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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 21:53

 

Une enquête de Jean-François Poupelin (le Ravi) et Louise Fessard (Mediapart)

 

Un nouveau front s'ouvre quant aux affaires à répétition qui concernent la gestion du conseil général des Bouches-du-Rhône, géré par les socialistes. Cette fois, c'est le lucratif marché de la maintenance des 500 bâtiments du département qui est en cause. De forts soupçons de favoritisme, dénoncés en interne dès avril 2011, pèsent sur les quelques entreprises qui se partagent ce secteur.

C’est une coquille d’un sous-fifre du conseil général qui a révélé le pot aux roses. Chargé de rédiger l’estimation de prix d’un marché public de rénovation des collèges du département, un document confidentiel à l’aune duquel sont sélectionnées les entreprises candidates, un cabinet indépendant fait en 2010 une erreur de frappe. Voilà le prix du mètre carré de vitrage bradé à un euro, tout comme celui du mètre carré de teinte aluminium. Étonnamment, deux des entreprises de BTP candidates reprennent texto ces prix totalement irréalistes dans leur offre.

C'est un exemple parmi de nombreux autres, relevés début 2011 par des agents du conseil général, qui montre que certaines entreprises ont vraisemblablement eu accès aux estimations de prix du maître d’ouvrage, faussant ainsi les marchés. Au vu de ce tableau explosif dressé en avril 2011 par ses services, Jean-Noël Guérini, le président PS du conseil général, n'a pu qu’alerter le procureur de Marseille sur de graves soupçons de favoritisme. Mais la procédure, curieusement, n'est pas remontée jusqu’aux oreilles des élus.

La justice et le conseil général semblent avoir décidé qu'il était urgent d’attendre. Saisi il y a un an et demi, le procureur de la République de Marseille indique qu’une « enquête préliminaire est toujours en cours et a été confiée à la police judiciaire ». Du côté du conseil général, si quelques marchés manifestement entachés de favoritisme ont été annulés, des entreprises soupçonnées ont remporté d’autres appels d’offres similaires et continuent à travailler pour la collectivité.

Dans son offre de 2009, une entreprise propose ainsi des prix dont l’écart avec les estimations du maître d’ouvrage (qu’elle n’est pas censée connaître) est systématiquement le même, pile dans la fourchette demandée par le conseil général. Constaté sur plusieurs centaines de prix, cet exploit n’a cependant provoqué aucune réaction du conseil général qui a gardé sans broncher ce fournisseur très bien informé.

Ces soupçons portent tous sur des marchés à bon de commandes (MBC), une technique d’achat public pratique en cas de travaux urgents mais également très coûteuse, dont le conseil général use et abuse pour la maintenance de ses 500 bâtiments. Contrairement aux marchés globaux à prix forfaitaire, il est impossible de connaître le coût du marchés à bons de commandes lors de leur attribution. C’est au fil des besoins de la collectivité que les bons de commandes sont exécutés.

Ces marchés sont normalement réservés aux cas où les pouvoirs publics ne peuvent pas anticiper la survenance du besoin et les quantités nécessaires. Par exemple dans le domaine du bâtiment, pour des urgences : dépannage d’une chaufferie, réparation d’une fuite d’eau, etc. Ils sont surtout très appréciés des élus et directeurs d’établissement du fait de leur réactivité.

Mais selon un audit réalisé en janvier 2012 par un cabinet parisien, le Conseil général fait un usage très excessif de ces marchés en les utilisant pour des « opérations programmées » ainsi que « des travaux (…) qui relèvent davantage de la réparation lourde, voire de la réhabilitation ou de la construction, soit de dépenses d’investissement plus que de fonctionnement ».

Le remplacement des systèmes incendies des collèges, dont l’obsolescence est pourtant prévisible, passe ainsi systématiquement par des marchés à bons de commandes. Et systématiquement depuis dix ans, c’est également la même entreprise (Sphinx), par ailleurs soupçonnée d’avoir bénéficié de favoritisme, qui les remporte. Et se goinfre : 6 millions d’euros entre 2003 et 2011 selon l’audit.

 

Des entreprises très influentes

Il y a en effet des affaires à faire sur la maintenance des bâtiments du conseil général : l’ardoise annuelle s’élève à près de 40 millions d’euros ! Mais, selon un document interne à la collectivité, « la pratique démontre que les urgences représentent pour une année (…) moins de 5 % de son budget ».

Mieux, selon le même document, le choix d’une mise en concurrence par des marchés à procédure adaptée (Mapa), ou marchés forfaitaires, « étendue à l’ensemble des travaux programmables, permettrait de manière évidente de générer une économie de 5 millions à 10 millions d’euros ». Les exemples d’économies possibles ne manquent pas. La facture de la piste d’athlétisme d’un collège a ainsi fondu de 60 000 euros à 17 000 euros en passant d’un marché à bons de commandes à un Mapa.

Une différence (en partie) justifiée par une des spécificités des MBC : l’incertitude des quantités commandées. Pour s’y retrouver, les entreprises proposent des prix moins intéressants que sur les marchés forfaitaires. Exemple : en toute légalité, une toiture et un faux plafond de 450 m2 ont été facturés 250 000 euros au CG13. « Avec (cette somme), on construit une belle villa de 250 m2 ! » s’étrangle un technicien.

Pour éviter ce genre de mauvaise surprise, le conseil général de la Côte-d’Or a de son côté fait le choix de limiter ses marchés à bons de commandes. « Dans la mesure du possible nous ne pratiquons pas de MBC pour les travaux, (…) car c'est un très mauvais outil d’achat, explique ainsi la directrice de la commande publique du département Côte-d'Or. Les MBC octroient un privilège monopolistique à l’entreprise attributaire pendant une période très longue. On ne sait pas si au bout de quatre ans, on retrouvera ses concurrents ! »

Le conseil général du Var a, lui, adopté une autre stratégie : l’embauche de surveillants de travaux. « Ils contrôlent que ce qui est écrit dans le devis est mis en œuvre par l’entreprise, indique le directeur de l'architecture et des bâtiments du Var. Les surveillants sont pratiquement tout le temps sur le terrain, ils mesurent et contrôlent tout au cours du chantier, toutes les surfaces, etc. » Une expertise dont se passent les services des bâtiments du CG13. Résultat, le département du Var dispose du même nombre d’agents que celui des Bouches-du-Rhône pour gérer moitié moins de collèges.

L’absence de contrôle est cependant loin d’être la seule défaillance du CG13. Tout au long de ses 81 pages, l’audit de janvier 2012 pointe des dysfonctionnements plus ou moins curieux dans les services en charge de la maintenance des bâtiments départementaux : quelques entreprises historiques qui définissent les besoins de la collectivité, une « fidélité » très forte de cette dernière réduisant d’autant la concurrence, des soupçons d’entente et de favoritisme, le manque de compétences, l’inexistence de service dédié aux marchés publics, la sur-utilisation des avenants sur les marchés en cours, etc. Une manière très pudique de s’interroger sur la sincérité de la concurrence et une possible organisation de l’incompétence du service ?


Certains agents l’ont fait. À leurs dépens. Lorsqu’ils ont tenté de remettre de l’ordre et ont dénoncé des facturations plus que curieuses (une porte coupe-feu facturée trois fois les prix fournisseur ou la facturation de prestations non comprises dans le marché par exemple), les entreprises n’ont pas vraiment apprécié l’initiative. La fédération du bâtiment des Bouches-du-Rhône a protesté auprès du directeur de la construction, de l’environnement, de l’éducation et du patrimoine, Gérard Lafont. Ce dernier est depuis passé à la tête de 13 Habitat, bras armé du département en matière de logement social et cœur du système clientélisme mis au jour par l’instruction du juge Duchaîne.

Selon nos informations, Gérard Lafont a menacé en février 2011 de déplacer les agents qui avaient remis en cause l'usage des MBC et leur a imposé de continuer à travailler exclusivement en marchés à bon de commandes.

C’est certainement une coïncidence si le président de la fédération du BTP 13 n’est autre que le PDG de Climatech, une maison spécialisée dans les travaux d’installation thermique et de climatisation particulièrement appréciée du CG13. Entre 2003 et 2011, elle a été la principale bénéficiaire de ses MBC avec 17 marchés pour un montant total de 7,4 millions d’euros. Cette même année 2011, l’entreprise et son dirigeant ont reçu le second prix « valorisant les entreprises qui ont fait preuve de qualité exemplaire ». Prix créé par… le conseil général des Bouches-du-Rhône et la Fédération du BTP 13.

Aux dernières nouvelles, si une mission de conseil est en cours, à part quelques petits aménagements dans la passation des MBC initiés au début de l’audit et l’exfiltration de Gérard Lafont, rien n’a changé.

 

Contacté, le conseil général a répondu ne pas apporter « de commentaires sur les instructions judiciaires en cours ». Également contactés, Gérard Lafont et l'ancien conseiller du président de la fédération du BTP des Bouches-du-Rhône et fondateur de Climatech n'ont pas répondu à nos sollicitations.

Mediapart s'est associé pour réaliser cette enquête avec le journal satirique de la région Paca, le Ravi. Petits moyens, diffusion d'environ 5 000 exemplaires par mois et grosse ambition éditoriale, le Ravi fête son 100e numéro en octobre.

 

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