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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 14:10

 

 

Source : www.mediapart.fr

La Tunisie réveille l'espoir démocratique

|  Par Pierre Puchot

 

 

 

À l’heure où les voisins libyen et égyptien sombrent dans la violence et l’autoritarisme, l’adoption d'une nouvelle constitution marque une étape importante dans le cheminement du pays vers un idéal démocratique unique dans la région.

C’est un nouveau pas, décisif, sur le chemin de la construction démocratique tunisienne. Une étape qui, plus largement, prend valeur d'exemple et fait mentir tous ceux qui ne voyaient que régression, confusion et désespoir dans les révolutions arabes. Ce dimanche 26 janvier, les députés ont adopté une nouvelle Constitution, qui prendra la suite de celle votée le 1er juin 1959, suspendue en mars 2011 (lire ici notre analyse des principaux articles et le texte intégral traduit en français). Dimanche, le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa (indépendant), a formé une nouvelle équipe. À charge pour le gouvernement et l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) de mener le pays vers de nouvelles élections. Peu à peu, la Tunisie se met en ordre de marche.

Avec ses contradictions, mais aussi ses avancées et ses innovations, le texte constitutionnel constitue une étape cruciale d’un processus politique bloqué pendant près d’une année. Pour les Tunisiens, 2013 fut une année noire : deux assassinats politiques, le retour du terrorisme, l'absence de réforme de la justice qui donnait lieu à plusieurs condamnations d’artistes et d’intellectuels… Fin novembre, le pessimisme était de rigueur.

L’heureuse issue des débats parlementaires démontre aujourd’hui la capacité de la classe politique tunisienne à sortir des impasses pour bâtir un consensus qui dépasse les simples logiques partisanes. En cela, le vote de la Constitution est encore plus important que l'élection de l'Assemblée nationale constituante, le 23 octobre 2011, car il renforce la Tunisie dans son processus de sécularisation. Après de nombreux revirements de leur parti, tout au long de l’année 2013, plusieurs députés du parti musulman conservateur Ennahda, dont la vice-présidente de l’Assemblée, Mehrezia Labidi, ont ainsi voté aux côtés de l’opposition pour faire adopter une partie des articles les plus progressistes, comme celui instaurant l'objectif de parité au sein des instances élues. Inédit en Tunisie, ce processus « trans-partisan » est sans doute l’acquis le plus précieux, même si les échanges houleux qui ont eu lieu au sein de l’Assemblée n’ont pas manqué de souligner sa fragilité.

Largement dévoyé à l’époque de l’ancien dictateur Ben Ali, le terme « consensus » avait recouvré tout son sens déjà en décembre 2013, avec l’accélération d’un processus du dialogue national qui associait les principales forces politiques du pays autour d’une « feuille de route », élaborée en concertation avec le syndicat unique UGTT, mais aussi l’organisation patronale Utica. La Tunisie avait alors trouvé les ressources pour poursuivre son avancée en sortant du tête-à-tête stérile qui s’était installé entre Ennahda et la principale organisation d’opposition, Nida Tounes. Les présidents des deux partis s’étaient réunis à l’été 2013 à Paris pour décider ensemble de l’avenir politique de la Tunisie.

Fin 2013, la nomination du premier ministre Mehdi Jomaa fut une vraie victoire pour les Tunisiens, dans le sens où elle marquait clairement la volonté des acteurs politiques de tous bords de ne pas voir la révolution confisquée par un vulgaire marchandage entre les deux plus importantes formations politiques du pays.

Autre enseignement important de la séquence politique qui vient de s'achever : Ennahda a finalement joué le jeu de l’alternance, contrairement aux multiples supputations de l’opposition. Son bilan à la tête du pays demeure certes catastrophique : les gouvernements successifs menés par le parti de Rached Ghannouchi ne sont pas parvenus à améliorer la situation économique, ni à endiguer le retour de la violence, encore moins à amorcer une réforme des forces de sécurité et du système judiciaire. Mais en acceptant de passer la main sans pour autant « noyauter » l’Instance supérieure indépendante pour les élections, composée de neuf membres indépendants, la direction du parti Ennahda a montré qu'elle s’inscrivait dans une logique démocratique.

Tout imparfait qu’il soit, ce texte constitutionnel est le symbole de ce compromis politique désormais possible en Tunisie, au nom de l’intérêt général. Cette nouvelle étape du processus démocratique tunisien revêt pour le pays une portée considérable, dans un environnement régional marqué par une très forte polarisation politique, sociale et religieuse.  

En Égypte, le processus constituant s’est fait par le haut, sans que les citoyens égyptiens n’aient jamais eu l’espoir de pouvoir véritablement influer sur son contenu, que ce soit en 2011 avec l'armée, fin 2012 avec le président issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi, ou même cette année. Adopté par référendum les 14 et 15 janvier, grâce, officiellement, à un taux de participation de 38 %, le texte avait été une nouvelle fois amendé en toute discrétion par l’armée, qui garde la main sur les secteurs clés du pays et de l’économie. Depuis l'été 2013, la répression sanglante des forces de l’ordre contre les Frères musulmans a encore accentué la polarisation de la société égyptienne, qui doit faire face à une résurgence du terrorisme au cœur même de la capitale.

Voisine directe de la Tunisie, la Libye demeure en proie à la violence des milices et fait face à une crise politique ininterrompue qui favorise les vues séparatistes des acteurs régionaux. Issu des Frères musulmans libyens, le Parti pour la justice et la construction a annoncé ce jeudi le retrait de ses ministres du gouvernement de Ali Zeidan. Un retrait motivé par ce qu’ils considèrent comme l’« échec cuisant » du gouvernement actuel dans les dossiers de la sécurité, des réformes administratives et de la gestion des ports pétroliers dans l’est du pays, bloqués par des manifestations depuis plusieurs mois.

Face à ce contexte chaotique de deux sociétés gangrénées par la répression et l’omnipotence de l’armée (Égypte) ainsi que la persistance des milices locales (Libye), la Tunisie constitue une source d’inspiration sans égale pour toute la région. Pas un modèle, certes, qui pourrait s’exporter tel quel dans d’autres contextes moins apaisés. Mais un phare, ou l'exemple d'un esquif, encore frêle bien sûr, mais qui garde le cap.

En 2014, la Tunisie a devant elle l'obligation de traiter les dossiers mis de côté depuis trois ans, avec la nécessaire mise au pas du terrorisme via une refonte des services de renseignement, la réforme de l’administration, de la magistrature et des forces sécuritaires. L’article 133 de la Constitution, qui pose que « les collectivités locales sont dirigées par des conseils élus » et que les « les conseils municipaux et régionaux sont élus au suffrage universel, direct, libre, secret, intègre et transparent », fait figure de révolution en Tunisie, où les régions de l'ouest, du centre et du sud ont toujours été marginalisées par le pouvoir central.

La mise en place de cette décentralisation ne répondra aux attentes des Tunisiens des régions à l’origine de la révolution que si elle s’accompagne d’un plan de relance et de rééquilibrage de la répartition des richesses nationales, quand en Tunisie les bassins miniers les plus riches (Gafsa) sont aussi les plus pauvres en infrastructures. Après l’adoption de la Constitution, le nouveau défi tunisien est de démontrer que la future campagne électorale peut déboucher sur la réalisation des objectifs économiques et sociaux de la révolution, totalement ignorés jusqu’ici par les forces politiques.

Plus que jamais, il faut accompagner la Tunisie. La France et l'Europe, trop souvent spectatrices ou réticentes, doivent se mobiliser au service de cet espoir démocratique qui se concrétise enfin dans le monde arabe.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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