Sept ministres à Bercy, c’est sans doute trop, surtout quand il n’y a pas de chef pour y mettre bon ordre. C’est l’organisation de Bercy qu’a souhaitée François Hollande. Le président de la République est donc le seul et unique responsable de cette cacophonie.
Ceci posé, il faut bien constater qu’une fois de plus, on a essayé, avec une mauvaise foi crasse, de politiser une affaire qui ne méritait pas de l’être, et ce, au prix de mensonges presque aussi gros que ceux qui les ont proférés. Reprenons :
Dailymotion appartient au groupe Orange dont l’Etat est actionnaire à 27%. Comment peut-on oser dire qu’en intervenant dans la vente de Dailymotion à Yahoo, l’Etat se mêle de ce qui ne le regarde pas ? Evidemment que cette affaire le regarde. Et plutôt deux fois qu’une si l’on considère que l’industrie numérique est un secteur hautement stratégique. On ne peut pas prétendre que l’Etat n’a plus, depuis des lustres, de véritable stratégie industrielle et lui reprocher en même temps de regarder de près ce qu’une entreprise dont il est actionnaire fait de ses pépites.
On eut d’ailleurs aimé que l’Etat intervienne avec autant de vigueur dans la stratégie de Renault … Les mêmes qui, aujourd’hui, accusent Arnaud Montebourg d’étatisme, voire de « collectivisme », autant dire de « soviétisme », sont d’ailleurs à deux doigts de supplier l’Etat de nationaliser les chantiers de Saint-Nazaire pour sauver l’emploi. Bonjour l’incohérence !
Imaginez, d’ailleurs, ce qu’auraient dit la droite, le Medef et les « pigeons » si l’Etat avait laissé Dailymotion s’envoler pour les Etats-Unis. Imaginez ce qu’auraient titré Le Figaro, Les Echos ou Valeurs Actuelles : Hollande pousse les riches à s’exiler pour échapper à un impôt confiscatoire ; Hollande incite les jeunes à partir pour trouver du travail : et, maintenant, Hollande oblige les plus belles entreprises françaises à quitter un pays qui entrave la liberté d’entreprendre…
Franchement, si Dailymotion avait été allemande, qui peut croire qu’Angela Merkel et son gouvernement l’auraient laissée devenir américaine ?
Troisième mensonge : la rupture des négociations avec Yahoo, lit-on, serait une catastrophe pour Dailymotion. Une catastrophe pour Dailymotion ou pour ses actionnaires qui, à travers cette opération, auraient assurément fait la culbute ? On apprend d’ailleurs que le groupe Vivendi (Canal +) et que Xavier Niel, propriétaire de l’opérateur de téléphonie mobile Free, sont intéressés par un tel partenariat. Pourquoi ces partenaires-là n’intéressent pas Orange et Daily Motion ? Bizarre, non ?
Dernière remarque : la plupart des médias ont souligné la violence des réactions du Financial Times et du New York Times à l’annonce de la rupture des négociations avec Yahoo. Thème de l’anathème : vous voyez, la presse américaine dit que les Français sont fous de renoncer à Yahoo, que décidément, on ne peut pas faire de business avec un pays dirigé par des socialistes…
Mais peut-être que les journaux américains savent, eux, ce que veut dire le patriotisme économique. Les médias américains savent, eux, à quel point il est important de défendre en toutes circonstances son pays, ses entreprises, ses dirigeants. Les médias français, on en est moins sûr !