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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 22:21
Sophie Verney-Caillat | Journaliste Rue89
30/07/2012 à 19h33

A Todmorden, petite ville du nord de l’Angleterre, des citoyens résistent à la crise en faisant pousser fruits et légumes en libre-service.

 

 

(De Todmorden, en Grande-Bretagne) Par un pluvieux matin d’avril, François Rouilllay, activiste alsacien, nous alerte sur un « phénomène de société sans précédent : l’autosuffisance alimentaire des territoires, ça marche ! »

Cet enthousiaste à la barbe blanche venait de semer les germes de ce qu’on pourrait appeler la révolution « peas & love » et, à coup de Google Maps et de groupes Facebook, nous annonçait la naissance d’une communauté sans frontière, celle des « Incredible Edible », qu’il a traduit en français par « Incroyables comestibles ».

A Todmorden, dans le nord de la Grande-Bretagne, nous dit-il, vidéo à l’appui, la révolution industrielle a laissé place à la révolution écologique. Dans ces vertes collines frappées par la crise des subprimes, un groupe de citoyens aurait planté fruits et légumes partout dans la ville et les 14 000 habitants n’auraient ainsi plus qu’à se baisser pour se nourrir.

 

 

Vidéo des « Incredible Edible »

Intriguée, je suis allée voir sur place si les Anglais avaient bien inventé le potager citoyen.

Estelle me donne rendez-vous au Bear Cafe, un salon de thé branché situé à l’étage d’une épicerie bio. C’est d’ici qu’il y a quatre ans, tout est parti. Cette retraitée spécialiste des « teddy bears » (nounours) en bois se souvient :

« Pam est revenue très angoissée d’une conférence de Tim Lang, enseignant en durabilité, au sujet des villes en transition. Elle s’est dit que face au pic pétrolier, on ne pouvait tout attendre du gouvernement, qu’il fallait être intelligent.

Avec Mary, elles ont pensé à une action concrète, se sont dit : “La nourriture, c’est la chose que tout le monde partage.” Puis, elles ont passé une annonce dans le journal local et, à leur grande surprise, une soixantaine de personnes sont venues. A la sortie, tout le monde voulait commencer à cultiver tout de suite. A 21 heures, en plein mois de février ! »

Pas de vol possible, c’est à tout le monde

Les copines ont d’abord planté des blettes en bordure de trottoir, le long du canal. Sans demander d’autorisation. Estelle en rit encore :

« Imaginez la police arrêter une dame de 68 ans pour avoir planté... D’ailleurs, depuis, le prince Charles [et le premier ministre David Cameron, ndlr] nous a rendu visite. Il était très fier de nous. »

L’heure de la récolte venue, quel risque y a-t-il que tout soit pillé ? Aucun, assure Estelle :

« Il n’a pas été utile de mettre un panneau “Merci de ne prendre que ce dont vous avez besoin”, car on n’a jamais vu quelqu’un prendre plus que ce dont il avait besoin. Ça appartient à tout le monde, donc il ne peut pas y avoir de vol. »

Aujourd’hui, les panneaux « Servez-vous » ont disparu des quelque 70 bacs qui parsèment la ville.

Expliquer que ça ne fait pas de mal


Nick dans sa serre à Todmorden, en juin 2012 (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

 

Dans les serres qu’il a installées à l’orée de la ville, je rencontre Nick, un autre fondateur des Incredible Edible. Ce rouquin en salopette me prévient tout de suite que, lui, il a « le sens du business » (touche-à-tout, il a notamment investi dans l’immobilier).

Avec sa compagne Helena, ils parcourent chaque été l’Europe dans leur camping-car. En France, il avait été frappé par une différence culturelle majeure :

« Chez vous, il y a une fierté à avoir des potagers. Ici, en Angleterre, c’est la honte, ça veut dire que vous êtes pauvres. D’ailleurs le mot “potager” n’existe même pas. »

Helena est fan d’herbes aromatiques, et a l’esprit du « guerilla gardening » (même si elle préfère le terme d’« accidental gardening »), et elle sème surtout des graines de citronnelle, sauge et fenouil.

Nick et elle ont planté des arbres fruitiers dans les jardins publics, puis les passants ont commencé à leur poser des questions. C’est comme ça que Nick s’est fait prêter des bouts de terre où il a pu s’essayer à la permaculture.

Ces anciens hippies assument volontiers leur côté « naughty » (vilain) :

« Quand on fait pousser des légumes gratuitement, il faut expliquer à ceux qui vont les manger que ça ne leur fera pas de mal. C’est une déclaration unilatérale de générosité. »

« La rhubarbe a un trop grand succès »

Essaimage

Une trentaine de ville ont vraiment imité Todmorden et reproduit le réseau des Incredible Edible. Tous les outils développés par les pionniers sont mis en accès libre sur leur site.

De Fréland (Alsace) à Versailles, Nick et Helena font cet été la tournée des initiatives, jusqu’en Roumanie.

En ce samedi de juin, Estelle et Helena passent devant l’hôpital, l’école, le poste de police... où pousse leur production. Elles hument le fenouil, goûtent les fraises et vérifient que les rhubarbes n’ont pas été récoltées trop tôt :

« Face au trop grand succès, on a mis du fumier pour dissuader les amateurs.

S’il y a trop de fraises mûres à la fois, on fait des confitures. »

Ni traitement chimique, ni même insecticide, tout pousse naturellement. « La nourriture est à partager... avec les insectes aussi ! », m’expliquent ces amatrices d’abeilles.

Après avoir « mangé la rue », Helena va acheter sa viande au marché, où les bouchers affichent leur fierté de produire local, et Estelle fait un petit tour au supermarché discount :

« Ils ont la meilleure huile d’olive et jusqu’à présent, les oliviers ne poussent pas encore à Todmorden. »


Estelle goûte du fenouil à Todmorden, en juin 2012 (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

 

« Les gens ont oublié que la nourriture sort du sol »

L’autosuffisance alimentaire dont nous parlait François l’Alsacien et que les Incredible Edible s’étaient juré d’atteindre en 2018 est une utopie lointaine. Nick commence à vendre les légumes issus des deux hectares qu’il cultive avec des jeunes en réinsertion, à la périphérie de la ville. Il en a tiré 800 livres (1 025 euros) l’an dernier et espère qu’une poignée de personnes arriveront à en vivre :

« On a besoin de faire de la publicité, il faut du temps pour faire changer les mentalités. »

Pour l’heure, ce sont surtout les enseignants qui tirent profit de l’expérience : les enfants des sept écoles de la ville ont des cours d’agriculture et le lycée va créer sa propre pêcherie. Demain, la cantine scolaire cuisinera essentiellement la production locale.

Ici, les agriculteurs sont tous des éleveurs. Moutons, vaches... ils n’ont jamais imaginé faire pousser des légumes. Le climat est supposé trop froid et trop humide. Alors, assure Nick :

« Si on arrive à produire une nourriture saine, de qualité et avec zéro empreinte carbone, que quelques personnes en vivent, c’est énorme. En Angleterre, plein de gens ont oublié que la nourriture sort du sol. »

« Plus facile de tout acheter au supermarché »

En attendant, la petite cité grise regorge de « pubs gastro ». Les « foodies », ces fans de bonne chère, que Jamie Oliver a remis au goût du jour, s’échangent leurs recettes et les potagers privés se multiplient.

Avec la crise, l’autosuffisance alimentaire est en train de devenir une quête par nécessité. L’épisode du nuage de cendres provoqué par le volcan islandais en avril 2010 a changé la donne, se souvient Estelle :

« Les gens ont soudain réalisé qu’ils étaient dépendants des importations, il n’y avait plus rien de frais dans les rayons du supermarché. Là, ils ont commencé à nous prendre au sérieux. »

La ville a donné un peu de terre, du compost, et une subvention pour la construction des carrés en bois.

Jayne Booth, conseillère régionale, assure que la criminalité a nettement baissé depuis les débuts des Incredible Edible, et veut y voir un rapport. « Il y a un très bon sens de la communauté dans cette petite ville », jure-t-elle.

Mais Hazal, serveuse dans un pub, n’est pas convaincue :

« Je mange des plats tout prêts car je n’ai pas le temps de cuisiner, et puis je ne sais jamais quand c’est mûr. De toute façon, c’est plus rapide et facile de tout acheter au supermarché. »

Elle voit des gens remplir des grands sacs de légumes, « et pas seulement avec ce dont ils ont besoin ». Elle regrette :

« On ne peut pas les punir puisque c’est gratuit. Il n’y a pas de connexion entre ceux qui donnent leur temps et ceux qui consomment le travail des autres. »

Entre Hazal et les partisans du potager citoyen, impossible de savoir qui a raison. La récolte est-elle fauchée par des pillards ou dégustée avec parcimonie ? Le secret est dans les estomacs.

 

MERCI RIVERAINS !


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