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23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 21:47

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Un été économique meurtrier (4/4). Les banques centrales ont-elles encore la main?

 |  PAR MARTINE ORANGE

 

 

Huit mille milliards de dollars ont été injectés dans le système monétaire depuis la crise de 2009 et l’économie mondiale ne repart toujours pas. Bien que leurs interventions risquent de nourrir la prochaine crise, les banques centrales sont prêtes à tous les expédients pour conserver la main.

 

Ce fut une rentrée éprouvante pour les banquiers centraux. En l’espace de trois semaines, tous – Mario Draghi pour la BCE, Janet Yellen pour la Fed, Mark Carney pour la banque d’Angleterre, Haruhiko Kuroda pour la banque du Japon – ont été contraints au même aveu : celui de leur impuissance. Plus de 8 000 milliards de dollars ont été injectés dans le système économique mondial depuis le début de la crise de 2008. Et en retour ? Rien ou presque. Le système économique mondial ne repart toujours pas.

 
Mario Draghi (BCE) et Janet Yellen (Fed) en août 2014
Mario Draghi (BCE) et Janet Yellen (Fed) en août 2014 © Reuters
 

La croissance mondiale, censée être dopée par cet apport massif d’argent, est toujours aussi faible. L’OCDE a revu ses prévisions à la baisse la semaine dernière pour tenir compte du ralentissement dans les pays émergents. Dans le même temps, le commerce mondial enregistre un revirement historique, chutant en volume de 2 % au cours des six derniers mois. Les pressions déflationnistes, entretenues par les ruptures technologiques et le ralentissement mondial, s’accroissent partout dans le monde.

Même dans les pays présentés en rebond, comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne, la reprise n’a pas été à la hauteur des attentes. Les salaires stagnent et la productivité n’a jamais été aussi basse. Aux États-Unis, l’économie est supposée avoir presque atteint le niveau du plein emploi, avec un taux de chômage de 5,1 %. Mais, dans le même temps, jamais le taux de la population active travaillant n’a été aussi bas depuis 1977 : il est à peine de 62,2 %. Plus de 94 millions d’Américains en âge de travailler ont disparu des statistiques officielles, semblant avoir abandonné – volontairement ou non – toute recherche d’emploi pour vivre du travail au noir et des aides sociales. Près de 15 millions de travailleurs américains se sont évanouis depuis la crise. 

Cette paupérisation des salariés américains se ressent dans les ventes de logements, d’automobiles ou même dans la consommation ordinaire. Car cette fois, il n’y a plus desubprimes ou de crédit à la consommation pour soutenir artificiellement une demande désolvabilisée par des salaires trop bas. Au fil des mois, les indicateurs stagnent, venant prouver la fin du rêve américain.

La situation en Europe n’est guère plus brillante. Après cinq années de crise de la zone euro, le continent arrive à afficher un redressement spectaculaire au deuxième trimestre : la croissance y a été de 0,4 % ! Il y a bien sûr des pays qui font mieux (1 % ou plus) comme la Lettonie, Malte, la République tchèque ou l’Espagne. Mais en dépit de son redressement, présenté comme le succès des politiques d’austérité européennes, Madrid n’a toujours pas retrouvé son niveau d’activité d’avant la crise et affiche un chômage de plus de 22 %.

Tous les autres affichent des progressions autour de 0,2 % et 0,5 %. Mais l’inquiétude la plus vive porte sur la France. Alors que la baisse du pétrole et celle de l’euro offrent une conjoncture historiquement très favorable, la deuxième économie de la zone n’arrive toujours pas à repartir. L’agence Moody’s vient de dégrader la note de la France, jugeant ses perspectives décevantes.

Lors de sa rentrée, le président de la BCE a dû à demi-mot reconnaître son échec. Depuis janvier, la Banque centrale européenne, passant outre le veto allemand, s’est lancée à son tour dans la voie des politiques non conventionnelles : chaque mois, elle rachète pour plus de 60 milliards d’euros d’emprunts d’État européens ou de titres liés à de grandes institutions publiques. En août, elle a encore accéléré le rythme des rachats, dans l’espoir de soutenir l’économie européenne. Début septembre, les chiffres sont tombés. L’inflation, le critère qui justifie la politique de la BCE, était encore en baisse : de 0,2 %, elle était tombée à 0,1 %. La menace déflationniste pèse plus lourdement que jamais.

D’autant que les vrais indicateurs de reprise sont toujours dans le rouge. La zone euro continue de souffrir d’un taux de chômage insupportable. Les statistiques officielles parlent d’un taux moyen de 11 % de la population active. Pour les jeunes, cela atteint 25 %. Mais, derrière ces chiffres, se cache un déclassement sans précédent de la jeunesse européenne, vivant de petits boulots, de travail précaire, de contrats « à zéro heures ». Comme aux États-Unis, une partie de la population active en âge de travailler est en train de s’évaporer, renonçant à chercher du travail.

À l’autre bout de la chaîne de l’économie réelle – car tout se tient –, les entreprises n’investissent pas. L’investissement productif n’a jamais été aussi bas. Les taux bas ne sont pas une incitation suffisante pour remplacer l’absence de débouchés suffisants, l’absence de consommation. En juillet, les crédits aux entreprises s’élevaient à 4 310 milliards d’euros, en baisse de 12 % par rapport à 2009, où ils totalisaient un montant de 4 880 milliards d’euros.

Instabilité financière

Le Japon se retrouve dans une position encore plus compliquée. Appliquant depuis 20 ans une politique de taux zéro et de relance monétaire, il se retrouve pris dans une trappe de liquidités inextricable. La croissance, minée par la déflation, tourne autour de zéro depuis des années. Le revenu moyen par habitant est tombé de 47 000 à 36 000 dollars entre 2011 et 2014.

Les députés japonais en viennent aux mains pendant la discussion du budget militaire le 17 septembre
Les députés japonais en viennent aux mains pendant la discussion du budget militaire le 17 septembre © capture d'écran france 24

En 2013, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a lancé son fameux programme économique, lesAbenomics, censé relancer l’inflation et l’économie japonaise, à coups de dévaluation monétaire, rachat de dettes par la banque centrale et de crédits. Deux ans plus tard, l’inflation est retombée à zéro, la dette publique dépasse les 250 % du PIB. L’épargne des particuliers a fondu comme neige au soleil et l’économie ne repart toujours pas. En juillet, le FMI a jugé que le niveau de la dette japonaise était insoutenable. La semaine dernière, l’agence Standard & Poor’s a dégradé le Japon, estimant que « la stratégie économique menée par le gouvernement n’était pas susceptible de renverser la situation dans les deux à trois années à venir ». En guise d’alternative, le premier ministre japonais semble prêt à avoir recours aux vieilles recettes utilisées dans les années 1930 : la relance par les dépenses militaires.

« Les politiques menées par les banques centrales peuvent être un lubrifiant pour la croissance. Mais elles ne peuvent pas être le moteur de la croissance », a averti dernièrement le gouverneur de la banque centrale de l’Inde, Raghuram Rajan. « La politique monétaire ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes », ne cesse de répéter Mario Draghi.

Dans une présentation, le 14 septembre, le chef économiste de la Banque des règlements internationaux, Claudio Borio, se montrait encore plus sévère. Pour lui, si les interventions des banques centrales étaient justifiées au début de 2008, elles ne le sont plus du tout aujourd’hui. Les politiques d’argent à taux zéro menées par les banques centrales deviennent même, à ses yeux, contreproductives. Elles n’ont pas permis de rétablir un environnement économique équilibré. Au contraire, après huit ans de création monétaire à tout-va, le monde se retrouve selon lui pris dans les « trois horreurs » : trop de dettes – elles ont augmenté de 57 000 milliards de dollars en sept ans, pour atteindre 199 000 milliards de dollars, soit 286 % du PIB mondial –, une productivité trop basse, et des marges de manœuvre trop faibles.

Surtout, insistait Claudio Borio, ces politiques successives ont engendré une instabilité financière dangereuse. Les politiques de soutien aux marchés inaugurées par Alan Greenspan, alors président de la Réserve fédérale, au moment du krach de l’automne 1987, ont engendré une succession de mauvaises allocations du capital, totalement capté par la sphère financière. Cela a nourri une succession de bulles chaque fois plus grosses, chaque fois plus destructives. Son discours, pressant les banques centrales de revenir le plus vite possible à des politiques monétaires plus responsables afin de juguler, pendant qu’il en est encore temps, l’instabilité financière, laisse deviner qu’il redoute le pire.

Des cycles financiers de plus en plus importants
Des cycles financiers de plus en plus importants © BRI

 

Un gérant de hedge funds, John Burbank, pourtant grand bénéficiaire du système mis en place, ne dit pas autre chose dans un entretien au Financial Times, critiquant cette politique d’argent facile, qui a tué toute notion de risque et créé des bulles d’actifs. « Ce sont les mauvaises personnes qui ont eu accès au capital – les pays émergents, les multinationales et de nombreuses entreprises cycliques comme les mines, l’énergie et en particulier celles travaillant dans les exploitations d’huile de schiste – et maintenant cela devient un problème majeur pour les marchés de crédit », dit-il.

Pourquoi les milliards injectés ne profitent-ils pas autant que prévu à l’économie réelle ? Pourquoi se dirigent-ils vers Wall Street plutôt que vers Main Street, comme disent les économistes anglo-saxons ? Interrogés sur les raisons de cette mauvaise transmission monétaire, les banquiers centraux assurent que leurs politiques ont permis de stabiliser l’économie mondiale. Si tout ne s’est pas passé comme prévu, c’est que le monde est devenu plus compliqué, plus interconnecté, expliquent-ils.

Pour de nombreux économistes, l’origine du problème est à rechercher ailleurs : dans la fin du compromis fordiste, qui avait assuré le succès des économies occidentales après guerre, et qui a été remis en cause par le capitalisme financier institué par le néolibéralisme depuis la fin des années 1970. Les quarante années de « grande compression », se traduisant par un partage grandissant de la valeur ajoutée et des richesses au bénéfice du capital et au détriment des salaires, ont abouti à un appauvrissement des classes les plus pauvres, à une destruction des classes moyennes et finalement de la consommation.

Un système à bout de souffle

Loin de corriger les déviances, les actions des banques centrales les ont au contraire confortées, permettant aux plus fortunés de renforcer leur pouvoir d’accumulation et de captation, disent nombre d’économistes. Selon les travaux des économistes Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, la concentration des richesses aux États-Unis en 2012 est comparable à celle qui prévalait en 1929. « L’accumulation de capital fictif – c’est-à-dire de dettes et de titres financiers – a repris de plus belle grâce au soutien des pouvoirs publics, aggravant encore par rapport à 2008 le hiatus entre, d’un côté, les capacités effectives de nos économies à générer des richesses marchandes supplémentaires et, de l’autre, les prétentions des détenteurs de capital fictif à prélever les richesses escomptées en temps et en heure, indépendamment du niveau d’activité économique.Ce hiatus est le trait central de notre époque. C’est lui qui détermine l’action presque désespérée des banques centrales pour garantir la stabilité financière, action dont la limite ne peut être que la remise en cause de la confiance en la monnaie elle-même », explique l’économiste Cédric Durand.  

Accusés d’avoir contribué à aggraver les inégalités, les banquiers se défendent d’avoir mené une politique en faveur du seul monde financier, du 1 % les plus riches. Un chiffre, pourtant, résume à lui seul l’état d’un système à bout de souffle : les grands groupes ont dépensé 2 500 milliards de dollars pour racheter leurs propres actions, depuis le début de la crise de 2009, selon une étude de Goldman Sachs. Profitant des taux zéro, certains d’entre eux ont trouvé plus judicieux de s’endetter pour racheter leur capital et rémunérer leurs actionnaires plutôt que d’investir. C’est sans doute ce que l’on appelle l’esprit d’entreprise.

Chute des taux et augmentation de la dette
Chute des taux et augmentation de la dette © BRI

 

« Le système est dans une impasse totale. Il n’y a que des dilemmes insurmontables. Il n’y a plus de relais à partir des pays émergents, plus de relais par la dette, plus de relais par la création monétaire », dit l’économiste Thomas Coutrot, qui redoute une crise majeure de la dette.

Alors que la Réserve fédérale a elle-même inoculé le doute, en parlant d’un nouveau ralentissement économique mondial, les financiers s’interrogent. Que se passerait-il si une nouvelle crise survenait, alors que les économies occidentales ne sont toujours pas remises de la crise de 2008, que les États ont épuisé leurs capacités de soutien ? Les banques centrales seraient-elles toujours à leur côté ? Pourraient-elles encore agir en tant que prêteurs en dernier ressort et garantir la stabilité du système, comme elles l’ont fait il y a sept ans ? Et cela aurait-il encore une efficacité ?

Devançant les attentes, Mario Draghi a déjà laissé entendre qu’il était prêt à augmenter les moyens d’action de la Banque centrale européenne et de monétiser plus de dettes encore, pour soutenir l’économie européenne. La banque du Japon, malgré l’échec de sa politique, semble prête elle aussi à poursuivre dans la même voie. La banque d’Angleterre paraît exclure désormais toute remontée prochaine de ses taux « au vu de la conjoncture internationale ».

À voir les idées et les travaux qui jaillissent de toutes parts, un sentiment de panique semble saisir les banquiers centraux. Ils semblent prêts à tout pour conserver la main. Lors de la dernière réunion de la Réserve fédérale, un des membres a voté en faveur d’une option  radicale : comme les taux zéro ne suffisent pas pour relancer l’économie, il faut étudier, selon lui, le passage à des taux négatifs. En soi, cela serait le signe d'un grave dérèglement, dynamitant le rapport de l'argent, du risque et du temps.

Poussant la réflexion plus loin, le chef économiste de la banque d’Angleterre, reprenant une idée qui circule dans le monde bancaire en ce moment (et pour cause), propose d'accompagner cette politique de taux négatifs par la suppression de la monnaie fiduciaire (billets et pièces utilisés chaque jour). Cette disparition serait le moyen d’éviter que les ménages ne transforment leurs dépôts bancaires en cash, explique-t-il, ce qui mettrait les banques à l'abri. 

Comment les responsables des banques centrales en arrivent-ils à agiter de telles idées ? La situation est-elle si grave qu'ils puissent envisager un seul instant de faire disparaître la monnaie physique ? À ce stade, l’État totalitaire ne serait pas loin. Ce serait aussi l'étape ultime de la captation du pouvoir monétaire par le monde financier, l'organisation de leur propre faillite.

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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