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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 15:42

 

LE MONDE | 11.09.2012 à 15h51 • Mis à jour le 11.09.2012 à 17h12

Par Sylvie Kauffmann, L'air du monde

 
Le site de micromessagerie Weibo compte 350 millions d'utilisateurs en Chine.

Ils y pensent tous, et pas seulement en se rasant. Non, la première obsession des politiciens locaux chinois n'est pas de devenir président. Elle est d'échapper à l'impitoyable machine à scoops qu'est devenu Weibo, le Twitter chinois. La première chose que font les responsables locaux chinois le matin en se levant, racontent leurs compatriotes avec un sourire de délectation, c'est de se jeter sur leur ordinateur ou sur leur smartphone et d'ouvrir Weibo. Pour vérifier qu'on ne parle pas d'eux.

Car, parallèlement, la première chose qu'une bonne partie des 350 millions d'utilisateurs de Weibo font le matin en se levant, c'est d'ouvrir leur compte Weibo. Pour vérifier de quoi on parle, et surtout de qui. Quelle nouvelle gabegie a été révélée. Quel enfant de dirigeant du Parti a été impliqué dans un accident au volant de sa Ferrari. Où en est le "frère aux montres", surnom sur Weibo d'un responsable photographié chaque fois avec une montre différente au poignet, signe évident de corruption aux yeux du public.

Quels sont les derniers commentaires des leaders d'opinion sur Weibo, comme ce sociologue de l'Académie des sciences sociales, Yu Jianrong, spécialiste des revendications des paysans, qui comptait la semaine dernière 1 448 664 "followers". On peut raconter beaucoup de choses sur Weibo quand on est 350 millions de wangmin ("cybercitoyens"). Cette transparence sauvage a tellement élevé le niveau de stress des politiciens locaux que certains parlent aujourd'hui de "terreur Internet". Les rumeurs, vraies ou fausses, peuvent être assassines. Beaucoup, pour se défendre, ont recours au "parti des 50 centimes", des gens que l'on paie pour contre-attaquer sur Weibo.

 LE CONGRÈS DU PCC DANS L'OPACITÉ LA PLUS TOTALE

En trois ans, Weibo est devenu le champ de bataille de l'opinion chinoise et des autorités. Face à ce bouillonnement, le mur du silence au sommet du pouvoir n'en est que plus impressionnant. Pendant que les Chinois se déchaînent sur les réseaux sociaux, le Parti communiste prépare son 18e congrès (shibada en chinois) dans l'opacité la plus totale. L'enjeu de celui-ci est crucial, puisqu'il doit procéder au renouvellement de la majorité des membres du comité permanent (9 sièges, y compris le premier ministre et le président) et du bureau politique (25 sièges) : c'est le changement de direction du Parti qui a lieu tous les dix ans.

De cet événement important pour 1,3 milliard de Chinois et, accessoirement, pour le reste du monde, on ne connaît ni la date, ni la procédure exacte, ni même le nombre de membres - 7 ? 9 ? - que comptera la plus haute instance à son issue. On sait le nom des deux futurs leaders désignés, Xi Jinping pour le poste de président et Li Keqiang pour celui de premier ministre, on connaît leur biographie, mais on serait bien en peine de décrire leur programme. Pourquoi l'exposeraient-ils, d'ailleurs ? Officiellement, le plan quinquennal approuvé en 2011 leur tient lieu de feuille de route. Et certains, comme Bo Xilai, l'ex-dirigeant du Parti à Chongqing, ont payé cher leur autopromotion. D'ailleurs, où est Bo Xilai ? Personne ne le sait. Que lui est-il reproché, exactement ? Mystère.

Un autre mystère vient de s'ajouter aux préparatifs du shibada : où est Xi Jinping ? Frappé par un terrible mal de dos - le stress, sans doute -, le futur président a annulé successivement ses entretiens avec Hillary Clinton puis avec la première ministre danoise. Il n'a pas été vu depuis le 1er septembre. La rumeur est lancée.

Lire : La disparition mystérieuse de Xi Jinping électrise le Net chinois

Tout ça, vous ne le trouverez pas sur Weibo (selon le New York Times du 11 septembre, la recherche "mal de dos" était même impossible lundi). Car, bien évidemment, la transparence a ses limites. Surtout en Chine. Cela fait déjà un bon moment que tous les messages comportant les noms des hauts dirigeants, et même des anciens leaders comme Jiang Zemin, sont bloqués sur le site de microblogging. En réalité, le pouvoir chinois déploie des moyens colossaux pour contrôler Internet et les réseaux sociaux. Le sociologue Gary King, d'Harvard, qui a dirigé une excellente étude sur le sujet, y voit l'"effort le plus important jamais mis en oeuvre pour censurer sélectivement l'expression humaine".

 "CLONER ET BLOQUER"

Le jeune blogueur chinois Michael Anti, de son vrai nom Zhao Jing, a deux mots pour résumer la politique de Pékin à l'égard d'Internet : "Cloner et bloquer." Cloner : la Chine a reproduit tous les modèles américains. Weibo, c'est Twitter. Baidu, c'est Google. Renren, c'est Facebook. Bloquer : les sociétés chinoises cèdent plus volontiers à l'autocensure. Selon Michael Anti, tous les serveurs de ces sociétés ont été centralisés à Pékin, pour faciliter les opérations de blocage et la censure. C'est pour cela que les responsables locaux ont si peur des wangmin : eux ne contrôlent rien. Le pouvoir central, en revanche, "finit toujours par gagner, parce qu'il contrôle les serveurs".

Et il les contrôle d'une manière extrêmement sophistiquée, en laissant les réseaux sociaux jouer leur rôle de soupape, lorsque les tensions sont trop vives. Internet est aussi un formidable outil d'information pour le pouvoir, qui peut prendre en permanence la température de la population. Il peut encore orienter la critique sur tel ou tel sujet, en s'abstenant de bloquer certains thèmes tout en en bloquant d'autres. "Mieux vaut occuper le champ de bataille que de le bombarder", relève Michael Anti.

Plusieurs intellectuels chinois que nous avons rencontrés à Pékin dans le cadre d'une étude du European Council of Foreign Relations s'accordent à reconnaître l'impact énorme d'Internet sur la politique chinoise. Au point que certains y voient une forme de "participation politique", une sorte de substitut à la démocratie. Certes, reconnaît l'un d'eux sous condition d'anonymat, "le contrôle pose un problème. On peut critiquer les dirigeants provinciaux et locaux, mais pas le sommet. Il y a aujourd'hui un marché d'idées extrêmement diversifié, c'est un moment de débat très actif, et en même temps il y a ce contrôle". La ligne rouge, note Gary King, est "l'expression collective" : la critique individuelle est permise, mais toute tentative de mobilisation est à bloquer. Qui l'emportera ? Plus qu'une lame de fond, l'action des cybercitoyens chinois s'apparente à une érosion inéluctable. Comme la rouille sur la coque d'un bateau, on peut la nettoyer, mais au prix de beaucoup d'efforts et d'énergie. Et l'on n'en vient jamais vraiment à bout.

kauffmann@lemonde.fr

Sylvie Kauffmann, L'air du monde

 

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