On citait en exemple les Etats-Unis comme le pays en pointe dans la lutte contre la spéculation sur les matières premières grâce à leur loi Dodd-Frank votée en 2010. Le régulateur américain, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), avait prévu d’imposer, le 12 octobre, des limites de position sur 28 produits comme le maïs, le soja, le coton, le fuel, le cacao ou le platine, afin d’empêcher que l’excès d’achats ou de ventes – autrement dit, la spéculation – ne provoque une volatilité des cours.
Saisi par deux lobbys d’acteurs (Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Barclays) sur le marché de dérivés, Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA) et International Swaps and Derivatives Association (ISDA), un juge fédéral de Washington, Robert Wilkins, a estimé le 28 septembre qu’en installant des limites de position, la CFTC n’avait pas apporté la preuve que celles-ci correspondaient au vœu du législateur. La CFTC étudie le moyen d’appliquer malgré tout un système limitant la spéculation.
Cette victoire des négociants et des banques confirment que le monde de la finance s’évertue à faire sauter par tous les moyens les contraintes de la loi Dodd-Frank. En ce qui concerne les matières premières, il est évident que la réduction de la volatilité profiterait aux agriculteurs, aux industriels et aux consommateurs, mais qu’elle rognerait les gains des 85 négociants dans le domaine énergétique, des 12 négociants en métaux et des 84 négociants de produits agricoles qui font l’essentiel de leurs gains grâce aux mouvements de yoyo des cours.
A noter que les républicains sont hostiles à la régulation et les démocrates favorables, ce qui politise le débat à outrance. De ce point de vue, l’Europe est plus unie et Michel Barnier, commissaire européen au commerce intérieur, qui prépare une réglementation comparable, aura moins de mal à la faire appliquer…lorsqu’elle sera publiée.
Alain Faujas