Agoravox- 21 Septembre
La composition chimique du tabac est très complexe. Son analyse peut concerner la plante fraîche ou séchée, de même que le tabac de la cigarette et ses additifs. Cependant, si la chimie du tabac est examinée sous l'angle de la dépendance, c'est l'analyse de ce à quoi le fumeur est exposé qui importe et c'est donc à la chimie de la fumée de cigarette qu'il convient de s'intéresser. Or depuis les années 1960 on sait que l'on y trouve par exemple du polonium 210 à des doses non négligeables. Revue.
Composition chimique du tabac
La fumée de cigarette peut être définie comme un aérosol dynamique en mouvement constitué d'une phase gazeuse et d'une phase particulaire.
Le filtre en fibre de verre à travers lequel passe la fumée principale retient une partie de la phase particulaire qui correspond, après soustraction de l'eau qu'elle contient, au taux de goudron. À partir de ce goudron, il est possible de doser la nicotine présente dans la phase particulaire qui contient un grand nombre de substances auxquelles le fumeur s'expose. Il convient de noter que parmi les milliers de substances identifiées, seules quelques dizaines sont présentes à des doses toxicologiquement ou pharmacologiquement actives et sont donc à prendre en considération dans le contexte de la dépendance.
De même, la phase gazeuse peut être analysée. La composition chimique de la fumée de cigarette comporte des éléments constants présents à des teneurs variables en fonction du type de tabac, du type de cigarette, de la présence d'additifs et de la manière de fumer. Les additifs servent comme adjuvants de fabrication ou de combustion, agents d'humidification ou d'aromatisation.
Il a souvent été avancé que les cigarettes contenaient des agents susceptibles d'accroître la dépendance au tabac en augmentant l'absorption de la nicotine. Cette hypothèse n'a toujours pas été validée, et même s'il est démontré que la nicotine est l'agent responsable de la dépendance, on ne sait pas si les substances incriminées dans la potentialisation de ses effets sont présentes à des doses suffisantes pour entraîner l'effet supposé.
Les données bibliographiques relatives à la fumée de cigarette découlent d'études réalisées avec la machine à fumer dans les conditions définies par les normes ISO 4387, ISO 10315, ISO 10362-2, ISO 8454. Ce test est utilisé pour déterminer les quantités de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone obtenues dans des conditions standardisées et qui figureront sur les paquets de cigarettes, en application de la directive européenne relative à
l'étiquetage des produits du tabac.
Chimie de la fumée principale de cigarette
La chimie de la fumée de cigarette a été essentiellement étudiée à partir des produits isolés lors des tests de fumage réalisés selon les normes de l'ISO. La machine utilisée pour ces tests tire, une fois par minute, une bouffée d'une durée de 2 secondes et d'un volume de 35 ml ; elle laisse un mégot de 23 mm (lorsque le filtre est long, le fumage est arrêté à 3 mm de la manchette).
Et que trouve-t'on dans cette fumée ?
On y trouve entre autres en phase particulaire : des métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, polonium 210, strontium), divers terpènes, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, divers phénols et catéchols, des acides gras, des benzofuranes, des dérivés nitrosamines, indoliques, quinoliniques, pyrazines dont la nicotine. Les alcaloïdes en représentent 6%, les pigments 3%.
En phase vapeur on y trouve le monoxyde de carbone, divers alcanes, alcènes, hydrocarbures, alcools volatils (méthane, isoprène, benzène, méthanol…), de l’acide cyanhydrique, des amines aliphatiques volatiles…
Au total ce sont plus de 4 000 substances toxiques, dont 50 reconnues cancérigènes.
Les agents potentiellement responsables des principaux troubles associés au tabagisme ont été répertoriés :
- Dépendance tabagique : nicotine, alcaloïdes mineurs, agents d’aromatisation.
- Maladies cardiovasculaires : monoxyde de carbone, oxydes d’azote, acide cyanhydrique HCN, goudrons, métaux lourds cadmium, zinc… présents dans les feuilles de tabac (nous y reviendrons plus loin).
- Maladies obstructives chroniques du poumon : HCN, aldéhydes volatiles, NOx, CO, goudrons.
- Cancers du poumon et du larynx : hydrocarbures polynucléaires aromatiques HPA, 4-(méthylnitrosamine)-1-(3-pyridyl)-1-butanone NNK, polonium 210 radioactif (émetteur alpha, demi-vie 139 jours), formaldéhyde, acétaldéhyde, butadiène, cadmium, nickel, chrome.
- Cancers de la cavité orale : NNK, N’-nitroso-nornicotine NNN, HPA.
- Cancers de l’oesophage : NNN.
- Cancers urinaires : 4-aminobiphényl, 2-naphthylamine et autres amines aromatiques.
- Cancer du pancréas : NNK, 4-(méthylnitrosamine)-1-(3-pyridyl)-1-butanol NNAL.
Quelque part, rien de surprenant à ce que tous les produits résultants de la combustion du tabac, ainsi que les substances actives déjà présentes dans la plante se retrouvent dans la fumée. Mais ce qui m'a le plus surpris est la présence de métaux lourds, et notamment de polonium radioactif !!!
Vous savez, le polonium de l'affaire Litvinenko, celui utilisé par les Russes pour éliminé les opposants ! Quelques microgrammes sont fatals, un million de fois plus toxique que le cyanure (Note CRIIRAD N°06-92 / Polonium 210 / Affaire Litvinenko).
Vous allez vous demander comment des métaux lourds en notamment du polonium 210 radioactif se retrouve dans le tabac ? Y est-il rajouté ? Malheureusement non ce serait trop simple, car il est tenu pour responsable de cancers du poumon dû au tabac. La fumée inhalée par les fumeurs contient une proportion infime mais déjà dangereuse de polonium.
Sa présence dans le tabac remonte au début du 20e siècle, les fumeurs d’avant en étant épargnés, du fait de l'utilisation massive d'engrais à base de phosphate de calcium (apatites) dans les nouvelles techniques d’agriculture. Or le minerai de phosphate de calcium est extrait de roches à forte teneur en 210Po, tout simplement.
Ainsi la fumée inhalée par les fumeurs contient une proportion infime (de l'ordre de moins d'un micro Sv) mais déjà dangereuse de polonium. J. Marmonstein, « Lung cancer : is the increasing incidence due to radioactive polonium in cigarettes ? », 1986 On estime qu'1 % des cancers du poumon aux États-Unis sont causés par le polonium-210 (Radford E., "Radioactivity in cigarette smoke", N Engl J Med (1982), 307(23):1449–1450).
A la suite de la découverte du polonium dans la fumée de cigarettes au début des années 1960 (Radford EP Jr, Hunt VR, "Polonium 210 : a volatile radioelement in cigarettes", Science (1964) Jan 17 ;143:247-9" et Kelley TF, "Polonium 210 content of mainstream cigarette smoke", Science (1965) Jul 30 ;149:537-8), les grands fabricants américains se sont penchés sur des méthodes susceptibles de réduire les quantités présentes, allant dans le cas de Philip Morris jusqu'à développer le premier laboratoire capable de mesurer de façon fiable les doses libérées. En dépit de résultats internes favorables indiquant que la présence de polonium était deux à trois fois inférieure aux premières estimations (Martell E., "Radioactivity of tobacco trichomes and insoluble cigarette smoke particles", Nature (1974) 249:215–217), la décision fut prise par les avocats de la compagnie de ne pas publier cette information, le risque en termes de relations publiques et de procès étant perçu comme très supérieur aux bénéfices d'une telle annonce (Seligman R., Philip Morris. January 18, 1990. Bates no. 100372 5602. R. Seligman, « America’s electric energy companies’ad »).
En outre, les diverses tentatives menées par les compagnies pour diminuer la présence du polonium dans les plants se révélaient insatisfaisantes (Philip Morris, « Radiochemistry polonium », 15 avril 1977 ; W. Gannon, « 210Po Manuscript », 30 mai 1978 ; Monique E. Muggli, Jon O. Ebbert, Channing Robertson, et Richard D. Hurt, « Waking a Sleeping Giant : The Tobacco Industry’s Response to the Polonium-210 Issue », American Journal of Public Health 98(9):1643-1650). Communiquer sur ce sujet risquait, selon ces responsables, de "réveiller un géant endormi" en générant une nouvelle controverse (P. Eichorn, « note manuscrite », 2 juin 1978).
Additifs du tabac
Les additifs du tabac sont assez nombreux ; ils figurent généralement sur des listes limitatives quant à l'autorisation de leur usage. Ces produits sont acceptés sur la base de leur toxicité propre (avant combustion) et non sur la base de leur toxicité après pyrolyse. L'application de la nouvelle directive européenne relative à l'étiquetage des produits du
tabac devrait remédier à cet état de fait.
Une étude de fumage réalisée à partir de cigarettes supplémentées avec des mélanges couvrant 333 additifs met en évidence l'impact de ces additifs sur la phase particulaire, qui s'en trouve généralement augmentée. Certains mélanges d'additifs semblent avoir un impact net sur l'augmentation de certains toxiques de la phase particulaire de la fumée de
cigarette. Concernant l'effet des additifs sur le renforcement de l'addiction, les hypothèses relatives sont loin d'être validées, particulièrement si l'on prend en compte les niveaux d'additifs réellement présents.
Différentes catégories de substances sont utilisées comme additifs : les humectants, les aromatisants et les agents de combustion.
- Humectants : Ils peuvent représenter environ 5 % du poids de la cigarette. Ce sont par exemple le glycérol, dont la pyrolyse le transforme en acroléine ; le propylène-glycol et le diéthylène-glycol intervenant dans la formation de l’acétaldéhyde ; ou encore le sorbitol.
-Aromatisants : Terpènes, eugénol (essence du clou de girofle), miel, dérivés pyrroles et pyrazines, ce sont aussi le menthol, très utilisé dans les cigarettes afro-américaines, et qui apparaît comme un candidat sérieux en tant qu’agent susceptible de favoriser l’accoutumance. Le cacao est un additif célèbre, et est incriminé depuis 1999 d’accroître l’addiction à la nicotine en augmentant son absorption par voie pulmonaire du fait de la présence de théobromine. Cet argument est aujourd’hui encore discuté car les doses actives sont relativement élevées comparées aux doses présentes dans la cigarette. La
réglisse est aussi utilisée, et contient un triterpène (glycyrrhizine) aux propriétés de type corticoïde bronchodilatateur mais qui semble dégradé par pyrolyse. L’acide lévulinique améliorerait l’acceptabilité gustative de la nicotine. Les sucres sont généralement ajoutés en associant avec l’ammoniaque pour conduire à des dérivés de la réaction de Maillard
bien connue en chimie alimentaire et donner des saveurs de caramel. Ils expliquent en partie la présence de dérivés furaniques et pyrroliques dans la fumée. L'ajout de sels d’ammonium, (hydroxyde, alginate, phosphate dibasique), outre leurs effets aromatisants, sont utilisés comme modificateur de pH. L'ammoniac gazeux se forme lui naturellement au
cours de la fermentation du tabac, de même que pendant la combustion de la cigarette, par décomposition des nombreuses substances azotées naturellement présentes dans le tabac (plus de 9 000 identifiées). L'ammoniac est donc un composant constant de la phase vapeur de la fumée de tabac. Toutefois, son taux de transfert dans la phase vapeur de
la fumée de cigarette reste faible. S'il se forme de l'ammoniac lors de la fermentation ou de la combustion du tabac, il se forme également de l'anhydride carbonique qui est acide et peut neutraliser aussi bien l'ammoniac que la nicotine libre.
Les cigares sont des présentations de tabac habituellement alcalines (pH entre 7 et 8). La mauvaise conservation des cigares est un phénomène connu ; de ce fait, les cigares font l'objet de conditionnements particuliers. La notion de pH des cigarettes est à utiliser avec prudence, puisque le pH n'a de signification qu‘en solution aqueuse convenablement diluée. Il s'agit en fait de pH de condensats de fumée en solution. L'alcalinité du tabac peut avoir un effet sur la teneur en nicotine libre ; toutefois, cette alcalinité peut également avoir un impact sur les 9 000 substances azotées présentes. La nicotine sous forme libre demeure très majoritairement (99 %) dans la phase particulaire ; son absorption se situe essentiellement au niveau buccal et est donc conditionnée par le pH au niveau des muqueuses. L’ammoniac permettrait ainsi l'inhalation de la fumée sans provoquer de toux et faciliterait l'absorption de la nicotine.
Le modèle actuel de l'addiction est fondé sur l'autotitration, c'est-à-dire que le fumeur adapte sa manière de fumer à la nicotinémie qu'il recherche, ce qui démontre, par ailleurs, le peu d'intérêt des cigarettes dites légères et de la limitation du taux de nicotine dans les cigarettes. L'impact de l'ammoniac sur l'addiction semble donc discutable aujourd'hui. L'ammoniac est bien sûr irritant et toxique pour le système respiratoire. Toutefois, avec ou sans ajout, il sera toujours présent dans la phase vapeur de la fumée de tabac. Les additifs ammoniacaux pourraient être utiles industriellement pour ajuster le pH après fermentation du tabac, et les sels ammoniacaux peuvent avoir un effet acidifiant selon la règle des sels (acide fort + base faible = acide faible). Si l'ammoniac était interdit, d'autre agents alcalinisants non azotés pourraient y être substitués par les fabricants, permettant d'obtenir le même effet sur la teneur en nicotine base tout en respectant la réglementation. Le débat autour de l'ammoniac et de ses effets addictifs n'est pas alimenté aujourd'hui par des données scientifiques solides.
- Agents de combustion :
Ce sont essentiellement les nitrates qui sont utilisés pour favoriser la combustion de la cigarette, ce qui est bénéfique car cela permet la destruction de certaines substances par pyrolyse. En favorisant une combustion plus complète, ils pourraient faire baisser le taux de monoxyde de carbone qui peut aussi être éliminé par ventilation de la cigarette. Les
nitrates sont aussi incriminés dans la formation des nitrosamines. Ces nitrosamines mutagènes et cancérogènes se forment principalement lors de la fermentation du tabac, avant mise en forme, par l'intermédiaire de bactéries nitrifiantes qui utilisent les nitrates comme substrat.
Composés majeurs de la fumée de cigarette et leurs effets physiologiques
Seul un petit nombre de substances est présent en quantité suffisante dans la fumée du tabac ou de la cigarette pour pouvoir entraîner un effet physiologique appréciable. Diverses substances entrant dans la composition de la fumée de cigarette sont susceptibles de participer aux effets du tabac sur l'organisme et certaines ont été incriminées dans la
dépendance. Outre la nicotine, c'est le cas des alcaloïdes secondaires issus du métabolisme de la nicotine (comme la cotinine et la nornicotine), de l'acétaldéhyde (principal métabolite de l'éthanol), des béta-carbolines (harmane, norharmane) ou encore d'inhibiteurs des monoamine oxydases (IMAO).
Les alcaloïdes sont des molécules organiques d'origine végétale de caractère alcalin, renfermant au moins une molécule d'azote salifiable. Ils dérivent des acides aminés et ont généralement des propriétés pharmacologiques puissantes.
- La nicotine est un alcaloïde comportant un noyau pyridine et un cycle N-méthyl-pyrrolidine. Elle est nommée d’après Jean Nicot (1530-1600) de Nîmes, qui était un ambassadeur de France à Lisbonne, et qui a introduit le tabac (surnommé l'herbe à Nicot) à la cour du roi de France. La nicotine, est un stimulant qui a, par ailleurs, un potentiel addictogène. En moyenne, la nicotine atteint le cerveau en sept secondes quand elle est inhalée sous forme de cigarette (elle agit plus vite que l'héroïne injectée). L'accoutumance du corps à la nicotine est très rapide : une consommation modérée de 4 à 5 cigarettes par jour peut suffire à entraîner une dépendance psychique et physique. La nicotine est un acétylcholinomimétique et a donc un effet sur tous les neurones porteurs de récepteurs nicotiniques à l'acétylcholine.
À petite dose, la nicotine a un effet stimulant. Elle provoque une augmentation de la pression sanguine et du rythme cardiaque, provoque une libération d'adrénaline et réduit l'appétit. À haute dose, elle provoque des nausées et vomissements puis la mort par paralysie respiratoire. La dose létale pour un rat est de 50 mg/kg, pour une souris de 3 mg/kg, pour un humain de 65 mg en moyenne. La nicotine est aussi un insecticide remarquable. La nicotine induit une dépendance physique et son arrêt brutal entraîne des symptômes de sevrage importants. Ces symptômes peuvent durer plusieurs années après la dernière mise en relation avec la nicotine bien que leur maximum se situe aux alentours de 2 à 3 jours. Au niveau du métabolisme de la nicotine, de grandes différences interethniques ont été mises en évidence : les Chinois vivant aux États-Unis métabolisent la nicotine plus lentement que les Américains d'origine européenne ou latino-américaine.
- La cotinine est présente en faible quantité dans la fumée de cigarette. Elle s'y forme par oxydation ménagée de la nicotine dont elle constitue le principal métabolite. Les principales propriétés pharmacologiques de la cotinine sont reconnues sur le système nerveux central (stimulant psychomoteur ; antidépresseur (commercialisée aux États-Unis sous le nom de Scotine®) ; action stimulante sur la libération de dopamine et de noradrénaline), sur le système cardiovasculaire (action artériorelaxante ; antagoniste des effets hypertensifs de la nicotine et de l'adrénaline de manière non compétitive ; ces effets cardiovasculaires n'ont pas été mis en évidence dans l'étude clinique de Benowitz de 1983 sur 28 volontaires sains), sur les systèmes enzymatiques (inhibition de la biosynthèse du cortisol) ; inhibition de la biosynthèse des oestrogènes) ; et pour d’autres effets (action sur la prise de poids différente selon le sexe chez l'animal).
- La nornicotine est un constituant du tabac et un métabolite de la nicotine, à la fois dans la plante et chez l'homme. En étudiant ses propriétés, des chercheurs ont mis en évidence des modifications anormales des protéines chez les fumeurs. De tels effets sont à même d'entraîner des maladies métaboliques. En effet, ces glycations anormales ont été associées au diabète, à l'athérosclérose, à la maladie d'Alzheimer et à certains cancers. La nornicotine demeure dans le sang plus longtemps que la nicotine ; le fumeur subit donc une exposition significative. Certains tabacs sont très riches en nornicotine.
- Hormis les gaz usuels dont les teneurs s'évaluent en mg par cigarette fumée, l'acétaldéhyde, dont la teneur peut atteindre 1,4 mg, est constamment présent dans la fumée de cigarette. L'acétaldéhyde est le principal métabolite de l'éthanol et sa présence à un niveau significatif dans la fumée de cigarette suggère un lien entre tabagisme et alcoolisme. Il est responsable de la transformation de certains des acides aminés en alcaloides ayant aussi des activités pharmacologiques amnésiantes, anxiogènes, convulsivantes à forte dose, voire hallucinogènes. (La réaction de l'acétaldéhyde sur la tryptamine ou le tryptophane s'appelle l'harmane (nom dérivé de l'harmel ou peganum harmala qui est une plante hallucinogène rencontrée dans le bassin méditerranéen et au Proche-Orient ; dans le cas du formaldéhyde, l'homologue correspondant s'appelle le norharmane). L'harmane et le norharmane ont été mis en évidence dans la fumée de cigarette par Carpenter et Poindexter (1962), avec une teneur de l'ordre de 10 à 20 μg par cigarette.
En conclusion, les études récentes s'intéressent beaucoup aux éléments cancérigènes et mutagènes de la fumée de cigarette, mais assez peu aux additifs en tant qu'éléments susceptibles de favoriser la dépendance. Pour que des substances puissent jouer un rôle dans la dépendance, il importe que le fumeur y soit exposé à une teneur suffisante.
Hormis la nicotine, la cotinine est le premier candidat, suivi par la nornicotine, l'acétaldéhyde et enfin les dérivés du harmane. Toutes les études existantes sont fragmentaires. L'effet des additifs sur la dépendance fait l'objet de beaucoup d'articles, mais aucun n'est réellement démonstratif et seul le menthol reste une piste intéressante. Les effets endocrinologiques du tabac et de sa fumée constituent également une voie potentielle : en effet, l'inhibition de la biosynthèse de plusieurs hormones stéroïdiennes par inhibition enzymatique (qui n'a été que partiellement explorée et par des outils méthodologiques déjà anciens) permet d'ouvrir d'autres voies d'investigation dans le domaine de l'addiction et des différences liées aux sexe. Il est connu également que les hormones stéroïdiennes agissent au niveau de la transcription de l'ADN et, de ce fait, commandent la biosynthèse de certains récepteurs, cholinergiques en particulier. Les voies du métabolisme et de la pharmacocinétique de la nicotine apparaissent désormais bien établies, notamment du fait qu'elles ont bénéficié d'études de développement de spécialités pharmaceutiques contenant de la nicotine. Toutefois, les effets pharmacologiques des métabolites demeurent mal connus, en particulier quant à leur influence potentielle sur la dépendance tabagique.
Ouvrage de référence : « Tabac : Comprendre la Dépendance pour Agir » Expertise collective
Inserm © Les Editions INSERM, 2004