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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 17:20

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Uramin : la diplomatie parallèle d'Areva en Afrique

|  Par martine orange

 

 

 

 

Au moment même où Areva négocie le rachat d’Uramin, le groupe monte un grand projet du nom de Songaï. Son objectif : bâtir une grande holding minière, basée en Afrique du Sud, qui travaillerait dans toute l’Afrique avec des filiales nationales, associant des intérêts privés africains. Les gisements d’Uramin serviront de point d’appui à la création de ces premières joint-ventures. Mais là où Areva affichait l’ambition d’exercer son métier minier autrement, ces créations vont faire resurgir les pires pratiques de la Françafrique.

Nom de code : Songaï. « En référence au grand empire africain du même nom qui est né dans la vallée du Niger au VIIIe siècle et qui a duré jusqu’à la fin du XVe siècle », indique un des plus proches conseillers d’Anne Lauvergeon, dans un long courriel d’explication auquel Mediapart a eu accès. Derrière cette appellation, se cache un des grands projets du groupe nucléaire en 2006 : créer une holding minière, basée en Afrique du Sud, qui permettrait de prospecter et d’exploiter sur tout le continent des gisements d’uranium et d’or, en association avec des intérêts privés africains ou travaillant en Afrique.  

 

Christine Lagarde, Nicolas Sarkozy, le président sud-africain Thabo Mbeki et Anne Lauvergeon en février 2008. 
Christine Lagarde, Nicolas Sarkozy, le président sud-africain Thabo Mbeki et Anne Lauvergeon en février 2008. © Reuters

Pour Areva, le secteur minier est alors une priorité. Non seulement la spéculation financière qui sévit sur l’uranium à cette période conforte son idée qu’il importe de se renforcer très vite dans ce domaine, où il figure parmi les premiers mondiaux. Mais c’est aussi l’activité où le groupe gagne le plus d’argent. Alors qu’Areva connaît ses premiers déboires, qu’il s’efforce de cacher à tous, avec l’EPR finlandais, il est important pour le groupe d’accroître ses ressources financières par ailleurs, afin de faire face et de ne pas se laisser brider dans ses ambitions.

Sur le continent africain, Areva aimerait aussi bien sortir du seul Niger, où le groupe est de plus en plus critiqué pour ses méthodes d’exploitation et où il entretient des relations compliquées avec les gouvernements successifs. D’où la volonté d’élargir les horizons du groupe ailleurs en Afrique.

Anne Lauvergeon, qui vient d’être reconduite à la présidence d’Areva au printemps 2006, paraît y placer de grands espoirs. Présentée comme la présidente qui incarne le renouveau du nucléaire, elle veut aussi afficher une nouvelle approche dans le secteur minier. La philosophie du projet est donnée ainsi : « Ne plus seulement exploiter les richesses de l’Afrique, mais faire la promotion des intérêts africains », précise ce conseiller. Cette nouvelle approche devrait lui permettre de se développer rapidement en Afrique et de contrer des concurrents de plus en plus intéressés par les ressources du continent, en lui donnant une influence politique incontournable.

Le groupe nucléaire se refuse aujourd’hui à donner le moindre éclaircissement sur le sujet comme sur toutes les autres questions posées. Il dit « réserver ses explications à la justice ». Cette dernière pourrait effectivement être intéressée. Car Songaï n’est pas seulement un projet minier. Il apparaît comme une des pièces manquantes du puzzle lié au scandale Uranim. La concomitance des dates, les personnes impliquées, certains faits, en tout cas, conduisent à penser qu’il sont étroitement associés dans l’esprit des concepteurs. Mais là encore, rien n’ira vraiment comme prévu. Le projet, conçu en tout petit comité au sein d’Areva, ne sera jamais réalisé comme prévu. La grande holding minière ne verra jamais le jour. Des alliances nationales sur lesquelles devaient s’appuyer le projet seront bien créées au Niger, en Centrafrique, au Congo. Mais alors qu’Areva semblait afficher la volonté de travailler autrement en Afrique, la tentative finira avec les pires pratiques de la Françafrique.

Le projet Songaï est né en 2006. Très vite, il est décidé de créer une société minière en Afrique du Sud, la puissance montante du continent. C’est un pays qu’Anne Lauvergeon connaît bien. Elle siège depuis 2005 à l'International Investment Council de l'Afrique du Sud, un conseil formé par le président sud-africain de l’époque, Thabo Mbeki pour l’aider dans les développements du pays. C’est à ce conseil qu’Anne Lauvergeon entend parler la première fois d’Uramin, a expliqué un connaisseur du dossier, cité dans une de nos précédentes enquêtes sur le sujet. La présidente d’Areva ne lâchera plus le dossier.

Tandis que les manœuvres d’approche se multiplient autour de la société minière canadienne, les mêmes équipes s’activent sur le projet de création d’une société minière en Afrique du Sud. Dès le début janvier 2007, un projet de statuts d’entreprise est discuté en petit comité. Il est alors question de créer une société anonyme détenue à 100 % par Areva. Les préoccupations des responsables du projet reflètent celles de tous les grands groupes : il est beaucoup question d’optimisation fiscale.

Un homme est particulièrement chargé du projet : Zéphirin Diabré. Cet ancien universitaire, ancien directeur général adjoint du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), né au Burkina Faso, a rejoint Areva en février 2006. Il est alors le conseiller spécial d’Anne Lauvergeon, chargé des affaires internationales et particulièrement de l’Afrique et du Moyen-Orient. C’est lui qui supervise le projet Songaï, dont il a imaginé le nom. Il a quitté Areva en 2011, peu après Anne Lauvergeon, et s’est reconverti comme conseiller dans le financement minier. Il figure parmi les principaux opposants politiques au régime militaire qui, en octobre, a renversé le président Blaise Compaoré au Burkina Faso.

Le 11 janvier 2007, Zéphirin Diabré adresse un long courriel aux équipes minières d’Areva, et notamment à Daniel Wouters, pour leur présenter l’état d’avancement du projet. « L’idée, écrit-il, c’est d’avoir un instrument qui ne s’encombre pas trop du label Areva mais surfe plutôt sur un label africain. C’est aussi une manière d’inaugurer un nouveau type de partenariat avec le secteur privé africain, qui deviendra vite majoritaire dans cette société et fournira ainsi de nouvelles portes d’entrée sur le continent. »

« Sniffer les permis et les récupérer »

Dans un premier temps, la société doit être contrôlée à 100 % par Areva, selon le schéma arrêté. Par la suite, une augmentation de capital est prévue afin de laisser la place à des intérêts africains, Areva ne conservant qu’une minorité de blocage.

« La présidente voulait d’ailleurs que l’ouverture du capital aux Africains se fasse dès le début. Je l’en ai dissuadée. Je crois qu’il est bon de lancer la chose en commençant 100 % par Areva mais en indiquant dès le départ notre intention d’ouverture et la faire avec quelques succès initiaux qui ne seront pas difficiles à obtenir. Au niveau national, l’exploitation d’un permis donnera lieu à la création d’une JV (joint-venture – ndlr) dans laquelle bien entendu des intérêts africains seront associés. La grande holding basée à Jo’burg (Johannesburg, Afrique du Sud – ndlr) en s’appuyant sur un bureau à Kin (Kinshasa, Congo – ndlr) et un bureau en Afrique de l’Ouest, chargés de sniffer les permis et de les récupérer. Donc elle n’est pas soumise aux contraintes du BEE (Black Economic Empowerment, programme politique et économique mis en place par le gouvernement sud-africain pour remédier aux inégalités après l’apartheid – ndlr) », détaille-t-il alors.

Il se désignera comme le grand ordonnateur de tout cela, celui qui est capable d’ouvrir bien des portes en Afrique. « J’envisage pour cela de passer un certain temps par mois à Jo’burg. Pour aider le CEO que nous recruterons. Sur cette question, il va de soi qu’un CEO de nationalité sud-africaine serait un plus pour nous, surtout s’il est noir », conclut-il avec cynisme.

 

 

Il faut normalement beaucoup de temps et d’argent pour bâtir un tel projet. Mais cela ne semble pas être un problème dans l’esprit des équipes d’Areva. Il faut aussi des soutiens politiques au plus haut niveau pour bâtir une holding minière à l’échelle du continent africain. Mais là encore, Anne Lauvergeon ne semble pas douter de sa capacité de réussir. N’est-elle pas une des femmes les plus puissantes du monde – “Atomic Anne” –, à la tête d’un des premiers groupes nucléaires mondiaux ? Et puis, elle a des appuis du côté des responsables politiques, français comme africains, en particulier le président sud-africain.

Thabo Mbeki affiche alors de grandes ambitions pour son pays. Il entend faire de l’Afrique du Sud la puissance dominante du continent, une puissance nucléaire civile et militaire. De nombreux travaux et missions sont engagés pour conforter ses ambitions. Dès avril 2006, il a reçu le président de Centrafrique, François Bozizé. À l’issue de cette rencontre, le département des affaires étrangères sud-africain publie un communiqué pour souligner les larges intérêts communs entre les deux pays, notamment « dans le domaine minier et l’exploration ». Dans un câble diplomatique de décembre 2006, un responsable diplomatique américain écrit que l’intervention de l’Afrique du Sud est certainement destinée à aider à stabiliser la République centrafricaine, mais ajoute que « les intérêts miniers, même s’ils ne sont pas le facteur déterminant, ont joué sans doute un rôle dans la décision du gouvernement sud-africain de s’engager ».

Parallèlement, l’entourage de Thabo Mbeki s’active beaucoup autour d’Uramin. La société minière, créée en 2005 par Stephen Dattels, rencontre alors de grandes difficultés pour obtenir des droits miniers en Afrique du Sud et ailleurs. Jusqu’à ce qu’elle engage des proches du président et des membres influents du gouvernement. Brusquement, les portes s’ouvrent, les négociations s’engagent, les permis d’acquisition arrivent. Cela finit par la nomination de Samuel Jonas à la présidence de la société.

Ghanéen de naissance, cet homme d’affaires, qui passe l’essentiel de son temps à Londres, est une figure reconnue du pouvoir économique africain et exerce une influence notable en Afrique du Sud. Il est présenté alors comme un proche du président sud-africain et siège lui aussi à l'International Investment Council de l'Afrique du Sud. Un temps administrateur de Vodafone, l’homme d’affaires, qui a été décoré par la reine d’Angleterre, est très connu dans le monde minier.

Comme par hasard, il devient à partir de septembre 2006 président et actionnaire d’Uramin. Juste au moment où Areva engage les premières négociations avec la société canadienne. Pour les connaisseurs du dossier et certains salariés du groupe nucléaire, il est celui qui est délégué pour veiller aux intérêts, publics et surtout privés, l’agent de liaison entre le monde des affaires et les milieux politiques africains.

Si telle a été sa mission, il l’a parfaitement accomplie. Dès fin octobre 2006, c’est lui qui écrit pour refuser la première offre de 471 millions de dollars pour racheter Uramin, présentée par Areva. « Nous devons laisser l'histoire Uramin mûrir avant de continuer des discussions détaillées », écrit Sam Jonah dans une lettre révélée par l'hebdomadaire Challenges. Celui-ci estime alors que la hausse continue des cours de l’uranium et le fait que « la valeur des licences obtenues en Namibie et en Afrique du Sud (…) ne sont pas reflétées dans les prix de marché ». Il conclut : « Durant cette période, nous ne pourrons pas signer un accord exclusif avec Areva, mais nous ne chercherons pas activement une transaction alternative. » À ce moment-là, Uramin a décidé d’abandonner la bourse de Londres pour aller se coter à Toronto. La folle partie de poker est engagée, qui se terminera par une OPA de 2,5 milliards de dollars.

En août 2012, le quotidien sud-africain Mail & Guardian a publié une très longue enquête sur l’affaire. Les révélations sont très lourdes. Le journal y affirme, à partir de nombreux témoignages, qu’Areva a sciemment surpayé Uramin, en vue de s’acheter les faveurs de la présidence sud-africaine, qui souhaitait alors développer le nucléaire, pour y placer ses EPR. « Le deal était qu'Areva achète Uramin et gagne en retour l'appel d'offres. Areva payait trop cher Uramin – cela valait la moitié. Mais le groupe français allait décrocher des contrats pour des réacteurs et une usine d'enrichissement, pour une valeur dix fois supérieure », expliquait un « consultant d'Uramin » au quotidien sud-africain. Aucun démenti d’Areva ne paraîtra à la suite de cette publication.

Si tel était le calcul, il s’est révélé totalement erroné. En 2008, Thabo Mbeki a été chassé de la présidence de l’Afrique du Sud, à la suite de conflits internes au sein de l’ANC, le parti au pouvoir. Le nouveau président du pays s’est empressé, deux mois après sa nomination, d’enterrer tous les projets nucléaires du pays.

« Aucune rémunération »

Mais entre-temps, les fameuses « JV » ( joint-ventures) évoquées par Zéphirin Diabré dans le projet Songaï pour faire monter en puissance les intérêts africains, ont commencé à voir le jour en s’appuyant sur le rachat d’Uramin, dont la structure a été conservée aux îles Vierges britanniques. Mais elles sont loin de ressembler aux montages clairs qu’aurait pu souhaiter le groupe. Ce ne sont au contraire qu’opérations obscures qui permettent de faire circuler l’argent facilement sous l’apparence de la légalité des affaires, que manœuvres en coulisses, menées par des intermédiaires ou des « facilitateurs », faux nez d’intérêts cachés.

La première joint-venture est signée avant même le rachat d’Uramin, avec les propriétaires de la société minière justement. Juste avant l’annonce de l’OPA, Stephen Dattels a acquis, au nom d’Uramin, des droits miniers, juste à côté du gisement d’Imouraren au Niger, propriété d’Areva. Le groupe public a accepté que ces droits ne fassent pas partie de la transaction. Mais après la vente, un accord est passé pour associer les gisements détenus par Stephen Dattels à l’exploitation à venir d’Imouraren.

L’entente est si cordiale entre les deux partenaires qu’Areva, se souvenant qu’il a des archives, les mettra obligeamment à la disposition des équipes d’Uramin, après le rachat. Dans l’espoir de les aider à repérer d’autres gisements d’uranium à prospecter, peut-être ? Mais l’essentiel des données étant écrit en français, celles-ci n’ont pas pu, semble-t-il, les exploiter autant qu’elles l’auraient souhaité.

Pas rancunier pour deux sous, le groupe public continuera par la suite à faire des affaires avec Stephen Dattels. En 2010, alors que l’échec d’Uramin est avéré, Areva accepte de racheter au fonds d’investissement qu’il contrôle, Polo Ressources, les 10 % qu’il détient dans Marenica Energy, un gisement minier en Namibie situé juste à côté de Trekkopje. Le gisement semble être aussi inexploitable que le premier. Le groupe public n’en parle plus.

La deuxième grande opération d’alliance nationale naît en Centrafrique. L’envolée des cours de l’uranium, les multiples émissaires qui se précipitent à Bangui, la spéculation autour du gisement de Bakouma ont créé beaucoup de convoitises et d’envie à Bangui. Chacun veut sa part. Le gouvernement centrafricain entend être associé aux fruits de l’exploitation future du gisement. Il se sent d’autant plus en position de force que les droits miniers du site, en dépit de toutes les assurances données par les conseils juridiques d’Areva au moment de l’OPA, ne sont pas assurés (voir pour plus de détails notre enquête de janvier 2012 : Balkany ou le retour des Katangais).

 

Patrick Balkany à Bangui avec une militante arborant un tee-shirt à l'effigie de Bozizé. 
Patrick Balkany à Bangui avec une militante arborant un tee-shirt à l'effigie de Bozizé. © dr

Mais le président de l’époque, François Bozizé, et ses proches, notamment son neveu et puissant ministre des mines, Sylvain Ndoutingaï, ainsi que tout son entourage, dont Saifee Durbar, conseiller de Bozizé – le Radjah dans Radioactif, le roman de Vincent Crouzet – entendent bien aussi en tirer bénéfice. Ils ont acquis 6 gisements miniers juste au nord du site de Bakouma et entendent les monnayer très cher : 250 millions de dollars, confirmera plus tard le président du conseil de surveillance d’Areva, Jean-Cyril Spinetta, au micro de France Inter. Le chiffre aurait été inspiré par les rumeurs donnant le montant des commissions perçues par le président sud-africain, Thabo Mbeki.

La querelle s’envenime avec Areva. Zéphirin Diabré, envoyé en émissaire, n’arrive à rien. La situation devient si confuse que tout le monde s’en mêle : le Quai d’Orsay, l’Élysée. C’est à ce moment-là que Patrick Balkany fait son apparition à Bangui.

Même si le maire de Levallois connaît bien l’Afrique et fait figure d’un des héritiers des réseaux africains de Pasqua, toutes les pistes finissent par aboutir à Nicolas Sarkozy. Personne n’imagine qu’il puisse agir sans l’assentiment de son ami très proche. Ce dernier suit d’ailleurs de très près le sort d’Areva, bien avant son élection à la présidence de la République. Certains au ministère des finances se souviennent des interventions de Claude Guéant, envoyé spécial de Nicolas Sarkozy, faisant pression en 2005-2006 jusque dans le bureau du ministre Thierry Breton, pour que Bercy favorise les projets du groupe nucléaire.

De mémoire, certains salariés disent avoir entendu prononcer le nom de Balkany dès 2006, dans les couloirs du groupe. Mais c’est d’abord sur des dossiers au Kazakhstan que son nom circule. Areva y exploite un de ses gisements d’uranium les plus rentables depuis 1992. Mais le maire de Levallois entretient aussi depuis fort longtemps des relations avec le président kazakh, Nursultan Nazarbaïev, comme il l’a rappelé dans un billet de blog à l’occasion d’un voyage présidentiel en 2009. Son nom surgit à nouveau dans le groupe début 2008, alors que la dispute entre Areva et le pouvoir centrafricain bat son plein.

Interrogé en janvier 2012 sur son rôle dans ce dossier, le maire de Levallois n’avait pas répondu à nos questions. Mais quelques semaines plus tard, dans un entretien au Parisien, il avait confirmé qu’il avait bien servi d’intermédiaire dans la transaction entre le gouvernement centrafricain et Areva. « J’effectuais mon travail de parlementaire, membre de la commission des affaires étrangères, c’est-à-dire l’entretien de relations amicales avec d’autres pays, et notamment ceux d’Afrique où les grandes sociétés nationales ont des intérêts », expliquait-il alors.

« Patrick Balkany n’est jamais intervenu dans la négociation. Il est juste l’ami de François Bozizé. Mais il n’a eu aucun rôle », soutient aujourd’hui Sébastien de Montessus, alors responsable de la direction minière d’Areva et chargé à ce titre de négocier avec le gouvernement centrafricain.

« M. Balkany n’a rien à voir dans ce dossier. En revanche, on m’a sollicité. Il y avait une mauvaise compréhension entre les deux parties. Les choses sont à présent réglées. C’est cela un rôle de facilitateur », avait expliqué de son côté Georges Forrest dans un entretien à Jeune Afrique, en avril 2009.

 

Extrait de l'accord signé entre Areva et le gouvernement centrafricain. 
Extrait de l'accord signé entre Areva et le gouvernement centrafricain.

Facilitateur, c’est comme cela que cet homme d’affaires belge, qui a fait toute sa fortune au Congo (ex-Zaïre) en exploitant les immenses richesses du pays, grâce à sa maîtrise de l'art de nager comme un poisson dans les eaux troubles du post-colonialisme du Congo, se présente dans de nombreux dossiers. C’est comme cela qu’il signera l’accord – publié par Bakchich – passé en juillet 2008 entre Areva et le gouvernement centrafricain, où le groupe concède 10 millions de dollars pour les rachats de droits et 8 millions d’avance aux finances publiques.

Facilitateur. C’est comme cela aussi que Sébastien de Montessus explique la présence de Georges Forrest dans l’accord signé en Centrafrique, dans un mail interne largement diffusé auprès des responsables du groupe. « Pour lever toute ambiguïté éventuelle, M. Forrest n’a touché aucune rémunération pour cette intervention. Son intervention a été faite à ma demande du fait de la confiance dont il jouit auprès du président Bozizé et sur recommandation à la fois du Quai d’Orsay et de la cellule Afrique de l’Élysée. »

Profiter des contacts de Georges Forrest

 

Georges Forrest. 
Georges Forrest. © Dr

Georges Forrest est si conciliant qu’il accepte une deuxième fois de jouer l’intermédiaire dans les négociations entre Areva et les proches du président Bozizé, détenteurs de droits miniers en périphérie de Bakouma à l’été 2009. Le groupe public leur a versé 40 millions de dollars pour racheter les titres de gisements. Areva connaît aussi bien ces gisements que celui de Bakouma. Il y a encore des traces dans ses archives : ils sont tout aussi inexploitables.

Jusqu’alors, l’homme d’affaires belge ne s’était intéressé qu’au cuivre, au cobalt, à l’or, aux diamants, mais jamais à l’uranium. « Trop dangereux », disait-il. Mais la fréquentation assidue d’Areva semble lui avoir donné des idées. Il se prend brusquement de passion pour ce minerai. En association avec Fabien Singaye, conseiller particulier du président centrafricain, et Patrick Balkany, il rachète les droits miniers de sept gisements, toujours à côté de Bakouma, contrôlés jusqu’alors par un autre homme d’affaires congolais, Richard Ondoko, et la société suisse Urano.

À la mi-décembre 2009, Georges Forrest passe un accord en bonne et due forme avec Areva. Les deux partenaires décident de créer une joint-venture, Areva Explo, immatriculée à Bangui, détenue à 70 % par le groupe public et à 30 % par l’homme d’affaires. Cette société commune a pour but de développer les activités minières dans la région. « Areva espère profiter des nombreux contacts que Georges Forrest a noués dans cette région d’Afrique pour mener à bien ses projets. » La deuxième JV est née.

À cette occasion, Georges Forrest revend les parts acquises dans les sept gisements. Des salariés d’Areva se souviennent encore des négociations. En quelques minutes, le groupe, sur intervention de Sébastien de Montessus, avait accepté d’augmenter de 10 millions le prix pour le porter à 50 millions de dollars. Cela fait décidément beaucoup d’argent en peu de temps, d’autant que ces gisements, comme les précédents, sont difficilement exploitables.

« C’est vrai que nous avons payé 50 millions de dollars. Mais nous avons racheté sept gisements pour 40 millions de dollars. Surtout, nous avons obtenu pour 10 millions, grâce à Georges Forrest, les droits sur les barrages hydroélectriques, qui n’avaient eux non plus pas été assurés, ce qui rendait toute exploitation minière impossible. Comparé aux 550 millions de dollars dépensés pour acquérir les deux droits miniers de Bakouma qui étaient dans le portefeuille d’Uramin, c’est plutôt une bonne opération », défend Sébastien de Montessus. Pour mémoire, les anciens actionnaires d’Uramin avaient acquis les droits de Bakouma en 2005, pour 26 millions de dollars.

Georges Forrest a moins de chance avec son projet de rachat de Forsys Metals, une société minière qui ressemble comme une sœur à Uramin (voir notre enquête). Créée en 2004, cotée à Toronto, elle possède des droits miniers sur un gisement d’uranium, juste à côté de Trekkopje en Namibie. L’homme d’affaires belge, qui a fait une offre de rachat en novembre 2008, est incapable d’apporter les fonds nécessaires en septembre 2009. Est-ce les actionnaires qu’il aurait présentés qui n’auraient pas convenu aux autorités – Washington aurait redouté qu’ils exportent de l’uranium vers l’Iran –, comme le dit la version officielle ? Ou est-ce Areva, où les dissensions au sein de l’équipe s’installent au fur et à mesure que le rachat d’Uramin se révèle catastrophique, qui aurait décidé de jeter l’éponge, estimant qu’il était grand temps d’arrêter les frais ?

Officiellement, Areva n’a jamais travaillé sur le dossier Forsys Metals. Aujourd’hui, des salariés du groupe racontent cependant que certains examinaient le dossier à l’époque. Ils donnent même des noms. Toutes les personnes que nous avons pu joindre démentent avoir touché de près ou de loin à cette affaire.

Mais entretemps, le dossier Forsys metals est devenu sulfureux. Il vaut à Patrick Balkany d’avoir été mis en examen, le 21 octobre, pour « corruption », « blanchiment de corruption » et « blanchiment de fraude fiscale », par les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Patricia Simon, du pôle financier de Paris. L’élu est soupçonné d’avoir dissimulé à Singapour une commission de 5 millions de dollars versée en 2009 par George Forrest. L’homme d’affaires belge a expliqué aux juges avoir versé cette somme à Patrick Balkany, qui aurait servi d’intermédiaire dans le cadre de la négociation sur le rachat de Forsys Metals. Il a transmis à la justice le numéro de compte du maire de Levallois à Singapour.

Même si le compte singapourien de Patrick Balkany est vrai, personne parmi les connaisseurs du dossier Uramin ne croit aux explications données par Georges Forrest aux juges. « Vous avez déjà vu un intermédiaire toucher une commission pour une affaire qui ne se fait pas ? Moi jamais », relève un connaisseur de ce monde interlope du grand commerce international. « Patrick Balkany ne connaît rien au monde minier et de l’uranium. Il a juste pour lui d’avoir encore certains réseaux africains et d’entretenir des relations auprès de certains dirigeants de l’Afrique francophone. Mais il ne connaît pas les responsables de l’Afrique anglophone en général, et de la Namibie en particulier. Parle-t-il seulement anglais ? » s’interroge un familier du dossier. « 5 millions, cela fait 10 % de 50 millions. C’est à peu près le tarif d’une commission », pointe de son côté un salarié d’Areva.

Le nouveau gouvernement centrafricain ne semble pas lui non plus très convaincu. Il a saisi le parquet national financier d'une demande d'information judiciaire visant Patrick Balkany, selon des informations publiées par Le Nouvel Obs. Le gouvernement de Bangui soupçonne le maire de Levallois d’avoir été un des bénéficiaires, avec l’ancien président Bozizé, du règlement intervenu autour d’Uramin.

Interrogé sur le dossier, l’avocat de Georges Forrest, Bruno Illouz, se refuse à tout commentaire. « Il y a déjà plusieurs plaintes pour violation du secret de l’instruction dans cette affaire. Je me refuse de faire la moindre déclaration qui pourrait nuire à mon client. En face, il y a des gens méchants », dit-il. La réaction de l’avocat de Patrick Balkany, Me Grégoire Lafarge, est plus brutale : « Vous n’avez pas honte de m’appeler ? Les méthodes de Mediapart sont dégueulasses. C’est à la justice d’enquêter, pas à la presse. » La conversation s’est arrêtée là.

L’uranium reste radioactif pendant des millénaires. Il en est manifestement de même pour le dossier Uramin. Celui-ci continue d'irradier bien des acteurs, disséminant sans bruit ses doses mortelles.

 

Boîte noire ; Cette série fait suite à une première grande enquête publiée en janvier 2012. Le premier volet de cette nouvelle série est consultable ici, le second .

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 17:04

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-saurin

 

 

Au service de quelle banque sommes-nous ?

|  Par Patrick Saurin

 

 

 

 

Que se cache-t-il derrière la façade des banques ? Quel est le rôle de celles-ci dans notre société ? Quelles sont les enjeux des transactions qu’elles réalisent au quotidien ? C’est à toutes ces questions que le syndicat Sud BPCE s’est attaché à répondre avec une plaquette intitulée « Au service de quelle banque sommes-nous ? », accessible par le lien :

http://www.sudbpce.com/files/2014/12/PLAQUETTE-BANQUES-SUD-BPCE.pdf

http://www.sudbpce.com/2014/12/06/la-realite-des-banques/

Dans ce document, à partir de chiffres et d’informations provenant d’organismes officiels, Sud BPCE s’est attaché à mettre en lumière le poids des banques dans notre économie, la nature de leurs activités, l’utilité réelle de ces activités et leurs conséquences pour notre vie de tous les jours. Le syndicat a également pointé la responsabilité de la finance dans la crise qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en 2008 et qui se prolonge encore aujourd’hui. Enfin, dans un souci de proposition, Sud BPCE a soumis au débat des éléments de réflexion pour la mise en place d’un système bancaire alternatif.

Cette plaquette est à destination des salariés du Groupe BPCE, mais elle s’adresse également aux militants engagés dans le mouvement social et plus largement aux citoyens désireux de comprendre la réalité du système bancaire actuel.

Il faut souligner l’effort pour rendre accessible des données pas forcément simples présentées de façon très pédagogique grâce à une mise en page et des illustrations d’une grande qualité.

 « Cette brochure de Sud-BPCE est un modèle de pédagogie. Elle met en images le procès fait aux banques à partir de données précises incontestables. Et elle conduit logiquement à une conclusion tout aussi incontestable : il faut changer de système bancaire. » (Michel Husson, chercheur à l’IRES)

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-saurin

 

 


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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 22:38

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

CHRONIQUE - Climat : les dirigeants mentent

Noël Mamère

vendredi 12 décembre 2014

 

 

 

A Lima, la conférence sur le climat ressemble à un jeu de dupes, où les dirigeants font mine de vouloir un accord sans rien changer au système qui détruit le climat. « Seule la convergence des luttes pour la justice climatique et la justice sociale permettra d’exercer une pression nécessaire pour changer la donne climatique. »



- Noël Mamère -

Une fois de plus, la Cop Climat de Lima risque de déboucher sur un marché de dupes et de renvoyer à plus tard les décisions urgentes. Une fois de plus chacun se lamentera de l’hypocrisie des pays développés qui, côté cour, la main sur le cœur, font des déclarations d’intentions louables et généreuses et, côté jardin, continuent comme avant leur course effrénée à la croissance. Rien de nouveau sous le soleil.

Et ce n’est pas le volontarisme de façade de messieurs Hollande, Valls et Fabius qui nous rassurera. Ils sont prêts à tout pour réussir « leur » conférence de Paris en 2015. Sauf à sacrifier l’essentiel : l’empreinte carbone de la France a augmenté de 15 % en vingt ans.

Contradiction totale

Et on ne voit pas ce qui dans la loi de transition énergétique votée à l’automne, dans la suppression de l’écotaxe, dans le refus obstiné d’une fiscalité écologique, permettrait à la France d’être le leader du changement climatique. Les accords de libre-échange avec le Canada et, demain, avec les Etats-Unis, que ce gouvernement s’apprête à signer, vont dans le même sens : le contrôle par les entreprises multinationales, notamment celles du pétrole, des échanges internationaux et la déréglementation à tout-va en contradiction totale avec l’idée d’un accord sur le climat qui suppose des contraintes.

De même, les pratiques de Total et d’Areva dans l’extractivisme, nous confortent dans notre conviction que les négociations de 2015 (comme celle de Copenhague en 2009), déboucheront sur un nouvel échec, déjà programmé ces jours-ci à Lima.

Faut-il désespérer pour autant les centaines de milliers de manifestants de par le monde, le 20 septembre dernier, qui veulent « sauver le climat » ? Non, bien sûr. Mais il ne faut pas les bercer avec de fausses promesses. La lutte contre le dérèglement climatique passe par le rejet des illusions liées aux fausses solutions proposées depuis le début de ces conférences internationales des petits pas. Le marché des droits à polluer a retardé la prise de conscience et la conclusion de véritables accords entre le Nord et le Sud, tout en ouvrant un nouveau domaine aux requins de la finance.

On ne « sauvera » pas le climat sans changer le système, sans s’engager dans une transition longue, vers la sobriété et l’efficacité énergétique, la démocratisation des systèmes énergétiques et des énergies renouvelables, l’agro-écologie paysanne, les biens communs, la souveraineté alimentaire, la relocalisation des productions et des consommations, la coopération avec les pays les plus pauvres pour qu’ils puissent s’adapter aux politiques publiques de changement climatique.

Des centaines de milliards pour les banques, des miettes pour le climat

Les dirigeants des pays développés nous mentent quand, dans le même temps, ils se lamentent sur le manque de financement d’une politique cohérente sur le climat et détricotent la taxe financière sur les échanges financiers internationaux.

Ils nous mentent quand, dans le même temps, ils trouvent des centaines de milliards pour sauver les banques et ne veulent rien débourser pour sauver l’humanité face à la dégradation de plus en plus rapide du climat qui se manifeste déjà avec les tsunamis, les typhons, les sécheresses, les inondations, le réchauffement des océans et la fonte des glaces. Aucune partie du monde n’est épargnée.

Alors, oui, il faut continuer à se battre...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 19:51

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Laurent Pinatel: «La Ferme des mille vaches est une dérive qui va tout emporter»

|  Par Hubert Huertas et christophe Gueugneau

 

 

 

« L’agriculture paysanne est une démarche, l’agriculture industrielle est une dérive» À défaut d’avoir été convié à la Conférence environnementale qui s'est tenue à l'Élysée, le porte-parole de la Confédération paysanne est l’invité du trente-quatrième numéro d’Objections.

 

 

Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, est un homme de convictions, et un homme en colère, mais qui parle en retenant ses mots. Pas d’envolées dans ses paroles, mais une fermeté retenue, derrière des formules qui frappent…

Vis-à-vis de la FNSEA : « Je sais que l’agriculture industrielle a d'ardents défenseurs qui stigmatisent l’écologie, et vont mettre du fumier dans les agences de l’eau. Tout un symbole »...  

Vis-à-vis de l’Europe : « On nous a enfermé dans un truc où plus on a de vaches, plus on touche, plus on a d’hectares, plus on touche, plus on fait de bio, moins on touche. Il faut faire bouger ce cadre »...

À propos du ministre de l’agriculture : « Stéphane Le Foll veut maintenir la production. Nous, on veut maintenir les producteurs »...

À propos de la conférence environnementale : « Au bout d’un moment, il faut arrêter les grands discours. Tant qu’on parle d’arracher des haies, de continuer les pesticides, de charger un taurillon dans la Creuse, de l’abattre en Ille-et-Vilaine, de le consommer au Maghreb, on peut faire toutes les grand-messes qu’on veut, on n'arrivera à rien. »

Laurent Pinatel a été sévèrement condamné, avec sept autres militants de la Confédération paysanne, pour ses actions contre la Ferme des mille vaches, dans la Somme. Il revendique son « droit à la désobéissance civile », convaincu que ce projet pose un problème de société : « On lutte contre une dérive industrielle qui va emporter toute l’agriculture. L’alimentation sera produite par un industriel, et l’industriel fera comme les autres. Il n’a qu’un seul intérêt : c’est le profit. Est-ce qu’on veut que notre alimentation soit faite dans des fermes, ou dans des usines ? C’est sur la question agricole que peut se reconstruire la société. Standardiser l’alimentation, réduire 70 000 producteurs de lait à 2 400 fermes-usines, ça porte atteinte à l’environnement. En désobéissant, on pose un acte »... La justice en pose d'autres : Pinatel était ainsi convoqué ce vendredi matin au commissariat pour répondre d'un... carreau cassé lors d'une action contre la Ferme des mille vaches (lire le communiqué de la Confédération paysanne ici).

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 19:24

 

 

Source : www.marianne.net


 

Santé : c’est la privatisation qui coûte cher
Vendredi 12 Décembre 2014 à 05:00

 

Noam Ambrourousi*

 

 

Pour Noam Ambrourousi, haut-fonctionnaire et membre de la commission Santé du Parti de gauche, l'objectif du gouvernement de réduire "les dépenses de l'assurance maladie de 10 milliards d’euros sur trois ans" est "absurde". "Ce n'est pas le périmètre de l'Assurance maladie qu'il faut réduire, écrit-il, mais bien celui du secteur privé" car "le gaspillage est le fait de la privatisation croissante du secteur de la santé".

 

POUZET/SIPA
POUZET/SIPA

Le plan d'économie de 50 milliards d’euros, annoncé par le Premier ministre au mois d'avril 2014, fixe un objectif de réduction des dépenses de l'assurance maladie de 10 milliards d’euros sur trois ans. Ceci se traduit dès aujourd'hui dans le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale avec, pour la seule branche maladie, un objectif d'économies fixé à 3,2 milliards d’euros.

Pour justifier de telles mesures, les tenants de l’austérité invoquent le coût élevé de notre système de santé, n’hésitant pas, à l’image du député PS Pascal Terrasse, à promouvoir un retrait de l’Assurance maladie au profit des complémentaires santé.

De telles mesures sont absurdes : ce n'est pas le périmètre de l'Assurance maladie qu'il faut réduire mais bien celui du secteur privé. En effet, le gaspillage est le fait de la privatisation croissante du secteur de la santé.

La France se situe, dans le groupe de tête, avec l'Allemagne et les Pays-Bas, en matière de dépenses de santé rapportées au PIB (autour de 12 %), bien loin cependant des Etats-Unis (plus de 17 % du PIB). Toutefois, si l'on compare le niveau de dépense par habitant, celui-ci n'apparaît pas particulièrement élevé, contrairement à ce qui est affirmé. Il n'en reste pas moins que s'il existe des dépenses inutiles, il convient de les identifier afin que ces montants puissent être utilisés pour améliorer l'état de santé de nos concitoyens, qui n'est pas particulièrement reluisant (augmentation des inégalités de santé, diminution de l'espérance de vie en bonne santé...).

Or, une analyse objective conduit à la conclusion suivante : les dépenses de santé inutiles sont très majoritairement la conséquence de la mise de notre système de santé au service d'acteurs privés, dont le poids ne cesse de s'accroître.

Parmi les dépenses superflues dont le seul but est d'assurer les rentes d'intérêts particuliers, on peut citer les dépenses de médicaments et les dépassements d'honoraires. On consomme en France plus de médicaments et souvent des médicaments plus coûteux que dans les autres pays de l'Union européenne. Ceci est le résultat du lobbying intensif des laboratoires pharmaceutiques qui, selon un rapport de l'IGAS, consacrent plus de 25 000 euros par an et par médecin généraliste, à la promotion du médicament. La création d'un pôle public du médicament ainsi qu'une formation continue de qualité et indépendante, destinée aux prescripteurs, constituerait un moyen de réduire ces dépenses inutiles.

S'agissant des dépassements d'honoraires pratiqués par les professionnels de santé libéraux, ceux-ci représentaient en 2012 plus de 7 milliards d’euros. Au-delà de ces milliards dépensés en pure perte, de telles pratiques favorisent le renoncement aux soins ainsi que l'augmentation du coût des complémentaires santé.

Le système « libéral » de notre médecine de ville engendre également de nombreux surcoûts. Responsable, du fait de la liberté d’installation, de l'apparition de véritables déserts médicaux, il provoque également une multiplication d'actes inutiles et favorise les dépassements d'honoraires dans les zones surdotées. Le paiement à l'acte possède de plus un caractère inflationniste. Par ailleurs, l'existence de déserts médicaux, les dépassements d'honoraires et les difficultés d'imposer des obligations de service public au secteur de la médecine de ville, entraînent le développement de pathologies lourdes et contribuent à la désorganisation des services d’urgence de l'hôpital public, qui sont obligés de prendre en charge des personnes relevant de la médecine de ville. La création de centres de santé publics où les médecins seraient salariés (comme ils le sont par exemple au Royaume-Uni) éviteraient tous ces surcoûts, pour le plus grand bénéfice de la santé de nos concitoyens.

Autre vecteur de dépenses inutiles et d'accroissement des inégalités : le recul continu de l'Assurance maladie au profit des complémentaires santé. Depuis 1980, la part des dépenses de santé prises en charge par l'Assurance maladie n’a cessé de reculer, au profit des complémentaires santé. En ne considérant que les soins courants, ce sont seulement 55 % des dépenses qui sont couvertes par l’Assurance maladie. Cette coexistence entre Assurance maladie et complémentaires santé est non seulement porteuse d'inégalités mais elle engendre de plus des surcoûts, les dossiers étant traités deux fois avec, pour les complémentaires santé, des frais de gestion bien supérieurs à ceux de l’Assurance maladie. Le remboursement des soins à 100 % par l’Assurance maladie permettrait donc d’en finir avec le renoncement aux soins et contribuerait à réduire significativement les coûts de gestion.

A travers ces exemples, on voit donc que c’est la privatisation du système de santé qui favorise le gaspillage, au détriment de la santé de nos concitoyens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les pays dont le système de santé repose le plus sur le financement public offrent les soins les moins coûteux et les plus efficaces.

Si le recul de la dépense publique en matière de santé permet de satisfaire l'appétit des investisseurs privés, une telle politique est en revanche nocive pour la collectivité, qui paiera de plus en plus cher pour des soins de plus en plus médiocres. Encore une fois, ce gouvernement sacrifie l’intérêt général au profit d’un intérêt très particulier, celui du capital.
 
* Noam Ambrourousi, haut-fonctionnaire, membre de la commission Santé du Parti de gauche.

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:59

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Permaculture web 11/12/2014 à 16h28
Le jardinier le plus fertile de YouTube, c’est Eric
Thibaut Schepman | Journaliste Rue89

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Permeric, altruiste Belge à bob, exhume dans ses vidéos les incroyables savoirs de la permaculture. Cet ex-consultant web revenu à la terre rend passionnante cette philosophie du jardin.

Connaissez-vous la permaculture ?

L’origine du mot
Le terme a été inventé en 1974 par Bill Mollison (prix Nobel alternatif en 1981) et David Holmgren. Mais sa paternité fait débat car il est la contraction d’une expression américaine vieille de plus d’un siècle : « permanent agriculture ». Et les techniques qu’elle regroupe existent souvent depuis la nuit des temps.

Cette philosophie du jardin clame qu’il ne faut pas se contenter de cultiver sa parcelle, mais créer un véritable écosystème, fertile, dont on pourra récolter les fruits. Cela peut donner des résultats incroyables : des melons en avril, des agrumes dans la « Sibérie autrichienne », d’énormes rendements sur de petites surfaces.

Depuis quelque mois, la permaculture connaît un grand engouement en France. Parce que jardiner est à la mode, parce qu’on veut manger mieux.... mais aussi un peu parce que depuis un an et demi un gentil Belge à bob en explique les rudiments sur YouTube. Son nom : Eric Barzin, alias Perméric.

 


Evolution du nombre de recherches de la « permaculture » sur Google en France entre 2004 et 2014 

Des pierres pour créer un micro-climat

La permaculture est certes très poétique, mais elle se caractérise avant tout par des techniques, parfois complexes. Le problème, c’est que ces savoir-faire épars ont longtemps été transmis entre initiés.

On en trouvait des traces dans d’obscurs ouvrages – toujours chers et souvent oubliés – ou dans des formations parfois hors de prix. Seuls de rares motivés connaissaient les bonnes associations de plantes et de légumes, savaient fabriquer une tour à pommes de terre ou encore utiliser des pierres et niveler un terrain pour créer des micro-climats. Mais ça, c’était avant Eric et ses tutoriels au délicieux accent.

 

 

Eric Barzin nous explique comment il s’occupe de son « mulch », la couverture de paille sur son sol

« On a l’impression de jardiner avec lui »

Beaucoup d’apprentis permaculteurs sont tombés sur lui en cherchant des infos sur Internet. Kevin, qui aspire à trouver un terrain à exploiter près de Dunkerque, est l’un d’entre eux :

« Quand on tape certains mots comme “permaculture” dans YouTube ; il est dans les premiers résultats. Moi, j’ai d’abord vu la vidéo où il récolte la sève des bouleaux. J’ai bien aimé son style, c’est très concret, il se filme en faisant les choses et il explique exactement ce qui va se passer.

Du coup j’ai regardé toute ses vidéos, ça permet de voir l’évolution de son travail, de voir aussi que tout ça, ça marche. On s’identifie à lui, on a presque l’impression de jardiner avec lui. J’ai même remarqué qu’il a pas mal maigri depuis qu’il a commencé. »

Grâce à Perméric, j’ai moi-même compris comment créer une butte qui reproduit en quelque sorte le fonctionnement du sol d’une forêt. On appelle ça une butte autofertile ou en « Hugelktultur » en allemand.

Depuis quelques mois, un peu grâce à cette vidéo, cette pratique ancienne et confidentielle est devenue incontournable dans nombre de jardins « naturels », dont le mien.

« J’étais l’homme qui plantait des arbres »

« Ne prend pas ton vélo, par chez moi ça monte beaucoup, on est sur le toit de Belgique »

Eric Barzin est venu me chercher en voiture au terminus de la petite gare de Spa-Géronstère, à deux heures de train de Liège. Il me conduit à travers la forêt rouge et magnifique qui entoure la cité thermale et se termine à l’arrière de sa maison. Déjà, il me parle de son prochain projet :

« J’aimerais bien creuser des “swales”, on appelle ça aussi des baissières. Ce sont des rigoles qui suivent les courbes de niveau et permettent de créer des retenues d’eau. Je ne vais pas pouvoir le faire tout de suite, pour ça il faut un gros budget, mais j’ai très envie de faire cette vidéo, ça va intéresser plein de gens et on trouve pas encore grand chose là-dessus. »


Capture d’écran d’une vidéo sur le référencement tournée en 2010 

Quand Eric expérimente quelque chose, il se filme. Un peu par réflexe. Ou parce que ça a, un temps, fait partie de son métier. Les comptes Twitter et Dailymotion de son ancienne vie de consultant en stratégie web sont encore en ligne.

Entre 2009 et la fin 2010, on le voit publier à la pelle des liens et des vidéos pour apprendre à ses clients à animer une page web ou à s’assurer un bon référencement.


Eric Barzin devant son ordinateur en novembre 2014 (Thibaut Schepman/Rue89)

 

Et puis, un jour, tout s’arrête. Il nous raconte :

« J’ai fait un burn-out. J’aimais le côté technique de mon métier mais pas du tout son sens. J’étais très fatigué, je passais beaucoup trop de temps devant mon ordinateur, je suis tombé malade. »

A cette époque, un ami lui parle de permaculture. Il quitte son travail, se plonge dans les bouquins, fait une formation de douze jours et achète avec sa compagne un terrain pour y appliquer ses nouvelles connaissances.

« Pendant plus d’un an, j’ai arraché les arbres et j’ai semé et planté, j’étais comme “l’homme qui plantait des arbres” [la très belle nouvelle de Jean Giono, qui a été ensuite animée par Frédéric Back, ndlr]. »

 

L’homme qui plantait des arbres, Frederic Back, 1987

Youtubeur et éleveur de truites

Les premiers temps, Eric reste loin d’Internet. Puis, tout doucement, il y revient.

« J’allais souvent sur YouTube, je tapais “permaculture” mais je ne trouvais rien. »

Il commence d’abord un blog pour partager ses découvertes. Sur son compte Twitter, on le voit à nouveau publier des liens dès la fin 2012, cette fois en rapport avec sa nouvelle passion. Et puis, en avril 2013, il se filme en train de construire un bac de culture et poste la vidéo sur YouTube :

« Je n’y avais pas vraiment réfléchi. J’ai posté ça parce qu’on ne trouvait rien sur le sujet sur Internet. J’ai mis des mots-clés, une description et des liens aux bons endroits, un peu par habitude, parce que je sais bien faire ça. Ensuite j’ai continué à en publier et j’ai eu rapidement pas mal de visites.

Quand on rencontre des gens ou qu’on voit des témoignages sur Internet, on se dit que beaucoup de permaculteurs sont de doux rêveurs ; moi je suis plutôt du genre pressé, j’ai envie de faire plein de choses. »


L’un des élevage en aquaponie d’Eric Barzin (Thibaut Schepman/Rue89)

Depuis, Perméric fait revivre dans ses vidéos les savoirs qu’il trouve dans des livres. Et ça marche. Certaines de ses vidéos dépassent les 100 000 vues. Parfois, dans la rue ou dans les salons écolos, on le reconnaît. Il nous explique tout ça en vidant une truite sortie de son élevage en aquaponie.

Cette technique ancestrale permet de cultiver en symbiose des poissons et des légumes. Les fientes azotées des truites nourrissent les végétaux, qui eux-mêmes épurent l’eau du bassin des poissons. Eric Barzin vend depuis quelques mois, au prix de 97 euros, une formation à l’aquaponie par Internet. 75 personnes l’ont achetée, c’est pratiquement sa seule source de revenus pour l’instant.

Dans la bibliothèque d’Eric Barzin
  • « La Révolution d’un seul brin de paille », Masanobu Fukuoka (Guy Trédaniel, 2005)
  • « Créer un jardin-forêt. Une forêt comestible de fruits, légumes, aromatiques et champignons au jardin », Patrick Whitefield (Imagine un colibri, 2011)
  • « How to Grow Perennial Vegetables », Martin Crawford (Green Books, 2012)
  • « Four-Season Harvest », Eliot Coleman (Chelsea Green Publishing, 1992)
  • « Manuel de culture sur butte », Richard Wallner (Rustica, 2012)
  • « Le Jardinier maraîcher », Jean-Martin Fortier (Ecosociété, 2012)
  • « Edible Forest Gardens », Dave Jacke (Chelsea Green Publishing Company, 2005)
  • « Permaculture - introduction et guide pratique », Laurent Schlup (Kangaroots, 2012)
  • « La Permaculture de Sepp Holzer », (Imagine un colibri, 2011)

« Je n’ai compris qu’en juillet dernier que je pouvais gagner de l’argent grâce aux pubs sur YouTube. Je touche maintenant 68 dollars par mois [55 euros, ndlr]. C’est un peu ridicule, mais c’est déjà ça.

Je ne vais pas me comparer à Cyprien ou à Norman, mais je me dis qu’ eux font des vidéos depuis beaucoup plus longtemps que moi. Si maintenant je touche 68 dollars, dans un an ou deux je saurai peut-être en gagner 350 ou 400. »

Perméric espère pouvoir bientôt « sortir de la galère financière ». Dans son jardin, il nous montre ses buttes autofertiles, ses ocas du Pérou, ses cephalotaxus – un conifère qui donne des fruits – et nous explique comment il a « designé » son terrain de près d’un hectare.

A terme, il compte commercialiser sa production, ses semences et boutures ou même la visite de son exploitation.

En attendant, Eric fait encore et toujours des vidéos gratuites. Il écrit maintenant ses textes à l’avance, utilise un prompteur et fait de plus en plus de montage.

Il vient de lancer un réseau social gratuit, Permaculteurs.com, où il invite chacun à partager ses expériences, en texte ou en vidéo.


Eric montre un oca du Pérou qui a poussé dans sa butte (Thibaut Schepman/Rue89)

 

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:42

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

A défaut d'y trouver l'asile, Edward Snowden s'exprime en France

|  Par Jérôme Hourdeaux

 

 

 

L'ex-employé de la NSA, toujours en exil en Russie où il estime être «en sécurité», s'est pour la première fois exprimé, par visioconférence, devant un public français mercredi. Malgré les multiples appels et pétitions, aucun pays européen n’est prêt à l'accueillir.

« J’aimerais rentrer aux États-Unis. C’est chez moi. » Réfugié en Russie depuis maintenant un an et demi, Edward Snowden ne désespère toujours pas de pouvoir quitter son exil et de retourner dans son pays, où il est pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt pour « espionnage, vol et violation d’une propriété de l’État ».

L’ex-employé de la NSA, à l’origine des révélations sur le système de surveillance mondial mis en place par les États-Unis, s’exprimait pour la première fois, par visioconférence, devant un public français réuni à la Gaîté lyrique à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, un événement baptisé « 10 jours pour signer » et organisé par Amnesty International en partenariat avec Mediapart, Le Monde et Arte.

Il est tout d’abord revenu sur la publication, la veille, du rapport du Sénat américain sur la pratique de la torture par la CIA après le 11 septembre 2001 pour établir un parallèle avec son propre rôle de lanceur d’alerte. Edward Snowden raconte que les méthodes de l’agence américaine, qu’il qualifie de « crimes inexcusables », étaient connues en interne depuis plusieurs années. « J’ai travaillé à la CIA pendant les années où il y avait de la torture. Je n’étais pas impliqué », a-t-il raconté, mais « j’avais des suspicions ». Ces pratiques ont même été dénoncées en interne, par des personnes ayant elles-mêmes participé à des séances de torture. « Il y a eu des rapports écrits et des inquiétudes transmis à la CIA », a affirmé Edward Snowden, mais « la réponse de la CIA a été de dire d’arrêter de se plaindre ».

Pour l’informaticien, « la raison pour laquelle ce programme n’a pas été arrêté » malgré ces soupçons est « que le public n’a pas été mis au courant ». Et, « si les programmes ont été arrêtés, c’est parce que les journaux les ont révélés ». Le rapport du Sénat publié mardi « est un pas en avant. Mais cela n’empêche pas la poursuite d’officiels ayant ordonné la torture », a-t-il estimé.

Edward Snowden a ensuite bien entendu été interrogé sur ses propres révélations et sur l’existence d’éventuels nouveaux documents concernant la France. Mais le whistleblower a déjà plusieurs fois expliqué qu’il ne souhaitait pas jouer un rôle selon lui réservé aux journalistes, limitant le sien à la fourniture des documents. « Je n’ai pas accès à des informations secrètes. J’ai détruit toutes mes informations à partir du moment où je les ai données à des journalistes. Je n’ai donc pas de scoop », a-t-il affirmé lors de son intervention.

« Mais la surveillance de masse a lieu dans tous les pays qui ont les moyens d’avoir des agences de renseignement », a-t-il toutefois précisé. « Il y a eu des informations montrant qu’Orange fournissait des informations à la DGSE », a-t-il ajouté en référence à la proximité entre l’opérateur historique français et les services de renseignement plusieurs fois évoquée par la presse, dernièrement par Le Monde.

Edward Snowden est également revenu sur les conditions de son exil en Russie, affirmant être « en sécurité ». « Je prends le métro comme tout le monde », a-t-il plaisanté. « Je continue de travailler aujourd’hui activement à la protection des données sur Internet et je suis en contact constant avec des activistes. » Même si les autorités russes continuent à maintenir le secret autour de son lieu de résidence, les conditions de vie du réfugié américain semblent effectivement s’être sensiblement améliorées.

Durant les premiers mois ayant suivi l’arrivée du whistleblower sur le territoire russe, Moscou avait littéralement placé celui-ci au secret. Seule personne à pouvoir s’exprimer en son nom, son avocat Anatoly Kuchenera avait expliqué, en septembre 2013, que le jeune homme ne pouvait sortir que sous protection, et à la condition d’être déguisé, et qu’on lui avait interdit tout contact avec ses proches ou des ONG. « Les anciens collègues de Snowden pourraient utiliser l’arrivée de parents pour suivre sa localisation », expliquait alors Me Kucherena avant d’affirmer : « En ce moment, je suis son seul lien avec le monde extérieur. Même ses contacts avec ses parents passent par moi. »

« Dans le futur, Edward devra décider s’il continue à vivre en Russie »

Un an plus tard, Edward Snowden semble avoir récupéré, au moins en partie, sa liberté de mouvement et le droit de communiquer. Il « est en pleine forme, il prospère », affirmait ainsi au début du mois de décembre Daniel Ellsberg, autre whistleblower célèbre pour ses révélations sur la guerre du Vietnam en 1971, après avoir rencontré Edward Snowden à Moscou. Selon lui, son moral serait même bon, malgré l’isolement. « C’est quelqu’un qui peut passer beaucoup de temps tout seul, il n’est pas très sociable. Il peut rester tout seul avec son ordinateur », explique Daniel Ellsberg. Eward Snowden aurait même désormais le droit de sortir à visage découvert et de discuter avec des inconnus sous sa véritable identité. « Oui, je peux. Et je sors », affirmait-il au mois d’octobre dernier dans une interview accordée à The Nation. « On me reconnaît de temps en temps. C’est toujours dans les magasins d’ordinateurs », précisait-il.

S’il n’a pas le droit de quitter le sol russe, le jeune homme a tout de même retrouvé le droit de recevoir des invités et multiplie les entretiens avec des proches mais également des militants des droits de l’Homme, des responsables d’ONG, des journalistes… Dans Citizen Four, le documentaire de la journaliste Laura Poitras, la première avec Glenn Greenwald à être entrée en contact avec Edward Snowden, on découvre que celui-ci a été rejoint en Russie par sa petite amie, Lindsay Mills, que l’ex-employé de la NSA avait précipitamment quittée en s’enfuyant d’Hawaï en mai 2013. Pour des raisons de visa, la jeune femme n’est pas autorisée à rester constamment en Russie mais y effectuerait de fréquents séjours.

Alors que sa première année d’exil n’avait été marquée que par quelques très rares interventions, Edward Snowden a également pris son bâton de pèlerin virtuel et multiplie désormais les interventions publiques par visioconférence. En mars dernier, il créait l’événement en intervenant en direct lors du très branché festival SXSW qui se tenait à Austin au Texas. Le même mois, il témoignait, par écrit, devant la commission des libertés civiles du Parlement européen. Au mois d’avril, il s’exprimait, cette fois par vidéo, devant le Conseil de l’Europe. Au cours des derniers mois, il est également intervenu lors de la conférence #EncryptNews organisée par la Freedom of Press Foundation ou à l’occasion de la remise du « prix Nobel alternatif » qui lui a été décerné par des journalistes de The Nation et de Wired ou encore le directeur de l’association de défense des libertés civiles américaines Aclu.

Avec la médiatisation vient également la célébrité. Sorti en novembre 2014, le documentaire Citizen Four est d'ores et déjà un succès critique primé par l'International Documentary Association et bien placé dans la course aux oscars. L’aventure d’Edward Snowden a même inspiré la télévision russe dans une série à succès et doit faire l’objet d'une adaptation au cinéma par Oliver Stone, avec Joseph Gordon-Levitt dans le rôle principal.

Mais ce semblant de liberté ne doit pas faire oublier qu’Edward Snowden vit entre la menace de passer le reste de sa vie dans une prison américaine et l’obligation de s’installer définitivement en Russie, jamais à l’abri d’un revirement diplomatique. Au mois d’août dernier, les autorités ont renouvelé pour une période de trois ans l’asile temporaire accordé au jeune homme à son arrivée. À cette occasion, son avocat Anatoly Kucherena a rappelé qu’il s’agissait d’un permis de résidence, et non d'un asile politique. « Dans le futur, Edward devra décider s’il continue à vivre en Russie et devient citoyen ou s’il retourne aux États-Unis », a-t-il insisté.

Lors de son intervention à Paris, Edward Snowden a expliqué que, à défaut de retourner « chez lui », il aurait « bien aimé venir en Europe occidentale ». Mais, malgré les multiples appels et pétitions, aucun pays européen n’est pour l’instant prêt à défier Washington qui a fait du cas du whistleblower une affaire de principe. En France, les autorités se réfugient derrière le fait que, juridiquement, Edward Snowden n’a déposé aucune demande d’asile. Or, celui-ci a fait savoir à plusieurs reprises sa volonté de se réfugier dans des pays européens, dont la France. Mais, se justifie le gouvernement, pour qu’une demande d’asile soit valide, il faudrait que celle-ci soit déposée sur le sol français, chose quasi impossible pour Edward Snowden qui risquerait d’être immédiatement intercepté et extradé vers les États-Unis.

Une pétition lancée au mois de juin dernier, et ayant reçu 165 000 signatures, mettait pourtant en avant une solution juridique. L’article L 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit en effet un asile dit « constitutionnel » pour « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ». Et ce droit peut être accordé sans avoir à pénétrer sur le sol français. Au mois de juillet, les initiateurs de la pétition avaient été reçus par le groupe d’études « Internet et société numérique » de l’Assemblée nationale. Mais depuis, celle-ci semble n’avoir eu aucun effet. Jeudi, le député Christian Paul, co-organisateur de la réunion et président de la commission numérique et libertés de l’Assemblée, a une nouvelle fois appelé à la mise en place « d’un cadre légal pour les lanceurs d’alerte ». L’élu PS se dit également « particulièrement favorable à l’éventuelle demande d’Edward Snowden de bénéficier de l’asile constitutionnel, que la France garantit aux combattants de la liberté ».

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:31

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Juncker refuse de rendre publiques les données sur les sociétés-écrans

|  Par Dan Israel

 

 

 

Une quarantaine de journalistes demandait au président de la Commission de s'assurer que tous les citoyens auront accès aux registres des trusts que l'Union européenne va mettre en place. L'ex-premier ministre luxembourgeois a décidé de donner raison à l'Allemagne, la Pologne et l'Espagne qui refusent.

La lettre, signée par Jean-Claude Juncker, est polie, mais pas très encourageante. Dans une réponse à un collectif de journalistes, le président de la Commission européenne vient de fermer la porte à l’existence d’un futur registre public, consultable par tous, des trusts et autres sociétés écrans qui facilitent aujourd’hui grandement la tâche de tous ceux qui veulent blanchir de l’argent ou le cacher au fisc.

Mardi 9 décembre, une quarantaine de journalistes d’investigation, basés un peu partout dans le monde, avaient interpellé dans une lettre ouverte la Commission européenne et son président pour qu’ils s’engagent à mettre en place ce registre public. La lettre était notamment signée par Fabrice Arfi de Mediapart, ainsi que par quelques noms familiers à ceux qui s’intéressent à la lutte contre la fraude fiscale : les britanniques Nicolas Shaxson (auteur d’un très bon livre sur la question), Simon Bowers (The Guardian) et Richard Brooks (Private Eye magazine) ou Edouard Perrin, de Cash Investigation, le premier journaliste à avoir dévoilé, dès 2012, le contenu des accords secrets entre le fisc luxembourgeois et des multinationales.

Coordonnés par le journaliste spécialisé Nick Mathiason et soutenus par l’ONG One (cofondée par Bono, le chanteur de U2), les signataires affirmaient leur « besoin d'avoir accès aux informations en temps voulu sur la manière dont les sociétés et les trusts sont utilisés pour faire circuler l'argent corrompu à travers le système financier européen ». Leur appel a eu lieu alors que les négociations européennes sur le sujet achoppent.

En mars, le Parlement européen a voté à une très large majorité un texte prévoyant l'inscription du nom des bénéficiaires effectifs des sociétés-écrans, trusts et autres fondations dans des registres publics, centralisés par pays et accessibles à tout citoyen en faisant la demande. Un immense pas en avant, puisque dans de très nombreux pays européens, notamment en Grande-Bretagne, les trusts (dont Jersey est le champion) ne sont absolument pas répertoriés par les autorités, et encore moins leurs propriétaires, dont une large proportion cherche en premier lieu à cacher leur argent.

Mais le vote du parlement n’est en rien contraignant. Cette proposition doit en effet être adoptée par le Conseil européen, composé des gouvernements des Etats-membres. Et elle est aujourd’hui au cœur d’intenses négociations entre le Parlement et les pays-membres de l’UE. L’Allemagne, la Pologne ou l’Espagne refusent cette avancée. Or, « la Présidence italienne souhaite conclure un accord à n’importe quel prix, avant la fin de son mandat dans quelques jours », dénonce l’ONG One dans un communiqué publié ce vendredi. L’Italie fait donc « pression sur le Parlement pour qu’il revoit ses ambitions à la baisse et ne rende pas public ces registres » et qu’il permette « aux Etats membres de restreindre l’accès à ces registres ». « Dans certains pays, ces registres seraient publics quand dans d’autres, cela nécessiterait une autorisation avec toute la complexité bureaucratique qui accompagne ce type de démarche », s’inquiète One.

Et c’est bien cette version que privilégie Jean-Claude Juncker dans sa réponse aux journalistes d’investigation, envoyée à Nick Mathiason. Il déclare certes que « la corruption endommage l’économie et la société dans son ensemble » et « érode la confiance publique ». Mais il préconise de conclure le plus vite possible. Et donc de céder aux Etats réfractaires, en s’assurant seulement que soit mise en place « la possibilité d’accès aux données par des tiers qui démontrent un intérêt légitime justifié ». Que veulent dire ces trois derniers mots ? Mystère. Toujours est-il qu’ils ne garantissent pas l’accès à n’importe quel citoyen, ce que les eurodéputés avaient pourtant demandé.


Tout de même, la fin du secret total autour des trusts

La réponse de Juncker est donc une mauvaise nouvelle. Mais elle en partie tempérée par le fait qu’une très rapide évolution des législations et des mentalités est en cours depuis quelques mois sur les questions de transparence fiscale. L’Europe va tout de même se mettre d’accord pour mettre sur pied des registres rassemblant tous les trusts et autres sociétés écrans. C’est vrai, ces registres seront réservés aux administrations fiscales, mais pour l’heure, aucun n’a encore jamais été créé. Un sacré pas en avant, tout de même.

D’autant que sous l’égide de l’OCDE, une petite centaine de pays se sont engagés il y a un peu plus d’un mois à jouer le jeu de la transparence totale avant 2018, en se livrant à l’échange automatique de données fiscales, meilleure arme connue pour lutter contre la fraude. Et dans la masse de données qui seront échangées figureront les identités des bénéficiaires réels des comptes détenus par des trusts, des fondations et autres sociétés-écrans…

A supposer que tous les Etats, et que l’Union européenne joue le jeu, il restera tout de même des failles dans la législation. Ainsi, les trusts ou fondations gérés par une seule personne seront exclus du champ de l’échange automatique. Et puisque seules sont concernées les données financières, les voitures de luxe, yachts, jets privés, mais aussi les propriétés immobilières de luxe, échapperont toujours aux regards indiscrets du fisc.

L’Hexagone, qui soutient officiellement l’établissement de registres publics, est un des pays les plus avancés sur la question. La loi de décembre 2013 sur la fraude fiscale a instauré le principe d’un tel registre pour les trusts dont les administrateurs sont domiciliés en France (ils sont en fait très peu nombreux, car cet outil est surtout un classique du droit anglo-saxon). Y devront être recensés un bon nombre de données, comme vient de le préciser un décret d’application. Problème : pour le moment, on ignore totalement comment et où les citoyens curieux ou vigilants pourront les consulter.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:24

 

 

source : www.mediapart.fr

 

En Italie, la rue dit « non » aux réformes Renzi

|  Par Amélie Poinssot

 

 

 

Le parlement italien a adopté le 3 décembre la réforme du marché du travail voulue par Matteo Renzi. Cette loi surnommée le Jobs Act, d'orientation libérale, abolit notamment l'article 18 qui protégeait les salariés en CDI de tout licenciement abusif. Les syndicats italiens ont riposté ce vendredi 12 décembre en appelant à une grève générale, qui a très largement mobilisé à travers le pays.

C'était sa première grève générale : Matteo Renzi a été confronté ce vendredi 12 décembre au premier mouvement de grande ampleur depuis son arrivée à la présidence du conseil, en février dernier. Mobilisés autour du mot d'ordre « Cosi non va », (« Ce qui ne va pas »), la plupart des secteurs d’activité, publics comme privés, ont été touchés : transports, santé, éducation, administration. Côté transports, 80% des autobus et 50% des trains et des avions ont été bloqués, rapporte le site du quotidien Il Fatto Quotidiano. A l'origine de la mobilisation : les deux grandes confédérations syndicales, la CGIL et l'UIL – traditionnellement plus modérée –, totalisant à elles deux quelque 8 millions d'adhérents. Syndicalistes, mais aussi opposition de gauche, mouvances autonomes et simples citoyens ont protesté contre le « Jobs Act », cette libéralisation du marché du travail votée la semaine dernière, mais aussi contre le projet de loi de finances 2015, qui augure d'un nouveau budget d'austérité dans la péninsule italienne.

La banderolle des syndicats, dans le cortège romain

C'est à Turin et à Rome que les manifestations ont été les plus importantes. Dans la capitale du Piémont, qui a vu défiler, d'après les syndicats, quelque 70 000 personnes, le président de la République Giorgo Napolitano a manifesté son inquiétude : « La grève générale convoquée pour aujourd'hui est sans aucun doute un signe de tension considérable entre les syndicats et le gouvernement. J'espère que les décisions déjà prises vont pouvoir être discutées. » De son côté, la secrétaire générale de la CGIL, Suzanna Camusso, a assuré que la protestation allait continuer. « Nous ne nous sentons pas menacés », a-t-elle lancé.

A Rome, où les syndicats ont compté quelque 40 000 manifestants, le cortège était particulièrement animé. Beaucoup sont venus avec tracteurs, taxis, ambulances, bétonnières… et les manifestants ont procédé à un lâcher de ballons représentant le président du conseil affublé d'un nez de Pinocchio. « Renzinocchio » est d'ailleurs un mot qui revenait régulièrement dans les slogans. Arrivé Piazza Santi Apostoli, le cortège s'est arrêté, débordant dans les rues alentours. « Nous avons occupé Rome », ont lancé les responsables syndicaux depuis une tribune. « Nous allons mener une nouvelle résistance et cette place montre que nous allons le faire », a ajouté le secrétaire général de l'UIL, Carmelo Barbagallo. De son côté le chef romain du parti Sel (Gauche, écologie et liberté), Nichi Vendola, a tweeté depuis le cortège : « Le gouvernement a pris une mauvaise direction. Nous devons tourner radicalement la page. »

 
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Il governo ha imboccato una direzione sbagliata. Bisogna cambiare radicalmente pagina.

"Nous devons radicalement tourné la page", a tweeté Nichi Vendola

D'autres cortèges ont rassemblé un peu partout dans le pays, notamment à Naples (50 000 personnes dans la rue) et à Palerme (15 000 manifestants). Des affrontements ont opposé police et manifestants, notamment à Milan et à Turin, où les autorités ont procédé à plusieurs interpellations.

Inflexible, le gouvernement a réaffirmé ses positions par la voix du ministre du Travail, Giuliano Poletti : « Nous écoutons la rue mais nous allons de l'avant avec les réformes. Aujourd'hui, l'Union européenne nous demande de la cohérence sur nos engagements. »

 

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Scontri e fumogeni a Milano http://ow.ly/FNffc  


Affrontements à Milan photographiés par l'agence de presse italienne Ansa

De fait, la grève est arrivée après le vote de la loi contestée, déjà passée par le Sénat puis la Chambre des députés le 3 décembre. Elle a même été adoptée avec les voix de l'aile gauche du Parti Démocrate, qui avait pourtant monté le ton face à Renzi depuis cet été. Dans les kiosques italiens ce vendredi matin, les titres parlaient donc de grève « politique ». Les journaux de droite, sans surprise, critiquaient le positionnement des syndicats, tandis que la presse de gauche pointait la dérive libérale du gouvernement Renzi. Ainsi du quotidien Il Manifesto, qui titrait en manchette « Jobs Achtung » - dans une allusion aux directives venues de Berlin dans le vote de ce « Jobs Act » : « La grève générale contre la réforme du marché du travail et plus généralement contre le pacte de stabilité met en évidence la politique économique ratée du gouvernement, une politique qui favorise la dérive libérale d’un capitalisme débridé, écrit l'éditorialiste. Nous sommes aujourd’hui face à un système capitaliste qui ne sait que demander plus de liberté pour licencier, moins de taxes, plus de privatisations, un capitalisme incapable de projeter une politique industrielle d’investissement, de recherche, de nouveaux rapports de production. »

Cette mobilisation vient par ailleurs éclairer le mépris de Matteo Renzi envers les syndicats et le dialogue social, une de ses marques de fabrique qui le caractérisait, déjà, quand il était maire de Florence. A la veille de cette journée de grève générale, le président du conseil a fait semblant d'accepter la contestation : « Le droit à la grève est garanti par notre constitution et nous allons le respecter », a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse ce jeudi. Revirement, pour la forme, après avoir fait pression sur les syndicats pour que les trains ne soient pas affectés par le mouvement de grève… Depuis son arrivée au palais Chigi en février, Matteo Renzi n'a eu de cesse, en réalité, de fustiger les syndicats. Petit florilège de ses dernières piques : « Pour 3 millions qui descendent dans la rue, il y en a 57 millions qui travaillent »; « Il y a ceux qui passent leur temps à chercher des raisons pour faire grève, moi je m’occupe de créer des emplois » ; « A la fin, c’est toujours la politique qui décide » ; « Ces syndicats passent leur temps à organiser des grèves. Alors que je m'occupe de faire travailler les gens pour combattre un chômage démentiel. »

Pour combattre ce « chômage démentiel », qui avoisinne aujourd'hui les 13 % (plus de 40 % chez les jeunes), Matteo Renzi compte donc sur cette libéralisation du marché du travail entraînée par le « Jobs Act », qui comprend, notamment, l'abrogation de l'article 18. Ce texte de loi donnait la possibilité aux personnes employées dans des entreprises de plus de quinze salariés d'être réintégrées dans leur entreprise en cas de licenciement abusif. C'était devenu un symbole – pour les syndicats qui refusaient toute concession sur cet article comme pour les gouvernements successifs qui avaient tenté, sans succès, de s'en emparer. Ce fut le cas notamment de Silvio Berlusconi, en 2002, qui avait fini par reculer devant la colère de la rue, mais aussi du gouvernement Monti, en 2012. En réalité, plusieurs économistes estiment que la suppression de cet article n'aura pas d'impact car il concerne finalement assez peu d'emplois, dans une économie transalpine constituée à 95 % d'entreprises de moins de dix salariés et qui compte près de 4 millions de travailleurs précaires. Le « Jobs Act » vise en outre à davantage de flexibilité sur le marché du travail : les licenciements dans les entreprises confrontées à des difficultés économiques sont désormais facilités, et un CDI à « protection progressive » est créé, avec possibilité de licenciement pendant les trois premières années.

Matteo Renzi confirme donc son orientation libérale et passe outre la colère de la rue… Il n'était d'ailleurs même pas à Rome ce vendredi, parti pour une visite à Ankara. Le commissaire européen Pierre Moscovici en revanche avait choisi ce jour pour effectuer un voyage dans la capitale italienne... Il y rencontrait Pier Carlo Padoan, le ministre italien de l'économie et des finances. Manière pour la Commission européenne de soutenir les choix de Renzi, a contrario du gouvernement français… Lequel voudrait bien, en réalité, reproduire la copie dans l'Hexagone. « Pour une fois, l'Italie peut être un modèle pour la France sur la réforme du marché du travail », avait déclaré en octobre Filippo Taddei, chargé de l'économie au sein du Parti démocrate. D'après le JDD, le projet de loi du Jobs Act a même été traduit en français et transmis à Matignon.

 

 

 

source : www.mediapart.fr

 

 

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:05

 

Source : www.francetvinfo.fr

 

Les réformes de Matteo Renzi font descendre les Italiens dans la rue

 

 

Par

Mis à jour le 12/12/2014 | 16:35 , publié le 12/12/2014 | 16:35

 

 

 

Une grève générale de huit heures a été lancée, vendredi, par plusieurs syndicats. Ils dénoncent les réformes économiques et sociales menées par le président du Conseil italien.

 

 

 

Des manifestants défilent à Rome (Italie), à l'occasion de la grève générale organisée par les syndicats, le 12 décembre 2014. Des manifestants défilent à Rome (Italie), à l'occasion de la grève générale organisée par les syndicats, le 12 décembre 2014.  (REMO CASILI / REUTERS)

 

L'Italie s'est arrêtée de tourner. Ecoles, transports, fonctionnaires, pompiers... La grève générale a duré pendant huit heures dans la péninsule, vendredi 12 décembre, avec toutefois un service minimum. Quelque 50 000 personnes ont ainsi défilé à Milan, selon les organisations syndicales, 70 000 à Turin, 40 000 à Rome ou 50 000 à Naples. Au total, les manifestations se sont déroulées dans une cinquantaine de villes. 

A la fin octobre, déjà, des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour dénoncer la réforme du marché du travail engagée par le gouvernement du président du Conseil Matteo Renzi. Même si ce texte, qui doit lever les freins à l'embauche et relancer l'emploi, alors que le pays souffre d'un taux de chômage catastrophique, notamment chez les jeunes (plus de 43%), a été adopté depuis, la colère demeure. Tout au long de la journée, les manifestants ont souvent raillé "Renzinocchio" (un jeu de mots entre Renzi et Pinocchio), l'homme des paroles et des mensonges. Avec un seul mot d'ordre : "Non va cosi" ("Comme ça, c'est pas bon").

 

Des ballons représentent Matteo Renzi sous la forme de Pinocchio lors d'une manifestation à Rome (Italie), le 12 décembre 2014.Des ballons représentent Matteo Renzi sous la forme de Pinocchio lors d'une manifestation à Rome (Italie), le 12 décembre 2014. (REMO CASILLI / REUTERS)

 

Un "Jobs Act" qui hérisse le poil des syndicats

Comme le précise La Repubblica (en italien), il existe actuellement plus d'une quarantaine de contrats de travail. Le "Jobs Act" porté par Matteo Renzi met donc en place un contrat unique à temps indéterminé, accompagné d'incitations fiscales pour l'employeur. Ces nouveaux contrats fonctionnent sur le principe d'une "protection croissante" au fil du temps. L'employeur peut facilement licencier sa recrue pendant les trois premières années, mais cela devient ensuite plus compliqué et plus coûteux. De quoi hérisser le poil des syndicats.

La réforme contient un autre point de crispation, puisqu'elle supprime l'article 18 du Code du travail (en italien). Un texte important aux yeux des salariés puisqu'il les protège contre les licenciements abusifs, en leur offrant la possibilité de déposer un recours en justice pour obtenir leur réintégration. Matteo Renzi a promis de plancher sur des exceptions, comme les licenciements économiques. Reste à connaître sa définition. Tout un symbole, quand on se souvient que Silvio Berlusconi lui-même avait dû renoncer à ce projet, quand plusieurs millions de personnes étaient descendues dans la rue, en 2002.

En contrepartie de cette flexibilité, le gouvernement prévoit la création d'une nouvelle indemnité-chômage, la Naspi, financée grâce à la baisse attendue du chômage. Pour y prétendre, il faut avoir travaillé au moins trois mois dans la dernière année de travail, ce qui représente une grande nouveauté. Quelque 400 000 Italiens supplémentaires sans aucun revenu pourraient ainsi bénéficier de cette nouvelle indemnité, selon les calculs du ministère de l'Economie italien.

Matteo Renzi face à ses frondeurs

Face à ces profondes réformes, les syndicats accusent le président du Conseil de les avoir oubliés. La secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail (CGIL), Susanna Camusso, estime, dans La Repubblica (en italien), que le gouvernement a pris "une gravissime décision unilatérale". Il faut dire que Matteo Renzi est du genre fonceur. Comme le précise Le Monde, il a bâclé en 30 minutes sa seule rencontre avec les syndicats, début octobre.

Et puis, les syndicats ne croient pas au pari du gouvernement. Susanna Camusso estime ainsi que la réforme "ne réduit pas la précarité, mais bien les droits et les protections" des salariés, tout en "encourageant les licenciements". En effet, comme l'explique le député Cesare Damiano, pourtant membre du Parti démocrate tout comme Matteo Renzi, beaucoup redoutent un effet d'aubaine chez les employeurs : "L'indemnisation en cas de licenciement doit être supérieure à la réduction des cotisations, sinon vous pourriez provoquer un comportement opportuniste chez certaines entreprises."

Enfin, à l'image de François Hollande, le président du Conseil doit, lui aussi, faire face à ses frondeurs. Le texte a été adopté de haute lutte (en italien), le 3 décembre, après un deuxième vote de confiance au Sénat. Comme Manuel Valls, le président du Conseil italien tente donc d'imposer des réformes qui heurtent la frange gauche de sa majorité. Le "Jobs Act" a "été traduit immédiatement par les conseillers de Manuel Valls et étudié ligne par ligne", expliquait le spécialiste de l'Italie Marc Lazar au JDD.

 

 

Source : www.francetvinfo.fr

 

 

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