letelegramme.com - 20 octobre 2012 à 07h10
Ce ne sont pas d'irréductibles gaulois mais desmilitants anti-aéroport, piégés depuis cinqjours dansune grange, àproximité deNotre-Dame- des-Landes. Surplace, larésistance s'organise mais lavie est de plus en plus difficile
On accède à la Vache Rit comme dans un camp retranché. Perdue au beau milieu de la Zad (Zone à défendre), la grange a été transformée en quartier général parles opposants anti-aéroport. Isolés du reste du monde depuis le début des opérations d'expulsions, mardi, les militants organisent leur «survie» et assurent lesrelais sur les barricades, érigées plus tôt dans la semaine. «Nous sommes bloqués ici. Lecomble, c'est qu'on peut sortir mais il sera très difficile, voire impossible, de revenir», explique Marie (*). Et pour cause, les gendarmes mobiles, venus en nombre (500 CRS dépêchés sur place), ont installé des barrages àtous les carrefours menant au domaine. C'est seulement denuit, et à pied, qu'il est possible de se faufiler entre les mailles du filet. On pénètre dans la bâtisse endeux temps. La première pièce est comparable à un poste de commandement. Des cartes IGN du secteur sont accrochées aumur et des brouillons de tracts jonchent la table. C'est par unepetite porte que l'on entre dans la «pièce à vivre».
Pénurie de chaussettes!
Ils sont quatre-vingt dans la grange où s'entassent, pêle-mêle, pancartes, affiches et bois de chauffage. Sur la gauche, une pile de vêtements trône sur une table en bois. Chacun peut piocher dedans à loisir. Seulement, pas mal de pièces sont introuvables. «Pénurie de chaussettes», plaisante, amèrement, Marie. Impossible d'avoir les pieds au chaud. Alors, les opposants entourent leurs chaussures de film plastique. À l'intérieur, l'ambiance est particulière. Mi-complot, mi-festif. L'heure est au bilan de la manifestation, organisée en début de soirée devant la préfecture deNantes. «Ce n'était pas mal, ona été efficace. Maintenant, ilfaut être de plus en plus nombreux, chaque soir», gesticule François. Pieds nus, emmitouflé dans une polaire tachée et déchirée, il encourage les troupes, restées sur place. À côté des «dortoirs» (en réalité des matelas posés à même le sol), deux jeunes femmes plaisantent:«J'aimerais bien connaître le coût de leur opération. Réquisitionner des hôtels pendant unesemaine, y'a pas à dire, nosimpôtssontutiles!».
Des commissions gèrent le ravitaillement
«On va passer aux commissions maintenant».D'un seul tenant, les opposants se placent en cercle. Une femme, pieds nus elle aussi, prend la parole: «On va faire le point sur les médicaments. Qu'est ce qui manque?». «Des cachets pour les maux de ventre», lance-t-on sur la gauche. «Pour les maux de têtes, aussi!». «Il y a des génériques pas trop chers en pharmacie, je pourrai y passer demain», propose un jeune homme, assis sur une chaise. Chacun a un rôle bien précis pour assurer le ravitaillement en eau, vêtements secs et nourriture. «Qui apporte à manger aux barricades cesoir?». Un petit groupe de volontaires se forme rapidement. Tous partent pour LeSabot. Là-bas, les habitants n'ont pas encore été expulsés. Ilssont les prochains sur la liste. Aussi, les soutiens affluent. «Dès 4h30, on se réveille avec les odeurs de lacrymo. On sait qu'on ne va pas pouvoir résister indéfiniment mais on les emmerdera le plus longtemps possible», explique, laconiquement, Jean, rejoint par le doyen, surnommé affectueusement «papy». 23h30. La pluie redouble d'intensité sur le toit de la grange. Les lumières s'éteignent dans le dortoir improvisé. Certains vont veiller encore un peu autour du feu, en attendant l'aube et les premiers assauts des gendarmes mobiles.
*Tous les prénoms ont été changés.
- Anthony Fouchard