
L'atmosphère, dans le centre ville de Madrid, est électrique, mardi 25 septembre à la mi-journée. Quelque 80 collectifs de militants espagnols ont appelé, dès le mois d'août, à occuper ou encercler symboliquement le Parlement de Madrid le jour de la session plénière, pour protester contre la "séquestration de la souveraineté du peuple par la troïka [Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne] et les marchés financiers".
Le gouvernement a barricadé les abords des Cortes et multiplié les avertissements à l'encontre des manifestants, qui devraient se heurter à un dispositif policier massif : 1 500 policiers anti-émeutes ont été déployés.
L'initiative a été lancée via les réseaux sociaux. Sur Facebook, 50 000 personnes ont répondu à l'appel à manifester d'"Ocupa el congreso". Le gouvernement semble craindre une forte mobilisation et mène depuis plusieurs semaines une tentative de déminage en amont.
Samedi 15 septembre, des policiers ont ainsi arrêté quatre personnes qui s'apprêtaient à déplier une pancarte annonçant "la manifestation du 25-S" (25 septembre). Le lendemain, quarante personnes qui se réunissaient dans le parc du Retiro à Madrid pour préparer la manifestation ont dû se soumettre à un contrôle d'identité effectué par la police nationale. Le motif de l'interpellation : "réunion de plus de 20 personnes non communiquée". Huit d'entre elles devront comparaître devant le Haut tribunal pénal pour délit à l'encontre des hautes instances de la nation.
INCITATION À LA DÉLATION
Craignant sans doute des débordements, la police nationale a également lancé cinq jours avant la manifestation un dispositif permettant de dénoncer anonymement les auteurs d'actes de vandalisme. A l'adresse mail antivandalismo@polica.es, les citoyens espagnols peuvent ainsi envoyer photos, vidéos et informations sur les responsables d'actes de dégradations. Selon le site Internet du quotidien Publico, cette initiative incitant à la délation est directement liée à la manifestation de ce mardi.
Pas de quartier non plus pour le "25-S" du côté du Parti Populaire (PP, droite), au gouvernement. Maria Dolores de Cospedal, secrétaire générale du PP, n'a pas manqué de condamner l'appel à encercler le Parlement, allant jusqu'à le comparer à la tentative de putsch faite par des militaires en 1981 : "Selon moi, la dernière fois que le Parlement a été encerclé et pris, ce fut à l'occasion de la tentative de coup d'État", a-t-elle ainsi déclaré lundi lors d'une conférence de presse. La préfecture de Madrid a, quant à elle, rappelé que l'occupation du Parlement était passible de six à douze mois de prison ferme.
La "persécution" et la "criminalisation" dénoncées par de nombreux acteurs du 25-S s'inscrit dans un contexte politique difficile pour le gouvernement espagnol : le 11 septembre, 1,5 million de manifestants ont défilé dans Barcelone pour réclamer l'indépendance de la Catalogne, faisant planer sur Madrid la menace d'une sécession ; de plus, une partie de la société civile espagnole souhaite réviser la Constitution ou dissoudre le Parlement et appelle à la démission du premier ministre, Mariano Rajoy.