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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 16:56

 

Source : www.mediapart.fr

 

Un dialogue difficile entre indignés d'Espagne et activistes d'Ukraine

|  Par Ludovic Lamant

La crise ukrainienne a provoqué malaise et hésitations, lors d'un colloque organisé, samedi 1er mars, à Madrid, sur les mouvements sociaux dans l'Union. Une preuve de plus des difficultés entre Européens et Ukrainiens.

 

 De notre envoyé spécial à Madrid

La greffe n'a pas encore pris. Vasyl Cherepanyn, un activiste ukrainien de 33 ans, a lu, samedi soir devant l'auditoire du musée Reina Sofia à Madrid, un appel qu'il a rédigé dans la précipitation, après l'annonce des manœuvres de l'armée russe, appelant à des manifestations pacifiques dans toute l'Europe. Mais cela n'a pas suffi: le colloque, prévu de longue date, sur « le nouvel enlèvement d'Europe », n'a presque pas dévié de ses rails.

Trois jours durant, il a été question de l'actualité des mouvements sociaux aux quatre coins de l'Union (contre les expulsions immobilières, en soutien aux précaires et aux migrants, etc.), des manières de construire un contre-pouvoir face à l'Europe des « Troïkas », ou encore des stratégies pour faire surgir d'autres « narrations » et imaginaires européens. Autant de débats passionnants, en compagnie de quelques stars de l'activisme, comme le philosophe italien Antonio Negri, qui ont pris un sens tout particulier, puisqu'ils se tenaient à Madrid, à bientôt trois ans de l'apparition des « indignés ».

Mais la crise ukrainienne, elle, a souvent provoqué malaise et hésitations, reléguée aux marges des discussions. Comme si l'Europe des mouvements sociaux qui s'est donné rendez-vous à Madrid peinait, elle aussi, à prendre acte de l'ampleur de ce qui se joue, pour l'avenir de l'Europe, à Kiev et ailleurs en Ukraine. Beaucoup d'intervenants dissimulaient à peine leur inconfort, réticents à « prendre position », reconnaissant leur « ignorance », prudents face aux risques de « désinformation » de tous les côtés.

 

«L'enlèvement d'Europe», entourage de Rembrandt, 1632 (Paul Getty Museum, Los Angeles).«L'enlèvement d'Europe», entourage de Rembrandt, 1632 (Paul Getty Museum, Los Angeles).

 
Depuis son arrivée à Madrid jeudi, Vasyl Cherepanyn explique à Mediapart qu'il passe son temps à déconstruire les « préjugés » de ses amis et activistes européens, sur la mobilisation qui a provoqué le départ de Viktor Ianoukovitch du pouvoir. « Ici, des gens m'ont dit : mais pourquoi vous battez-vous pour rentrer dans l'UE ? L'UE ne vaut pas le coup, etc. Mais ce n'est pas la question ! Ceux qui disent cela n'ont rien compris, et je les invite à venir voir en Ukraine de quoi l'on parle. Il n'y a que les eurocrates bruxellois pour penser que l'on se bat pour intégrer cette Europe-là. Nous nous battons pour des libertés fondamentales, pour cette Europe des droits fondamentaux. C'est une histoire du demos – le peuple –, contre les oligarques. »

Cherepanyn, par ailleurs enseignant à l'université de Kiev-Mohyla, poursuit : « Nous avions un parlement qui n'était pas un vrai parlement. Nous avions une justice qui n'était pas une vraie justice. Tout n'était que simulacre et artifice. Nous nous sommes servis de l'idée européenne, pour réclamer la démocratie. C'est une certaine idée de l'Europe que l'on défend, qui va bien au-delà de ce que portent certaines institutions européennes… »

Originaire d'Ukraine occidentale, Cherepanyn dirige également un centre culturel, qu'il décrit comme « une plateforme réunissant, depuis 2008, des artistes, des universitaires et des activistes », et qui s'est fortement impliqué, comme beaucoup d'autres structures, dans l'« EuroMaidan » depuis novembre. Il reconnaît se sentir souvent en décalage avec les débats qui se sont tenus à Madrid, sur les techniques de résistance à l'austérité, ou le rôle de la culture face à la crise : « Les activistes ici ne parlent que de néolibéralisme et de capitalisme financier. Mais l'ennemi peut être différent : je voudrais que l'on parle aussi de néo-féodalisme ou de capitalisme sauvage… »

Surtout, Cherepanyn insiste pour « démonter la propagande du Kremlin, et les dégâts qu'elle fait pour comprendre ce qui se joue en Ukraine ». Sur l'importance – relative à ses yeux – des milices d'extrême droite à Maidan. Ou encore sur la division entre « deux Ukraines, l'une pro-européenne et l'autre pro-russe » : « Cela n'existe pas, ou plutôt c'est beaucoup plus compliqué. Si Viktor Iouchtchenko n'a pas réussi, en son temps (le leader pro-européen de la "révolution orange" de 2004, sèchement battu lors de l'élection présidentielle de 2010, ndlr), c'est parce qu'il a trahi les attentes sociales des citoyens. Le problème de l'Ukraine, ce n'est pas l'UE, ce n'est pas la Russie. Ce sont des citoyens qui se battent contre des oligarques. Quoi qu'en dise la propagande russe, qui a tout intérêt à une escalade dans la région, en imposant son agenda. »

Alors que Moscou intervient militairement en Ukraine, cet activiste de Maidan espère tout de même un sursaut des Européens. « Les gouvernements nous ont exprimé pendant des mois leur "profonde inquiétude"… Cela ne leur coûte rien, et ils doivent maintenant passer à l'action. Et il faut que les citoyens européens eux-mêmes fassent pression sur leur gouvernement », se met-il à espérer, pariant sur des mobilisations sur l'Ukraine dans l'UE.

Durant le colloque madrilène, organisé par le Reina Sofia et la Fundacion de los comunes, Sandro Mezzadra, professeur à l'université de Bologne, est l'un des rares intervenants à s'être risqué à parler de l'Ukraine. « Je suis conscient des enjeux de la crise ukrainienne, mais je me sens en même temps incapable de m'engager sur cette question », reconnaît-il d'emblée à Mediapart. « Et la possibilité d'une intervention armée complique encore plus les choses, et tend à paralyser l'observateur… »

Pour autant, le théoricien italien, très investi sur la question des migrations, plaide pour « penser l'Europe depuis ses frontières », d'imaginer l'Europe comme un « territoire non abouti, non terminé » – une condition nécessaire, à ses yeux, si l'on veut se donner les moyens de construire un contre-pouvoir à l'UE telle qu'elle existe aujourd'hui. Et, à ce jeu-là, c'est une géographie nouvelle du continent qu'il signale. Avec, ces jours-ci, trois points névralgiques, sur le front des luttes : l'Ukraine, mais aussi la Bosnie et Ceuta et Melilla.

En Bosnie, les « émeutes de la misère » parties de la ville de Tuzla n'ont cessé de grossir en février, faisant dire à certains qu'il se préparait un « printemps des Balkans ». Quant à l'enclave espagnole de Melilla, elle vient de connaître l'une des arrivées les plus massives de migrants d'Afrique subsaharienne : plus de 200 d'entre eux ont réussi, le 28 février, à franchir le triple grillage qui sépare l'Espagne du Maroc, et rejoindre ainsi « l'Europe » – un événement, qui a fait la « une » des journaux en Espagne.

Selon Mezzadra, il faudrait donc penser l'ébullition ukrainienne, et tout ce qu'elle charrie d'incertain et de complexe, en même temps que les événements en Bosnie et à Ceuta et Melilla, pour « rouvrir le projet européen ». À l'encontre de l'UE de 2014, barricadée, figée dans ses certitudes économiques, en panne d'imaginaire politique. C'est en arpentant ce chemin de crête Kiev-Tuzla-Ceuta, que l'on pourrait se mettre à rêver d'une autre Europe.

Cette excitante lecture de la crise ukrainienne n'est pas pour déplaire à Vasyl Cherepanyn, qui rappelle au passage les origines turque et arabe du mot de « Maidan » (« la place »). « En tant qu'activiste à Kiev, j'essaie d'inscrire le mouvement de Maidan dans un contexte international de mouvements sociaux. Notre répertoire emprunte tout à la fois aux révolutions arabes – le rejet du pouvoir en place –, aux indignés espagnols – la lutte contre la corruption – ou encore au mouvement Occupy aux États-Unis – sur la manière dont nous avons occupé la place. Les modèles circulent », veut-il croire. Il y aurait donc, sur ce point, moins d'incompréhension qu'il n'y paraît : l'avenir de l'Europe se joue dans sa perméabilité au dehors.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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