Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs
Le Monde.fr | 01.07.2014 à 17h38 • Mis à jour le 02.07.2014 à 01h22 | Par Mathilde Damgé
Dès septembre 2009, Nicolas Sarkozy déclarait : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est fini », en septembre 2009, pour vanter l'engagement du G20 à lutter contre l'opacité de ces territoires à la fiscalité faible ou nulle.
Trois ans plus tard était adoptée la loi bancaire, qui, oblige les banques, et plus largement l'ensemble des grands groupes français, à rendre publics leurs activités et leur niveau d'imposition dans les paradis fiscaux :
« Les établissements de crédit et les sociétés de financement publient en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans les Etats ou territoires non coopératifs. »
A compter du 30 juin, les établissements doivent donc publier une fois par an les informations suivantes : nom des implantations, nature d'activité et localisation géographique ; produit net bancaire et chiffre d'affaires ; effectifs, en équivalent temps plein ; bénéfice ou perte avant impôt ; montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables, en distinguant les impôts courants des impôts différés ; subventions publiques reçues (les trois derniers éléments sont attendus à partir de l'an prochain seulement).
Des données attendues puisque elles permettent de vérifier que les banques sortent des paradis fiscaux, comme elles s'y sont engagées depuis 2009 et leur déclaration commune via la Fédération bancaire française.
Pour les mesurer, nous avons pris la liste établie par la General accountability office, l'équivalent américain de la Cour des comptes, qui permet d'avoir une liste plus large que celle du Forum fiscal mondial (émanation de l'Organisation de coopération et de développement économiques, OCDE), qui ne comprend que 20 pays (en rouge ou orange dans ce tableau), mais moins englobante que celle de l'association Tax Justice Network, qui comprend plus de 80 pays, dont la France.
Voir : La carte de la présence des banques françaises dans les paradis fiscaux
La plus importante banque tricolore, BNP Paribas a également les effectifs et le produit net bancaire (l'équivalent du chiffre d'affaires dans le secteur financier) les plus importants.
Son document précise que la liquidation de sa filiale à Panama serait « en attente de l'aval du régulateur local », tandis que l'unité des îles Vierges britanniques (BVI) – qui n'est pas mentionnée dans le document – serait en voie de liquidation.
En janvier, pourtant, lors d'une enquête à Tortola, capitale des îles Vierges britanniques, Le Monde avait pu rencontrer des dirigeants d'une entité dénommée BNP Paribas (BVI) Trust Corporation, qui avaient dit « dépendre de BNP Paribas Jersey et Singapour » et n'avaient pas mentionné un tel processus de liquidation.
Crédit agricole arrive en deuxième position, quand on compare les effectifs présents dans les paradis ficaux. La banque coopérative a (.PDF) exclu les « entités classées en activités destinées à être cédées », ce qui n'éclaircit pas le tableau dans le sens où la liquidation ou la cession peut prendre des mois ou des années.
Au final, les Etats les plus représentés dans sa publication sont les plus connus (Monaco, Luxembourg, Hong Kong, Suisse, Singapour), des sortes de « hubs » d'optimisation fiscale réputés pour leur inocuité en terme d'impôts.
Société générale est également présent dans ces territoires. L'établissement a publié le document le plus incomplet puisque, même s'il inclut les activités de chaque filiale, en plus du PNB et des effectifs, il manque dix informations concernant des territoires comme les Caïmans, Guernesey, la Lettonie, le Liban, Maurice ou encore Malte.
Natixis, banque certes moins importante, présente toutefois dans son document de référence une activité assez significative dans les territoires non coopératifs. Là encore, plusieurs informations sont manquantes : elle affirme ainsi avoir une activité aux Iles Caïmans, avec un PNB de 8,9 millions d'euros sans aucun effectif mentionné. Cette donnée est également absente concernant Malte (où elle a un PNB de 1,1 million d'euros) et le Liban, où elle n'aurait aucune activité.
Lire en édition abonnés : Paradis fiscaux : les banques se dévoilent
La polémique enfle à Bruxelles où des associations et des eurodéputés dénoncent la nomination du cabinet d'audit PriceWaterHouseCoopers (PWC) pour réaliser une étude sur l'impact des nouvelles obligations de transparence dans le secteur bancaire.
La directive CRD4 oblige en effet les banques à divulguer les impôts payés et les subventions reçues, pour tous les pays d'implantation. Pour les Verts européens, la Commission aurait dû réaliser l'étude elle-même car le cabinet est pris dans un conflit d'intérêt, ayant audité une partie des grandes banques européennes, qui sont donc ses clients, et ayant en outre conseillé des multinationales en matière d'optimisation fiscale.
Mathilde Damgé
De l'éco, du décryptage et une pincée de data
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