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10 août 2012 5 10 /08 /août /2012 21:53

Certains chiffres balayent tous les discours. Selon une étude de la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales) parue cet été, 35 % des bénéficiaires potentiels du “RSA socle” (l’ancien RMI) ne le demandent pas. Le taux grimpe à 68 % pour le “RSA activité” (le complément de salaire proposé aux travailleurs pauvres). Pour Martin Hirsch, ancien Haut commissaire aux solidarité actives et père du RSA, « ces chiffres clouent le bec à tous ceux qui pensent que la France est un pays d’assistés ». De tels pourcentages montrent cependant que le RSA a largement manqué sa cible.

 

Le figaro magazine, juin 2011 
Le figaro magazine, juin 2011

 

La faute au discours alors tenu par certains ministres, comme Laurent Wauquiez, qui avait parlé de l’assistanat comme du « cancer de la société » ? Martin Hirsch, qui a fait partie des gouvernements Fillon de 2007 à mars 2010, en est persuadé. Il estime que « la seule chose qu’on a pu entendre sur le RSA, c’est ce parasitage avec l’assistanat. À côté de ça, l’accent a seulement été mis sur le fait que cela remplaçait le RMI. Comme si le RSA n’était pas assumable ».

Martin Hirsch avoue qu’au lancement du RSA-activité, il tablait sur « un taux de non recours de 40 % au bout de 18 mois ». On en est loin. « Oui, mais il n’y a pas eu une campagne d’information en trois ans sur le RSA, depuis celle menée en juin 2009. Sur le service civique (Martin Hirsch préside l’agence du service civique –ndlr), il y en a une tous les trois mois. Un nouveau dispositif nécessite des informations régulières. »

Au-delà du discours politique, l’ancien Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté est persuadé que le gouvernement a opéré un arbitrage budgétaire. Selon l’étude de la CNAF, qui complète une enquête de la DARES, le taux de non-recours global au RSA représenterait en effet une économie de 5,2 milliards d’euros par an.

Pour y voir plus clair,  la CNAF a donc cherché à comprendre les raisons qui pouvaient conduire à ne pas demander son RSA. Plus de 3 000 personnes ont été interrogées.

Résultat : 11 % n’en ont jamais entendu parler. À l’inverse, 35 % des non-recourants ont déjà bénéficié du RSA par le passé, mais ne le demandaient plus au moment de l’enquête (souvent en raison de situations compliquées, de déménagements, de difficultés avec la Caf dans le calcul du droit, etc.)

Parmi ceux qui connaissent le RSA (ou plutôt pensent le connaître), 35 % sont certains, à tort, de ne pas y avoir droit.

Plus perturbant encore : parmi ceux qui savent qu’ils peuvent en bénéficier, 40 % disent se débrouiller financièrement. 28 % en font une question de principe : ils « n’ont pas envie de dépendre de l’aide sociale, de devoir quelque chose à l’État ».

 

 

Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Comme toutes les enquêtes quantitatives, les réponses proposées ont déjà été formulées. Et il est impossible d’être certain de la sincérité des réponses données. Peut-être est-il plus facile de déclarer qu’on n’a pas besoin de cet argent que d’avouer ne pas avoir été capable de remplir le questionnaire exigé.

Cependant, de tels taux interpellent. La volonté de ne pas être stigmatisé l’emporterait dans bien des cas sur la possibilité de toucher un complément de revenus.

« Essayez donc de joindre certaines CAF au téléphone »

 

 

Martin Hirsch y voit un échec : « Les gens pensent qu’on est plus dépendants de l’État quand on demande 150 euros de RSA que quand on touche 150 euros d’allocations logement. Alors que c’est une aide comme une autre.»

Dominique Méda, ancienne directrice de recherches au Centre d'études de l'emploi (CEE), avait anticipé ces difficultés depuis longtemps : « Les gens ne veulent pas être transformés en demandeurs d’aide sociale alors qu’ils se considèrent comme des salariés normaux. Pour eux, il est hors de question d’aller quémander quelque chose. »

Son analyse rejoint celle, ancienne aussi, d’Evelyne Serverin, directrice de recherche à l'IRERP-Université Paris X Nanterre : « Ma seule surprise à la vue de cette enquête, c’est qu’on déploie autant d’efforts pour démontrer de telles évidences. Dès qu’on calibre une allocation sur une mécanique de demande, on crée un fort taux de non recours. »

Selon la chercheuse, « le RSA est une chimère de laboratoire. Pour toucher la prime pour l’emploi, il suffit de cocher une croix. Avec le RSA, il faut remplir un dossier extrêmement compliqué. Il y a les architectes qui construisent des bâtiments improbables et à qui on a envie de dire: “Habitez dedans pour voir !”. C’est pareil avec les fondateurs du RSA».

Antoine Math, chercheur à l’INED, explique : « Plus les prestations sont complexes et changeantes, plus le non-recours est élevé. Or le RSA-activité nécessite de réactualiser son dossier tous les trois mois. » Sans avoir fait Math-sup, difficile de calculer sa future allocation. Ni même de savoir si on y a bien droit.

« Certains renoncent aussi parce qu’ils savent qu’ils vont devoir y passer plusieurs demi-journées pour toucher au final quelques dizaines d’euros, explique Yannick L’Horty, directeur de la fédération de recherche du CNRS « Travail, emploi et politiques publiques » et membre du comité d’évaluation du RSA, aujourd’hui désintégré. Pendant ce temps-là, ils ne peuvent pas travailler ou rechercher un emploi ».

Des démarches chronophages donc, mais aussi complexes: «Dans les élites, on sous estime l’obstacle du langage écrit et administratif. Un cadre sup’ règle son problème en trois clics. Mais tout le monde n’a pas accès au numérique, et tout le monde n’a pas la même aisance. 9% de la population française est illettrée.» Dont 15% des chômeurs, selon une étude de 2005.

Or, selon le chercheur de l’INED, «les efforts de rationalisation par la RGPP (révision générale des politiques publiques) font que les travailleurs sociaux comme les personnes au guichet ont moins de temps pour aider les allocataires. Essayez donc de joindre certaines CAF au téléphone: commencez le matin, vous me direz le soir si vous avez eu quelqu’un en ligne!»

De plus, selon Antoine Math, l’administration ne serait pas toujours bienveillante. «Les agents des CAF ne sont pas vaccinés face au discours ambiant: on voit sur le terrain des cas de défiance vis à vis des «assistés». Des agents contestent des pièces, des revenus. Parfois, cela peut se traduire par une simple absence d’aide.»

Certains non recourant n’ont par ailleurs aucune envie de répondre aux questions formulées: «Personne ne peut vivre avec 470 euros par mois, témoigne Nicole Maestracci, ancienne présidente de la FNARS et ancienne membre du comité d’évaluation du RSA. On fait donc face à une population qui bricole, parfois de façon un peu limite en travaillant au noir. Ces personnes craignent une intrusion, des vérifications. De façon générale, plus les gens sont pauvres, plus ils sont méfiants vis à vis de l’Etat.

Martin Hirsch dit s’interroger: «Je ne sais pas si on peut faire un système simple et en même temps sécurisé, où on serait certain que personne ne touche le RSA indûment.»

Il n’empêche: la volonté, louable au  départ, d’individualiser les aides et de coller au plus près des situations, ne s’est pas montrée aussi efficace que prévu pour réduire la pauvreté. Alors qu’on s’attendait à une montée en puissance du dispositif, le nombre de bénéficiaires du RSA est stable depuis mi-2010, «ce qui n’exclut pas un fort turn-over des bénéficiaires», précise la CNAF.

 

EDF s'est résolu à agir

Martin Hirsch tempère : « Moi, le chiffre qui me frappe le plus dans cette étude, c’est le non-recours au RSA-socle, 20 ans après la mise en œuvre du RMI. C’est une allocation devenue familière, simple d’accès et on a encore un tiers de non-recours. Cela relativise le non-recours au RSA-activité. »

Ce taux d’un tiers se révèle à peu près similaire à celui observé au début des années 2000 pour le RMI. Mais le phénomène du non-recours, peu étudié, est en fait bien plus large.

«Aucun chiffrage global n’existe en France », regrette Philippe Warin, chercheur en analyse des politiques publiques et responsable scientifique d’Odenore (Observatoire des non-recours aux droits et services).

Pourtant, le montant des fraudes sociales aux prestations versées, qui a tant fait parler pendant la campagne présidentielle, ne représente chaque année, selon la Cour des comptes “que” 2 à 3 milliards d’euros (fraudes et erreurs mélangées). Soit beaucoup moins que les 5,2 milliards de RSA non versés.

En Grande Bretagne, le National Audit Office (équivalent de notre Cour des comptes) établit annuellement le montant du non-recours, qui se révèle plus de cinq fois supérieur à celui de la fraude : 16 milliards de livres contre 3 milliards.

Une étude de l’OCDE datant de 2004 montre que des proportions de non-recours à peu près comparables sont observées dans tous les grands pays européens. « La Belgique et les Pays-Bas ont commencé à mettre en place plus de procédures de versements automatisées pour réduire l’ampleur du problème », explique Philippe Warin.

En France, si les allocations logements et les prestations familiales sont très largement touchées, le (très) mauvais exemple est donné par l’ACS (Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé). Cette aide est censée financer une partie de la mutuelle des foyers qui gagnent un peu trop pour bénéficier de la CMU (couverture maladie universelle). Mais le système est une telle usine à gaz que le non-recours concerne 78 % des bénéficiaires potentiels.

Face à de telles lacunes, il est pourtant possible d’agir. Fortement incité à le faire, EDF s’y est résolu. Résultat : alors qu’en mars 2012, seuls 650 000 usagers profitaient des tarifs de première nécessité sur 2 millions de bénéficiaires potentiels, la nouvelle procédure automatisée à fait grimper le chiffre à 950 000 aujourd’hui, selon EDF, « et sûrement 1,1 million d’ici la fin de l’année ».

Le changement a été rendu possible par la transmission de fichiers renseignant sur les ressources des usagers. « Si des transmissions de données étaient rendues possibles pour le RSA, comme nous l’avions envisagé au départ, il suffirait d’envoyer un courrier aux bénéficiaires potentiels, qui n’auraient qu’à confirmer l’exactitude des données », plaide Martin Hirsch, qui souhaite que le gouvernement Ayrault sorte le RSA de « l’inertie » dans laquelle il est tombé.

 

 

Mais en France, le non-recours n’a pour l’instant guère mobilisé les acteurs publics. « Vu les sommes en jeu, cela fait peur à l’État, explique Nicole Maestracci. Mais il faudrait aussi calculer ce que coûte à moyen terme à la société, notamment par les dépenses de santé publique, le fait laisser des personnes au bord du chemin. À coup sûr beaucoup plus. »


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