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19 décembre 2013 4 19 /12 /décembre /2013 20:20

 

 

Source : mediapart.fr

Europe: une union bancaire qui n'en a que le nom

|  Par Martine Orange

 

 

 

Ce devait être une des grandes avancées de l’Europe : les pays de la zone euro, tirant les leçons de la crise, allaient mettre en place des mécanismes communs de contrôle et de sauvetage de leur système bancaire. Au bout du compte, les ministres des finances ont trouvé un compromis bancal et compliqué, aux allures d’usine à gaz.

« Un moment historique pour l’union bancaire », « un moment très important pour l’histoire de l’Europe », « le meilleur compromis possible ». À l’issue d’un marathon interminable comme les dirigeants européens les affectionnent, les ministres des finances n’en finissaient pas, jeudi 19 décembre, de se féliciter : ils avaient abouti à temps avant le Conseil européen à boucler un texte sur l’union bancaire en Europe. Les chefs de gouvernement n’ont plus qu’à le signer.

À entendre certains commentateurs, ce texte est aussi important pour la construction européenne que la monnaie unique. Un grand pas vers le fédéralisme est en train d’être franchi, expliquent-ils. Ayant pour objectif de tirer les leçons de la crise, ce projet est censé instaurer des mécanismes uniques en cas de crise bancaire, afin de ne plus faire appel aux contribuables et en cherchant à préserver les économies des États membres.

Au moment où les opinions publiques se détournent de plus en plus de l’Europe, voire la rejettent complètement, il n’est pas sûr que ce nouveau texte les réconcilie avec l’Union européenne. Au terme d’interminables heures de discussion, pour débattre des modes de décision, des droits de vote, des moyens financiers, les ministres européens ont accouché au forceps d’un texte de compromis de 167 pages, compliqué et technique à l’extrême. Un grand cru bruxellois ! 

Le texte entend poser une architecture cohérente pour une union bancaire encore en devenir. Mais l’édifice est-il de taille à protéger l’Europe en cas de nouvelles catastrophes bancaires, et à briser la loi du too big to fail (trop gros pour faire faillite), qui permet aux banques d’exercer un chantage continu sur les États ? « Il est impossible de répondre à cette question. Ce n’est qu’à l’épreuve de la crise que l’on peut juger de la solidité d’un dispositif. Pour l’instant, ce que l’on peut dire est que l’union bancaire est un projet ambitieux plus facile à invoquer qu’à réaliser », dit Nicolas Véron, économiste chercheur à l’institut Bruguel et à l’institut Peterson. « C’est la seule question qui vaille mais il n’est pas possible d’y répondre. On est juste en train de prendre le début des mesures nécessaires, que beaucoup de monde appelait de ses vœux depuis le début de la crise. Mais le processus est loin d’être achevé », renchérit Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch. Tentative de décryptage.

  • Un contrôle unique pour les banques européennes

Pour tous les observateurs, c’est la grande avancée de ce projet d’union bancaire. Le principe avait été arrêté lors du conseil de juin 2012 et va entrer en œuvre à partir de 2014. À compter du 1er janvier, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui va avoir la responsabilité directe de contrôler les banques européennes et d’estimer leur bonne santé. Dans un premier temps, il a été prévu de placer sous son contrôle direct les 130 banques européennes transnationales et 130 autres grandes banques. Ce total de 260 établissements bancaires représente entre 85 et 90 % des actifs bancaires européens.

La Banque centrale européenne s’est dotée d’une équipe fournie qui continuera, malgré tout, à travailler avec les régulateurs nationaux. Danièle Nouy, jusqu’alors secrétaire générale de l’autorité de contrôle prudentiel en France, a été nommée présidente de cette nouvelle autorité le 16 décembre. « Cette supervision unique constitue une vraie avancée. C’est un système cohérent, professionnel, avec de bons objectifs, même si la tâche est immense », souligne Thierry Philipponnat.

Dès le début de l’année prochaine, les équipes de la BCE doivent commencer à examiner les bilans bancaires, estimer leur solidité, évaluer leurs besoins de recapitalisation. Dans une approche graduelle de l’union bancaire, l’Allemagne, soutenue par les pays de l’Europe du Nord, notamment les Pays-Bas et la Finlande, fait de cette étape un préalable à toute avancée ultérieure. Pour Berlin, chaque pays doit faire le ménage dans ses banques et assumer les erreurs du passé avant d’aller plus avant. Pour cela, il est impératif d’avoir un état des lieux précis de chaque banque.  

Les précédentes évaluations ont laissé un souvenir cuisant : la banque irlandaise Anglo-Irish bank avait notamment passé haut la main l’épreuve trois semaines avant de faire faillite ! Les tests de résistance sont censés être beaucoup plus rigoureux à l’avenir. Alors que de nombreux établissements bancaires en Italie, en Espagne mais peut-être aussi en France sont jugés très fragiles, la BCE pourrait exiger des recapitalisations importantes. On parle en dizaines de milliards d’euros.

Déjà, des gouvernements ont commencé des manœuvres d’approche pour demander aux responsables de la BCE d’être compréhensifs à l’égard de leurs banques, en assouplissant certains critères afin de ne pas les exposer encore plus. « On n’en parle pas beaucoup par rapport au mécanisme unique de résolution. Mais c’est sans doute l’étape la plus importante dans ce qui se met en place. Ce sera un véritable test pour l’union bancaire. On pourra alors jauger si les États ont vraiment renoncé au pouvoir sur leurs banques. Ce sera aussi un test d’indépendance pour la Banque centrale », insiste Nicolas Véron.

Ces tests de résistance, toutefois, ne peuvent tout résoudre. S’ils peuvent permettre d’apprécier la solidité des établissements un par un, ils ne prennent pas en compte l’extraordinaire interdépendance du système bancaire. Quand la banque américaine Lehman Brothers a fait faillite, elle avait un niveau de fonds propres correspondant à 11,5 % de son bilan. Mais la multiplicité de ses engagements et de ses contreparties ne permettait pas d’évaluer réellement ses risques. Une perte de confiance a suffi pour la mettre à terre en quelques jours. Les États ayant refusé les uns après les autres d’engager la séparation entre banques de détail et banques d’investissement, ce qui aurait au moins apporté une réponse partielle, le problème n’est pas près d’être résolu.

  • Un schéma unique en cas de faillite bancaire

La décision ne fait pas partie des dispositions discutées au Conseil européen sur l’union bancaire. Elle a été adoptée le 12 décembre dans le cadre d’une autre directive. Mais elle représente un élément essentiel du dispositif. À l’avenir, les États européens sont d’accord, semble-t-il, sur le processus à mettre en œuvre en cas de difficulté d’une banque, voire sur le fait d’organiser sa liquidation.

Le débat avait divisé les pays européens depuis le début de la crise : qui devait payer en cas de faillite bancaire ? Dans un premier temps, la solution choisie par le gouvernement irlandais, soutenue par la Commission européenne, avait été de se porter intégralement garant de ses trois principales banques en faillite et de faire porter leur sauvetage par les finances publiques. Par la suite, la Banque centrale européenne, dirigée alors par Jean-Claude Trichet, s’était opposée au projet du gouvernement de mettre à contribution les créanciers des banques en faillite, au nom de risques systémiques.

L’État irlandais a donc pris l’intégralité de la faillite de ses banques à sa charge. Un plan de sauvegarde européen de 78 milliards a dû être mis en place pour l’aider à faire face. L’Irlande vient juste de sortir de ce plan au bout de trois ans. Mais la politique d’austérité qui a accompagné ces aides est maintenue.  

Après de longues discussions, Angela Merkel, sensible à la pression de son opinion publique, est parvenue à imposer ses vues : ce sont les actionnaires et les créanciers ainsi que les déposants qui devraient payer, selon elle, pour les faillites bancaires et non les contribuables. L’Europe a instauré cette nouvelle règle dans la plus grande improvisation en mars dernier à la faveur de la crise chypriote. Dans un premier temps, il était prévu d’imposer tous les déposants. Après des réactions très vives un peu partout en Europe, les responsables européens, craignant de provoquer une panique bancaire, ont limité le recours aux déposants pour les dépôts supérieurs à 100 000 euros, niveau de garantie offert dans toute l’Europe. Depuis ce plan, Chypre a imposé un strict contrôle des capitaux, contraire normalement au principe d’une union monétaire, et n’est plus qu’un passager clandestin de la zone euro.

Le schéma imposé à Chypre devient la référence des pays de la zone euro, en cas de faillite bancaire. Les actionnaires et les créanciers seront les premiers appelés en cas de difficulté. Les déposants pourront être taxés, si leurs comptes dépassent 100 000 euros. Si les sommes ne suffisent pas, le gouvernement pourra apporter des aides publiques, « sous certaines conditions ». De même, des nationalisations temporaires pourront être autorisées sous le contrôle de la Commission européenne (voir le détail ici).

  •  Un mécanisme de résolution unifié ?

Ce premier pilier discuté dans le cadre de l’union bancaire prolonge le dispositif national. En cas de difficultés bancaires graves, c’est l’Union européenne qui sera saisie pour décider de la liquidation d’un établissement bancaire.

Le président de la BCE, Mario Draghi, avait mis en garde les dirigeants européens contre le risque d’un empilement administratif et politique qui risquait de ralentir tous les processus de décision. Il demandait notamment que le processus de décision soit court, afin de pouvoir fermer une banque en moins de 36 heures pendant un week-end si nécessaire, afin d’éviter une contamination de la crise dans le système bancaire.

Dans son projet, la Commission européenne, avec le soutien de l’Europe du Sud, se proposait d’être l’autorité de décision, après l’examen par un comité regroupant des représentants des banques centrales et des personnalités qualifiées.

L’Allemagne était fortement opposée à ce schéma. Pendant des heures, les ministres ont discuté de la façon de décider, de voter, le poids des pays. Pressés par les échéances, ils ont élaboré une usine à gaz. Les examens des dossiers et les recommandations seront étudiés par ce comité de résolution, qui proposera les moyens de sauvetage ou la mise en faillite. Les mesures qui ne soulèvent pas d’objection pourraient être prises, après examen de la Commission. Le tout sous le contrôle des ministres des finances eux-mêmes qui se sont institués comme l’autorité suprême du mécanisme. En cas de contestation ou s’il faut décider de la mise en faillite d’une banque, ce sont eux qui trancheront en dernier ressort.

Pour de nombreux observateurs, l’Europe n’a manifestement pas retenu les leçons de la crise de la zone euro, où les réunions sans fin se sont succédé pendant des semaines avant d’arrêter avec beaucoup de retard les moyens pour aider les pays en difficulté. Ces retards ont causé des préjudices énormes aux différents pays aidés. Mais les dégâts pourraient être dévastateurs, en cas de crise bancaire. « Il est légitime que les politiques arrêtent les règles et les mécanismes qui doivent s’imposer en cas de crise bancaire. Mais une fois que les principes et les dispositifs sont définis, les politiques ne doivent plus s’en mêler. Il faut instaurer un système efficace, cohérent, des circuits simples et précis pour les appliquer. Quand on est en train de gérer la crise et qu'on en est au stade de fermer une banque, il n’est plus temps de discuter. Il faut décider le plus rapidement possible », commente Thierry Philipponnat. Ce qui a été arrêté lui semble « un très mauvais développement ».

  • Un fonds de résolution commun mais national

Si tous les dirigeants européens sont officiellement d’accord pour créer l’union bancaire, les désaccords se sont affichés au moment de savoir comment en organiser le financement. Car il faut beaucoup d’argent pour organiser le sauvetage d’une banque ou même sa mise en faillite. Les différends n’ont pas manqué sur cette question lors de la réunion des ministres européens des finances.

Pour l’affichage, un fonds commun doit être créé pour le sauvetage des banques. Il doit être abondé par une taxe prélevée sur les banques, correspondant à 1 % des dépôts. La Commission européenne estime que cela représente environ 55 milliards d’euros. « Comment croire qu’un fonds de 55 milliards d’euros peut être suffisant pour répondre aux 32 000 milliards d’euros d’actifs des banques ? C’est nettement insuffisant », remarque Thierry Philipponnat. Au mieux, cela peut permettre le sauvetage d’une ou deux banques moyennes, guère plus. Pour mémoire, le volume des aides publiques au secteur bancaire et financier s’est élevé à 1 616 milliards d'euros, soit 13 % du PIB de l’union européenne, entre octobre 2008 et le 31 décembre 2011, de l’aveu même de la Commission.

De toute façon, ce fonds n’est que théorique : il ne sera en place qu’en 2025 ! D’ici là, les ministres des finances ont imaginé un mécanisme intermédiaire des plus compliqués. Officiellement, il y a bien un fonds commun européen pour le sauvetage des banques. Mais celui-ci sera constitué par la réunion de fonds nationaux. En clair, chaque pays sera comptable de ses propres banques, devra les secourir sur ses propres ressources. Les éventuels transferts d'un compartiment à l'autre ne seront rendus possibles qu'après la signature d'un nouveau traité intergouvernemental. « La peur de l’Allemagne de se faire imposer les pertes de l’Europe du Sud l’a emporté. Tous les mécanismes de sauvetage restent purement nationaux », constate Nicolas Veron.

  • Pas de prêteur en dernier ressort

Conscients du peu de crédit que pourrait avoir cette union bancaire, faute de moyens financiers suffisants, la Commission européenne, soutenue par la France, l’Italie et la Banque centrale européenne, militait pour créer une garantie de prêteur en dernier ressort. « En cas de crise, le Trésor américain peut offrir une ligne de crédit illimité pour garantir son système bancaire. Mais il n’y a pas de Trésor européen. Il faut donc trouver un mécanisme qui apporte une garantie », remarque Thierry Philipponnat.

La Commission et les pays de l’Europe du Sud proposaient que le mécanisme européen de stabilité (MES) mis en œuvre à la fin de la crise de la zone euro et doté officiellement de 500 milliards d’euros puisse jouer ce rôle et prêter directement aux banques. Là encore, l’Allemagne s’y est vigoureusement opposée, refusant d’engager sa garantie pour les banques des autres pays. Pour elle, la procédure instaurée par l’Espagne – Madrid avait emprunté avec sa garantie auprès du MES pour le reprêter par la suite à ses banques – doit se poursuivre.

Au-delà, cela doit passer par une réécriture des traités. « Les Allemands soulèvent des problèmes juridiques réels sur les transferts et le contrôle démocratique. Ils redoutent de se voir sanctionner par la cour constitutionnelle de Karlsrühe », dit Nicolas Veron.

Dans son discours d’investiture, Angela Merkel a plaidé pour l’instauration d’un nouveau traité proposant plus de transferts et d’intégration européenne. Mais dans sa vision, qu’elle avait développée dès la rentrée, cette intégration européenne passe par l’engagement contraignant de tous les pays à respecter les règles budgétaires, et à adopter des mesures de réformes structurelles sociales et économiques, dans la lignée (très chère à l’ortholibéralisme) de critères stricts comme le 3 % de déficit budgétaire, tout en renonçant à nombre de prérogatives nationales. Le tout serait placé sous la responsabilité de la Commission européenne. Les États ne respectant pas les règles pourraient être sanctionnés par la Cour européenne. Ce n’est qu’à ce prix, a-t-elle expliqué, que l’Allemagne pourra accepter des transferts, la mutualisation et la solidarité.

Lors de l’Eurogroup, Wolfgang Schaüble, reconduit comme ministre allemand des finances, a redéveloppé cette argumentation et s’est opposé à tout ce qui aurait pu représenter une forme de mutualisation. L’ennui est qu'aucun autre pays européen ne partage l’analyse allemande. Au nord comme au sud, pas un gouvernement ne veut s’engager dans des mesures contraignantes, des abandons de souveraineté, et encore moins une modification des traités qui pourrait conduire à tenir des référendums, au moment où leurs opinions publiques sont de plus en plus braquées contre l’Europe.

Le compromis bancal sur l’union monétaire est le fruit de tous ces désaccords. « C’était cela ou ce n’était rien », a confié un des représentants assistant à la réunion de l’Eurogroup. Soucieux de montrer quelque avancée, pressés aussi par le calendrier – les dirigeants européens veulent absolument faire adopter cet accord par le Parlement européen actuel, tant ils redoutent le résultat des élections européennes à venir et une opposition multiforme au nouveau parlement –, les responsables européens ont donc choisi ce qui leur semblait la moins mauvaise solution.

Mais il n’est pas sûr que leur calcul soit juste. Avant même de connaître l’accord adopté, des parlementaires européens se sont inquiétés de l’usine à gaz qui était en train de se mettre en place sous le nom de l’union bancaire. Plutôt qu’un dispositif flou et inefficace, ils s’interrogeaient s’il n’était pas plus efficace de garder des dispositifs de sauvetage bancaire nationaux qui au moins avaient fait leurs preuves et de tout repousser à plus tard.

 

 

 

Source : mediapart.fr

 

 

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