| 07.02.12 | 15h09
Si les statistiques font défaut, certaines études et le ressenti d'observateurs sociaux sont autant de signaux d'alerte d'une hausse des suicides liés à la crise.
La revue médicale britannique "The Lancet" publiait le 9 juillet 2011 une étude soulignant la forte hausse des taux de suicide en Europe depuis le début de la crise. Dix des 27 pays de l'Union européenne disposent de chiffres pour la période 2007-2009 (ce qui exclut la France), durant laquelle le chômage a cru de 35 % en Europe : dans 9 de ces 10 pays (Autriche exceptée), le taux de suicide a augmenté d'au moins 5 %, alors qu'il diminuait partout avant la crise. La hausse est de 8 % en Grande-Bretagne, de 13 % en Irlande... En Grèce, une étude sur la période 2008-2011 note une hausse de 40 % des suicides.
L'Institut de veille sanitaire (INVS) comparait, en décembre 2011, les tentatives de suicide entre 2005 et 2010, et observait une "tendance à la hausse des tentatives de suicide au cours des douze derniers mois" : 0,5 % des interrogés déclaraient en avoir fait une, contre 0,3 % auparavant. Parmi les premiers facteurs de risque soulignés : le chômage.
SOS amitié reçoit chaque année 11 000 appels liés au suicide. Depuis deux ou trois mois, l'évocation des problèmes liés au travail est de plus en plus fréquente. "Nous avons l'impression d'entrer dans le coeur de la crise. La situation se durcit pour nos appelants, ils sont en souffrance psychique. "
Technologia, cabinet de prévention des risques psychosociaux, a traité 73 crises suicidaires en entreprise ces cinq dernières années. "Depuis 2007, nous constatons une hausse des crises suicidaires", alerte son directeur, Jean-Claude Delgènes, qui remarque une "accélération depuis septembre". "C'est comme si l'eau montait, et qu'on ne la voyait pas monter. (...) La quarantaine de personnes qui travaille pour mon cabinet est assaillie d'exemples. Les avocats nous rapportent des drames liés au surendettement. Les syndicats nous racontent ce dont personne ne parle, ces suicides qui interviennent quelques mois après les plans sociaux, comme chez Moulinex ou Cellatex... "
Si le travail demeure globalement protecteur vis-à-vis de la tentation suicidaire (les chômeurs en précarité se suicident deux fois plus que les actifs employés), "certaines organisations du travail engendrent des stress chroniques, qui peuvent conduire à des dépressions sévères, donc à des possibilités de passages à l'acte". C'est, selon lui, le cas dans le secteur sanitaire et social, aux avant-postes de la crise, où l'on demande toujours plus à des salariés disposant de moins de moyens.
>>> Lire l'article "La hausse des suicides liés à la crise, une réalité ignorée"
Pascale Krémer