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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 21:14

 

Ce qu'il a dit :

"Nous avons le coût du travail le plus cher en Europe et nous produisons 44 % de notre production en France, donc il faut baisser les charges qui pèsent sur le travail de manière massive."

Pourquoi c'est plutôt faux ? 

La France se classe certes dans le peloton de tête en matière de coût horaire du travail, mais elle reste moins chère que d'autres pays. Dans l'industrie automobile, le coût horaire est plus élevé en Allemagne qu'en France, selon l'Insee. 

Alors que le groupe PSA annonce un plan de 8000 licenciements et la fermeture de son usine d'Aulnay-sous-Bois, son patron, Philippe Varin, justifie ces suppressions de postes en invoquant le coût du travail, selon lui "le plus cher en Europe".

Or, si son argument n'est pas dénué de sens et si la question de la compétitivité française se pose, même pour la majorité, il est en revanche exagéré de dire que le coût du travail en France est le plus cher en Europe.

1/ Le coût horaire moyen du travail en France n'est pas le plus élevé d'Europe

Comment calcule-t-on le coût du travail ? Plusieurs méthodes existent. Le plus souvent, on utilise le coût horaire du travail. Cet indicateur additionne le salaire (y compris primes, épargne salariale etc) et les cotisations sociales acquittées par l'employeur, et les divise ensuite par le nombre d'heures travaillées.

Dans l'Union européenne, le coût moyen du travail était, en 2011, pour les entreprises de plus de 10 salariés, de 23,1 euros de l'heure, selon l'institut Eurostat, qui note de fortes disparités entre pays : de 3,5 euros de l'heure en Bulgarie, ou 7,1 euros en Pologne, à 44,2 en Norvège, par exemple. Avec 34,2 euros de l'heure en moyenne, la France est dans le groupe de pays au coût élevé, mais elle n'est pas la plus chère. Le Danemark est à 38,6 €, la Suède à 39,1, la Belgique à 39,3 €. L'Allemagne, avec 30,1 euros de l'heure, se situe au-dessous, mais reste dans le peloton de tête.


Ce premier indicateur donne donc plutôt tort à M. Varin : la France est le 5e pays en Europe en matière de coût du travail, l'Allemagne étant 8e.

2/ Dans l'industrie non plus, il n'est pas le plus élevé

Il faut néanmoins être plus précis : le coût du travail peut en effet varier fortement en fonction de l'activité économique, il faut donc le calculer par secteur. L'Insee a publié au printemps 2012 une enquête sur la question, en distinguant notamment le coût du travail en 2008 dans l'industrie manufacturière (dont l'automobile fait partie) et les services marchands.

Il en ressort que la France, avec 33,16 euros de l'heure, était légèrement moins chère de l'Allemagne (33,37 euros de l'heure) dans l'industrie. Elle se classait cinquième, derrière Belgique, Danemark ou Suède. Dans les services marchands, l'Allemagne retrouvait un avantage avec 26,81 euros de l'heure, contre 32,08 euros de l'heure en France. Mais Danemark, Belgique, Suède et Luxembourg se classaient devant la France en terme de coût horaire.

Encore une fois, impossible de donner raison à M. Varin, y compris dans le secteur précis de l'industrie manufacturière.

2/ Dans l'automobile non plus, on ne peut pas dire que le coût du travail français est "le plus élevé d'Europe"

Zoomons encore pour aller chercher le coût du travail dans l'industrie automobile. L'Insee l'évoque dans la même enquête... et explique une chose qui vient contredire totalement M. Varin : "Dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros. L’écart se montait à 49 % en 1996 et a donc diminué depuis. Néanmoins, il reste fort important, alors même que le secteur automobile  contribué dans une large mesure à la dégradation du solde commercial de la France."

En clair, un ouvrier automobile allemand coûte 30 % plus cher de l'heure que son concurrent français, selon l'Insee. Pourtant, alors que l'industrie automobile française périclite, son homologue allemande, elle, se porte bien mieux. Un "paradoxe" qui donne des arguments à ceux qui estiment que le problème principal n'est pas celui du coût du travail mais celui de la stratégie industrielle.

3/ L'Allemagne est l'exception en Europe, et la comparaison est donc biaisée

D'autres indicateurs viennent toutefois appuyer la thèse de M. Varin et d'une partie du patronat français, et notamment la comparaison avec l'Allemagne. L'institut COE-Rexecode, proche du patronat, a ainsi établi son propre indice de coût du travail, à partir de ceux d'Eurostat, qu'il pondère en intégrant jours de congés et RTT.

Selon cet indice, la France "décrocherait" en matière de coût du travail dans l'industrie, après avoir été au même niveau que l'Allemagne.

La thèse est souvent rappelée à d'autres égards. L'Allemagne a réduit ses coûts et mis en place depuis le début des années 2000 une politique de modération salariale très volontariste, qui lui a permis de se rendre très concurrentielle en Europe. Un exemple souvent repris en France.

Pourtant, il est à relativiser. Comme le rappelait l'économiste Olivier Bouba-Olga dans une note de blog fin avril, la comparaison masque d'autres phénomènes. Il prenait pour référence une étude de l'institut Carnegie, évoquant le "décrochage" de la France face à l'Allemagne au niveau cette fois du "coût unitaire du travail" : combien coûte un salarié par rapport à ce qu'il produit. Un indicateur qu'on calcule en fonction d'un point d'indice de référence.

L'institut Carnegie produit un graphique montrant le "décrochage" franco-allemand, résultat en grande partie de la modération salariale allemande, qui a conduit à une diminution du coût unitaire du travail entre 2005 et 2008 :

Mais, comme il le rappelle ensuite, ce comparatif n'est valable que pour l'Allemagne seule. Il suffit d'élargir la comparaison à d'autres pays pour le constater :

On le voit, la France reste dans la moyenne à la fois de l'OCDE et de l'Europe. C'est l'Allemagne qui fait figure d'exception.

Comme le rappelait Le Monde, d'autres économistes pourtant proches du patronat, notamment issus de l'Institut de l'entreprise, font le même constat : "Il convient de souligner les limites de la comparaison avec l'Allemagne (...) c'est l'Allemagne, et non la France, qui fait figure d'exception en Europe, puisque l'évolution du coût unitaire du travail est restée en France en ligne avec la moyenne européenne."

Samuel Laurent


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