Depuis le printemps, Mme B. est aux abonnés absents. Ses factures de gaz et d’électricité sont en souffrance au fond de sa boîte à lettres. Ce mercredi matin d’octobre, Laetitia Delalande, agent de médiation au sein de l’association Gleam, tente une nouvelle fois de la joindre au téléphone. En vain. M.L., lui, a un impayé de 88 euros. En fin de droits, ce chômeur est suivi par une assistante sociale. Lui décroche son combiné. "Ça y est, c’est réglé, s’empresse-t-il de répondre à la jeune médiatrice. J’ai envoyé un mandat."

Dans le bureau de Laetitia Delalande, agent de médiation au sein de l'association Gleam, à Laval. (Photo : Stéphane Lagoutte/MYOP, pour Le Monde)
Trois demi-journées par semaine, la jeune femme ou l’un de ses collègues tient la "permanence solidarité énergie" mise en place par le Gleam, une structure créée par des entreprises et des institutions en charge de services publics (transports en commun, énergie, habitat social…).
Dans un petit bureau, situé dans le centre communal d’action sociale (CCAS) de Laval, la jeune femme reçoit les clients des fournisseurs d’énergie en difficulté. Dans ses quelques mètres carrés, elle essaie de résoudre petits et grands problèmes, de la simple aide à l’ouverture d’un contrat à la négociation d’échéanciers pour payer une facture d’énergie et éviter la coupure.
Depuis ses débuts en 2009, les questions liées aux factures sont à l’origine de la plupart des visites ou des appels téléphoniques. Viennent ensuite les problèmes de contrat et, loin derrière, ceux liés à la consommation (réclamation, relevé de compteur, raccordement, etc.). Avec la crise, les difficultés se sont accentuées mais surtout le public a changé. "A notre lancement, nous avions plutôt des bénéficiaires des minima sociaux. Depuis un an, nous avons vu arriver des salariés, au smic ou à temps partiel, qui ne peuvent plus faire face à une grosse facture", explique Nicolas Lefoulon, le jeune directeur du Gleam.
Le relevé de "régularisation annuelle" d’EDF, GDF ou d’un autre opérateur, qui intervient après dix ou onze mois de prélèvement automatique, suffit désormais à faire plonger les petits budgets. "Si l’estimation de la consommation a été sous-évaluée, les personnes se retrouvent avec un supplément qu’elles n’avaient pas prévu et qu’elles ne peuvent pas payer", poursuit le responsable associatif.
Patrick Guillois, 45 ans, fait partie de ces usagers du Gleam. Par quatre fois, il s’est fait aider par l’association pour obtenir un étalement de ses impayés. Titulaire d’une pension d’invalidité, ce fan de Johnny Hallyday a pu ainsi sortir du rouge. Depuis, comme il l’explique, à chaque facture, il a le "réflexe Gleam". "Soit je peux la payer tout de suite, soit je vais voir l’association. Eux arrivent à discuter avec EDF et à négocier un délai ou un échelonnement. Si j’appelle directement, ça ne marche pas."

Titulaire d'une pension d'invalidité, Patrick Guillois s'est fait aider quatre fois par l'association pour étaler ses impayés. (Photo : Stéphane Lagoutte/MYOP pour Le Monde)
Entre deux rendez-vous, Laetitia Delalande fait aussi ce que l’on appelle ici de la "médiation sortante" pour EDF, un des partenaires de l’association. Chaque semaine, le fournisseur d’énergie lui transmet une liste de clients en retard de paiement. "Nous arrivons à contacter 70% environ des personnes, explique la jeune femme. Pour 30% d’entre elles, notre appel intervient alors qu’elles sont en cours de règlement. Pour ceux qui n’ont pas encore trouvé de solution, nous essayons de les accompagner soit en négociant avec les fournisseurs d’énergie des échéanciers, soit en planifiant des facilités de paiement, soit en les orientant vers des travailleurs sociaux…"
En 2011, l’association a ainsi réussi à établir 1500 contacts avec des clients en difficulté et estime que plus de 1000 coupures d’électricité ont pu être évitées.

Nicolas Lefoulon, directeur de Gleam, voit depuis un an des salariés au smic ou à temps partiel frapper à la porte de son association (Photo : Stéphane Lagoutte/MYOP pour Le Monde)
En amont de tout problème, la permanence est là aussi pour donner des conseils et faire de la prévention. "Certains usagers pensent encore que c’est au bailleur d’ouvrir le contrat", constate Laetitia Delalande, "ou encore que les coupures n’interviennent pas en hiver". Beaucoup ignorent aussi l’existence de tarifs sociaux, destinés aux ménages fragiles. Comme cette dame venue ce matin-là pour l’ouverture d’un contrat. Seule avec deux enfants, cette élégante mère de famille, titulaire de la CMU (couverture maladie universelle), est donc éligible pour le tarif de solidarité. Mais sa principale préoccupation semble d’être mensualisée. "Je préfère payer tous les mois ma facture, comme ça, on s’organise mieux", explique-t-elle.
Chaque année, plus de 500 personnes passent par la permanence de Laval. Dans le département, le Gleam assure deux autres points d’accueil à Mayenne et Château-Gontier. L’association a par ailleurs développé depuis mi-septembre un réseau de permanences numériques dans sept communes excentrées du département. Via des bornes implantées dans des lieux de services publics, les usagers peuvent entrer en contact, par visioconférence, avec un conseiller du Gleam. L’association espère ainsi aider des populations vivant en milieu rural et qui sombrent souvent en silence dans la précarité énergétique.
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