Libération
Des entrepreneurs, notamment des dirigeants de start-up, protestent depuis plusieurs jours contre la modification de l’imposition des plus-values sur les cessions d'entreprises.
Le gouvernement va faire marche arrière sur la fiscalité des créateurs d’entreprise, après trois jours de fronde de jeunes entrepreneurs «pigeons» rejoints par le patronat contre les mesures fiscales. Matignon a confirmé jeudi que des amendements au projet de budget 2013 pourraient, «si nécessaire», être déposés au sujet de l’imposition des plus-values de cessions d’entreprises, décriée par les créateurs d’entreprises.
Nombre d’entrepreneurs, notamment des dirigeants de start-up, protestent depuis plusieurs jours contre la modification de l’imposition de ces plus-values, découlant de l’alignement de la taxation des revenus du capital sur ceux du travail. «Le Premier ministre a demandé à Pierre Moscovici de s’adresser et de recevoir les associations d’entrepreneurs le plus vite possible, afin que toutes les dispositions soient prises pour que les entreprises qui innovent ne soient pas pénalisées», a indiqué Matignon à l’AFP.
«Si nécessaires, des amendements seront présentés», a-t-on ajouté de même source. «Puisque nous voulons accroître la compétitivité, nous n’allons pas pénaliser ceux qui prennent des risques», a assuré Matignon. Selon les services du Premier ministre, «le gouvernement soutient les PME et la Banque publique d’investissement a pour mission de les aider à se développer».
«Le Premier ministre veille personnellement à ce que toutes les mesures qui peuvent favoriser l’esprit d’entreprises soient prises», a-t-on conclu à Matignon. Le ministre de l'Economie avait déjà, peu avant, annoncé de possibles ajustements.
«S’il y a des mesures qui choquent ou sont de nature à dissuader l’investissement de ces jeunes entreprises innovantes, il faudra y revenir», a déclaré jeudi Pierre Moscovici, alors que des représentants des jeunes entrepreneurs doivent être reçus par les ministres de Bercy à 16 heures.
Il estime possible des «amendements» au projet de budget 2013, d’une rigueur historique, qui prévoit d’aligner l’imposition des revenus du capital sur le barème de l’impôt sur le revenu. Le projet a déclenché l’ire des jeunes entrepreneurs qui redoutent de devoir verser 60% de leur plus-value à l’Etat lorsqu’ils revendront leur affaire.
Le gouvernement a dans un premier temps tenté de désamorcer leur colère en expliquant qu’il s’agissait d’un taux maximum n’affectant que les plus grosses plus values. Mais cela n’a pas suffi à apaiser le courroux des frondeurs, qui se sont baptisés «Pigeons» sur les réseaux sociaux pour protester contre la mesure.
Ils ont reçu le soutien des organisations patronales, dont la principale, le Medef. Sa présidente, Laurence Parisot, a même parlé de «racisme» anti-entrepreneurs, une sortie critiquée dans le camp syndical par François Chérèque (CFDT). «Les mots ont du sens, le racisme c’est autre chose, le racisme, c’est ceux qui rejettent l’autre pour des raisons de haine», a-t-il déclaré jeudi.
D’une manière générale, le projet de budget est mal perçu par les Français. Si le gouvernement entendait cibler avant tout les grandes entreprises et les plus riches, les 37 milliards d’effort budgétaire ne sont pas «équitables» pour 54% des Français, selon un sondage BVA jeudi.
«Quand des mesures sont mal calibrées, il faut (...) avoir un dialogue et éventuellement une correction», a reconnu Pierre Moscovici, sur France Inter.
Le gouvernement ne veut pas «étrangler» les start-up et «des solutions» sont à l'étude pour éviter que les mesures sur la taxation des cessions d’entreprises ne les pénalisent, avait indiqué mercredi soir l’Elysée. Les «pigeons» y avaient vu une «victoire», via un message sur Facebook. Ils ont décidé d’annuler leur appel à manifester dimanche devant l’Assemblée nationale.
De son côté, le ministre des Finances, Jérôme Cahuzac, s’est employé jeudi à rassurer rappelant qu’un «jeune qui monte une entreprise» ne serait pas mis à contribution. Selon lui, la question concerne les créateurs de start-up qui ne bénéficient pas de ce régime et estiment que des dispositifs préférentiels «les concernant mériteraient d'être étudiés et mis en œuvre». «On va les écouter et s’ils nous proposent des choses intelligentes, on s’efforcera de les mettre en œuvre», a-t-il promis sur Radio Classique.
Pour autant, Jérôme Cahuzac exclut de revenir sur «l’essentiel» : «le revenu du capital doit participer à l’effort comme le revenu du travail», promesse de campagne du président François Hollande.
Dans le détail, la ministre déléguée aux PME et à l’Innovation, Fleur Pellerin, a avancé de son côté deux «pistes». Le gouvernement pourrait «moduler un peu» le taux à partir duquel les détenteurs de titres qui réinvestissent leur plus-value dans une autre entreprises bénéficient d’un abattement.
Dans l'état actuel du projet de loi de finances, quiconque cède des parts d’une société dont il détient plus de 10% et qui réinvestit 80% de sa plus-value dans une nouvelle entreprise est exonéré, à condition d’avoir détenu plus de huit ans ce qu’il cède et de garder plus de cinq ans ce qu’il achète.
Bercy réfléchit en outre à «accélérer dans le temps» l’abattement encourageant la détention longue de titres, a dit Fleur Pellerin.
(AFP)