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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 21:47

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

Mort d’Hubert Mounier, fondateur du groupe L’Affaire Louis’ Trio

LE MONDE | • Mis à jour le | Par

 

Hubert Mounier, en juin 2011.

Personnalité attachante de la scène pop et chanson française, tout en clair-obscur, le chanteur Hubert Mounier est mort lundi 2 mai à l’âge de 53 ans, d’une crise cardiaque selon son avocat. Avec sa voix tendre de crooner, il était connu essentiellement comme chanteur du groupe L’Affaire Louis’ Trio, sous un pseudonyme à calamiteux jeu de mots, Cleet Boris. Un personnage qui semblait droit sorti des planches d’une bande dessinée à ligne claire avec sa houpette à la Tintin, ses costumes cintrés et des chaussures bicolores. Mounier menait lui-même en parallèle une carrière de dessinateur.

Enfant de l’explosion de la culture populaire dans les années 1960, Hubert Mounier avait partagé sa jeunesse entre ses deux passions, le dessin et la musique. Plutôt pop, dès la découverte des Beatles auxquels L’Affaire Louis’ trio rendra hommage sur son album Mobilis in Mobile, avec des refrains aguicheurs et des choeurs angéliques, le capitaine Némo de Jules Verne embarquant en quelque sorte à bord du sous-marin jaune. A côté des Innocents, l’Affaire Louis’ Trio constitua une des plus convaincantes tentatives d’adaptation de la grammaire musicale de Lennon et McCartney en langue française.

« Rock rigolo tendance cha cha »

Après avoir monté un premier groupe, Cleet Boris, en 1979, plutôt hard-rock au moment où triomphe AC/DC (titre d’une des futures chansons du Trio), le chanteur change radicalement d’orientation en rencontrant le guitariste François Lebleu (mort en 2008 à l’âge de 43 ans), rebaptisé Bronco Junior. Le troisième membre de l’affaire est le jeune frère de Mounier, Vincent, alias Karl Niagara, également guitariste. Ces zazous ne se prennent pas au sérieux, revendiquant un « rock rigolo tendance cha cha » lors de leur premier passage au Printemps de Bourges en 1985.

Deux ans plus tard est publié un premier album, Chic Planète, avec deux tubes diffusés en boucle sur la bande FM, la chanson éponyme et l’énervant mais addictif Tout mais pas ça. Porté par la vague latino lancée par les Rita Mitsouko, l’Affaire Louis’ Trio récolte la Victoire de la musique de la révélation, catégorie groupe, avec un mélange subtil de pop et de rythmes tropicaux. Un deuxième album Le retour de l’âge d’or, oscille entre pochade mambo (Bois ton café) et mélo en technicolor (Succès de larmes). Sans légende, en 1990, se départira du second degré, notamment avec la chanson Balle perdue, au sujet de la mort du père des deux Mounier, tué lors d’une fusillade dans un bar de Lyon en 1976, et une splendide ballade pop qui anticipe la séparation, Chacun de son côté.
 
Très touché par cette disparition, Benjamin Biolay a été le premier à rendre hommage à son « ami et grand frère »

Un ultime long format à trois, L’Homme aux milles vies (1995), bénéficiera de la participation du bassiste du groupe britannique XTC Colin Moulding et de celle de l’ancien batteur de Téléphone Richard Kolinka. Après quoi le trio se retrouve duo avec le départ de Karl Niagara et livre un dernier album, L’Affaire Louis’ Trio en 1997, qui préfigure le virage vers la chanson que va opérer Hubert Mounier dans sa carrière solo pour laquelle il reprend son nom de l’état-civil. C’est pourtant Cleet Boris qui publie un an plus tard une une BD autobiographique, Super Héros (en collaboration avec David Scrima), narrant la disclocation de l’Affaire Louis Trio. Il faudra attendre 2001 pour que l’échalas ténébreux lâche Le Grand Huit, un album réalisé par un musicien alors inconnu, également lyonnais, Benjamin Biolay, qui brille pour ses arrangements de cordes. Très touché par cette disparition, l’auteur de La Superbe a été le premier à rendre hommage à son « ami et grand frère » et même « professeur de chanson ». Hubert Mounier alterne alors albums de bandes dessinées – Créature en 2003, consacré à celle de Frankenstein – et de musique avec Voyager léger en 2005, toujours avec la complicité de Biolay.

 

La réussite de ce disque (avec l’obsédant La vie fait ce qu’elle veut ou le déchirant Ne m’oublie pas) l’avait fait renouer avec la scène en 2006, désertée depuis presqu’une décennie, dans de petites salles. On s’aperçut alors que le garçon insouciant et fantasque avait cédé place à un quadra en crise, en proie à la dépression, l’alcool et la solitude.

Toujours actif sur les deux fronts, mais à son rythme, Hubert Mounier avait encore publié La maison de pain d’épice en 2011, disque accompagné d’une BD. Puis Simple Appareil, en 2014, un bilan où il reprenait son répertoire en version acoustique, suivi d’un un premier roman, Le Nombril du Monde. A sa mort, il travaillait sur un album de BD pour Dupuis, Le Roi de la Jungle, dédié à Tarzan. Un retour aux enchantements de son enfance.

 


 

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Mon ami. Mon grand frère . Mon professeur de chanson . Tu vas me manquer atrocement, génie . Je t aime
 

 


Source : http://www.lemonde.fr

 

 

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 14:55

 

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com

 

 

La préfecture de Paris interdit Nuit debout à partir de 22 heures ce soir

 

 

La préfecture de Paris interdit Nuit debout à partir de 22 heures ce soir

La place de la République à Paris. ((MIGUEL MEDINA / AFP))

 

Publié le 02 mai 2016 à 16h43

 

La préfecture de police de Paris a pris de nouvelles dispositions pour limiter le mouvement Nuit debout.

"Musique et bruits interdits"

Dès ce soir, le rassemblement Nuit debout est donc interdit à partir de 22 heures sur la place de la République à Paris. L'interdiction court jusqu'au mardi matin à 7 heures et concerne également la nuit de mardi à mercredi.

Le communiqué de la préfecture de police de Paris précise que l'ensemble des "activités liées ou générées par le rassemblement Nuit debout, notamment la diffusion de musique ou de bruits par tous les moyens sonores" sont concernées par cette interdiction. "Les cortèges constitués à partir de la place de la République" sont également interdits à partir de 22 heures.

A partir de ce lundi, 17 heures, et jusqu'au mardi 3 mai, 7 heures, la préfecture de police de Paris interdit également la consommation et la vente d'alcool sur et autour de la place de la République.

 

 

 

L.B.

 

 

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 14:42

 

Source : http://reporterre.net

 

 

Nuit debout au village ? Bien sûr ! On phosphore à Aumessas, dans le Gard

30 avril 2016 / Pierre Isnard-Dupuy (Reporterre)
 


 

Dans un village gardois, une première Nuit debout a réuni une cinquantaine de personnes. Ils ont débattu des enjeux de société mais aussi de la réappropriation par les habitants des affaires du village. Et le mouvement continue.

 

- Aumessas (Gard), reportage

Avec grande motivation, Céline, Corinne, Héloïse, Tof et Kevin ont organisé, mardi 26 avril, la première Nuit debout de leur village, Aumessas, 233 habitants, niché dans un vallon des Cévennes. Depuis près d’un mois, ils ont participé à de nombreuses Nuits debout, à Montpellier puis plus près de chez eux, au Vigan et à Brissac.

À l’extérieur de la gare convertie en salle communale, une dizaine d’enfants s’amusent sur les anciennes voies, devenues terrain de foot. Depuis 1952, les trains qui permettaient de grimper sur le Larzac ou de descendre à Nîmes ne circulent plus, ce qui a aggravé l’exode rural. Ce mardi 26 avril, les clameurs des enfants se font parfois entendre à l’intérieur, couvrant les paroles de l’assemblée.

Cinquante personnes ont fait le déplacement. Habitants du lieu, de villages voisins ou d’un peu plus loin. Militants de longue date ou se découvrant une passion pour la politique. José, qui réside en région parisienne, est impressionné par l’organisation et l’affluence : « J’ai participé à une Nuit debout à Évry et il y avait à peu prés autant de monde qu’ici. » Céline est très enthousiaste : « Ça fait quinze ans que je m’étais détournée du militantisme. Ce qui se passe ce soir, j’en rêvais depuis longtemps. C’est une école de la vie qui commence. »

 

Un inventaire à la Prévert des luttes en cours 

S’appuyant sur l’expérience de Montpellier, Kevin, à la tribune, propose des règles pensées par l’équipe qui a préparé l’assemblée générale. À ses côtés, Céline fait « l’hôtesse de l’air » pour montrer les gestes désormais célèbres de Nuit debout. Kevin invite à ce que le temps de parole soit fixé à deux minutes maximum et que les décisions de « l’assemblée générale souveraine » soient validées à la majorité des deux tiers. Fabienne Labrosse, connue comme militante du comité local du Parti de gauche, qualifie un tel fonctionnement de « surréaliste » au regard d’une assemblée taillée pour plus de « spontanéité » que celle de Montpellier. Le temps de parole de chacun est porté à cinq minutes. Au cours des deux heures et demie de discussions qui suivent, la règle n’est pas surveillée. Ce qui n’empêche pas une qualité d’écoute et d’échange rarement observée dans une assemblée de ce type.

 

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La première Nuit debout d’Aumessas, dans l’ancienne gare.

Dans un inventaire à la Prévert, Isabelle, professeure des écoles dans la vallée, proche de la retraite, dresse une liste impressionnante de luttes en cours dans la région et au-delà. Les grands projets inutiles et imposés y ont une grande place. Elle parle aussi du procès Luxleaks, de la directive européenne sur le glyphosate ou encore des blocages à Mayotte... Côté solutions, Podemos et le mouvement de Yannis Varoufakis, ministre de l’Économie démissionnaire du premier gouvernement Tsipras, en Grèce, lui paraissent de bonnes pistes. « Militante syndicale depuis 40 ans », Isabelle se réjouit que Nuit debout « récupère les syndicats ». Dans un élan d’euphorie, elle affirme vouloir « être récupérée le plus possible ».

Denis Bertaux, qui avec son chapeau éternellement vissé sur la tête est une figure du collectif Stop gaz de schiste du Vigan, ajoute « dans la liste des grands projets inutiles, tu oublies E.ON à Gardanne ». Du nom de la multinationale allemande qui souhaite engloutir 850.000 tonnes de bois par an dans sa centrale de la ville industrielle des Bouches-du-Rhône. Nombreux sont les écologistes cévenols inquiets. Leurs montagnes sont incluses dans un rayon d’approvisionnement prioritaire de 400 km pour cette centrale, à présent gérée par la filiale Uniper. « À Aumessas, quelqu’un coupe déjà pour E.ON ! » s’exclame Denis. Marc Labinal président de l’ASL, qui regroupe les propriétaires forestiers de la commune, lui répond que son objectif n’est pas de « sortir du bois pour E.ON mais d’améliorer les futaies », tout en affirmant qu’E.ON est un « client potentiel » pour du bois de deuxième choix. Assis sur la chaise d’à côté, Jean-François Dromel, membre de l’ASL et président du groupement de développement forestier du Gard, ajoute : « C’est du développement durable que l’on veut faire. On ne va pas tout raser. » Corinne pense qu’il est préférable « que le bois soit valorisé localement plutôt qu’il parcoure des kilomètres ». Le débat n’a jamais eu lieu publiquement dans le village. Pour le poursuivre, l’assemblée acte d’organiser une réunion publique ultérieurement.

 

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La Nuit debout à Brissac.

La suite des discussions se fait à bâtons rompus. Travail, consommation, médias, agriculture... chaque intervention apporte une réflexion dans un de ces thèmes, souvent accompagnée de proposition très concrètes. « Tous ces gens qui sont plus haut que nous, c’est eux qui nous empêchent de faire ce qu’on a à faire, comme du maraîchage ou de l’élevage », résume Sacha, 11 ans, le fils de Tof.

 
 
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Le témoignage de Sacha, 11 ans.

« Et si on lançait une pratique de boycott des supermarchés ? » avance un jeune homme d’une trentaine d’années. D’autres voix proposent la création d’un système d’échange local (SEL) ou encore d’une monnaie locale. « Fana d’histoire et attaché au Front populaire », Pierre est agacé d’entendre chaque matin « la leçon de libéralisme » de France Inter. « Les économistes atterrés, indignés ou je ne sais quoi, devraient pouvoir s’y exprimer aussi », considère-t-il. « Les thinks tanks nous mettent dans la tête des mots qui nous empêchent de penser, abonde Fabienne, comme, par exemple, “emploi”, qui cache les ouvriers qui ont des métiers. Ce week-end j’ai participé à un atelier de désintox du langage avec Franck Lepage. On s’est dit que l’on pouvait faire ce travail sur le projet de loi travail. Je me fais la porte-parole de cette proposition devant l’assemblée. » Puis elle, ajoute : « Les services publics sont à nous. Il faut se les réapproprier pour en faire ce que l’on veut. »

Davantage de solidarité et d’autonomie...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://reporterre.net

 

 

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 14:37

 

Source : https://gazettedebout.org

 

Réponse de l’Accueil et Sérénité de Nuit Debout à propos des violences

 

 

 

paname

 

COMMUNIQUE DE PRESSE –  Réponse de la Commission Accueil et Sérénité au gouvernement à propos de Nuit Debout et des manifestations contre la loi El Khomri.

La politique sociale du gouvernement est inacceptable. Alors que le chômage et la pauvreté gagnent du terrain et, que la précarité explose, le gouvernement ne se préoccupe que de satisfaire les volontés du MEDEF qui en demande toujours plus.

 

Le « dialogue social » du gouvernement est irresponsable. Il s’obstine à maintenir une loi dite « Travail » que l’immense majorité de la population réprouve, et dont il est largement admis qu’elle nuit à l’ensemble des salarié.e.s.

La politique répressive du gouvernement est intolérable. Chaque jour des manifestant.e.s sont aspergé.e.s de gaz lacrymogènes, frappé.e.s, enfermé.e.s dans des nasses, humilié.e.s ; tandis que les réfugi.é.es sont victimes d’un harcèlement systématique. Cela ne relève pas d’exactions individuelles mais d’une politique délibérée de répression policière d’un conflit social.

La commission chargée de l’Accueil et de la Sérénité des Nuits Debout parisiennes déplore ces orientations gouvernementales. La stratégie policière, ajoutée à la crise sociale, crée un climat d’exaspération propice à la montée généralisée de la violence. Dans ce contexte difficile, nous garantissons depuis le 31 mars la Sérénité des débats sur la place de la République grâce à une action de médiation, afin de permettre l’expression d’une voix nouvelle qui pense et construit collectivement un monde débarrassé des systèmes d’oppression actuels. Et notre tâche est compliquée par les interventions violentes et répétées des forces de l’ordre (par exemple les évacuations musclées de la place de la République), contribuant à tendre encore plus la situation. Ces interventions, loin d’aider la Commission Accueil et Sérénité dans l’accomplissement de son mandat, créent un climat de tension qui détourne l’attention des objectifs de notre mouvement : construire le monde que nous voulons, débarrassé de la violence sociale, des inégalités et des haines.
DANS CE CLIMAT DIFFICILE, NOUS CONTINUONS, PACIFIQUES ET DÉTERMINÉ.E.S, À CRÉER UN ESPACE OÙ L’ON PEUT S’EXPRIMER, PENSER ENSEMBLE ET CONSTRUIRE ENSEMBLE UN AVENIR MEILLEUR.

Nous travaillons à permettre une alternative :

– cela se fait chaque soir place de la République et dans de nombreux endroits en France;

– cela se fera dans les cortèges des manifestations du 1er mai et des jours suivants;

– le retrait de la loi El Khomri et l’arrêt des violences policières sont des mesures d’urgence, à prendre immédiatement.

Commission Accueil et Sérénité

 

 

Source : https://gazettedebout.org

 

 

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 14:19

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Bien commun

À Roquevaire, l’eau « vitale » est gratuite

par

 

 

 

Trente mètres cubes d’eau potable pour un euro ! C’est le prix dérisoire que payent chaque année les habitants de Roquevaire, dans les Bouches-du-Rhône, suite à une décision de la municipalité. Celle-ci considère que l’eau est un bien commun de l’humanité, et que chaque habitant de la commune doit pouvoir accéder gratuitement à l’eau « vitale ». Mais l’avènement, en 2020, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence risque de bouleverser cet équilibre.

 

Cet article a initialement été publié dans le journal L’Âge de faire (voir sa présentation à la fin de l’article).

Le 19 décembre 2011, le conseil municipal de Roquevaire, une ville des Bouches-du-Rhône, approuvait à la quasi-unanimité une délibération instaurant une « tarification solidaire et responsable de l’eau ». Cette tarification progressive se compose de trois tranches : l’eau « vitale », qui correspond aux trente premiers mètres cubes, puis l’eau « utile », jusqu’à cent vingt mètres cubes, et, enfin, l’eau de confort. « Considérant que l’eau potable ne doit pas être une marchandise source de profits injustifiés, mais qu’elle est un bien commun de l’humanité », l’équipe municipale estime que ses administrés doivent pouvoir accéder gratuitement à l’eau vitale.

« Quand on a commencé à étudier ce projet, on s’est vu opposer tout un tas de réglementations, de décrets, de lois… On a compris que nous n’avions pas le droit de pratiquer la gratuité, explique Yves Mesnard, maire (PCF) de la commune depuis 2008. Plutôt que de partir dans un interminable combat devant le tribunal administratif, on a choisi de faire plus simple : fixer un prix dérisoire. » Ainsi, depuis le 1er janvier 2012, pour les trente premiers mètres cubes d’eau potable, les Roquevairois déboursent… un euro ! Cette quasi-gratuité, accompagnée de tarifs avantageux pour les volumes suivants, n’a pas entraîné de hausse de la consommation moyenne. Au contraire : alors que la population a augmenté entre janvier 2012 et décembre 2013, la consommation globale d’eau a légèrement baissé.

Une régie municipale créée en 1925

« Notre chance, c’est que nos ancêtres ont bien travaillé », glisse le maire. Roquevaire a toujours eu une relation un peu particulière à l’eau. Les habitants avaient en effet, dès le début du XXe siècle, réalisé un forage qui alimentait les fontaines du village. La commune a ensuite créé sa propre régie. Depuis 1925, c’est elle qui assure le captage, le traitement et la distribution d’eau potable à Roquevaire, puis dans trois autres villages de la commune, Lascours, Pont-de-l’Étoile et Pont-de-Joux. Soit un peu moins de 9000 habitants pour environ 4300 abonnés.


 

Dix agents et un ingénieur assurent le fonctionnement de la régie, qui gère notamment les 92 kilomètres du réseau de distribution. La gestion communale de l’eau a déjà montré, ici ou ailleurs, ses vertus : cela revient moins cher que de la confier à un groupe privé, et le réseau est souvent beaucoup mieux entretenu [1]. Lorsque la nouvelle équipe municipale arrive à l’hôtel de ville en 2008, elle s’aperçoit que cette régie est bénéficiaire. Dès lors, pourquoi ne pas en faire profiter les administrés ? « On ne paie pas la ressource. Or, en tant qu’élus, on n’est pas là pour faire du pognon, mais pour faire fonctionner une commune », rappelle Yves Mesnard.

Tout n’a pas été simple pour autant. Située à 28 km d’Aix-en-Provence, 25 km de Marseille et 8 km d’Aubagne, Roquevaire, autrefois agricole, accueille désormais principalement les travailleurs de ces différents pôles d’activité. Les cadres supérieurs y ayant construit récemment leurs villas côtoient une population plus ancienne, et plus précaire, l’activité économique sur place ayant quasiment disparu. Les ressources fiscales sont donc plutôt faibles. « Pour mettre ce système de facturation d’eau en place, on n’a pas fait appel à un cabinet d’audit. On a tous pris nos petites calculatrices, et on a fait nos propres calculs. Ça nous a pris deux ans ! »

La métropole mettra-t-elle fin à la régie ?

Plutôt que de partir dans les poches de quelques actionnaires, tous les bénéfices dégagés par la régie sont réinvestis dans l’entretien et l’aménagement du réseau. En moins de dix ans, le rendement du réseau est ainsi passé de 60 % à 76 %, se situant dans le haut du panier de la moyenne nationale. Cela a aussi permis à la commune de procéder, en 2013, à un forage d’exploration, afin de disposer d’une seconde ressource en eau pour mettre en sécurité l’approvisionnement des habitants. Les essais ont confirmé l’existence, par 125 mètres de profondeur, d’une rivière souterraine.

Mais la régie de l’eau de Roquevaire l’exploitera-t-elle un jour ? C’est la question que se pose actuellement, avec inquiétude, la commune. L’avènement, en 2020, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence pourrait mettre fin à l’aventure, puisque la compétence de l’eau sera confiée à cette mégastructure. Ainsi, la régie, « qui a fêté ses 90 ans cette année, ne sera peut-être malheureusement jamais centenaire », regrette Yves Mesnard. Des rencontres doivent s’organiser avec d’autres maires de la région dont les communes sont également équipées de régies directes de l’eau, afin d’essayer d’obtenir des dérogations. Ou, pourquoi pas, convaincre la métropole de s’engager sur le chemin de la remunicipalisation du service ?

Nicolas Bérard (L’âge de faire)

 

Cet article a été publié dans le journal L’âge de faire, partenaire de Basta !

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 14:09

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Négociations commerciales

Comment l’accord de libre-échange Tafta pourrait laminer l’agriculture européenne

par , Sophie Chapelle

 

 

Quelles seraient les conséquences sur le secteur agricole de la signature de l’accord de libre-échange Tafta, actuellement en cours de négociation entre l’Europe et les États-Unis ? Au-delà des impacts sanitaires – OGM, rinçage chimique des volailles ou utilisation des hormones de croissance dans l’élevage porcin –, le Tafta provoquerait une augmentation des importations et une chute de revenu conséquente pour les agriculteurs européens. Au point de bouleverser complétement le visage de l’agriculture européenne. Explications.

On parle beaucoup des risques du Tafta, le traité de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis, pour les normes sanitaires et environnementales du vieux continent. Bœuf aux hormones, OGM, lavage des carcasses animales aux produits chimiques, résidus de pesticides dans les fruits et légumes, bien-être animal constituent autant de sujets de contentieux entre les deux parties. Là où les Européens voient une remise en cause de leur modèle agricole et de la protection des consommateurs, les Américains voient des « barrières commerciales » déguisées.

Mais derrière ces risques se profile une autre menace, moins visible : l’agriculture européenne sortira laminée de l’ouverture des marchés aux producteurs américains. Tel est le verdict sans appel du nouveau rapport des Amis de la terre – intitulé « Agriculture européenne, la grande braderie » [1]. Il détaille, secteur par secteur, les conclusions des rares études économiques concernant l’impact d’une signature du Tafta. Les exportations agricoles des États-Unis vers les pays de l’Union exploseraient, tandis que les augmentations des exportations européennes en sens inverse seraient limitées à quelques secteurs, comme le fromage. Et « même ces secteurs épargnés, comme le fromage, dépendent fortement du bon vouloir des États-Unis de modifier les "mesures non tarifaires" qu’ils utilisent pour limiter le commerce », nuance le rapport. Les agriculteurs européens ont donc très peu à gagner de la libéralisation des échanges avec les États-Unis, et beaucoup à perdre.

La fin de l’élevage bovin en Europe ?

Le secteur de l’élevage européen, déjà frappé par la crise agricole, apparait particulièrement vulnérable. Certains évoquent même une disparition pure et simple de l’élevage bovin dans de nombreux pays européens. Les importations de bœufs des États-Unis ont jusqu’ici été limitées, du fait de l’interdiction du bœuf aux hormones et d’un contingent d’importation défini pour le bœuf non traité aux hormones. « Mais les pressions pour lever cette interdiction se sont multipliées », note le rapport [2].

La menace est d’autant plus sérieuse que le traité de libre-échange avec le Canada – le CETA, déjà finalisé, qui doit être ratifié cet automne – prévoit déjà des importations accrues de bœuf canadien en Europe. Une augmentation des quotas d’importation qui pourrait provoquer « une chute de revenu de 40 % à 50 % pour (…) les producteurs européens de bovins », selon Interbev, l’interprofession bétail et viande (lire à ce sujet : CETA : l’accord commercial qui menace les filières locales).

 

Lourd impact sur l’élevage de volailles et de porcs

Les questions relatives au bien-être animal ont par ailleurs été exclues du Tafta. Or, les normes de bien-être animal sont généralement plus faibles aux États-Unis. Les importations de viandes de volaille des États-Unis ont jusque-là été limitées, l’Union européenne interdisant les « rinçages de réduction des pathogènes » sur les produits volaillers. « L’inquiétude est pourtant forte de voir la Commission européenne préparer le terrain pour une autorisation de ces rinçages chimiques », prévient le rapport. Les groupes de pression travaillent également à l’élimination complète des tarifs douaniers qui provoquerait « une baisse du secteur européen des "viandes blanches", allant jusqu’à 9 % dans les pays baltes ».

Le secteur porcin pourrait lui aussi être gravement affecté. La levée de l’interdiction de la ractopamine, des hormones de croissance utilisées dans les élevages de porcs, est sur la table des négociations. « Les exploitations françaises de type “naisseur” (élevages herbagers extensifs) doivent supporter un surcoût de 29 % par rapport à leurs concurrentes américaines, disséminé principalement sur la main-d’œuvre, l’équipement, les frais vétérinaires et les bâtiments », observe Interbev. Pour réaliser une telle performance, une grande partie des éleveurs américains recourent à des méthodes industrielles : 39 % de la production états-unienne provient de parcs d’engraissement de plus de 32 000 bovins !

 

Bénéfices très limités

Il apparaît que la Commission européenne est très sélective lorsqu’elle met en avant les bienfaits présumés du Tafta pour l’agriculture européenne. Elle met énormément l’accent, par exemple, sur les exportations de fromage, en ignorant les risques pour le reste de la production laitière. Elle insiste sur les bienfaits qu’apporterait une reconnaissance par les États-Unis des « indications géographiques » européennes (comme les AOC françaises), laquelle n’est pas du tout acquise.

Les études disponibles suggèrent que les bénéfices de ces appellations en termes d’exportation se limitent à une poignée de produits phare : le champagne, le cognac, le parmesan et le whisky, et peut-être quelques vins. Dans le cadre de l’accord Ceta avec le Canada, la Commission européenne n’a d’ailleurs obtenu que la reconnaissance d’un nombre limité d’indications géographiques européennes.

 

Mobilisations des deux côtés de l’Atlantique

Ce sont principalement les petits producteurs – ceux dont les pratiques sont les plus compatibles avec la préservation de l’environnement et des économies locales – qui souffriront le plus de la concurrence de l’agriculture américaine, beaucoup plus industrialisée. « Une ferme dans l’Union européenne fait environ 13 hectares, contre 170 aux États-Unis », rappelle Aurélie Trouvé, de l’association Attac France. Un grand nombre de ceux qui défendent le Tafta auprès de la Commission et des gouvernements européens – les plus grandes exploitations, les firmes agroalimentaires, et quelques indications géographiques – sont les mêmes qui souhaitent que le modèle agricole européen se tourne encore davantage vers l’industrialisation du secteur (voir cet entretien).

Aux États-Unis, le projet d’accord Tafta suscite également l’inquiétude des organisations paysannes. Une large alliance se noue aux côtés de la Coalition nationale des paysans familiaux (NFFC), membre de la Via Campesina. « Notre lutte, relève la Coordination européenne de la Via Campesina, est une lutte, à la fois aux États-Unis et dans l’Union européenne, en faveur d’une agriculture de dimension humaine, au lieu d’un modèle agricole industriel qui détruit à la fois l’environnement et la santé des humains, et dans lequel les animaux et les ouvriers sont exploités ». Pour Nicolas Roux, des Amis de la terre, « les plus grands gagnants du Tafta seront les multinationales de l’agro-alimentaire qui profitent déjà d’économies d’échelle plus importantes et de coûts de production plus bas ».

Olivier Petitjean et Sophie Chapelle

 

Pour aller plus loin :
- Notre dossier : Traités de libre-échange : les multinationales contre la démocratie
- Tafta : l’élaboration des normes et des lois bientôt confiée aux lobbies industriels ?
- Europe : la liberté de cultiver entravée par les futurs traités de libre-échange

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 13:57

 

Source : http://reporterre.net

 

 

A Rennes, l’occupation permanente de la Maison du peuple par les syndicats et Nuit debout a commencé

2 mai 2016 / par Julie Lallouët-Geffroy (Reporterre)

 

 

Lors des rassemblements du 1e mai, à Rennes, le mouvement opposé à la loi El Khomri a passé un cap. Ensemble, syndicats, étudiants, intermittents, Nuit debout ont décidé d’occuper la salle de la Cité, au coeur de la ville.

 

- Rennes, correspondance

La convergence des luttes tant espérée depuis le début de la mobilisation contre la loi El Khomri semble avoir fait un pas de plus à Rennes dimanche 1e mai, le jour de la fête du travail. Les étudiants de l’université Rennes 2, Rennes 1, les lycéens, les intermittents, les Nuits debout et les syndicats ont la salle de la cité, une salle de spectacles aussi connue sous le nom de Maison du peuple car les événements qui s’y déroulent sont tous empreints d’éducation population : projections-débats, meetings, réunions d’associations mais aussi des concerts, et ce depuis les années 1920.

« C’est absolument fou, raconte Benjamin, intermittent, j’ai le sentiment d’avoir vécu aujourd’hui quelque chose de très fort. Presque tous les acteurs qui luttent sont présents. »

Autre symbole fort dans cette occupation : la localisation de cette salle historique, en plein centre-ville, alors que depuis le début de la mobilisation il y a deux mois, la maire et le préfet ont interdit l’accès de cette partie de la ville aux manifestants, ce qui a provoqué de nombreux heurts. Qui ont pris un tour dramatique jeudi 28 avril, avec un étudiant qui devrait perdre l’usage d’un de ses yeux suite à un tir de flashball.

La journée du 1e mai avait commencé à Rennes avec son cortège traditionnel, mais cette fois, il était imposant, 3.000 personnes, opposition à la loi travail oblige. En début d’après-midi, lorsque les drapeaux syndicaux ont été rangés, les manifestants ont envahi le cinéma multiplexe, situé sur l’esplanade Charles de Gaulle où se rassemble depuis presque un mois Nuit debout.

 

Après une assemblée générale dans le hall du cinéma, un cortège s’est formé pour rejoindre l’intersyndicale qui devait se réunir à la salle de la Cité, dans le centre-ville. Tout le long du parcours, les forces de l’ordre se sont montrées discrètes. Pierre était dans les différents cortèges, « il n’y avait pas de policiers et il n’y a pas eu de casse. Je pense qu’il y a un lien à faire entre ces deux faits », ironise-t-il. Quelques dégradations tout de même, dans le cinéma, avec des tags et le vol des bonbons vendus dans l’entrée.

Lorsque le cortège est arrivé devant la salle de la Cité, elle était fermée ; Loïc Morel de la CGT explique : « On nous a dit que des manifestants allaient investir la salle, nous avons donc décidé d’annuler. » Finalement, les militants entrent dans les lieux, appellent les syndicats pour qu’ils fassent demi-tour et viennent tenir l’assemblée générale avec toutes les composantes du mouvement. Les CRS eux aussi arrivent, mais comme le raconte le délégué CGT : « Nous avions réservé la salle, l’atmosphère était calme, il n’y avait pas de risque quant à la sécurité, pas de dégradation non plus, nous leur avons donc dit qu’une intervention ne serait pas appropriée ; et ils sont partis. »

Le mouvement contre la loi travail est souvent présenté comme composé des étudiants, de jeunes "en rage" et des syndicats ; dimanche, ces trois entités, même si elles sont perméables, étaient réunies. Hugo fait partie de l’université Rennes 2. Pour lui, « les syndicats ont utilisé leur poids et leur force pour permettre un départ de la police ». Il y a fort à parier que sans les syndicats, les forces de l’ordre ne seraient pas reparties d’elles-mêmes. Ainsi, si l’occupation a pu avoir lieu et perdurer, c’est grâce à la complémentarité des militants, mais cela n’est pas allé de soi. Pour Guillaume, « il y a eu un rapport de force avec les syndicats, il a fallu les forcer à revenir. Et c’est grâce à eux que les CRS sont partis. Je pense qu’ils sont dépassés par la mobilisation qui reste massive et s’inscrit dans la durée, c’était pareil en 1936 ou 1968. »

L’assemblée générale qui a suivi a été cruciale, dit Hugo : « Pour la première fois, les responsables syndicaux se sont confrontés au cœur du mouvement, à des modes d’actions et des visions qui ne sont pas les leurs. Et malgré les désaccords, il y avait un côté très unitaire. Il s’est passé quelque chose, un déclic avec cette confrontation de points de vue. »

Serge Bourgin de Sud PTT renchérit : « Aujourd’hui, il s’est passé quelque chose, il y a eu une bascule, mais selon moi, ce n’est pas une convergence des luttes ; plutôt une convergence inter-classes. On voit des gens de tous les âges, de toutes conditions de travail. J’ai l’impression que c’est le rassemblement de ceux qui en ont marre et attendaient le bon moment pour renverser le gouvernement. »

 

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Serge Bourgin : « Une convergence inter classes »

Pierre participe à Nuit debout mais aussi aux assemblées générales de Rennes 2, pour lui cette journée du 1e mai « n’est pas une convergence, c’est un point de départ entre tous ceux qui luttent : syndicats, étudiants, salariés et intermittents »....

 

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 13:46

 

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A Montpellier, Nuit debout crée une ZAD écologique en quartier populaire

2 mai 2016 / par Marie Astier (Reporterre)
 

 

Les jeunes de Nuit debout sont venus occuper un parc menacé par des constructions, en soutien aux habitants en lutte. Ce poumon vert est indispensable pour l’harmonie de ce quartier de Montpellier. Les enfants apprécient : ils jouent dans le parc !

 

- Montpellier, reportage

Les barrières de chantier ont été écartées pour ouvrir un passage. Un panneau coloré peint par des petites mains sur un grand morceau de carton annonce aux passants : « parc ouvert ». Au-delà, un étroit chemin s’enfonce entre les arbres pour déboucher sur une esplanade enherbée, dominée par une petite colline. De là haut, la vue embrasse les immeubles cernant l’unique espace vert du quartier. « Il faut venir au petit matin, on entend le concert des oiseaux », confie Aida Gradenigo, habitante de l’un des appartements HLM de la résidence Las Rébès à Montpellier, installée au pied de ce parc.

Depuis dix jours, l’élégante dame aux cheveux blancs n’est plus seule à les écouter le matin. Les lieux ont été investis par quelques dizaines de « jeunes » -étudiants, stagiaires, travailleurs -, venus avec leurs tentes et leurs outils au cœur de ce quartier populaire pour y installer une ZAD -comprenez « zone d’activité démocratique ». Ces nouveaux occupants ont répondu à un appel à l’aide des habitants du quartier. Ils sont une trentaine chaque soir à dormir sur place.

« Pour nous c’est un ballon d’oxygène », assure Hachème Amirpour, retraité de 73 ans. La vue depuis chez lui donne sur le parc. Un bâtiment pourrait être construit à dix mètres seulement de ses fenêtres. Cela fait un peu plus d’un an que les habitués de « la colline », comme on l’appelle ici, ont découvert un jour de début février un permis de construire affiché à l’entrée. Ils comprennent que 63 logements sociaux répartis en trois immeubles vont bientôt s’ériger sur cet hectare de verdure. Très vite, des habitants se réunissent et se mobilisent.

 

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Hacheme, Aida, et Jean-Michel

« Depuis que la résidence Las Rébès a été racheté par l’office public HLM de la mairie, en 1999, les logements comme le square sont moins bien entretenus. Il y a déjà 68 % de logements sociaux dans notre résidence. Le quartier est saturé, la mixité sociale est en train de disparaître, ça suffit », estime Hachème. Mais après un an de réunions de voisinage, d’actions dans le parc et autour, de protestations auprès de la mairie ou dans les consultations de quartier, et de recours juridiques, toujours pas de réponse. Un matin, une première pelleteuse est arrivée, quelques habitants l’ont empêché de commencer. Une dizaine d’entre eux se sont retrouvés assignés en justice pour « entrave à la liberté du travail », en même temps que les deux associations qui défendent cet espace boisé. « On a eu 100 euros par personne d’astreinte, plus 100 autres euros à chaque fois que l’on empêchera les travaux, et les frais de justice sont à notre charge, détaille Hachème, qui fait partie des assignés. Cela fait beaucoup, parmi nous certains ne vivent qu’avec 460 euros pas mois. » Pour éviter de nouvelles sanctions financières, son association, Poumon Vert-Las Rébès, s’est dissoute. Les Enfants de la colline, eux, ont lancé une souscription pour payer les frais de justice : 1.000 euros d’huissier plus 4.000 euros d’avocat.

 

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Un parc au milieu des immeubles, menacé par la construction de trois nouveaux immeubles

Certains commençaient à désespérer, quand le mouvement Nuit Debout de Montpellier leur a donné un nouveau souffle. L’un des opposants a eu l’idée d’aller y raconter l’histoire du square menacé lors de l’assemblée générale. Un appel a été lancé à participer à un grand pique-nique le dimanche 17 avril. Le soir, certains plantaient leurs tentes, l’occupation était lancée.

 

Un centre aéré à ciel ouvert

Moins de deux semaines plus tard, on pourrait croire qu’ils sont là depuis plusieurs mois. Les bâches tendues entre les branches d’un grand peuplier abritent la cuisine. Une yourte fait office de salon-dortoir-lieu de réunion. Les eaux de la douche ruissellent vers le petit jardin en permaculture où les premières pousses pointent déjà. Le bois des arbres coupés laissé sur place a permis de construire des tipis au sol et des cabanes dans les arbres. Un peu à l’écart, un espace bureau pour les nombreux étudiants qui occupent le site a été aménagé. « On envisage aussi d’y faire du soutien scolaire », espère Jules, l’un de ceux qui a planté sa tente sous les arbres. En bordure de l’esplanade, une aire d’herbes hautes est protégée par des barrières, pour ne pas déranger les hérissons. Ils sont réputés nombreux sur la zone. Plusieurs espèces de chauve-souris ont également été repérées.

 

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Salon, dortoir et salle de réunion : la yourte est bien utile

Camille affiche une liste des règles sur la zad. « La règle n°1, c’est l’autogestion ! », explique-t-elle. On compte sur chacun pour participer à la vie collective. Mais l’enjeu, c’est aussi de préserver le lieu -notamment en évitant des déchets - et surtout de ne pas déranger les habitants. L’alcool fort est interdit, musique, bière et vin sont proscrits après 22 heures en semaine, 23 heures le week-end. « Et tous les matins, on essaye de se lever vers sept heures pour que tout le monde soit prêt quand les gens arrivent », ajoute Camille.

 

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La première régle est l’autogestion

Vers quatorze heures, le jardin s’anime de cris d’enfants. Le square est devenu le lieu de rendez-vous des gamins du coin. Sous la yourte, un cours de percussions s’organise. Vers le tipi des enfants, se tient un atelier peinture. Un match de foot s’installe sur l’esplanade tandis qu’une partie de balle au prisonnier commence en contrebas. Les « zadistes » font office de moniteurs de centre aéré. Pas besoin d’expliquer aux petits pourquoi une journaliste vient les voir. « Je ne veux pas qu’ils construisent parce que j’aime bien venir ici, on s’amuse », lance Bayane. « On est là pour jouer, avoir des nouvelles copines, pour profiter de la nature. C’est trop bien cet endroit, on rencontre des gens qu’on ne connaît pas ! » approuve Cherine.

 

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Les enfants jouent entre les tentes

Certains viennent seuls, d’autres avec leurs mères. Elles, pour la plupart, se tiennent un peu à l’écart, installées sur des chaises de jardin en plastique. La majorité sont voilées. Un groupe d’ados en baskets et jogging tient conseil un peu plus près du campement. Anne, jeune maman voilée, vient avec ses deux enfants et n’hésite pas à se mêler à la bande d’occupants et d’habitants mobilisés qui fait vivre le campement : « Avant, j’avais l’habitude de traverser le parc tous les jours pour emmener les enfants à l’école. Mais on y restait peu. Depuis que c’est occupé, c’est du bonheur, on est dans la nature, les gamins ils se régalent, ils font autre chose que de regarder la télé, ils dorment mieux le soir. Et nous on rencontre des gens, des voisins. On a pris conscience de l’importance de garder ce bout de vert et on n’a plus envie de le laisser au béton. »

 

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Tristan : « On nous rabâche qu’il faut casser les ghettos »

Tristan, la trentaine, rentre du boulot et vient promener son chien qui chahute avec les gamins. « Je viens tous les jours, raconte-t-il. J’habite ici depuis quatre ans et c’est au parc que j’ai rencontré mes voisins. Je ne comprends pas ce projet. Toute l’année, on nous rabâche qu’il faut casser les ghettos, faire de la mixité sociale, et un matin on nous dit qu’on va planter encore plus de logements sociaux dans un quartier où il y en a déjà plus de 500 ! »

« Dans un quartier avec espace vert, la criminalité baisse de 60 % »...

 

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1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 11:27

 

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Procès Luxleaks

Eva Joly : « Il est urgent de créer un statut pour protéger les lanceurs d’alerte »

par

 

 

Le procès du lanceur d’alerte Antoine Deltour et du journaliste de Cash Investigation Edouard Perrin, à l’origine des révélations sur le scandale fiscal « LuxLeaks », vient de s’ouvrir. L’intervention de lanceurs d’alerte s’avère souvent décisive pour rendre publics, au nom de l’intérêt général, des documents censés rester secrets. Mais ils le payent parfois très cher : perte de leur travail, convocation devant les tribunaux... Comment les protéger et les soutenir ? Entretien avec l’euro-députée Eva Joly, vice-présidente de la commission parlementaire en charge de faire la lumière sur les rouages de l’évasion fiscale.

 

Basta ! : Le procès du lanceur d’alerte Antoine Deltour et du journaliste Edouard Perrin s’est ouvert mardi dernier (lire notre article). Vous vous êtes insurgée contre ce procès. Pourquoi ?

Eva Joly : C’est un procès choquant par son injustice profonde. Voir Antoine Deltour [1] dans le box des accusés, c’est le monde à l’envers. On devrait plutôt lui tresser des couronnes de laurier et punir ceux qui ont mis en place ce système : les multinationales qui n’ont pas payé leurs impôts en France, en Italie et ailleurs, avec la complicité d’une partie du pouvoir luxembourgeois. Ce procès montre bien le monde malade dans lequel nous vivons. L’intérêt particulier prime sur l’intérêt général.

Le rôle des lanceurs d’alerte est très important pour la démocratie ! De plus en plus important, au fur et à mesure que s’épaissit le secret des affaires. Sans eux, on ne peut pas lutter efficacement contre la fraude et la corruption. Sans eux, on ne peut pas identifier les entreprises et les personnes coupables de délits d’évasion fiscale. Celle-ci dessert les intérêts financiers européens mais également les contribuables [l’évasion et la fraude fiscale sont évaluées à 1000 milliards d’euros par an dans l’Union européenne, ndlr]. Ce sont toujours les mêmes qui en profitent : les puissants, les criminels qui blanchissent leur argent, certains partis politiques.

 

Vous défendez la création d’un statut européen pour les lanceurs d’alerte. À quoi ressemblerait-il ?

Les Verts vont, dans les prochains jours, publier leur projet de directive européenne de protection des lanceurs d’alerte. Il faut selon nous protéger l’anonymat via une institution interposée. Et si l’identité du lanceur d’alerte est découverte, et qu’il se retrouve au cœur d’une procédure judiciaire, il faut pouvoir financer sa défense. Se défendre face à des multinationales peut coûter des dizaines de milliers d’euros. C’est une arme puissante pour faire taire les citoyens. En plus de ces fonds pour faire face aux frais de justice, il faudrait pouvoir rémunérer les personnes lanceuses d’alerte pendant quelques temps. Parce que bien souvent, les lanceurs d’alerte sont bannis de leur profession.

J’en ai fait l’expérience pendant « l’affaire Elf ». Des ingénieurs qui avaient refusé d’augmenter les factures de quelques millions de francs étaient écartés par leur entreprise [2]. Actuellement, la sécurité matérielle des lanceurs d’alerte est réellement mise en danger. Enfin, il faudrait créer une infraction spécifique pour ceux qui s’attaquent aux lanceurs d’alerte. Irène Frachon, le médecin qui a dénoncé le scandale du Médiator, rappelle dans une tribune publiée ce lundi 25 avril par le journal Le Monde que le laboratoire Servier menaçait systématiquement les médecins qui disaient que le Médiator provoquait des cardiopathies. Ces attitudes ne sont pas tolérables en démocratie.

 

La Commission européenne n’a pourtant pas mis à l’ordre du jour la protection des lanceurs d’alerte. Et les parlementaires européens non plus. La directive sur le secret des affaires, qui vient d’être votée (lire ici), risque plutôt de compliquer encore un peu plus la vie des lanceurs d’alerte...

La Commission européenne, à qui j’ai posé la question, m’a clairement répondu que la protection des lanceurs d’alerte n’était pas une priorité. Pire, avec le texte sur le secret des affaires, leur situation sera encore plus difficile. Je pense que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, n’aime pas les lanceurs d’alerte. Et Antoine Deltour, en particulier, lui a créé beaucoup de problèmes. Le scandale qu’il a dénoncé a été mis en place alors que M. Junker était Premier ministre du Luxembourg. D’ailleurs, la révélation des tax rulings dans la semaine de sa nomination a failli lui coûter son poste. Je décris tout cela précisément dans mon dernier ouvrage, Le loup dans la bergerie [3].

Les défenseurs de la directive sur le secret des affaires avancent que des exceptions sont prévues pour les lanceurs d’alerte. Mais ces exceptions ne sont pas suffisantes. Elles font peser sur les lanceurs d’alerte la charge de la preuve : c’est à eux de prouver qu’ils sont de bonne foi. Si on avait une législation moderne efficace, ce poids ne reposerait pas sur les lanceurs d’alerte.

 

Les multinationales ont-elles la main sur les politiques menées en Europe sur ces sujets – évasion fiscale, secret des affaires, protection ou non des lanceurs d’alerte ?

La genèse de la directive sur le secret des affaires est particulièrement obscure. Nous pensons qu’elle a été commanditée par les lobbyistes, qui ont malheureusement plus de pouvoir que nous, les parlementaires. Les lobbyistes sont partout à Paris, Berlin, Bruxelles, Rome. Nos institutions nationales et européennes sont devenues leur terrain de jeu. Les ministres nationaux, quand ils viennent à Bruxelles, se comportent trop souvent en VRP de leurs grandes multinationales. Par exemple, en matière de régulation bancaire, la France bloque depuis des années toutes avancée permettant de réduire le risque systémique lié à la taille et à l’irresponsabilité des méga-banques, BNP Paribas et Société Générale en tête. Après le « dieselgate » tous les ministres, y compris Ségolène Royal, ont joué de toutes les contorsions possibles pour avoir un discours de dénonciation, tout en protégeant leurs constructeurs nationaux.

La santé publique et la stabilité financière passent après les intérêts de ces entreprises. Les lanceurs d’alertes, que ce soit Irène Frachon, Stéphanie Gibaud [4], Hervé Falciani [5] ou Antoine Deltour, ont chacun à leur manière levé le voile sur une bataille larvée pour la démocratie, où les multinationales et les méga-banques tentent par tous les moyens d’influencer nos lois, jusqu’à parfois les écrire directement par le biais de parlementaires, de ministres ou de fonctionnaires trop zélés. En faisant la lumière sur ce qui se passe, les lanceurs d’alertes rééquilibrent les forces et permettent aux citoyens de s’organiser et de peser sur la puissance publique, nationale ou européenne, pour que celle-ci cesse de pencher dans le sens de quelques intérêts particuliers, et défende à nouveau le bien commun.

 

Suite aux accusations de fraude fiscale liées à l’affaire des Panama Papers, vous venez de lancer une pétition dans laquelle vous exigez la fin du secret fiscal et des sanctions contre les banques. Vous prenez ainsi le relai des lanceurs d’alerte...

Nous avons une énorme responsabilité en tant que membre du Parlement européen. L’opinion publique doit aussi faire pression pour maintenir ces questions dans l’actualité, pour exiger toujours plus de transparence. L’avenir de nos démocraties, si nous ne laissons pas toute leur place aux contre-pouvoirs, dont les lanceurs d’alerte font partie intégrante, est tout à fait inquiétant. Les Panama Papers ont révélé la façon dont certaines élites utilisent le secret pour cacher leurs activités financières. Ce secret permet à de riches individus de ne pas payer leur part normale d’impôts, mais il permet également à la grande criminalité de se financer – de l’esclavage humain à la vente d’armes illégales, en passant par le financement du terrorisme.

Cette question des paradis fiscaux est éminemment politique. En France, il y a un vrai problème avec le « verrou » de Bercy, le ministère des finances, qui est le seul à pouvoir déposer plainte en matière fiscale. Et il ne le fait jamais ! Mais le temps du secret – celui du verrou de Bercy, des régulations européennes frileuses et de l’impunité des banques et des intermédiaires – doit prendre fin. Plus de 520 000 personnes ont signé une pétition pour que les gouvernements européens poursuivent en justice les banques et les intermédiaires, qui laissent leurs clients cacher leurs actifs dans des paradis fiscaux, sans informer les administrations fiscales des agissements suspects de citoyens européens.

J’aimerais qu’il y ait des équipes compétentes pour nous aider à établir clairement le rôle des banques dans l’évasion fiscale. Il est urgent d’étoffer la brigade qui gère la grande délinquance économique et financière. C’est ce que j’ai aidé à faire en Islande après l’effondrement du système bancaire en 2008. Il faudrait une équipe pluridisciplinaire d’au moins 50 personnes, avec des gendarmes, des policiers et des juges d’instruction. Et il ne devrait pas y avoir de problèmes d’argent pour cela, car chaque enquêteur rapporte dix fois ce qu’il coûte !

Propos recueillis par Nolwenn Weiler

Photo : Procès d’Antoine Deltour et Édouard Perrin, Luxembourg, avril 2016 © Mélanie Poulain

 

- A lire, notre reportage à Luxembourg sur ce procès :
Procès Luxleaks : journalistes et lanceurs d’alerte sur le banc des accusés à la place des multinationale

Notes

[1Âgé de 30 ans, le français Antoine Deltour est accusé d’avoir copié des centaines d’accords fiscaux signés entre des multinationales et le fisc luxembourgeois, lorsqu’il était auditeur pour le cabinet d’expertise comptable et de conseil PricewaterhouseCoopers, pour les transmettre au journaliste de l’émission « Cash Investigation » Edouard Perrin, lui aussi inculpé. Un autre employé de PricewaterhouseCoopers, Raphaël Halet, figure également sur le banc des accusés. Lire notre article.

[2L’« affaire Elf » est l’un des plus gros scandale politico-financier du 20ème siècle, qui a éclaté dans le milieu des années 1990. C’est Eva Joly, alors juge d’instruction, qui avait mené l’enquête.

[3Le loup dans la Bergerie, co-écrit avec Guillemette Faure, et publié aux éditions Les Arènes, est sorti mercredi 27 avril. Il entend expliquer « comment on a pu placer à la tête de l’Union européenne Jean-Claude Juncker, l’homme qui incarne le cynisme des paradis fiscaux ».

[4Responsable du marketing chez UBS France de 1999 à 2008, Stéphanie Gibaud a révélé des faits qui vont conduire à la mise en examen d’UBS pour blanchiment et fraude fiscale.

[5Ex-informaticien de la banque suisse HSBC, Hervé Falciani a rendu public le fait que des milliers d’évadés fiscaux avaient ouvert des comptes non déclarés auprès de la banque genevoise HSBC.

 

 

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1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 11:08

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

Carlos Ghosn, ou le cynisme de l'oligarchie
30 avril 2016 | Par martine orange
 
 

« Ce n’est pas aux actionnaires de décider la rémunération du président. » Le conseil d’administration de Renault résume la réalité des dirigeants des multinationales : comptables de rien, ni à l’égard de personne. Où est donc la gouvernance d'entreprise si chère au libéralisme?

 

Décidément, Carlos Ghosn est au-dessus de tout, des questions, des remises en cause, et désormais au-dessus du vote de ses actionnaires. Il n’a pas dit comme le président de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, qu’il faisait « l’œuvre de Dieu ». Mais tout paraît indiquer par ses choix et ses comportements qu’il n’est pas loin de le penser. Un tel talent ne saurait se plier à devoir rendre des comptes, encore moins se soumettre à un vote d’assemblée générale.

C’est donc d’un revers de la main que le conseil d’administration de Renault, puissamment guidé par son PDG, a accueilli l’opposition des actionnaires du constructeur automobile à la rémunération accordée à Carlos Ghosn : ceux-ci venaient de voter à 54 % contre les 7,251 millions d’euros de salaire versés au PDG de Renault, qui viennent s’ajouter aux quelque 8 millions d’euros qui lui sont versés par Nissan. Face à ce vote négatif, une première en France depuis que les actionnaires ont le droit de se prononcer à titre consultatif sur la rémunération des dirigeants, le conseil d’administration n’a eu qu’un mot : « Ce n’est pas aux actionnaires de se prononcer sur la rémunération de ses dirigeants. » Mais à qui alors ? L’actionnaire n’est-il pas celui qui décide, à s’en tenir aux préceptes du libéralisme ?

À première vue, cette réponse sans appel semble avoir un destinataire unique : l’État, premier actionnaire de Renault. Pour les défenseurs de Carlos Ghosn, ce vote n’est qu’un énième épisode du conflit qui oppose la direction du constructeur automobile à l’État. Depuis des années, Carlos Ghosn ne cesse de se plaindre de cet actionnaire encombrant, de lui dénier la moindre légitimité, de chercher à s’échapper par tous les moyens de cette tutelle, en multipliant les manœuvres et les tactiques pour faire passer Renault en dehors du champ de contrôle étatique, au point de dévitaliser le groupe automobile. Il ne peut voir dans ce vote contre sa rémunération qu’une nouvelle attaque du gouvernement : avec ses 23,4 % de droits de vote, l’État a fait pencher indéniablement la balance lors du vote de cette résolution.

Même s’il y a un avertissement gouvernemental à destination de Carlos Ghosn dans ce vote, l’opposition à la conduite du PDG de Renault-Nissan est bien plus large. Cela fait des années que le cabinet Proxinvest, mandaté par des actionnaires et des investisseurs financiers, conteste la gestion de Carlos Ghosn en tant que dirigeant à la fois de Renault et Nissan, comme l’opacité qui entoure ses rémunérations. Il a fallu attendre 2011 pour découvrir que le PDG de Renault touchait entre 7 et 10 millions d’euros chez Nissan, ce qui en fait le PDG le mieux payé du Japon. Avec Renault, il touche 15 millions d’euros cette année, ce qui lui permet de figurer parmi les patrons les mieux payés du monde.

 

 © Reuters © Reuters
 

L’an dernier, les actionnaires avaient déjà contesté l’augmentation fabuleuse de Carlos Ghosn. Le quasi-triplement de son salaire chez Renault, passant de 2,7 à 7,2 millions d’euros en un an, avait été accepté à 64 %, le plus mauvais résultat de toutes les entreprises du CAC 40. L’avertissement n’avait reçu aucun écho. Cette année encore, le cabinet Proxinvest, porte-parole d’investisseurs mécontents, avait donc appelé à nouveau à voter contre la rémunération de Carlos Ghosn.

 

Lors de l’assemblée générale du 29 avril, Pierre-Henri Leroy, président de Proxinvest, a interpellé le conseil d’administration au sujet de la rémunération accordée au PDG de Renault. Mais c’est ce dernier qui a pris la parole en défense. « En tant qu’actionnaire, vous donnez délégation au conseil d’administration. C’est lui qui juge non pas sur la base d’un caprice mais il juge si la façon dont le PDG est payé est conforme à ses efforts, à son talent, à la situation. Il le fait de façon tout à fait transparente », lui a rétorqué Carlos Ghosn. Un nouvel exemple de la parfaite indépendance des administrateurs, sans nul doute.

La composition du comité de rémunération l’illustre parfaitement : il est aussi caricatural que tous ceux du CAC 40. On y retrouve Thierry Desmarest, ancien PDG de Total, Marc Ladreit de Lacharrière, président du groupe Fimalac, Jean-Pierre Garnier, ancien président du groupe pharmaceutique Glaxo, Alain Belda, ancien banquier d’affaires parti présider pendant des années le groupe d’aluminium Alcoa, Éric Personne, un des hauts responsables du groupe automobile, et Patrick Thomas, président du comité, également haut cadre de la maison. Bref, des responsables qui connaissent la vraie vie des dirigeants des multinationales, les impératifs de la mondialisation. Pas de ceux qui ont de viles préoccupations sociales, ou de ces individus qui oseraient rappeler les efforts des salariés du groupe qui ont accepté le départ de 8 000 d'entre eux sans licenciement, une augmentation des horaires de travail et une modération salariale pendant trois ans afin de sauvegarder la production automobile du groupe en France.

Pour justifier cette rémunération hors norme, le conseil d’administration de Renault a mis en avant « les résultats exceptionnels de Renault » : un chiffre d’affaires record de plus de 45 milliards d’euros, un résultat net de 2,8 milliards d’euros, une marge opérationnelle de 5,1 %, un plan d’économies en avance sur les prévisions.

Ces quelques indicateurs chiffrés semblent suffire au comité de rémunération pour justifier le salaire exorbitant accordé au président du groupe. Celui-ci semble, en revanche, beaucoup moins vigilant sur les capacités de résistance et l’avenir du groupe. Les administrateurs ne semblent pas plus s’inquiéter que cela du fait que la base industrielle de Renault en France ne cesse de diminuer. Le constructeur automobile y produit moins de voitures qu’en 1963. Et les accords passés avec Daimler, prévoyant des transferts massifs de production et de compétences du constructeur français vers le constructeur allemand, risquent encore de l’affaiblir. Ils ne sont pas plus émus, semble-t-il, des retards accumulés de Renault dans les voitures électriques ou hybrides, non plus que de son développement international bridé – le constructeur arrive seulement en Chine, au moment où tout le marché automobile chinois est train de ralentir.

La fin de l'alignement des intérêts entre actionnaires et dirigeants

A-t-il été seulement question d'AvtoVaz, la filiale russe de Renault, au conseil ? Comme annoncé de longue date par des observateurs avisés, cette alliance avec l’ancien fabricant des Lada en Russie, nouée de telle sorte que Renault en porte tous les risques et Nissan tous les avantages, est en train de tourner au fiasco. Les ventes automobiles s’effondrent en Russie, en raison de la récession économique. Renault a déjà dû diminuer la valeur de sa participation : un milliard d’euros de pertes vont être inscrits dans les comptes cette année. Face à cette tourmente, Carlos Ghosn a préféré prendre du champ. Il a annoncé qu’il allait abandonner la présidence du conseil d’AvtoVaz pour la céder à Sergueï Skvortsov, représentant de la société étatique Rostec, l’autre actionnaire du constructeur russe, le 23 juin prochain. Une façon de marquer ses distances, afin que son nom ne soit pas mêlé à d’éventuels déboires, comme dans le cas de la fausse affaire d’espionnage. Tant de succès méritent bien récompense.

L’impunité dont bénéficie Carlos Ghosn reste un mystère. Longtemps, ce dernier a profité d’une totale immunité, en se présentant comme l’homme clé, indispensable, de l’alliance entre Renault et Nissan, en jouant les deux groupes l’un contre l’autre. Peut-être serait-il temps que les actionnaires des deux groupes se parlent enfin ? Ils pourraient découvrir qu’ils ont des intérêts communs qui ne se résument pas à un seul homme.

Mais cette affaire risque de ne pas s’arrêter à Renault. En balayant en quelques mots l’avis des actionnaires, le conseil d’administration exprime avec cynisme une réalité que le Medef et l’Association française des entreprises privées (Afep) ont tenté d’habiller depuis des années avec leurs différentes versions de code de bonne conduite, leurs appels à la bonne gouvernance des entreprises : tout ceci n’est qu’un leurre. En dépit de toutes les promesses, aucune modération n’est de mise pour les hauts dirigeants. « Parce qu’ils le valent bien », rien ne saurait leur être refusé. Ni la crise, ni les contre-performances ne justifient d’arrêter l’ascension exponentielle de leur rémunération. Le salaire moyen des dirigeants du CAC 40 a encore augmenté de 4 %, pour s’établir à 2,34 millions d’euros. Mais cette moyenne ne tient pas compte des à-côtés.

Car le système d’enrichissement ne cesse de se perfectionner avec les années. Les stock-options sont en train de tomber en désuétude. Officiellement, parce que le mécanisme était trop contesté. Dans les faits, il faisait courir encore un léger risque à la caste des dirigeants. Les stock–options pouvaient perdre tout intérêt si le cours de l’action tombait plus bas que le prix d’attribution. Désormais, les dirigeants se font attribuer des actions de « performance », totalement gratuites. La plus-value est ainsi assurée, quoi qu’il arrive. Outre sa rémunération fixe et variable qui représente 3 millions d’euros, le PDG de Renault se voit attribuer des actions « de performance » pour 4,18 millions d’euros.

 

Les rémunérations de Carlos Ghosn © rapport annuel de Renault Les rémunérations de Carlos Ghosn © rapport annuel de Renault

 

L’attitude du conseil de Renault dans ce dossier n’est pas un accident. Il n’a plus rien à faire de l’avis de ses actionnaires. Pas seulement sur la rémunération du PDG, mais sur tous les sujets. Lors de cette même assemblée générale, une résolution a été présentée stipulant que les actionnaires de Renault renonçaient à avoir le moindre droit de regard sur Nissan, contrôlé à hauteur de 44 % par le constructeur français. Elle a été adoptée. Ainsi, à l’avenir, ceux-ci n’auront plus rien à dire sur la conduite de la première filiale du constructeur français.

Pour aussi extrémiste qu’il soit, le comportement de Renault reflète l’état d’esprit général dans les multinationales. Celles-ci affichent avec morgue qu’elles ne se sentent plus comptables de rien, ni vis-à-vis de personne. Une grande rupture est en train d’être consommée entre les dirigeants d’entreprise et leurs actionnaires.

Tout le renversement néolibéral à l’œuvre depuis les années 80 dans les entreprises s’est pourtant construit sur ce couple. Revendiquant, au nom de leur droit de propriété, d’être les premiers bénéficiaires des richesses créées par les entreprises, les actionnaires ont imposé des gestion d’airain à tous les groupes, exigeant des rendements toujours plus élevés et totalement déconnectés de la réalité économique, des scissions, des liquidations, une pression sans cesse accrue sur les salariés.

Ce grand basculement n’a été possible que grâce au ralliement des dirigeants d’entreprise. Alors que depuis la fin de la guerre, ceux-ci se voyaient comme issus du monde salarial, partageant les mêmes buts, ils ont cédé aux sirènes des actionnaires, qui prônaient l’alignement des intérêts entre les actionnaires et les dirigeants. Ce ralliement a été obtenu à coups de rémunérations insensées, toutes plus extravagantes les unes que les autres. Les rémunérations des dirigeants des multinationales représentent en moyenne plus de 200 fois le salaire moyen. L’échelle était de un à 20 dans les années 70.

Aujourd’hui, la fronde contre ces rémunérations indécentes, jusque-là cantonnée à l’opinion publique, gagne désormais les rangs des actionnaires. En Grande-Bretagne, plusieurs présidents, notamment ceux de HSBC et de BP, ont vécu des assemblées générales mouvementées. Alors que les groupes qu’ils président affichent des résultats médiocres voire désastreux, ils ont continué à se voir accorder des augmentations exponentielles. Le fameux alignement des intérêts est en train de se dissoudre. Et les PDG des multinationales, sans cette justification protectrice, risquent d’apparaître pour ce qu’ils sont : une caste d’oligarques, insupportable dans un système démocratique.

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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