Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 15:41

 

Source : http://cadtm.org

 

CADTM

 

Le chantage de la BCE à l’encontre de la Grèce

3 mars par Antonio Sanabria

 

 

 

 

Pour saisir la situation dans laquelle se trouve actuellement la Grèce et les facteurs qui ont concouru au dénouement des négociations entre le gouvernement grec et l’Eurogroupe la semaine dernière, il est important de mesurer la pression exercée par la Banque centrale européenne. Dans l’article ci-dessous, Antonio Sanabria, économiste au CADTM, décrypte le chantage exercé par l’institution bancaire sur la Grèce.

Le 4 février dernier |1|, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu’à partir du 11 février 2015, elle cesserait d’accepter les titres de la dette grecque comme garanties ou « collatéraux » pour accorder des prêts aux banques, dans le cas où le programme d’ajustement ne se poursuivrait pas. L’organisme monétaire brandit l’argument technique suivant : jusqu’à présent, il pouvait faire une exception en acceptant comme garantie des titres de la dette publique grecque, qualifiés « d’obligations à haut risque » (junk bonds), sous réserve que la Grèce observe le programme d’ajustement de l’UE et du FMI, en vue de garantir la solvabilité de ses actifs. Selon la BCE, sans cet accord, ce régime d’exception toucherait à sa fin, de peur de mettre en péril l’ensemble de l’Union européenne.
Sous couvert de cette façade technocratique et derrière l’image d’une entité monétaire résolue à faire appliquer rigoureusement son mandat, la motivation réelle de la BCE est manifestement politique. Celle-ci outrepasse ses prérogatives et exerce un chantage patent en plein cœur du processus de négociations entamé par la Grèce, avec notamment ladite BCE.

Cette annonce laisse supposer que les banques grecques perdraient une source de financement de la BCE, même si cela ne signifie pas que cette dernière leur couperait entièrement les vivres. En effet, les banques pourraient toujours opter pour le mécanisme de déblocage de liquidités d’urgence (ELA, selon ses sigles en anglais) de la part de la banque centrale grecque, qui assumerait le risque. Toutefois, cette deuxième option pourrait également être mise à mal par un vote en ce sens d’au moins deux tiers du Conseil des gouverneurs de la BCE |2|. Même si cette éventualité serait difficile à concrétiser (d’autant plus si Varoufakis et Tsipras recueillent suffisamment de soutien lors de leur tournée européenne), elle reste de toute façon possible dans le cas où la Grèce ne suivrait pas le mémorandum. Quand bien même l’ELA demeurerait fonctionnelle, il serait difficile d’augmenter la fourniture de liquidités d’urgence aux banques grecques |3|. Selon certaines estimations, comme celle de la Deutsche Bank ces banques auraient besoin de prêts en liquidités d’urgence (ELA) à hauteur de 50 milliards d’euros à partir de la semaine prochaine.

Les banques grecques ne dépendent pas tellement de la dette publique comme source de financement ; dès lors, il n’y aurait pas directement de sérieuses répercussions. Ainsi, en décembre 2014, sur un total de 56 milliards d’euros prêtés par la BCE, un peu moins de 8 milliards l’auraient été grâce à l’utilisation des obligations comme garantie |4|.
En réalité, les entités bancaires grecques dépendent bien de l’assistance financière de la BCE mais via un autre mécanisme, bien connu en Irlande ou en Espagne : les obligations des banques garanties par l’État (connues en Grèce sous le nom de titres Pillar II et Pillar III). Cependant, en 2013, la BCE a annoncé |5|qu’elle n’accepterait plus ces titres à partir du 28 février 2015, justement à la date des nouvelles négociations pour le nouveau prêt accordé à la Grèce par l’UE et le FMI. Quelle coïncidence.

Il s’agit donc de mesures déjà annoncées il y a longtemps et connues du gouvernement actuel de Tsipras. Il convient dès lors de se poser la question suivante : pourquoi renchérir avec cette annonce si ce n’est pour renforcer la pression sur un gouvernement élu démocratiquement ?

Mettons en exergue deux éléments qui démontrent que la BCE exerce un chantage et outrepasse les limites de ses prérogatives.

D’une part, elle exerce une pression directe sur le gouvernement grec. Comme nous l’avons souligné, les banques ne dépendent pas tellement de la dette publique, mais l’État grec dépend lui de l’émission de titres (essentiellement des bons du Trésor à 13 ou à 16 mois) que lui achètent les banques grecques. Mais si ces dernières ne peuvent plus les utiliser comme garanties, elles n’ont plus aucun intérêt à en faire l’acquisition et l’État perd son seul acquéreur. Il faut préciser à ce sujet qu’entre janvier et septembre 2014, 42 % des émissions de la dette |6| grecque ont été effectuées par la vente de ces bons du Trésor. La pression est forte, le pays doit, en effet, honorer plusieurs paiements dans les mois qui viennent, comme les 2,5 milliards d’euros au FMI au cours du premier trimestre 2015 et une nouvelle fois cette somme au trimestre suivant. De même, entre juillet et août 2015, les bons à hauteur de 6,7 milliards d’euros acquis par la propre BCE arrivent à échéance.

D’autre part, le deuxième élément de chantage concerne l’effet de cette mesure dans le contexte actuel de tension. Il semble que, depuis décembre 2014, les retraits de dépôts se soient intensifiés dans les banques grecques, ce qui semble toujours d’actualité en janvier de cette année. Ce n’est pas simplement le fait des « riches » ni par ailleurs de la soi-disant panique d’un gouvernement « communiste » de Syriza. Il s’agit plutôt de la crainte que, d’une manière ou d’une autre, l’issue de cette crise se solde par la sortie de la Grèce de la zone euro, ce qui entraînerait par la force des choses une perte d’au moins une partie des épargnes, dévaluées en nouveaux drachmes. C’est ce qui c’était passé lors de l’épisode du « corralito » en Argentine en 2001 lors de la fin de la parité entre le peso et le dollar.

Ce deuxième élément de pression est important dans la mesure où il témoigne d’une attitude contre nature de ce que devrait normalement être le rôle d’une banque centrale. S’il y a bien une raison d’être pour une banque centrale, c’est de s’ériger en tant que prêteur de dernier recours. C’est une fonction qui a déjà été démontrée au moins depuis la publication de Lombard Street par Walter Bagehot dans les années 1873. En d’autres termes c’est son rôle en tant que « banque des banques » de fournir les liquidités nécessaires aux entités financières en cas d’urgence, en vue d’éviter des paniques bancaires dues à la crainte des épargnants de ne pas récupérer l’argent déposé sur leur compte. Mais actuellement, en lieu et place d’envoyer des signaux d’apaisement, la BCE attise de façon irresponsable les craintes du peuple grec. De quel de ses statuts se prévaut-elle pour agir de la sorte ? Nous avons bien peur que ce soit le même que celui qui a permis à Trichet en 2010 d’exiger des réformes structurelles aux gouvernements espagnol et italien, par exemple.

Et Francfort d’invoquer sa volonté d’éviter « l’aléa moral » d’un gouvernement grec qui profiterait de la BCE pour faire ce qu’il veut au détriment du reste de la zone euro. Mais cela n’est pas vrai et, de toute manière, cela ne relève pas de son ressort. Et surtout, cette même logique ne s’est pas appliquée lorsqu’il s’est agi de financer les banques européennes au bord de la faillite technique.

En fin de compte, l’annonce de la BCE ne représente pas de changement radical dans la position de négociation de la Grèce face à l’Eurogroupe. Sa position était déjà délicate auparavant et c’est d’autant plus vrai aujourd’hui. Pour la Grèce, une rupture radicale suppose un coût politique – la sortie de l’euro – et comporte un risque élevé d’entraver la gouvernabilité à court terme de l’exécutif de Tsipras. Mais si le gouvernement se plie sans broncher au chantage, il risque de s’aliéner un électorat qui n’a pas voté en faveur de Syriza pour que ce dernier continue dans le sillage de ses prédécesseurs ; tout cela sans compter la grande probabilité d’un éclatement interne du parti.

La BCE, pour sa part, envoie un sérieux coup de semonce, mais elle se fourvoie si elle pense que la sortie de la Grèce pourrait être une explosion contrôlée. Au contraire, une rupture de l’union monétaire, autoproclamée irrévocable, ne ferait qu’ouvrir les paris sur la prochaine sortie, ce qui engendrerait de fortes tensions financières, en particulier au Portugal et en Espagne. Précisément les deux pays dont les gouvernements actuels s’opposent le plus, de manière tout à fait absurde, aux propositions du nouveau gouvernement grec. Au milieu de tout cela, la possibilité d’autres voies de financement par la Chine ou la Russie (avec le conflit ukrainien en toile de fond) commence à s’entrevoir discrètement.

Il ne faut pas non plus oublier que les propositions d’une nouvelle restructuration proviennent du constat de l’échec des programmes d’ajustement structurel imposés par la Troika |7|, avec une dette impossible à rembourser |8| et une restructuration qui a été reportée de 2010 - quand la crise grecque a éclatée - à 2012, dans le but que les banques, notamment françaises et allemandes, réduisent le risque d’exposition au crédit et que la dette soit socialisée. Le gouvernement allemand affirme ne pas être prêt à faire payer les contribuables pour les excès grecs, mais ce n’est là que mensonge. Berlin ne veut pas reconnaître que la négociation est la facture ouverte du sauvetage de ses propres banques privées. Quels seront les prochains dénouements ?

Traduit par Marion Antonini

Notes

|1| Cf. le communiqué de presse de la BCE : http://www.ecb.europa.eu/press/pr/d...

|2| Le financement par le biais de l’ELA coûte de surcroît plus cher : 1,55 % contre 0,05 % pour le financement de la BCE. Concernant la législation de la BCE sur le mécanisme ELA, consulter le lien suivant : https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/o...

|3| Silvia Merler, « ECB Collateral Damages on Greece », publié par Bruegel le 5 février 2015,
http://www.bruegel.org/nc/blog/deta...

|4| Les données se trouvent dans l’article de Yiannis Mouzkis, « 2014 is not 2012 », publié dans Macropolis le 5 décembre 2014, http://www.macropolis.gr/?i=portal.... Voir à ce sujet l’article plus récent de Karl Whelan, « What’s Going On with Greece and the ECB ? It’s complicated… », publié dans Bull Market, le 1er février 2015, https://medium.com/bull-market/what...

|5| Cf. le communiqué de presse de la BCE du 22 mars : http://www.ecb.europa.eu/press/pr/d...

|6| Source : données officielles de la PDMA (Public Debt Management Agency) de la Grèce : http://www.pdma.gr/index.php/en/pub...

|7| Il existe de surcroît des éléments solides démontrant que ces plans d’ajustement sont en outre illégaux. Voir à ce sujet l’article de Renaud Vivien : « Pourquoi les programmes d’austérité imposés par la Troika sont illégaux ? », publié le 5 janvier, http://cadtm.org/Por-que-los-progra...

|8| Voir à ce sujet l’article de Costas Lapavitsas et Daniel Munevar, « Greece needs a deep debt write off », publié le 6 juin 2014, http://cadtm.org/Greece-needs-a-dee...

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22