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1 août 2011 1 01 /08 /août /2011 22:30
Ce qui nous attend est bien pire que Big Brother

Interview du président de la CNIL (Commission Informatique et Libertés) également sénateur divers droite et ancien membre du RPR...

Certains estiment que le recours massif aux nouvelles technologies n’est pas à craindre, dès lors qu’on n’a personnellement rien à se reprocher. Que leur répondez-vous ?

A. T. : Quelle naïveté ! Tenir un tel discours revient à confondre intimité et innocence. Il faut préserver son intimité, quand bien même on est irréprochable ! Nous devons pouvoir aller et venir sans être tracés, pistés, contrôlés. Qu’adviendra-t-il de notre liberté d’expression si nous sommes en permanence épiés et jugés pour des propos tenus en privé ? Resterons-nous spontanés, si nous n’avons plus jamais la certitude d’être seuls ?

Nos concitoyens critiquent volontiers la multiplication des fichiers de police, tout en mettant librement en ligne, sur les réseaux sociaux, nombre d’informations les concernant. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

A. T. : Lorsque j’ai pris la tête de la Cnil, il y a sept ans, la multiplication des fichiers régaliens à la suite des attentats du 11-Septembre me préoccupait au premier chef. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une autre ère : celle du fichage de masse et du « flicage ludique », si je puis dire. Les gens diffusent spontanément un tas d’informations sur eux. Aujourd’hui, un citoyen est forcément fiché quelque part, et souvent sur de multiples bases. Peut-être seront-elles interconnectées un jour ? Cette transparence, c’est le rêve des multinationales : elles espèrent bien tirer profit de nos profils. C’est une forme de Big Brother convivial… Mais revenons au paradoxe que vous pointiez du doigt : les objectifs des réseaux sociaux et des fichiers de police diffèrent fondamentalement, mais leurs effets sont analogues, puisque tout le monde sait que les personnels de police voient en Internet une mine d’informations. Au final, les citoyens doivent vraiment se créer une conscience numérique, comme ils se sont petit à petit forgés une conscience écologique.

N’est-il pas un peu exagéré de comparer les dérives actuelles au Big Brother d’Orwell ?

A. T. : Mais ce qui nous attend est bien pire ! Car Big Brother était un système centralisé, on pouvait se rebeller contre lui. Or, aujourd’hui, nous assistons à la multiplication des nano-Brothers (capteurs, puces électroniques dans les cartes et les portables). Ce sont là des outils de surveillance multiples, disséminés, parfois invisibles. Ils sont donc bien plus difficiles à contrôler. On ne sait pas qui collecte les données, ni dans quel but, ni pour combien de temps. Prenons l’exemple des puces RFID – qui permettent aujourd’hui de géolocaliser les marchandises. Leur usage va probablement s’étendre. À terme, les individus consentiront sans doute, eux aussi, à être tracés en permanence. Nous allons assister à un développement "métastasique", si je puis dire, massif et pernicieux, des puces électroniques. Par sécurité et par confort, nous consentirons exceptionnellement à être pistés lors de nos vacances aux sports d’hiver. Et ce, afin d’être secouru rapidement en cas d’accident. Petit à petit, nous ne nous en passerons plus...

Alex Türk : «Ce qui nous attend est bien pire que Big Brother»

Le sénateur, Alex Türk, plaide pour un « droit à l’opacité » et appelle ses concitoyens à se mobiliser contre les dérives du traçage généralisé (1)

Avec cet article

Les technologies numériques (biométrie, vidéosurveillance, géolocalisation) nous offrent une sécurité renforcée tout en empiétant sur nos libertés individuelles. Comment, concrètement, la Cnil arbitre-t-elle entre les deux ?  

 Alex Türk (2) :  Aucune technique n’est bonne ou mauvaise en soi, seul l’usage qu’on en fait peut être préoccupant. Ainsi, lorsque la Cnil doit se prononcer sur la mise en place d’un nouveau dispositif intrusif, elle évalue toujours de façon concrète les enjeux spécifiques du dossier qu’on lui soumet. En général, plus la sécurité des citoyens est en jeu, plus nous consentons à l’installation de tels dispositifs. Ces dernières années, par exemple, nous avons validé la mise en place de contrôles biométriques au sein des aéroports. Le gain en matière de sécurité nous semblait en effet évident. En revanche, nous venons de refuser l’installation de technologies identiques au sein des cantines scolaires. C’était totalement déplacé.

 Certains estiment que le recours massif aux nouvelles technologies n’est pas à craindre, dès lors qu’on n’a personnellement rien à se reprocher. Que leur répondez-vous ?  

 A. T. : Quelle naïveté ! Tenir un tel discours revient à confondre intimité et innocence. Il faut préserver son intimité, quand bien même on est irréprochable ! Nous devons pouvoir aller et venir sans être tracés, pistés, contrôlés. Qu’adviendra-t-il de notre liberté d’expression si nous sommes en permanence épiés et jugés pour des propos tenus en privé ? Resterons-nous spontanés, si nous n’avons plus jamais la certitude d’être seuls ?

 Nos concitoyens critiquent volontiers la multiplication des fichiers de police, tout en mettant librement en ligne, sur les réseaux sociaux, nombre d’informations les concernant. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?  

 A. T. :  Lorsque j’ai pris la tête de la Cnil, il y a sept ans, la multiplication des fichiers régaliens à la suite des attentats du 11-Septembre me préoccupait au premier chef. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une autre ère : celle du fichage de masse et du « flicage ludique », si je puis dire. Les gens diffusent spontanément un tas d’informations sur eux. Aujourd’hui, un citoyen est forcément fiché quelque part, et souvent sur de multiples bases. Peut-être seront-elles interconnectées un jour ? Cette transparence, c’est le rêve des multinationales : elles espèrent bien tirer profit de nos profils. C’est une forme de Big Brother convivial… Mais revenons au paradoxe que vous pointiez du doigt : les objectifs des réseaux sociaux et des fichiers de police diffèrent fondamentalement, mais leurs effets sont analogues, puisque tout le monde sait que les personnels de police voient en Internet une mine d’informations. Au final, les citoyens doivent vraiment se créer une conscience numérique, comme ils se sont petit à petit forgés une conscience écologique.

 N’est-il pas un peu exagéré de comparer les dérives actuelles au Big Brother d’Orwell ?  

 A. T. :  Mais ce qui nous attend est bien pire ! Car Big Brother était un système centralisé, on pouvait se rebeller contre lui. Or, aujourd’hui, nous assistons à la multiplication des nano-Brothers (capteurs, puces électroniques dans les cartes et les portables). Ce sont là des outils de surveillance multiples, disséminés, parfois invisibles. Ils sont donc bien plus difficiles à contrôler. On ne sait pas qui collecte les données, ni dans quel but, ni pour combien de temps. Prenons l’exemple des puces RFID – qui permettent aujourd’hui de géolocaliser les marchandises. Leur usage va probablement s’étendre. À terme, les individus consentiront sans doute, eux aussi, à être tracés en permanence. Nous allons assister à un développement « métastasique », si je puis dire, massif et pernicieux, des puces électroniques. Par sécurité et par confort, nous consentirons exceptionnellement à être pistés lors de nos vacances aux sports d’hiver. Et ce, afin d’être secouru rapidement en cas d’accident. Petit à petit, nous ne nous en passerons plus…

 N’y a-t-il pas un hiatus entre, d’un côté, les délais très courts qui s’écoulent entre une innovation technologique et son application industrielle et, de l’autre, un temps juridique souvent long pour encadrer son usage ?  

 A. T. :  C’est vrai. Mais ce temps long, comme vous dites, est inhérent à la démocratie. On ne peut que se féliciter de vivre dans un pays où le Parlement prend son temps pour débattre et pour légiférer. Alors, c’est vrai, il existe un décalage considérable entre ce temps politique et celui de l’innovation. Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent à la Cnil que les ingénieurs me préviennent de la mise sur le marché de telle ou telle application et que, finalement, elle se fasse encore plus rapidement que prévu !

 Peut-on envisager à moyen terme un organe de régulation international dans ce domaine, une sorte de Cnil mondiale ?  

 A. T. :  Ce serait souhaitable, en effet. Mais, pour cela, il faudrait que les Américains et les Européens se montrent capables de réelles convergences. Or, pour l’heure, nos conceptions divergent grandement… Notre rapport aux réseaux sociaux est, à cet égard, tout à fait emblématique. Pour nous, les données personnelles sont des attributs de la personnalité qui méritent une protection spécifique, alors que, outre-Atlantique, on les considère comme de simples biens marchands.

(1) Alex Türk est président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)

(2) La Vie privée en péril, des citoyens sous contrôle,  Odile Jacob, 2011, 265 p., 19,90 €.

RECUEILLI PAR MARIE BOËTON


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