Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 20:20

 

 

Lire aussi

Les 3 000 salariés du Printemps sont inquiets. Pour la cinquième fois en vingt ans, le groupe est appelé à changer de main. Fin février, la société Borletti, actionnaire à hauteur de 30 % des grands magasins, a annoncé, comme l’avait dévoilé Mediapart, des négociations exclusives pour racheter les 70 % détenus par le fonds d'investissement RREEF, avec l'appui d' un groupement d’investisseurs du Qatar, derrière lequel il n’y a qu’un seul nom : French properties, émanation du fonds personnel de l’émir du Qatar, Hamad ben Khalifa Al-Thani. Le groupe Borletti, très embarrassé par nos révélations, assure que le montage dévoilé n'est plus d'actualité. Des documents internes attestent pourtant que celui-ci était toujours en discussion début février. 

Cette nouvelle suscite beaucoup de crainte chez les salariés. Quel sort va-t-il leur être réservé ? Auront-ils seulement un avenir dans le groupe avec le futur repreneur ? Sans attendre, certains se sont déclarés ouvertement hostiles à ce projet de rachat actuel. « Ce n’est qu’une opération financière qui menacera un peu plus le groupe », assure Bernard Demarcq, secrétaire des cadres UGICT-CGT et membre du conseil de supervision du Printemps. Celui-ci se déclare favorable à une reprise du groupe par les Galeries Lafayette, concurrent historique et candidat jusqu’alors éconduit à la reprise. « Bien sûr, il aura des doublons, mais un rapprochement avec les Galeries Lafayette peut permettre des reclassements. Leur stratégie est connue de longue date. Ils évoluent dans le même monde que nous. Et ils ont réussi. »

D’autres sont plus circonspects. Georges Das Neves, délégué syndical central de l'Unsa-Printemps, a le sentiment de devoir choisir « entre la peste et le choléra ». En tout cas, il se refuse à donner un soutien sans conditions aux Galeries Lafayette. La CGC, elle, soutient le projet de rachat envisagé par Borletti Group.

 

 
© dr

Les salariés se sentent d’autant plus menacés qu’ils savent la fragilité de leur groupe. L’avenir du Printemps est gravement obéré par le passé. Au cours de ces cinq dernières années, les grands magasins ont fait l’objet d’un pillage systématique, organisé par une association de repreneurs financiers. Pas un actif intéressant, pas une ligne du bilan n’a échappé à leur cupidité. Toutes les richesses accumulées au fil des années ont été liquidées. Un exemple parfait de prédation financière.

Le pillage était inscrit dès le rachat du Printemps en 2006 par la société Borletti et un fonds d’investissement RREEF, géré par la Deutsche Bank. À l’époque, les deux partenaires se portent acquéreurs pour 1,060 milliard d’euros. La société Borletti, basée au Luxembourg, n’a pas d’argent. En tout cas, pas l’argent nécessaire pour une telle opération. Le fonds RREEF pour sa part, qui regroupe de nombreux fonds de pension comme CalPers, la caisse de retraite des professeurs de New York ou de Chicago ou des fonctionnaires du Colorado, est à la recherche d’un placement à très haut rendement.  Ensemble, les deux actionnaires vont mettre une pincée de capital : moins de 30 millions d'euros. Ils préféreront apporter au groupe 200 millions de prêts actionnaires, assortis d'un intérêt de 6,375%. La formule a l'immense avantage de leur assurer des dividendes, sous forme de frais financiers, quelle que soit la santé des grands magasins.

 

Un gigantesque effet de levier

Tout le reste va être financé par endettement. Ainsi se met en place un gigantesque LBO (leverage buy out). L’effet de levier est presque du jamais vu. Il y a presque 100 % de dettes ! Sans la référence de la Deutsche Bank, à la fois créancière et gérante du fonds, ce montage n’aurait sans doute jamais pu voir le jour. Dans ce schéma, c’est le Printemps qui est sommé de se racheter, en dégageant les sommes suffisantes pour payer les frais financiers et la dette. Or les grands magasins sont un secteur à faible marge, autour de 5 % par an. Dans le cas du Printemps, c’est même moins, le groupe ayant été déficitaire pendant plusieurs années. Mais cela ne semble pas effrayer les actionnaires et les créanciers. De toute façon, l’expérience est censée être limitée dans le temps : en 2014, le montage doit être dénoué.

À peine racheté, le Printemps hérite donc d’une montagne de dettes. Dans le même temps, la direction opérationnelle veut repositionner la chaîne de grands magasins, pour sortir de la période de marasme qui a prévalu dans les dernières années de la gestion du groupe Pinault. Tout cela coûte de l’argent. Mais une fois de plus, les actionnaires sont aux abonnés absents. Le groupe doit s’endetter à hauteur de 240 millions d’euros pour financer son exploitation et sa modernisation.

Ce repositionnement permet au groupe de redevenir bénéficiaire à partir de 2011. En 2012, le groupe Printemps a enregistré un bénéfice de 45,5 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 762 millions, en hausse de 12 % sur un an.

Mais les frais financiers courent durant toute cette période. En cinq ans, le groupe a dû verser plus de 240 millions d’euros à ses créanciers. Faute de moyens suffisants, le groupe, sous la pression de ses actionnaires, commence à liquider son patrimoine. Dans le monde financier, tout ce capital « qui dort », de toute façon, est une faute : il convient en urgence de le monétiser.

 

 
© dr

Les propriétés de Marseille, Strasbourg, Rennes, Lille, Toulon, Rouen, etc., sont ainsi vendues en moins de deux ans. Ces cessions rapportent plus de 465 millions d’euros. Mais ces sommes ont à peine servi à désendetter le groupe. Entre 2009 et 2012, son endettement est passé de 868 à 764 millions d’euros. En revanche, il lui faut désormais faire face à une charge d’exploitation supplémentaire : les loyers. Selon nos informations, ceux-ci ne seraient pas loin de représenter 100 millions d’euros par an, soit la deuxième charge après les dépenses salariales. Mais autant ces dernières semblent insupportables, autant ces loyers ne posent aucun problème aux financiers. Il s’agit de la juste rémunération du capital.

 

Un groupe exsangue

Croulant sous les dettes, le groupe n’a plus de fonds propres en regard. Les capitaux propres ont été consommés par les pertes successives. Depuis quatre ans, ils sont négatifs, à hauteur de 40 millions d'euros en 2012. Les actionnaires actuels n’ont jamais jugé utile de recapitaliser le groupe. Les commissaires aux comptes du groupe ont avalisé le tout, sans sourciller.

Dans cette situation financière précaire, les dirigeants du Printemps ont été priés de trouver des économies. Pression sur les fournisseurs, allongement des délais de paiement, toutes les « bonnes pratiques » de la gestion actuelle ont été utilisées. L’emploi a naturellement été dans la ligne de mire. En moins de cinq ans, le groupe a supprimé plus de 900 emplois, « sans jamais faire le moindre plan social », s’étonne Bernard Demarcq.

Désormais, les salariés dépendant des marques installées dans les locaux des grands magasins sont plus nombreux que ceux du Printemps. Les syndicats redoutent que ce mouvement ne s’amplifie. Précarisée, entièrement à la merci des marques qui peuvent les renvoyer du jour au lendemain, cette main-d’œuvre, souvent intérimaire, est vue comme la nouvelle martingale pour externaliser toutes les dépenses sociales des grands magasins. Poussant l’expérience un peu plus loin, la direction du Printemps a, selon nos informations, signé des baux privés avec certaines grandes marques, comme Vuitton, pour leur concéder toute une partie de l’intérieur de leurs magasins, transformant un peu plus un groupe de commerce en un simple prestataire immobilier.

Les actionnaires qui s’apprêtent à revendre le Printemps ne peuvent que se féliciter de leur opération. Acheté pour un milliard d’euros, le groupe doit être revendu pour 1,6 milliard d’euros, soit 600 millions de plus-value. Le fonds géré par la Deutsche Bank est en train de négocier le rachat de ses 70 % pour 650 à 700 millions d'euros, soit au moins six fois sa mise de départ, le tout sans impôt, puisque tout est logé au Luxembourg. C’est le type d’opération que les financiers adorent, surtout en période de crise et de taux d’intérêt financiers proches de zéro.

Ils laissent derrière eux un groupe totalement exsangue, ne possédant plus que quelques magasins en propre, dont celui du boulevard Haussmann. Seul actif susceptible d’attirer d’autres investisseurs étrangers, il est totalement endetté et doit faire face, comme les autres, à un effondrement de la consommation. Tout repreneur devra faire face à cette équation.

Le fonds de l’émir du Qatar peut-il aider à redresser la situation, en recapitalisant massivement le groupe et en l’aidant à retrouver un avenir ? Difficile à imaginer. Jusqu’alors, celui-ci a surtout montré son goût pour l’immobilier de luxe. Et comme les autres, il prise beaucoup les effets de levier. La partie de Monopoly risque donc de se poursuivre. Les salariés n’étant qu’une contingence annexe dans ce monde éthéré de la finance.

 


Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22