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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 19:13

 

9 juillet 2012 - 21:32
Par Okeanos
Athènes la belle, Athènes l’étouffante, Athènes sous la pression de la troïka. Il était temps de laisser la troïka derrière soi annoncer ses nouvelles « recommandations ».

Abandonnons aussi Antonis Samaras et le parlement grec dans leur théâtre en perdition. Rien ne changera de ce côté pendant ces quelques jours. Le gouvernement aura bien son vote de confiance et la grande tentative de braderie des entreprises publiques pourra commencer. Les nouvelles mesures d’austérité pourront se mettre en place. Je ne crois pas aux bonnes nouvelles depuis que la troïka a investi les lieux. Et elle revient, l’ennemi est de retour, il est temps de prendre un peu l’air et de voir comment cela se passe à quelques heures d’Athènes.

D’Athènes à Kastro par l’autoroute fantôme

Cap sur Kastro, petit village du Péloponnèse entre Patras et Pyrgos. D’Athènes, la route fait passer par Patras, 3ème ville du pays. L’autoroute d’Athènes jusqu’à Corinthe est terminée depuis longtemps, mais les derniers kilomètres jusqu’à Patras, au nombre de 134, se payent : 3.10 €. Chouette on reste sur l’autoroute pas chère ! En fait non, pas d’aurotoute mais une route qui semble vouloir se transformer dans la douleur. Rien n’est terminé, des bouts de ponts encore à l’état de projets semblent à l’abandon. Parfois, une nouvelle voie cherche en vain à sortir de terre, mais la encore, pas d’engin de BTP, pas d’ouvrier, tout semble à l’arrêt. Alors cette route nationale au trafic intense impose comme partout en Grèce, une forte vigilance, la voie d’urgence servant de voie de droite, la voie normale celle de gauche. Il se dit que cette route fait plusieurs morts par semaine. Je n’en suis pas étonné.

Après avoir contourné Patras par la nouvelle rocade, l’arrivée sur la « nouvelle » route nationale en direction de Pyrgos laisse sceptique concernant son nom. Elle ne semble avoir profité d’aucune rénovation particulière, si ce n’est les nouveaux panneaux, peut-être.

Kastro nous voilà

A Kastro, je suis attendu par François-Xavier, Christina et leur fille Denise. FX est français, expatrié en Grèce dans l’idée de changer de vie : passer de l’informatique dans une start-up de haut niveau à la culture bio et aux chambres d’hôtes. Il fabrique des amplis pour guitaristes confirmés et espère pouvoir créer une petite entreprise ici. Christina, sa femme, est grecque et diplômée de théologie et de philosophie. Elle aussi a décidé de revenir vers une activité plus proche de ses aspirations, en Grèce bien sûr. Elle est à l’origine du projet de développement de cette terre familiale en agro-tourisme. Elle fabrique des savons bio avec l’huile d’olive de la propriété. Kosta et Eleni, ses parents, sont à la retraite.

Mais où sont les touristes ?

Le repas dans un restaurant de Kastro tenu par une famille d’albanais venue en Grèce il y a de nombreuses années me donnera l’occasion de confirmer un fait : les touristes habituels ne sont pas là. Le restaurant est plus qu’aux trois quarts vide. Et c’est le cas de tous les autres restaurants et cafés du village : les terrasses sont désespérement vides. François me confirmera que les touristes allemands ne sont pas venus. Et toutes les maisons d’hôtes sont vides. Une ou deux chambres louées dans le meilleur des cas, et très peu de réservations pour le reste de l’été. Même l’hôtel très réputé de la région, habitué des clients de grand standing, est loin d’être pris d’assaut : un employé a d’ailleurs confirmé que le taux d’occupation est en chute de 50 %. Pas bon signe.

Les trois seuls occupants de la chambre d’hôtes sont un couple de français à la retraite, amoureux de la Grèce depuis des années, et un électricien albanais, vivant en Grèce depuis 15 ans, parlant un grec parfait et qui fait le tour de la Grèce pour trouver des chantiers. Sa femme est à Athènes et ils communiquent par webcam. François me dira que Lorenzi est « un travailleur acharné ». Aucun doute sur ce sujet : Lorenzi a quitté l’Albanie à pied à 17 ans pour venir en Grèce. 3 jours de marche pour changer de vie. La crise pour lui ? « Elle ne m’empechera par de vivre. J’arrive à travailler car je ne me pose pas de contrainte. Et je n’ai peur de rien, sauf de la guerre».

Jean Charles et Danielle, les retraités français, me disent que cette année est vraiment différente. Une des plages très réputées du coin est vide des  innombrables camping-car allemands habituels. Non, pas de touristes allemands cette année à Kastro. Un seul camping-car est là, il vient de Roumanie. Et Jean Charles souligne : « Nous venons en Grèce entre 2 à 4 mois par an. Ce matin, nous sommes allés au marché. Nous étions les seuls touristes. C’est la première fois que nous voyons cela à cette période de l’année. Pire, des grecs nous ont demandé si nous étions allemands. Danielle est blonde aux yeux bleus, c’est sans doute pour cette raison. Un grec a même cité Merkel en crachant par terre. Nous n’avions jamais vu cela ». Angela Merkel n’est pas la bienvenue en terres grecques, c’est une certitude. Comme la troïka d’ailleurs.

Les touristes allemands ne sont pas venus, et un des cafés les plus réputés, avec une vue imprenable sur la mer, un samedi midi, est vide.

A Kastro, plusieurs commerces ont fermé, comme ailleurs en Grèce : des restaurants, cafés ou supérettes, une boucherie. Des projets hôteliers de plusieurs millions d’euros sont aussi en pause. Les travaux ont commencé avec les fonds européens, mais les banques grecques n’ont pas suivi. Alors tout est à l’arrêt. Comme l’économie grecque. Je ne me sens pas si loin d’Athènes finalement et je repense à la troïka. Cela devient maladif, vite il me faut un palliatif.

De retour à Illios, le domaine familial, je suis pensif : si une région comme celle de Kastro voit peu de touristes, la saison risque d’être morose et la rentrée difficile. Et je repense -encore- à la troïka en admirant le château de Kastro de nuit.

Cet édifice fut construit par les francs et était appelé Clermont, devenu Chlemoutsi en grec. Construit par Geoffrey I de Villehardouin entre 1220 et 1223, il surplombe le village et offre une vue dégagée sur toute la région. Il est en cours de rénovation, sur des fonds européens : je me prends à sourire en pensant que les français qui pointent du doigt les dépenses publiques grecques seraient sans doute fiers de voir que ces fonds servent aussi d’anciens intérêts français.

Le lendemain matin, découverte d’Ilios, en plein jour. Le soleil est là comme toujours. Le soleil ne connait pas la troïka. Le château n’a pas bougé. Il était là bien avant la crise. Et il compte y rester bien après.

D’ailleurs, il propose parfois des concerts. François m’avoue qu’il voudrait faire de ce château une place touristique centrale, avec des activités régulière toute la saison. La famille est habituée à ce genre d’idées : elle est à l’origine de presque chaque association du village. Christina et sa mère Eleni ont même décidé de créer un journal d’information gratuit pour la population locale : « othen ». Othen est un mot de grec ancien difficile à traduire en français : une traduction pourrait être « d’où ». Il représente l’idée d’une solution, d’un raisonnement qui arrive à un résultat. A contre courant de la propagande habituelle, le journal propose aussi des analyses sur l’histoire et la culture. Eleni aimerait aussi créer un petit théâtre ou un petit cinéma pour la communauté. Mais la crise ne le permet pas. Il faudra donc attendre.

Retour à la terre pour des juges pas comme les autres

Je dois parler avec Kosta Lefkaditi, juge à la retraite en pleine reconversion bio. Kosta aussi a subit une baisse de sa retraite de plus de 50 % et une augmentation invraissemblable des impôts et des taxes. Même si les membres de la famille sont privilégiés, car ils n’ont pas perdu leurs biens et partaient d’une retraite très confortable, leur vie a bien changé et une soirée au restaurant ne fait plus vraiment partie des extras possibles : toute la retraite passe dans les impôts et dans le remboursement de l’emprunt de la propriété.

Alors la vente des 20 œufs bio quotidiens de la propriété est nécessaire quand chaque euro compte. Comme le lait de chèvre qui permet d’éviter d’acheter du lait pour Denise. Et Denise, le lait de chèvre frais, elle adore ça !

Kosta me sourit : il a toujours aimé son village. Enfant déjà, il s’y voyait vivre dans un champs et n’avait pas compris pourquoi les propriétaires de terres fertiles et pleines d’orangers ou de citronniers avaient tout rasé pour planter des oliviers. Une fibre bio déjà ? Ces terres ont perdu des essences qui ne poussaient qu’ici : la disparition de ces arbres est un drame pour François, et sans doute l’idée de départ de créer une culture diversifiée.

Les études, pour Kosta, n’étaient pas vraiment indispensable. Mais c’était sans compter sur sa mère : « Tu feras des études, tu dois penser à ton avenir. ». Le voilà donc parti en 1964 pour des études de droit. Il sera étudiant pendant la dictature des colonels et cela marquera son envie de lutter pour plus de justice. Il sera donc juge.

Kosta et sa femme étaient des juges modernes. Il était le premier juge barbu, ce qui ne plaisait pas à tout le monde, elle était la première juge a avoir féminisé le mot « juge ». Kosta fut aussi le premier à autoriser les accusés à jurer sur l’honneur et non sur la bible. Tout le monde n’a pas apprécié. Il fut encore le premier à nommer les accusés par leur nom et pas par le terme « condamné ». La encore, cela a fait scandale.

Des élections dignes de celles de 1961

Comme toujours en Grèce à l’heure de la troïka, le sujet revient toujours sur la chose politique. Kosta est très clair concernant le résultat des élections : -« Samaras, c’est un retour en arrière. On va repartir dans les années 50. Ces élections m’ont fait pensé à celles de 1961, qu’on appelle les « élections de la fraude et de la violence. Aujourd’hui, la violence est différente, elle n’est pas visible. La violence actuelle, c’est celle de la troïka. Celle des médias. La propagande a été incroyable entre les deux élections. Tous les jours, nous avions droit à un commentaire de Schauble, Juncker ou Merkel. Ceux qui ont voté pour la Nouvelle Démocratie sont des privilégiés qui voient un intérêt à la situation actuelle, ou ceux qui ont eu peur pour leurs économies. Le sentiment de ceux qui ont voté nouvelle Démocratie est assez curieux d’ailleurs : entre la joie et la tristesse ». Elleni poursuit : « Le même sentiment que peut avoir quelqu’un qui apprend la mort d’un parent mais apprend le même jour que l’héritage est incroyable. »

Et alors, comment voyez vous la suite ? Kosta : « Je ne crois pas à de nouvelles élections. Pas tout de suite. A mon avis, Samaras va rester en place pendant encore 2 ans. Ensuite, de nouvelles élections seront programmées et nous verrons bien ». Je lui demande si une autre issue, moins démocratique est envisageable, il me répond : « La solution doit être démocratique. Elle ne peut-être que démocratique. Mais il est vrai qu’il y a un risque d’explosion. Samaras ne pourra pas tenir la promesse de sa campagne. Il commence déjà à reculer. Il a signé avec la troïka avant les élections, donc, il est coincé ».

Les bonnes choses ont une fin et je remercie chaleureusement François, Christina, Denise, Kosta et Eleni. Je n’ai pas vraiment envie de partir, il fait bon vivre ici, bien loin de la cuvette d’Athènes. Bien loin de la troïka. L’air du Péloponnèse va me manquer. Mais je saurai qu’il existe des endroits comme celui-ci.  Marco Polo, notre petit squatteur de chambre, lui, ne semble pas prendre conscience de la crise : il profite de chaque instant pour jouer, manger ou dormir. Il semble que le bio a du bon, loin de la troïka :

Je retournerai à Kastro. C’est une certitude. Je reverrai avec joie mes nouveaux amis d’Ilios. Marco Polo aura grandit, Denise aussi. Et je suis certain de trouver ici un petit domaine naturel et préservé. Mais qu’en sera-t-il pour le village ?

Okeanos.

Pour plus d’informations sur le domaine d’Ilios, vous pouvez consulter le site internet d’Ilios Bio.

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