient assis en face de la police, les mains en l'air, d'autres tenant des fleurs empruntées sur l'autel hommage aux victimes du 13 novembre. Les projectiles de ces gens cagoulés tombaient non seulement sur les CRS, mais aussi sur les pacifistes.

 En les voyant brusquement lancer tout ce qu'ils avaient dans leurs mains, je me suis vue courir entre les cagoulés et les pacifistes, faire de grands gestes avec mes bras en direction des lanceurs de pierres et autre en criant : "Non ! Arrêtez ! Ne faites pas ça !" Je me suis protégée avec ma pancarte, esquivant un projectile. Mon petit frère derrière moi en a lui aussi évité un de justesse.

Ma mère est partie avec lui de l'autre côté de la place. J'aimais mieux les savoir à l'abri, en sécurité loin de ce chaos. Mon conjoint, un ami et moi avons décidé de rester encore. Je voulais tout voir de mes yeux, je voulais savoir ce qu'il se passerait, je voulais tenter de raisonner ces fous cagoulés. Mon petit copain a pris un groupe de cagoulés à partie, les sommant d’ôter leur masque pour assumer leur connerie, les insultants, les traitant de lâche se cachant derrières les pacifistes. Ces derniers continuaient de faire face aux CRS, certains assis, d'autres debouts, mains en l'air. Les CRS ont riposté en lançant des fumigènes dans le tas, ainsi que des grenades assourdissantes. Les pacifistes ont tout pris, les cagoulés, planqués derrière n'ont rien eu. Dans le même temps, le plus gros de la foule s'était réfugié de l'autre côté de la place de la République, à l'opposé de ces échanges violents, et attendait, semble-t-il, de pouvoir passer le cordon de CRS au compte goutte. J'ai vu les CRS se trouvant de mon côté de la place, ceux là même qui nous balançaient fumigènes et grenades assourdissante, tirer en l'air au loin des grenades fumigènes. Elles ont dessiné un grand arc de cercle dans le ciel au dessus de nos têtes, se sont séparées en plusieurs autres grenades fumigènes avant de tomber dans la foule, de l'autre côté de la place où il n'y avait pas de violence, seulement des gens voulant fuir, semant la panique de tout côté. A cet instant précis, les CRS ont lancé une charge sur nous. Moi, j'étais suffisamment en retrait pour ne pas être bousculée. D'autres en revanche se sont fait violenter. Les pacifistes enfumés, piétinés, blessés devant. Les cagoulés, bien protégés, planqués derrière.

Les CRS ont commencé à arriver de tous les côtés autour de nous. J'ai voulu m'armer d'une fleur de l'autel comme geste pacificateur pour les offrir aux policiers. Mais un groupe de manifestants pacifistes se tenait la main et encerclait la statue et l'autel pour que les cagoulés ne s'arment plus de bougies et ne saccagent l'autel.

J'ai vu un homme seul, pousser son vélo les deux mains sur le guidon se faire bousculer, puis taper par un CRS à coups de matraque à deux pas de moi. Sans réfléchir, j'ai couru vers eux et tenté de repousser le policier dans son armure de plexiglas en criant : "Arrêtez de le taper ! Arrêtez de le taper ! Il n'a rien fait !" Un de ses collègues est arrivé et m'a bousculé violemment en arrière. A ce moment là, j'ai levé les mains en l'air et j'ai répété à haute voix "Sans haine, sans arme, sans violence". Le CRS m'a menacé de la main droite avec sa matraque, de la main gauche il m'a poussé en arrière avec son bouclier. Je restais les mains en l'air à répéter mon message. Tout le monde se faisait bousculer et taper autour de moi, alors ils m'ont imité, ont levé les mains eux aussi en scandant le même message que moi. Nous nous sommes retrouvés repliés autour de la statue de la République, autour de l'autel hommage aux victimes du 13 novembre. Le cercle de pacifiste était toujours là, main dans la main pour protéger les fleurs et les bougies.

J'étais en première ligne, j'avais toujours les mains en l'air, je continuais à répéter mon slogan encore et encore pour me donner la force et le courage. Mes mains tremblaient comme des feuilles mortes menaçant de se décrocher de leur branche.

 Les CRS ont chargé. Pourtant cela faisait bien cinq minutes que les projectiles avaient cessé de voler. Cinq minutes que ces lâches cagoulés s'étaient sauvés ou planqués. Et ils nous ont chargé sans aucun égard pour l'autel hommage aux victimes du 13 novembre. Des pacifistes sont tombés sur les fleurs et les bougies, les hommes de plexiglas ont piétiné ce qu'il restait de cet hommage. La police a pris la statue. Nous n'avions plus aucune raison de rester.

Nous avons demandé aux CRS de nous laisser partir, à plusieurs endroits, à plusieurs reprises, sans résultats. Nous avons fini par capituler, poser notre sac, poser nos pancartes, nous asseoir et attendre. A un moment inattendu les CRS nous ont chargés de nouveau. Mon conjoint a voulu récupérer notre sac dans l'action mais un ou deux CRS l'ont frappé avec leur matraque à plusieurs reprises. Évitant les coups et les armures de plexiglas, je suis parvenue à m'engouffrer dans une brèche pour attraper le sac en criant : "Il y a mes papiers à l'intérieur !" Je me suis quand même pris des coups, moi aussi. On a récupéré notre sac, mais nous n'avons jamais revu nos pancartes.

J'ai entendu les JT dirent que les manifestants radicaux auraient pillé l'autel des victimes. Mais sur place, j'ai vu des hommes cagoulés prendre des bougies pour les jeter sur les policiers, j'ai vu des pacifistes s'organiser pour les en empêcher, et j'ai surtout vu la police piétiner cet autel que les pacifistes protégeaient.

Après ça, ils n'ont plus laissé partir personne. Ils nous ont parqués comme du bétail dans un coin de la place. Nous étions des centaines agglutinés les uns aux autres, pendant des heures, sans pouvoir ni aller aux toilettes, sans eau et sans nourriture autre que ce que nous avions encore dans nos sacs à dos. De temps en temps, une poignée de CRS entraient dans le cercle pour rafler quelques uns d'entre nous. En fait, pendant toute la manifestation, nous étions filmé par la police. Et ceux-ci tentaient d'identifier les gens violents pour les interpeler grâce aux vidéos. A chaque rafle, les coups de matraque pleuvaient pour forcer les manifestants à se détacher de la foule pour suivre les policiers.

Il n'y a pas grand chose à dire de plus. Mon conjoint et moi avons fini par nous faire rafler après près de quatre heures d'attente. Un CRS avec une conscience sans doute plus aiguisée que celle de ses autres collègues nous a promis que si on se laissait emmener sans opposition, nous ne serions ni arrêtés, ni violentés. Nous avons suivi les policiers. Je tenais fermement la main de mon partenaire. Alors que nous avancions dans le calme, main dans la main, le CRS qui nous escortait a frappé mon conjoint, sans raison, il s'est pris une baffe gratuite. Lui s'est fait fouiller. Moi non, car il n'y avait pas de femme flic. Nous n'avions rien d'illégal sur nous, ils nous ont laissé repartir. En état de choc.

Savannah Anselme

(Vous trouverez la première partie de cet article sur "pourquoi braver l'interdiction de manifester" ici :
https://blogs.mediapart.fr/savannah-anselme/blog/301115/il-etait-une-fois-en-manifestation )

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Source : https://blogs.mediapart.fr/savannah-anselme/blog

 

 

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